Test | Lapierre Zesty & E-Zesty : naturel ou boosté, un cocktail toujours acidulé ! - En statique

Par Olivier Béart -

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Test | Lapierre Zesty & E-Zesty : naturel ou boosté, un cocktail toujours acidulé ! - En statique

 

Zesty et Spicy, un cadre commun

Les Lapierre Zesty et Spicy ont toujours partagé pas mal de traits et une même philosophie de conception. Mais avec cette nouvelle génération, la marque française est allée encore plus loin en basant les deux sur un seul et même cadre, entièrement en carbone. Mais n’allez pas croire que c’est si simple que cela, car en tout, il n’y a pas moins de 4 débattements et deux tailles de roues pour les différentes versions proposées.

Cette donnée de partage du châssis, et donc d’adaptabilité, a été prise en compte dès le début de la conception du cadre, et elle repose sur plusieurs éléments : un flip-chip à la base de l’amortisseur (à changer selon la taille de roues), un jeu de direction dont les coupelles asymétriques permettent de faire varier l’angle de direction quand on les retourne (aussi pour le passage 27,5/29) et l’amortisseur au standard métrique dont l’entraxe reste toujours le même, mais dont la course du piston varie entre 57,5, 60 et 65mm selon le modèle.

Attention, n’allez pas croire que vous pourrez jouer facilement de tous ces paramètres pour passer d’un Zesty à un Spicy ou d’une taille de roue à une autre. Théoriquement, c’est bien sûr possible, mais le nombre de pièces à changer (roues, fourche, amortisseur,…) est important et ce n’est pas vraiment dans cet esprit que le châssis a été conçu. Nous en reparlerons au chapitre géométrie, mais le 27,5″ a été avant tout prévu pour les petites tailles (S et M), qui disposent de 10mm de débattement en plus que la version 29″ (150mm contre 140 en Zesty et 170mm contre 160 en Spicy). Et tout ce dont nous avons parlé plus haut vise à conserver une même philosophie de géométrie en 27,5 et 29 ainsi qu’une hauteur de boîtier de pédalier similaire.

Bon, et à part le fait qu’il a été conçu pour deux plateformes, il a quoi de particulier ce châssis ? On remarque que l’amortisseur n’est plus en haut du cadre mais traverse désormais le tube de selle. Un gros travail a été fait pour obtenir non pas la rigidité maximale, mais la bonne rigidité, bien dosée, afin d’obtenir un comportement aux petits oignons sur le terrain.

Nous avons eu l’occasion de voir plusieurs prototypes de développement, qui permettent justement de mesurer l’ampleur de ce travail et les essais réalisés. On part de la mule en alu servant à valider la géométrie, jusqu’aux premiers cadres en carbone avec et sans pontet rigidificateur entre les haubans, avec différents types de fibres, épaisseurs, etc. Les deux versions, classique et électrique, ont bien sûr eu droit au même traitement, ainsi qu’à des développements spécifiques. Et c’est cela qui permet au final de donner au vélo une saveur, un comportement bien particulier.

Parmi les petits détails qu’on remarque quand on observe attentivement le cadre du Zesty, on note la présence d’une petite plaquette en plastique sous l’emplacement du porte-bidon, ainsi que d’une sorte de « sabot » sous le tube diagonal, près du boîtier de pédalier. Il s’agit en fait d’espaces de stockage. Le premier, sous les vis de porte-bidon, sert en principe à mettre la batterie d’une transmission Shimano Di2. Mais on peut aussi réussir à le détourner pour y faire tenir une cartouche de CO2 ou une micro pompe.

Quant au second, près du boîtier de pédalier, c’est un véritable espace de stockage baptisé LP Box. On se souviendra que Specialized a été le premier à doter un de ses vélos d’une telle « box », et c’est aussi la philosophie chez Lapierre : offrir la possibilité de placer élégamment un petit matériel de réparation sur le vélo. La mode n’étant plus au port de sac à dos, cela évite de tout « scotcher » sur le cadre façon bricolage. L’idée est bonne, mais le hic c’est qu’en pratique… ça ne l’est pas tant que cela ici. L’ouverture de la trappe n’est pas très facile, elle a tendance à s’encrasser assez vite vu sa position, et l’espace interne est finalement assez étriqué, de sorte qu’on peut tout juste y loger une chambre à air et qu’il faudra ruser pour y ranger d’autres choses. Bref, elle est là, elle ne gène pas, le couvercle fait office de sabot de protection de cette zone fort exposée et il est efficace dans ce rôle, mais ce n’est pas aussi abouti que chez Specialized par exemple.

On saluera par contre le travail effectué sur pas mal d’autres détails, comme par exemple le passage des câbles. Les entrées au niveau de la douille de direction sont magnifiques et pratiques, alors qu’au niveau de la zone amortisseur/boîtier de pédalier, Lapierre s’est bien sorti du casse-tête que cela peut représenter quand on a un tube de selle interrompu comme c’est le cas ici. Le cheminement du câble de la tige de selle télescopique par exemple, est un peu complexe mais finalement assez bien pensé.

E-Zesty, maxi châssis pour mini moteur

Même si on est heureux de constater qu’il partage vraiment le même aspect visuel que son frérot sans moteur, le Lapierre E-Zesty bénéficie d’un cadre tout à fait spécifique. Et bien qu’il ait un aspect plus massif et qu’il est aussi en carbone, il a été conçu pour être un poil plus tolérant et accessible que les Zesty/Spicy classiques, tout en gérant la contrainte du poids supplémentaire et du placement de l’ensemble moteur/batterie.

Même s’il s’agit d’un produit de niche, à classer quelque part entre un VTT sans assistance et un électrique classique, Lapierre semble avoir voulu destiner son E-Zesty à un public plus large, moins pointu et peut-être un poil moins en forme que les Zesty/Spicy. Un public qui veut avant tout du fun, du plaisir et pas un vélo qu’il faut prendre le temps d’apprivoiser.

Ici, pas de choix de la taille de roues, c’est du 27,5″ pour tout le monde. Exit donc le flip-chip, mais par contre le positionnement de l’amortisseur à la verticale, « dans » le tube de selle, demeure. Merci la compacité du moteur Fazua, car il aurait sans doute été impossible de conserver ce placement, et donc autant de similitudes avec le modèle classique, en présence d’un bloc moteur conventionnel type Shimano ou Bosch !

A propos de l’ensemble moteur/batterie Fazua Evation, c’est l’occasion de vous en dire un peu plus sur ce bloc qui est plutôt utilisé sur route ou en gravel jusqu’à présent (chez Pinarello ou encore Cube pour n’en citer que deux). Il est constitué de trois parties : un boîtier de pédalier connecté, doté d’un système d’engrenage et qui reste fixé sur le cadre en permanence ; puis le bloc moteur proprement dit, dans lequel vient prendre place la batterie. Ces deux dernières parties sont, elles, amovibles. (Voir ici pour plus d’informations)

Pour loger tout cela, le bas du tube diagonal est creusé et la batterie vient se clipser dans cet espace, par le bas. Le tube comporte une double paroi interne qui joue le rôle de renfort et dans laquelle prennent place les câbles et la Durit de frein. L’ensemble est bien guidé et tout est très propre. Par contre, le bouton permettant de sortir la batterie est fort dur, pas très agréable à manipuler, et l’opération ne se fait pas avec la facilité qu’on attendait.

Présence du moteur oblige, s’il n’y a pas de « boîte à malices » sous le tube diagonal, comme sur la version classique, le Lapierre E-Zesty offre par contre la possibilité de rouler sans la batterie et la partie supérieure du bloc moteur. On positionne un cache à la place et on gagne 3,1kg. Nous verrons plus loin dans notre test que, si cette possibilité est sympathique sur papier, dans la réalité, nous l’avons peu utilisée.

Au niveau de la commande au guidon, on dispose d’un modèle générique, utilisé par d’autres marques. Il n’est pas désagréable à manipuler, mais il est volumineux et on ne peut pas dire que son design fasse preuve de finesse. Les diodes sur la droite se colorent en fonction du niveau d’assistance sur lequel on se positionne (il y en a 4), et elles s’éteignent au fur et à mesure que la batterie se vide.

Cinématique

Même si le positionnement de l’amortisseur a changé, le Lapierre Zesty reste fidèle à une cinématique de type Four Bar Linkage (voir notre lexique pour plus d’informations sur les cinématiques). Qui a cependant beaucoup évolué, au point qu’on peut dire que sa philosophie de développement et de fonctionnement est très différente du modèle précédent.

Nicolas Vouilloz, multiple champion du monde de DH et connu pour être un fin metteur au point, explique : « Le CIR (centre instantané de rotation de la suspension ) part de l’avant vers l’arrière. Cela rend le vélo beaucoup plus joueur. C’est un peu comme si les bases étaient longues et se raccourcissaient à l’enfonce­ment. Donc le vélo se lève plus facilement, on ressort des virages en roue arrière, et c’est accentué par le fait que le link soit très petit, cela crée plus de variation de CIR. La courbe d’amortissement contribue aussi à cette sensation de légèreté de l’avant, car elle est assez pleine jusqu’à environ 75% de débattement, puis linéaire sur les 25 derniers. » 

La compacité du moteur Fazua a permis de garder la même base de suspension que sur la version classique, mais l’amortisseur est différent (Fox Float DPS contre Float DPX2) et de subtiles petites modifications ont permis d’adapter la suspension au programme électrique du vélo. L’idée est d’obtenir ici un vélo au comportement de suspension plus axé sur le grip et qui va plus coller la roue au sol, ce qui colle mieux avec les aspirations naturelles d’un vélo à 18kg.

Sur l’amortisseur, un indicateur de SAG bien pratique permet de régler assez facilement la bonne pression d’air dans l’amortisseur. On se situe autour de 27 à 30% de la course.

Géométrie

Sur le papier, le Lapierre Zesty est bien dans la tendance, avec un reach assez long (445mm en taille M, 470mm en L), un déport de fourche court, 66° d’angle devant. En pratique par contre, le taille M 29 » de notre essai était vraiment tout juste pour nos testeurs entre 175 et 178cm, mais ceux de 180cm ou un peu plus n’ont pas pu l’essayer car il était vraiment trop court pour eux et la sortie de selle pas suffisante. Attention donc au moment de l’achat, mais les préconisations de Lapierre dans ses tableaux de géométrie sont justes, et il vous suffira de les suivre à la lettre.

Rassurez-vous, quand on est dans la bonne cible de taille, les appuis tombent naturellement et on voit que Lapierre a pensé à beaucoup de petits détails. Dans le cadre du programme Fit, outre les formats de roues différenciés selon la taille (27,5 en S et M, 29 en M, L et XL), la marque a aussi prévu, entre autres, deux longueurs de manivelles, deux tailles de plateaux, des cintres de largeur différente et trois débattements de tige de selle. Bien vu !

Le E-Zesty est dans la même veine, avec une géométrie très proche du Zesty. Les différences se jouent en millimètres (reach de 443 en taille M) ou en demi degré (angle de direction à 65,5°). On relèvera la longueur des bases à 435mm, un record pour un vélo électrique, rendu possible une fois encore grâce aux mensurations du moteur Fazua.

Equipement et versions

Pour ce double essai, Lapierre nous a confié les modèles haut de gamme avec cadre carbone, baptisés 8.0 Ultimate et LTD Ultimate. Que ce soit sur le Zesty ou le E-Zesty, il n’y a rien à jeter. Roues carbone maison aussi jolies que bien montées, pneus Maxxis à carcasse Exo, suspensions Fox Factory, transmission Sram XO1 Eagle, c’est du tout bon à tous les étages. Il y a des composants maison aussi au niveau des tiges de selle télescopique et du poste de pilotage, mais rien n’est « au rabais ». C’est beau, bon et fonctionnel.

Seul un composant nous a fait « tiquer » sur chacun des vélos : il s’agit des freins Sram Guide de première génération sur le Zesty, capricieux et pas toujours assez puissants, et surtout des manivelles FSA carbone sur le E-Zesty. Le souci avec ces dernières, c’est qu’elles sont beaucoup trop longues. La faute à FSA qui n’a qu’un seul moule et qui fait juste varier le perçage du filet pour les pédales selon la longueur ! Même si, sur papier, on est à 170mm, le bout de la manivelle est à plus de 19cm du boîtier de pédalier. Bilan, on tape très régulièrement et parfois très violemment le sol. Inacceptable, voire même dangereux sur un VTTAE comme celui-ci et à changer d’urgence selon nous. Espérons d’ailleurs que Lapierre ne reconduira pas son partenariat avec FSA tant que la marque n’aura pas réglé ce souci.

On est dans le haut de gamme mais au niveau du rapport prix/équipement, il est très bien placé.

Côté budget, le Lapierre Zesty Ultimate est proposé au tarif très concurrentiel de 5499€. On est dans le haut de gamme mais au niveau du rapport prix/équipement, il est très bien placé. D’autant qu’en attendant la sortie des montages 2020 (qui ne devraient pas changer énormément), les 2019 voient leur tarif baisser et l’Ultimate est à 4899€ ! L’autre modèle carbone, le 5.0 Ultimate déjà très bien équipé, passe de 3599 à 3199€, et les modèles en alu sont  à 2299€ (2699€ prix plein) pour le 4.0 et 1849€ (contre 2199€) pour le 3.0. De vraies affaires !

Le Lapierre E-Zesty est pour sa part plus onéreux et aucune remise de fin de saison n’est prévue à son niveau, vu son caractère très spécifique. Le LTD Ultimate testé ici est à 7599€, ce qui le place pas trop mal par rapport à d’autres e-bikes équipés de manière similaire, mais la différence de prix par rapport à un Zesty sans assistance demeure importante. Le montage 9.0 Ultimate à 5999€ réduit l’écart en proposant toujours des équipements de qualité et peut s’avérer un bon choix pour réduire la facture.

Sur la balance, le Zesty affiche 13,14kg, ce qui n’en fait pas un vrai poids plume, mais nous verrons plus bas qu’il semble bien plus léger quand on le roule. Il faut aussi souligner qu’il est doté de ce qu’on peut appeler des « vrais pneus » renforcés et qui pourront résister à un usage hard. On pourra s’approcher des 12,5kg sans mal en optant pour des modèles plus XC si on roule sur des terrains peu exigeants de ce côté. Quant au E-Zesty, nous l’avons pesé à 18,41kg, ce qui est un bon score pour un e-bike, mais pour ne rien vous cacher on s’attendait à un peu mieux pour un hybride comme celui-là. Nous en reparlerons plus loin…

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ParOlivier Béart

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