Bike Check | Le Scott Spark RC 2022 de Nino Schurter

Par Olivier Béart -

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Bike Check | Le Scott Spark RC 2022 de Nino Schurter

Même s’il n’est plus aussi dominateur que par le passé, Nino Schurter vient de réussir un fameux numéro en décrochant un 9e titre de champion du monde cette année à Val Di Sole. Après le titre européen de son coéquipier Lars Forster, il s’agit du deuxième titre majeur pour le tout nouveau Scott Spark RC et sa suspension intégrée offrant 120mm de débattement. Lors de la présentation, nous avons eu l’occasion d’examiner en détails la machine de Nino Schurter en compagnie de Yannick The Mechanic.

Nous avons déjà eu l’occasion de vous présenter ce tout nouveau Scott Spark 2022 en détails, de vous livrer nos impressions au guidon, et même de partager avec vous le ressenti de 5 de nos lecteurs qui ont eu la chance de l’essayer. Mais ici, c’est d’un Spark très particulier dont nous allons vous parler : celui de Nino Schurter, sacré champion du Monde 2021 à Val Di Sole au terme d’une magnifique bagarre avec Mathias Flückiger.

Pour nous le présenter, nous avons pu compter sur la disponibilité de Yannick, le célèbre mécanicien de Nino Schurter, qui prend soin de chaque détail sur le vélo. Et nous avons aussi pu en discuter avec Nino Schurter lui-même pour voir ce que cette nouvelle évolution apporte par rapport à la précédente génération qui restait très performante malgré sa conception remontant à quasiment 5 ans.

Tout d’abord, écoutons ce que Nino a à dire à propos du passage sur ce nouveau châssis : « Pour moi, les gros changements, c’est au niveau de la géométrie et du débattement. Le précédent Spark était encore dans le coup, mais on sentait qu’on arrivait aux limites. On avait essayé de le passer en 120mm depuis un ou deux ans, mais ce n’était pas pareil et nous étions dans une configuration 110/100mm. Ici, on ne fait plus de concessions, de recherche de compromis. Le vélo est un véritable 120mm avec une géométrie engagée pour les descentes, tout en conservant le rendement de la génération précédente, voire mieux. Pour être devant, chaque détail compte, et sur les circuits très cassants et engagés que nous avons depuis plusieurs années, être rapide et serein et descente est un facteur de performance majeur. »  Bien sûr, le vélo ne fait pas tout dans la performance, mais vu comment s’est jouée sa victoire à Val Di Sole, ces propos tenus quelques semaines auparavant prennent tout leur sens…

Au niveau du cadre proprement dit, sous la peinture « team », on trouve les fibres HMX-SL les plus légères pour un poids annoncé de 1870g avec amortisseur intégré RockShox (les versions de série avec la déco team reçoivent le cadre en fibres HMX ou HMF pour un poids de 1990g ou 2150g). Aux Jeux Olympiques, Nino Schurter a utilisé une version spéciale baptisée « Supersonic » dont quelques exemplaires ont été disponibles à la vente (et très vite vendus).

Nous avons pu le constater par nous-mêmes et en le voyant à l’œuvre, Yannick veut de suite tordre le coup à un cliché : « Malgré l’intégration, il est beaucoup plus simple de travailler sur cette génération de Spark que sur la précédente. Avec la grande trappe devant le boîtier de pédalier, on a accès à tous les câbles et à l’amortisseur très facilement. C’est surtout pour la Durit de frein arrière et si on roule avec une tige de selle câblée que cela fait la différence. Au niveau de la douille de direction aussi, il faut un peu changer ses habitudes, mais on a vraiment de l’espace pour travailler et une fois qu’on a le coup de main on n’a jamais de mauvaise surprise avec un câble qui ne veut pas sortir. Nous avons été consultés très tôt lors de la phase de conception et c’est vraiment un vélo agréable à travailler pour un mécano. Sur les photos, on peut avoir un apriori, mais dès que les shops travailleront dessus, ils s’en rendront compte. »

Nino roule sur un cadre en taille M (il mesure 173cm) et pour retrouver la différence de hauteur selle-cintre lui permettant d’optimiser ses performances, un ensemble cintre/potence Fraser SL IC spécifique a été développé avec une potence de 90mm de long et un cintre recoupé à 700mm de large (contre 740mm d’origine). Lars Forster utilise le même combo, disponible à la vente en after-market, tout comme les versions -30 et -20° (le cockpit monté d’origine sur les nouveaux Spark de série a un angle compris entre -8 et -14° selon la longueur de potence qui va de 90 à 50mm).

Ce poste de pilotage permet d’amener les câbles de manière discrète vers la potence et la douille de direction, où ils plongent directement dans le cadre. Un support GPS est également intégré à l’ensemble. Vous aurez aussi remarqué un petit boîtier sous la potence : il s’agit d’un transmetteur Sram AXS pour la tige de selle télescopique. Nino Schurter utilise en effet un « blipper » de triathlon, intégré à sa poignée gauche, pour commander sa RockShox Reverb AXS en 100mm de débattement.

Les plus attentifs auront remarqué qu’en course, Nino Schurter n’utilise pas la Reverb AXS. Le team ne fait aucun commentaire officiel sur le sujet, mais en off, il se dit que même si Nino est désormais convaincu par le « dropper post » (qu’il a été un des derniers à adopter très récemment), le surpoids de la Reverb AXS reste fort important. Pas question d’installer une tige du grand rival Fox comme sur les vélos de série quand on roule dans un team Scott-Sram, et c’est donc une tige de la petite marque suisse YEP qui a été installée, avec une commande « 360° » placée (au chausse-pied) entre le blocage des suspensions et le levier de frein. Cette commande, qu’il suffit d’effleurer dans n’importe quel sens pour actionner la tige, n’a rien de révolutionnaire. Elle existait déjà il y a longtemps chez plusieurs marques, mais elle fait ici un retour en force, puisqu’elle séduit aussi Kate Courtney.

Un point important vous aura certainement sauté aux yeux : Nino Schurter n’a pas utilisé les spectaculaires roues Syncros Silverton SL tout en carbone, ni aux JO, ni pour conquérir son titre de champion du monde ; préférant des roues à rayonnage plus classique. Yannick nous explique : « Les pilotes ont le choix entre les Silverton SL ou les 1.0S. Toutes les deux ont des jantes en 30mm de large, ce qui est devenu la référence pour monter avec des pneus en 2.4 comme nous le faisons quasi systématiquement aujourd’hui, mais leur comportement est différent. Il n’y a pas une grosse différence de poids (1280g pour les SL et 1340g la paire pour les 1.0S), et c’est vraiment une question de feeling selon les parcours. »

De notre côté, nous avions vraiment beaucoup apprécié la première version à jantes de 25mm que nous avions eu l’occasion de tester car elles s’étaient montrées homogènes et pas du tout exigeantes comme on pourrait le craindre. Mais sur des circuits qui tapent fort, avec de grosses compressions, il semble que Nino trouve le retour des Silverton SL un peu violent et préfère le comportement un peu plus neutre des 1.0S. Vous le verrez donc encore avec les spectaculaires SL, mais tout est question de ressenti et d’efficacité, pas de diktat marketing qui l’obligerait à rouler systématiquement avec tel ou tel modèle. Et c’est tant mieux !

Au niveau des pneus, à part pour les conditions boueuses où du 2.25 est utilisé, la section de 2.4 semble s’imposer de plus en plus pour le XC de haut niveau, en combinaison avec des jantes de 30mm. « Les deux forment un tout, insiste Yannick. Il ne faut pas mettre des gros pneus sur des jantes étroites ou l’inverse, il doit y avoir une cohérence entre les deux. Et ces sections ont vraiment du sens sur des circuits qui sont limés par les multiples passages tout au long de la semaine, avec des roches et des racines affleurantes qu’on va essayer de survoler le plus possible tout en conservant du grip. Des pneus larges et faiblement cramponnés permettent d’avoir tout cela, avec une grosse capacité de déformation pour absorber les reliefs tout en procurant de l’accroche, et un dessin qui permet de conserver un excellent rendement. »

Ce que dit Yannick s’applique moins pour des bikers comme vous et nous, dans la mesure où nous roulons sur des terrains beaucoup plus variables, moins « limés » et prévisibles que sur une coupe du monde. Et nos tests ont déjà montré que des pneus de 2.4 peuvent donner la sensation de « flotter » dans certaines circonstances (sol humide/boue/présence de feuilles ou d’humus au sol, etc). Il n’en reste pas moins qu’en coupe du monde, ce choix est compréhensible, mais c’est un bon exemple de point sur lequel il ne faut pas nécessairement suivre tête baissée les choix des pros. En usage « quotidien », du 2.25 ou 2.3 avec un profil plus cramponné se montrera plus polyvalent. Dernier point sur les pneus : Nino roule avec une pression de 1.2/1.25 bars devant et 1.25/1.3 derrière dans ses Maxxis Aspen 2.4 Wide Trail dotés d’une carcasse spéciale 170Tpi ultra souple.

Au niveau de la transmission, le team Scott-Sram utilise sans surprise le XX1 Eagle AXS, ici avec la cassette « rainbow » en 10/50 strictement de série, tout comme le dérailleur. La commande sur le cintre est, elle, quasiment de série, avec simplement un petit ajout de matière sur la palette près de l’index afin de faciliter les changements de rapports avec ce doigt-là en plus du pouce.

A l’avant, les manivelles sont de série, mais greffées à un plateau/étoile monobloc Quarq qui fait office de capteur de puissance. Ce modèle, non disponible à la vente à ce stade, est plus précis que le modèle commercialisé car plateau et capteur ne font qu’un. Par contre, quand le plateau est usé, il faut tout changer. C’est le cas aussi sur le système de série sur route, mais en VTT, cela reste réservé aux pros. Nino utilise un plateau de… 38 dents en XC et monte jusqu’à 40 dents en short-track !

On voit aussi que, suite à l’arrêt du partenariat avec Ritchey, Nino utilise désormais des pédales HT dont la finition « oil slick » s’accorde bien avec celle de la cassette…

Les freins sont des Sram Level Ultimate entièrement de série, avec visserie « rainbow » en titane et disques flottants centerlock en 180mm devant et 160mm derrière.

Petit retour sur les suspensions, en 120mm devant comme derrière, donc. La fourche est une RockShox SID Ultimate à plongeurs de 35mm, avec 1 volume spacer et une pression d’air très proche des recommandations de série (15% de SAG). L’amortisseur Rockshox est une version spécifique pour le Spark, entre le SID et le Deluxe. Nino Schurter dispose toujours du fameux levier au guidon à trois positions qui fait la force du Spark avec ses modes ouvert/traction/bloqué.

Petit détail amusant au niveau du porte-bidon : les vis du deuxième support n’étant utilisées qu’en marathon et pas en XC, Yannick les bouche avec des vis en plastique qui servent à attacher les porte-bidons Topeak sur leur support de présentation en magasin.

Autre petite astuce qui a pas mal fait parler lors de la course très humide des Gets : pour éviter l’accumulation de boue sur le tube diagonal, certains mécanos (dont Yannick) le recouvrent de tape placé « en accordéon » avec de petites « ailettes » qui sont sans cesse en mouvement sous l’effet des vibrations.

Dernier point : le poids ! Tel que vous le voyez sur nos images (avec pédales et porte-bidon), nous avons pesé le Scott Spark 2022 de Nino Schurter à 10,55kg. Mais un confrère qui a eu l’occasion de peser la version utilisée à Val Di Sole pour le championnat du monde nous a parlé d’un poids de 10,44kg. Pas mal pour un 120mm avec gros pneus de 2.4 !

Pour poursuivre la lecture :

Le portfolio des championnats du monde XC de Val Di Sole 2021

La présentation détaillée du Scott Spark 2022

Nos premières impressions au guidon

ParOlivier Béart