Coulisses | Au coeur des EWS avec le Specialized Enduro Team

Par Paul Humbert -

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Coulisses | Au coeur des EWS avec le Specialized Enduro Team

Il y a des propositions qui ne se refusent pas, et encore moins un lendemain de podium. Lorsqu’on nous a proposé de nous glisser dans les coulisses de l’équipe Specialized Enduro, nous n’avons pas hésité à prendre la direction de Crans-Montana pour vivre l’avant-dernière manche des EWS au plus près des coureurs et du staff. Plongez-vous dans les coulisses de la coupe du Monde et découvrez le gros travail et les petites recettes qui se cachent derrière les chronos. 

L’équipe Specialized Enduro est née début 2021 et a fait renaître la présence de la marque californienne aux avant-postes sur les coupes du Monde d’Enduro. Managée par Matthieu Durand, l’équipe se compose du Français Kévin Miquel, du Néo-Zélandais Charles Murray, de l’Allemande Sofia Wiedenroth, d’Estelle Charles et de Francescu-Maria Camoin, eux aussi français. Dans le staff de l’équipe, on retrouve deux mécanos, Tom et Michel, Alexandra Marchal comme kiné et Romain du côté des réseaux sociaux et de la communication.

 

 

Pendant l’EWS de Crans-Montana, la quatrième manche de l’EWS-E dédiée aux e-bikes s’est glissée au calendrier et rallonge la semaine. Les pilotes se sont ainsi retrouvés dès le lundi soir dans la station valaisanne pour participer au « shakedown » le mardi. En marge du programme officiel, le « shakedown » permet aux pilotes de découvrir le terrain et de dérouler les jambes sur une piste non chronométrée. C’est également l’occasion pour les photographes et vidéastes de grappiller des images des pilotes roulant « pour le plaisir ». 

Le mercredi, place aux entraînements des VTTAE et au repos pour les autres pilotes. Du côté de l’équipe Specialized Enduro, seule Sofia Wiedenroth s’aligne sur l’épreuve. L’Allemande a fait de l’e-bike une de ses spécialités et on la retrouve sur différents championnats en plus des manches d’EWS-E. Nous l’avions d’ailleurs aperçue aux Gets lors des championnats du Monde de XC-VTTAE où elle a terminé 4ème.

 

 

Pendant la journée d’entraînements, elle est accompagnée d’Alex Marchal pour repérer les trois boucles et les neuf spéciales de l’épreuve. 

En parallèle de cette course se construisent, brique après brique, toutes les fondations qui pourront permettre aux athlètes EWS d’aller rouler au plus haut niveau.

jeudi

 

 

Après une journée d’entraînement sur les trois boucles de la course e-bike, Sofia s’élance sur les neufs spéciales de la journée. Trois passages au paddocks sont prévus pour permettre un changement de batterie pour les concurrentes.

 

 

Rapidement, Sofia prend la tête de la course. Sur les côtés de la piste, Estelle Charles, encore éloignée de la compétition après une commotion cérébrale l’encourage et nous guide. Romain est également présent le long des spéciales, il filme ce qui sera sur les réseaux sociaux de l’équipe le soir-même.

 

 

Sans un oeil sur les chronos, la pilote allemande de l’équipe Specialized n’était pas en confiance, déçue par certains de ses passages sur une des « power stage », ces spéciales faisant la part belle à la montée. Elle réalisera ensuite que la spéciale aura posé des problèmes à la majorité des autres concurrentes et qu’elle est en tête à l’arrivée de la spéciale.

 

 

À l’issue d’une grosse journée, Sofia grimpe sur la première marche du podium, et ouvre un week-end de course de la meilleure des manières pour son équipe.

 

 

Sous le stand, les deux mécaniciens de l’équipe ne chôment pas et préparent les vélos des pilotes pour le lendemain. Sur les plaques de cadre, on repère à nouveau le vélo de Sofia : si elle n’est pas trop fatiguée après sa course de VTTAE (sa priorité), elle pourrait s’aligner sur l’EWS.

 

 

Le soir, dans la salle principale de la grande maison où loge l’équipe, le champagne est débouché. Pas de débauche, mais une soirée qui réchauffe. Le reste ne sera que débats houleux sur les qualités de cuisinier de chaque membre de l’équipe et partage du programme du lendemain.

 

 

Les pilotes passent tour à tour entre les mains d’Alex pour une séance de massage, afin de s’assurer que chacune et chacun repartira le lendemain le plus frais possible au moment de se lancer sur les spéciales.

 

 

Autour de la table où tout le monde est rassemblé, on parle un mélange de français et d’anglais. Sofia, qui passe beaucoup de temps dans l’hexagone, navigue entre les deux langues, tout en s’assurant que chacun ait sa coupe de champagne remplie. 

Vendredi

 

 

On retrouve les pilotes au moment du petit déjeuner, quand les rayons de soleil percent au sommet des montagnes de Crans-Montana. On distingue les plus grands sommets des alpes, du Cervin au mont Blanc.

 

 

C’est la journée des entraînements. Celle où l’excitation et l’envie doivent se mêler à la méthode et au sérieux. Les pilotes partent reconnaître 3 spéciales, avec un passage par spéciale maximum. Sofia a pris sa décision, malgré la course de VTTAE, elle se sent suffisamment en forme et participera à l’EWS.

 

 

Sur les tracés, il est possible de s’arrêter et de remonter à pied pour retravailler certains passages, mais les créneaux horaires ne permettent pas d’apprendre le tracé par coeur. L’esprit de la discipline reste préservé.

 

 

Chaque pilote est toutefois équipé d’une caméra embarquée qui lui permet de se remémorer les passages clés et le rythme général de la spéciale.

 

 

À Crans-Montana, le tracé fait la part belle à la gravité et les remontées mécaniques sont utilisées pour 4 spéciales sur 5 au total. Les mécaniciens Tom et Michel partent avec les riders sur les spéciales. C’est leur manière de comprendre les ressentis des pilotes une fois de retour des entraînements et d’appréhender la variété du terrain.

 

 

Il n’y a pas une seule manière de travailler avec un pilote, nous apprennent Tom et Michel. Certains sont plus précis dans leur ressenti, d’autres sont adeptes des bruitages, mais tous ont leurs forces et leurs faiblesses. Leur style aussi et quand Charlie Murray a un pilotage très en force avec des gros impacts et des gros freinages, Kevin Miquel aura plus tendance à arrondir ses trajectoires et à absorber beaucoup des chocs, tout en pilotant avec un centre de gravité très en arrière.

 

 

Seule l’alchimie entre un mécanicien et son pilote peut permettre de concevoir un vélo parfaitement adapté à son pilote.

 

 

Du côté des réglages suspensions particulièrement, chaque pilote a une base qu’il connaît, mais cette dernière va évoluer au fil de la semaine. Côté « air », on ne touchera à cette valeur que dans des cas extrêmes, mais c’est surtout sur l’hydraulique que les pilotes vont faire évoluer leurs réglages. L’équipe est équipée des dernières Rockshox Zeb, que nous avons pu découvrir ici il y a quelques semaines : www.vojomag.com/test-nouveaute-rockshox-2023-on-change-tout/

 

 

 

Dans la caisse à outils de Tom, on retrouve un carnet contenant les réglages de ses pilotes. Pour Michel, tout est dans son téléphone.

 

 

Sur cette EWS en particulier, on roule assez peu, mais chacun prend un rythme qui sera le sien pour appréhender la course. Les quatre pilotes partent ensemble, mais Charlie ira beaucoup plus vite dans ses reconnaissances, quand Kévin passera plus de temps à retravailler certains passages.

 

 

En amont des pilotes, on retrouve Romain Mayet qui roule et filme les riders sur leurs passages. L’objectif principal de ces images est de communiquer sur les réseaux sociaux, mais Romain filme également les riders favoris pour que « ses » pilotes puissent analyser les trajectoires qu’ils empruntent sur les passages les plus problématiques.

 

 

De retour au paddock, l’ambiance reste légère, mais chacun a sa routine : les pilotes partent se reposer, se faire masser et « réviser » leurs images.

 

 

Le staff s’occupe également des courses et du repas du soir.

 

 

Du côté des mécanos, il n’y a pas de gros dégâts, mais une séance de nettoyage et de contrôle s’impose. Les vélos sont bichonnés, et démontés afin de s’assurer qu’il n’y a aucun point dur dans le travail du cadre, que la transmission est en ordre et que tout est bien graissé.

 

 

Du côté des suspensions, l’assistance « course » Sram/Rockshox est présente sur toutes les coupes du Monde et permet aux mécanos de s’affranchir du travail sur ces dernières. En pratique, les grosses révisions sont effectuées en début de semaine par les techniciens spécialistes, et les petites lubrifications sont réalisées par les mécaniciens de l’équipe.

 

 

Autre particularité sous la tente Specialized Gravity, Charles Murray est le pilote central du programme Rockshox « Flight Attendant », les suspensions pilotées électroniquement. Le pilote utilise les mêmes produits que ceux que l’on retrouve dans le commerce, sans réglage de compression haute vitesse externe, mais il s’est toutefois aligné pendant plusieurs courses avec un amortisseur Flight Attendant à ressort. À Crans-Montana, il était toutefois de retour sur le Rockshox Superdeluxe Flight Attendant « standard ».

 

 

Pour charger les différentes batteries AXS présentes sur les vélos, les mécanos se sont construit une centrale de recharge, en s’inspirant de celle qu’ils ont pu trouver sous la tente du team Specialized Racing de cross-country. Ils n’ont pas le même maillot, mais ils ont la même passion…

Samedi

 

 

Quand les pilotes ouvrent les yeux, il a neigé sur les sommets du Valais. Le samedi, c’est la journée de la Pro Stage : la première spéciale de la course, qui permet également de grappiller quelques points pour les 5 premiers pilotes et qui replace les plus rapides en dernière place à partir le lendemain.

 

 

Avant de se positionner face au chrono, une descente de reconnaissance et d’entraînement est prévue, selon les mêmes règles que lors de la séance de la veille : un passage uniquement.

 

 

En enduro plus que dans toute autre discipline, tout est affaire de compromis. Cela va des choix techniques sur son vélo à son équipement quand on sait qu’on va passer sur des terrains trempés par la neige jusqu’à la terre légère et sèche à l’approche de l’arrivée.

 

 

Pour Cecce, c’est ce qui fait le coeur de la discipline. En enduro, l’assistance est également limitée au strict minimum. Les cadres, roues et suspensions sont marqués au départ, et tout changement entraîne une pénalité. En dehors de ces pièces, il est possible de repasser par la case « paddock » pendant la course, mais les timings sont souvent trop serrés pour y arriver, et il faut se débrouiller seul. Dans le cadre du Specialized Enduro S-Works de Cecce, on retrouve une chambre à air, une cartouche et son percuteur, des mèches et un maillon rapide.

 

 

Une fois les reconnaissances terminées, les choses sérieuses commencent sur la Pro Stage. Le chrono le plus rapide est signé par Jack Moir en un tout petit peu moins de 7 minutes.

 

 

C’est du côté de Kévin Miquel que les yeux se tournent dans l’équipe. Le Français, après une saison 2021 très réussie, a eu du mal à retrouver son rythme tout au long de cette saison 2022. Devenu papa quelques mois plus tôt, il n’a pas su retrouver la recette « magique » pendant le début de saison, mais le pilote est définitivement de retour sur cette Pro Stage. Il termine 6ème.

 

 

En forme lui aussi, Charles Murray est 13ème. Cecce Camoin est 33ème. Chez les dames, Sofia Wiedenroth est 28ème.

 

 

Sous la tente de l’équipe, ça grouille. Les pilotes se retrouvent et échangent avec le reste de l’équipe. Les photographes et vidéastes des différents sponsors de l’équipe défilent pour créer un contenu différenciant à destination des athlètes, mais également de leurs clients. Tout le monde veut sa part du gâteau.

 

 

Après cette première journée de course bouclée, sans dégât, le ballet des mécaniciens reprend. Du côté de Matthieu Durand, le team manager, il est important que la mécanique reste bien huilée : celle des vélos, mais également celle de l’équipe. Tout le monde doit trouver son temps de repos, de quoi récupérer convenablement, tout en maintenant une ambiance légère. 

Dimanche

 

 

Il fait beau mais froid sur les sommets. La neige a fondu et le grip est parfait pour la dernière journée des EWS de Crans-Montana. Avant de filer en direction des spéciales, on glisse une nouvelle fois la tête sous la tente de l’équipe.

 

 

En attendant l’arrivée des pilotes, l’ambiance est détendue, la machine a café est chaude et les mécanos travaillent sur les vélos. Arrive ensuite Kévin qui, après un petit tour de vélo (le début de sa seconde journée n’est prévu qu’en fin de matinée) confirme un changement de pneu de dernière minute. Il échange sur ses ressentis et c’est Michel qui s’attèle à transformer ces ressentis en réglages sur son vélo.

 

 

Pour les pilotes, les enjeux de la journée sont simple : conserver leur énergie, ne pas se faire piéger par le froid et être au maximum de leurs capacités dans les spéciales.

 

 

Pour le reste de l’équipe, le travail est fait, et il ne leur reste plus qu’à s’agripper à leurs téléphones pour suivre le classement en temps réel. Pour les mécanos, il faut encore se tenir prêt en cas de réparation d’urgence.

 

 

Au départ, les pilotes s’échauffent avant de s’élancer face aux montagnes. Les départs des spéciales 2 et 4 se font sur des crêtes roulantes, mais très physiques car peu pentues.

 

 

Rapidement, les 4 pilotes enchaînent les chronos sur un terrain très sec et cassant. Le profil de la course nécessite une grosse capacité à encaisser les chocs et le dénivelé important.

 

 

Chacun à leur niveau, les quatre pilotes ont réalisé une course très régulière. On remarque même la quatrième place de Charles Murray sur le dernier chrono de la journée.

 

 

Accrochés à la barrière de la raquette d’arrivée, on retrouve Matthieu et les mécanos. Ils regardent, fébriles, les dernières mètres de leurs pilotes sur l’écran de la place centrale de Crans-Montana avant de les voir apparaître sur la passerelle les menant au chrono.

 

 

Sofia termine 28ème. Le top 30 des hommes s’élance juste ensuite. Particularité de l’enduro, c’est l’accumulation des temps des spéciales qui désignera le pilote le plus rapide, et pas la seule dernière descente.

 

 

Kévin s’installe toutefois en tête pendant un bon moment.

 

 

Derrière lui, Cecce termine, satisfait, à la 28ème place. Arrive ensuite Charles qui réalise tout simplement sa plus belle performance sur une EWS.

 

 

Dans la raquette d’arrivée, les deux pilotes se félicitent, sincèrement heureux pour leurs performances respectives.

 

 

Arrivent ensuite les deux favoris de l’épreuve : Jack Moir et Martin Maes, en forme depuis le début de la journée, qui prennent les deux premières places.

 

 

Toute l’équipe Specialized Enduro se rassemble autour des pilotes, les yeux sont brillants, les sourires sont francs. Les autres concurrents viennent féliciter les pilotes. On ressent dans leurs échanges un véritable sentiment d’accomplissement. Celui du travail individuel et collectif bien fait.

 

 

Avant un dernier moment d’émotion face aux photographes et aux spectateurs sur le podium, on retrouve l’équipe comme on l’a rencontrée en début de semaine : simple et sincère. Au sein d’un si grand groupe apparaissent d’évidentes différences culturelles, des tempéraments différents, mais tous s’accordent pour vivre ensemble au rythme d’un collectif qui traverse des moments difficiles comme des moments de grâce comme nous avons pu le vivre à leurs côtés.

 

 

Avant de partager un repas et une dernière soirée puis de reprendre la route, quoi de mieux qu’un apéro au champagne en grimpant sur le podium des équipes ? 

Nous remercions l’équipe Specialized Gravity et Sram de nous avoir ouvert les portes de leurs structures de course pendant l’EWS de Crans Montana. Pour en savoir plus, vous pouvez retrouver : 

ParPaul Humbert