Portfolio | World Cup XCO 2023 #7 et #8 : deux dernières danses

Par Léo Kervran -

  • Staff pick

  • Sport

Portfolio | World Cup XCO 2023 #7 et #8 : deux dernières danses

Après 4 mois à sillonner l’Europe, la coupe du monde de XC faisait ses valises pour un grand final en deux étapes de l’autre côté de l’Atlantique, d’abord à Snowshoe (USA) puis au Mont-Sainte-Anne (Canada). Couleurs automnales, météo joueuse, batailles pour le classement général et premières victoires, cette tournée nord-américaine nous a offert tout ce qu’on pouvait lui demander ! Avant d’entamer la coupure hivernale, replongez-vous une dernière fois dans l’ambiance avec notre grand portfolio :

Des cailloux et des racines

Quel plaisir de revoir des beaux circuits avec de longues sections naturelles, des racines et des cailloux ! Après l’atypique circuit des Gets qui enchaîne les sections artificielles (remontée sur une piste de verte de bikepark, tout le bois en haut de parcours, la descente du 4X, le pierrier avant l’arrivée) et surtout le parcours des JO de Paris, découvert en septembre à l’occasion du Test Event olympique (lire Test Event Paris 2024 | Reconnaissance du circuit des Jeux Olympiques), les tracés de Snowshoe et Mont-Sainte-Anne font du bien.

Qu’on se comprenne bien, on peut tout à fait admettre que le circuit olympique soit plaisant à rouler et on ne cherche pas à tirer sur l’ambulance : avec les contraintes qui leurs étaient imposées, Yohann Vachette et l’équipe de Bike Solution ont clairement fait de leur mieux. A ce sujet, on vous conseille d’ailleurs d’écouter notre podcast sur la conception de ce parcours : Lunch Ride | Yohann Vachette : concevoir la piste XCO de Paris 2024 

Néanmoins, entre un parcours bikepark, un autre recouvert de gravillons blancs pour le rendre praticable et des tracés qui mêlent terres, racines et belles dalles de roche, notre choix est (vite) fait. Côté spectateur, un circuit qui fait la part belle au naturel est tellement plus plaisant à regarder !

Côté sportif, c’est aussi intéressant : le VTT, ce n’est pas que de la technique en descente, il faut aussi savoir gérer son adhérence et ses trajectoires en montée. Et à Snowshoe, c’est peut-être là-dessus (entre autres) que se sont joués certains podiums, chez les hommes comme chez les femmes ! Une glissade sur une racine au mauvais moment pour Haley Batten, une erreur de Nino Schurter au même endroit qui bloque plusieurs de ses concurrents…

Oui, cela peut tomber dans l’excès : au Mont-Sainte-Anne, les pluies de la nuit et d’une partie de la journée ont rendu plusieurs sections en montée presque impossibles à passer sur le vélo et par moment, on aurait pu croire assister à un drôle de cyclocross extrême. Mais à côté de ça, le spectacle que nous ont offert les pilotes à l’aise dans ces conditions, à l’image de Loana Lecomte, Jenny Rissveds ou Mathias Flückiger, est quelque chose qu’on ne peut voir nulle part ailleurs, et rien que pour ça, ça valait le coup !

Loana Lecomte, tout pour les JO ?

A Snowshoe, Loana Lecomte a roulé sur un semi-rigide. Ça ne paraît peut-être rien mais en réalité, c’est une petite révolution. Depuis ses années sous les couleurs de Massi (à partir de 2017), la Française a toujours roulé en tout-suspendu même quand beaucoup de ses adversaires hésitaient encore entre les deux solutions.

Le développement des tiges de selles télescopiques a même redonné un petit coup de fouet aux semi-rigides, avec de nombreuses pilotes optant pour le duo « semi-rigide + tige de selle télescopique » dès que le dénivelé devenait important, mais pour Lecomte, c’était plutôt « tout-suspendu + tige de selle fixe » en toutes circonstances, et il lui aura même fallu du temps pour venir à la tige de selle télescopique.

Néanmoins, ces dernières années une athlète semble avoir semé le doute : championne du monde à deux reprises sur un semi-rigide (2022 et 2023), un choix à contre-courant de celui de ses adversaires, Pauline Ferrand-Prévot a montré que cette solution était encore viable sur certains circuits. Or, le parcours des JO ne présente pas beaucoup de sections techniques en montée, encore moins de racines ou de dévers traîtres, et en descente, les passages difficiles sont surtout une affaire d’engagement et de précision…

Le choix du semi-rigide pourrait donc être intéressant mais pour choisir en connaissance de cause, il faut être à l’aise sur le vélo donc avoir passé du temps dessus. Est-ce cela qui a poussé Loana Lecomte a rouler en semi-rigide à Snowshoe, sur un circuit recouvert de racines où la plupart des pilotes préfèrent le tout-suspendu ?

Laura Stigger, (enfin) la confirmation

En 2018, Laura Stigger était la nouvelle sensation appelée à dominer le XC mondial. Une championne du monde Juniors XCO qui remporte également le titre en cyclisme sur route, ça n’arrive pas tous les jours !

La suite, on la connaît, et malgré de beaux résultats chez les Espoirs (2e du classement général avec une victoire en 2019), l’Autrichienne a peut-être voulu aller un peu vite. Surclassée chez les Elites dès 2020 pour décrocher une qualification olympique (où elle abandonnera), elle a signé de nombreux top 10 et plusieurs podiums mais avait du mal à trouver de la régularité, sans parler de se mêler à la lutte pour la victoire.

Cette année, elle semble avoir enfin trouvé la maturité physique et tactique : après deux premières victoires en XCC à Nove Mesto puis Val di Sole, elle a remporté sa première coupe du monde XCO à Snowshoe avant de s’imposer à nouveau en Short Track au Mont-Sainte-Anne.

A-t-elle vraiment trouvé la recette ou n’était-ce qu’une saison bien gérée là où beaucoup de pilotes sont arrivées usées en Amérique du Nord ? Comme avec chaque éclosion en cours de saison, il faudra confirmer cela l’année prochaine !

Nino Schurter, usé mais pas trop

A 37 ans, Nino Schurter n’est plus le sprinteur qu’il était. Unanimement reconnu comme le pilote le plus redoutable sur les arrivées au sprint sur toute la première moitié de sa carrière, le Suisse semble aujourd’hui avoir perdu en vitesse. A Snowshoe en tout cas, cela lui a coûté la victoire puisque Jordan Sarrou ne lui a laissé aucune chance dans la dernière ligne droite !

On l’a aussi entendu parler de sa fatigue et de ses difficultés à récupérer depuis la coupe du monde de Vallnord fin août, des choses dont on n’avait pas forcément l’habitude venant de lui. Néanmoins, ne l’enterrez pas trop vite : au Mont-Sainte-Anne, à l’issue d’une course mouvementée terminée en 14e position, il a remporté son neuvième classement général de la coupe du monde (2 victoires, 3 podiums) !

14 ans après son premier maillot de champion du monde Elites, 13 ans après sa première victoire en coupe du monde et son premier classement général, Nino Schurter est toujours là. Certainement plus aussi dominateur qu’au milieu des années 2010 (on se souvient de la saison parfaite de 2017, classement général avec 6 victoire en 6 étapes + champion du monde), il a su s’adapter et reste, aujourd’hui encore, l’un des pilotes les plus attendus à chaque course. Jusque quand ?

Jordan Sarrou, la victoire tant attendue

Il a remporté le titre de champion du monde en 2020 et porté le maillot arc-en-ciel pendant un an mais il ne s’était jamais imposé sur une coupe du monde : en 2023, Jordan Sarrou a corrigé cette drôle de statistique !

Cela a commencé à Leogang avec une victoire en Short Track mais ce n’est qu’à Snowshoe, au terme d’une course haletante (peut-être la plus belle de l’année), que l’objectif a été entièrement atteint : Jordan Sarrou a remporté une coupe du monde de XCO !

Pour l’anecdote, on notera qu’il est entraîné depuis peu par Nicolas Siegenthaler, l’entraîneur historique de Nino Schurter… battu au sprint par Sarrou à Snowshoe, mais qui bat le Français pour 40 petits points dans la course au classement général.

Souvent placé mais jamais gagnant avant cette fin de saison, Jordan Sarrou commençait à gagner le surnom de « Mr Consistent » (Mr Régulier) chez certains. C’est dire si cette victoire était attendue.

C’est donc le deuxième Français à s’imposer en coupe du monde XCO en 2023 après Victor Koretzky  mais n’y voyez pas forcément la sélection pour les Jeux Olympiques l’année prochaine. Aux Gets, l’encadrement de l’équipe de France nous a en effet expliqué qu’elle ne prendrait pas en compte le résultats des manches nord-américaines pour faire son choix.

A l’inverse, l’étape des Gets comptait (pour la capacité à se dépasser devant le public et résister à la pression) mais Sarrou n’y a terminé que 34e, son plus mauvais résultat de la saison. D’une certaine façon, cette victoire ne facilite pas les choses mais si elle ne « qualifie » pas Jordan Sarrou, elle lui a peut-être permis de se relancer dans la course…

Marcel Guerrini, ou quand quatre Suisses peuvent en cacher un autre

En Suisse, chez les hommes, on connaissait Nino Schurter et Mathias Flückiger bien sûr, ainsi que Lars Forster et Filippo Colombo, tous deux brillants mais pas épargnés par les mauvaises blessures, voire Thomas Litscher, irrégulier mais capable de coups d’éclats. Mais Marcel Guerrini, cela vous dit quelque chose ?

Cette question, on l’a entendue à plusieurs reprises en cette fin de saison. Il faut dire qu’il est sorti du lot : 4e aux Gets, 3e à Snowshoe et à nouveau 3e au Mont-Sainte-Anne, alors qu’il n’avait signé qu’un seul podium en coupe du monde avant cela (aux Gets en 2022).

Âgé de 29 ans, il a rejoint l’année dernière le BiXS Performance Race Team, une équipe dirigée par Lukas Flückiger (le frère de Mathias) et tournée vers les championnats du monde 2025 en Suisse (les épreuves seront réparties à travers tout le Valais avec le XCO à Crans-Montana).

S’il n’a encore jamais fait de gros coup d’éclat, Marcel Guerrini est un pilote qui progresse discrètement mais sûrement. Médaillé de bronze sur les championnats du monde U23 en 2016 pour sa dernière saison dans la catégorie, il grimpe chaque année quelques échelons : 41e du classement général en 2018, 26e en 2022 et 14e cette année. Sur le papier, tout est parfaitement réglé pour 2025 !

L’année 2024 sera intéressante et importante pour lui : pourra-t-il confirmer cette fin de saison et se mêler régulièrement à la lutte pour le podium ? Sans grand succès dans son palmarès on ne le voit pas encore jouer une qualification olympique face à Schurter et Flückiger mais pour l’instant, sa progression s’est déroulée sans accrocs. Qui sait où elle s’arrêtera ?

Puck Pieterse, insolente jeunesse

21 ans, première saison chez les Elites (surclassée, elle devrait courir en Espoirs) et déjà trois victoires en coupe du monde de XCO, une en XCC, les deux classements généraux et une troisième place aux championnats du monde. Ne manquent plus qu’un maillot arc-en-ciel et un titre olympique l’année prochaine et Puck Pieterse aura coché, en moins de deux ans et à 22 ans seulement, tout ce dont un ou une pilote peut rêver sur l’ensemble d’une carrière au plus haut niveau !

Pour les Pays-Bas, le résultat est aussi exceptionnel : il faut remonter à Bart Brentjens en 2006 pour voir un ou une pilote du pays s’imposer en coupe du monde, et à 1994 (toujours avec Brentjens) pour une victoire au classement général ! Aux Jeux Olympiques l’année prochaine, tout le monde attend Mathieu van der Poel mais Pieterse pourrait bien être la première à ramener une médaille (un titre ?) pour les Pays-Bas depuis Bart Brentjens (1996, Atlanta).

Si l’expérience des années précédentes nous rappelle qu’il ne faut pas trop s’emballer après une saison, surtout chez les femmes, Puck Pieterse semble différente. Contrairement à d’autres pilotes passées par la même situation, elle ne s’est pas écrasée en fin de saison et elle a continué à jouer devant jusqu’au dernier jour de course.

Surtout, malgré son jeune âge la Néerlandaise a déjà l’habitude de la pression et d’enchaîner les épreuves : elle brille également en cyclocross (2e de la coupe du monde 2022-2023, championne d’Europe 2023), au point qu’on serait bien en peine de savoir si elle a une discipline principale aujourd’hui. Mais est-ce vraiment nécessaire ?

Souvent dauphine de Line Burquier chez les Espoirs l’année dernière, on ne savait pas de quoi Puck Pieterse serait capable cette année mais elle a parfaitement réussi le passage dans la catégories Elites, avec une victoire dès la première course à Nove Mesto et une année au diapason. Reste à confirmer l’année prochaine et attendant, on pourra la retrouver sur la saison de cyclocross qui commence ce week-end à Waterloo (WI), aux Etats-Unis d’Amérique !

Obrigado Henrique

A Snowshoe, Henrique Avancini a baissé le rideau sur sa carrière de pilote en coupe du monde. Une carrière qui avait commencé en 2009 chez les Espoirs, et qui l’a vu remporter deux titres de champion du monde Marathon (2018 et 2023), une médaille d’argent en Short Track (2021) ainsi qu’une coupe du monde XCO (Nove Mesto 2 en 2020) et 4 épreuves de XCC.

On imagine que l’un de ses grands regrets restera de n’avoir jamais décroché le maillot irisé en XCO mais son palmarès a déjà largement de quoi faire rêver. Toutefois, si on ne le verra plus au départ il a assuré qu’il devrait rester dans les paddocks un moment ! Grand ambassadeur du développement du VTT au Brésil, il a en effet monté sa propre équipe (Henrique Avancini Racing) composée uniquement de Brésiliens et de Brésiliennes, pour leur permettre d’accéder au plus haut échelon de la discipline.

C’est aussi à lui qu’on doit la coupe du monde de Petrópolis l’année dernière et quelque chose nous dit que cette course au Brésil pourrait en appeler d’autres : les premières rumeurs font état de deux coupes du monde de XC au Brésil en 2024…

Titouan Carod, la note d’espoir

Le paradis en 2022, l’enfer en 2023. L’année dernière, Titouan Carod avait tellement brillé en fin de saison (2e à Snowshoe, victoire au Mont-Sainte-Anne et à Val di Sole) qu’on s’attendait à le voir se battre pour la victoire à chaque course cette année.

Las, des problèmes de santé en début de saison l’ont renvoyé loin dans le peloton et s’il a finalement réussi à en guérir pour le début de l’été, remonter la pente fut long et difficile. Sa 7e place à Vallnord avait donné quelques indices d’un début de retour à son niveau, mais ce fut à nouveau difficile aux Gets (26e) et à Snowshoe (35e). Dans ce contexte, ce podium au Mont-Sainte-Anne pour la dernière course de la saison doit mettre du baume au coeur !

Sur un parcours qu’il affectionne, déjà associé à de bons souvenirs et dans des conditions qui ne lui posent aucun problème, il a réalisé une superbe course pour prendre la 4e place devant Thomas Litscher. On lui souhaite de passer un bon hiver et de revenir au même niveau l’année prochaine !

Flückiger vs Pidcock : épisode 2

Mont-Sainte-Anne 2023, la revanche des JO 2021 ? A Tokyo, Tom Pidcock et Mathias Flückiger nous avaient offert un superbe duel pendant plus d’un tour, le Suisse cherchant à revenir sur le Britannique qui se battait pour garder son avance d’une petite dizaine de secondes. Ce dimanche après l’arrivée, Pidcock rappelait d’ailleurs ce souvenir pour évoquer son historique de batailles avec Flückiger, mais au Mont-Sainte-Anne ce fut encore plus beau.

Roue dans roue pendant plusieurs tours et se rendant coup pour coup, Pidcock en montée et Flückiger en descente, les deux hommes nous ont offert une grande bataille pour la victoire. Elle a encore une fois tourné à l’avantage du pilote Ineos, bien aidé par les deux crevaisons de son adversaire, mais la gestion du matériel fait aussi partie du pilotage. Et on se rappellera qu’à Snowshoe, c’est Pidcock qui avait crevé et Flückiger qui en avait profité pour lui prendre la 4e place. Rendez-vous l’année prochaine ?

Mais aussi…

Deuxième podium de la saison pour Jenny Rissveds ! Mis à part une chute (provoquée par Loana Lecomte qui est tombée juste devant elle, sans aucune possibilité d’évitement), la Suédoise s’est jouée des pièges du Mont-Sainte-Anne pour aller décrocher une très belle deuxième place.

En parlant de podium, on peut également mentionner celui de Thomas Litscher. Passé sous les couleurs Lapierre à l’intersaison après l’arrêt du team KMC-Orbea, le Suisse a offert à l’équipe française son premier podium en coupe du monde !

Sacré champion du monde Espoirs à domicile ou presque cet été à Glentress, Charlie Aldridge n’a pas perdu de temps. Surclassé chez les Elites, ce qui est bien plus rare chez les hommes que chez les femmes, le Britannique s’est souvent montré aux avant-postes en cette fin de saison et ça fonctionne déjà plutôt bien : 7e du XCO au Mont-Sainte-Anne, après une 8e place en Short Track deux jours plutôt !

Allez, on vous laisse avec une dernière sélection de photos de ces deux dernières manches. Merci d’avoir suivi la coupe du monde 2023 avec nous et rendez-vous aux alentours du mois de mai l’année prochaine pour l’édition 2024, ou dès cet hiver pour toutes les infos de calendrier et de transferts !

A l’année prochaine !

ParLéo Kervran