Visite | Syncros : bien plus qu’un équipementier

Par Léo Kervran -

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Visite | Syncros : bien plus qu’un équipementier

Propriété de Scott depuis 2012, Syncros était à l’origine une marque d’accessoires indépendante, créée par deux amis en Colombie Britannique. Après plus de 30 ans d’une histoire riche et parfois chaotique, la marque semble aujourd’hui bien installée dans le giron du géant suisse. Nous nous sommes rendus chez Syncros à Givisiez pour rencontrer les personnes derrière la marque et mieux comprendre ce fonctionnement un peu particulier.

Elle a ensuite connu des problèmes financiers qui l’ont conduite à être rachetée par GT, elle-même rachetée par Schwinn puis Pacific Cycle. Durant cette période, la marque a dû se reconvertir en équipementier pour les différentes marques du groupe et produire des composants avec des standards de fabrication bien plus faibles qu’à ses débuts, ce qui n’a pas été sans effet sur sa réputation.

Le renouveau est intervenu en 2003 avec le rachat par Tom Ritchey, fondateur de la célèbre marque éponyme. Syncros retourne alors à son postulat de départ, avec de plus petites séries mais des composants fiables et performants.

Le dernier évènement important dans l’histoire de la marque date donc de 2012, avec le rachat par le groupe Scott Sports. Contrairement à d’autres, Syncros reste une marque à part entière et se partage aujourd’hui entre deux activités. D’un côté, elle joue le rôle d’équipementier pour les différentes marques de vélo du groupe (Scott, Bergamont) et de l’autre, elle continue de développer des produits innovants qui ne passent pas inaperçus. On pense notamment aux roues Silverton SL, entièrement en carbone, ou aux différents combos cintre-potence qui ont beaucoup fait pour l’image de la marque ces dernières années.

Le siège de Syncros se situe désormais avec celui de Scott à Givisiez, en banlieue de Fribourg. Inauguré au printemps, ce tout nouveau bâtiment ultra-moderne abrite 350 personnes, la plupart travaillant pour Scott.

Impressionnant par sa taille, l’édifice l’est aussi par sa technologie. Trop grand pour avoir droit à l’air conditionné selon la loi suisse, il a été pensé pour réguler intelligemment la température en tirant parti de toute sa surface. A l’extérieur, des panneaux pivotants masquent ou découvrent les fenêtre en fonction de la position du soleil tandis que les panneaux de verre du gigantesque hall d’accueil sont photosensibles et peuvent s’obscurcir ou s’éclaircir selon la luminosité.

A l’intérieur, Scott a particulièrement soigné le confort de ses salariés avec une salle de sport, des vestiaires et douches qui feraient pâlir les plus grands complexes sportifs et surtout un parking à vélos d’environ 300 places, avec espace lavage et atelier. Il faut dire qu’ici, tout le monde roule ou presque et lors de la pause midi, il n’y a pas grand monde dans le bâtiment…

A notre arrivée, nous retrouvons Ben Marchant, le responsable marketing de Syncros. Après nous avoir fait découvrir les lieux, il nous emmène à la rencontre de l’équipe d’ingénieurs et de chefs produits derrière la marque.

Cette petite équipe d’une douzaine de personnes est dirigée entre autres par Christoph Dadaschi, chef produits composants et accessoires. Lorsqu’on lui demande quel est le dernier projet dont il est particulièrement fier, il nous emmène face à un présentoir sur lequel on retrouve toute la gamme de selles de Syncros.

Il nous explique que la marque vient de terminer de renouveler son offre, en proposant un outil d’aide au choix accessible en ligne très simple et rapide. Contrairement à des solutions plus avancées mais compliquées à mettre en place comme les « selles de pression » qui nécessitent un déplacement en magasin, cet outil prend la forme d’un petit questionnaire qui interroge le pratiquant sur son sexe, sa pratique, sa position (confort / performance) et d’éventuelles douleurs pour lui recommander une selle et une alternative.

La gamme Syncros compte ainsi une trentaine de selles mais on s’y retrouve très facilement avec cet outil. Les modèles se différencient par leur largeur et leurs matériaux puis se déclinent en différentes formes selon la position du pilote (droit / penché en avant) et en version ajourée ou non.

Les recommandations se basent sur des corrélations comme le sexe avec la largeur du bassin et surtout la souplesse avec la position sur la selle et sa forme. Syncros a particulièrement travaillé cet aspect pour s’assurer que les propositions soient les plus justes possible, même s’il y a toujours des exceptions (Kate Courtney roule avec une Belcarra par exemple, la selle la plus étroite de la gamme).

Grâce à son statut de marque et pas de simple division « composants » du groupe, Syncros peut travailler avec des athlètes qui ne roulent pas sur Scott ou Bergamont. C’est par exemple le cas de Morgane Charre, 4e des EWS en 2019 sur son Juliana mais qui ne peut plus se séparer de sa selle Syncros Savona depuis son passage chez Bergamont de 2016 à 2018. Ben Marchant nous explique que c’est justement un des axes que la marque aimerait développer dans les années à venir, pour que Syncros puisse réellement s’afficher comme une marque de composants et d’accessoires crédible.

Autres produits phares de Syncros, les roues. La marque suisse joue ici un rôle d’équipementier essentiel pour Scott et Bergamont puisqu’elle équipe la plupart des vélos des deux marques avec des modèles de tous niveaux de gamme. Cependant, ce n’est pas sa seule activité et comme pour les selles, Syncros souhaite apporter quelque chose de neuf dans le domaine. Ici, cela prend la forme des Silverton SL, des roues entièrement en carbone à la conception inédite.

Cet ovni, qui n’affiche que 1250 g la paire sur la balance, a demandé plus de 3 ans de développement aux équipes de la marque. Nous avons eu l’occasion de discuter avec les ingénieurs à l’origine du projet et nous roulons actuellement avec un exemplaire de ces roues, un test arrivera prochainement.

Cependant, Syncros ne se résume pas aux composants de vélo. La marque dispose également de toute une gamme d’accessoires et d’outils à l’image de ce porte-bidon « tout-en-un » qui peut accueillir un bidon (logique), un multi-outils, une pompe ou une cartouche de CO2 et une chambre à air.

Le système peut faire « usine à gaz » à l’installation avec les différents supports, mais il a le mérite de vider les poches du pilote et de tout ranger au même endroit sur le cadre, quelque chose d’appréciable pour ceux qui préfèrent rouler sans sac ou banane.

Autre innovation Syncros, le garde-boue pour fourche Fox qui vient se visser sur l’arceau. Plus de colliers de serrages qui traînent sur la fourche, tout est parfaitement intégré. C’est un produit simple et parfois négligé, mais ce sont dans les détails que l’on voit le soin apporté à la conception d’un vélo… Si ces gardes-boues sont généralement montés d’origine sur les vélos Scott, ils ne sont pas réservés à la marque suisse et rien n’empêche de les acheter dans le commerce pour les monter sur un autre vélo.

Retour sur les composants pour finir sur les projets en cours avec l’intégration, un sujet particulièrement en vogue ces derniers temps. Ben Marchant nous présente notamment le travail réalisé en collaboration avec Scott sur le dernier Addict RC, un vélo de route sur lequel tous les câbles et gaines sont parfaitement invisibles jusqu’à leur sortie à proximité du dérailleur ou du frein concerné.

Le combo cintre-potence, ici un Creston iC SL, leur facilite la tâche dans la mesure où il n’y a pas besoin de prévoir une sortie du cintre au niveau de la potence, même si la marque a aussi développé des passages internes pour un cintre et une potence classiques. Avec le Creston iC, les câbles rentrent à la sortie des poignées et vont directement à la sortie de la potence, au niveau du jeu de direction. Ce dernier, lui aussi conçu par Syncros, dispose d’un offset pour laisser passer les câbles à l’extérieur du pivot de fourche. Cela leur permet ensuite de rentrer directement dans le cadre pour rejoindre leur différents points de chute.

Photo Simon Ricklin

On peut légitimement s’attendre à ce que la marque exporte cette technologie sur les chemins dans les mois ou années à venir, puisqu’elle dispose déjà de combos similaires pour le VTT, avec les Frazier iC et Hixon iC. L’intégration des câbles est maintenant quelque chose de bien présent dans le monde du cyclisme sur route (notamment pour les avantages aérodynamiques) mais ce sujet n’en est encore qu’à ses débuts en VTT. Magura a dévoilé un prototype il y a quelques mois mais les câbles ressortent tout de même du cadre sous le pivot de fourche et cela demande des freins spécifiques… Si Syncros parvient à proposer une solution aussi aboutie que sur la route, cela pourrait faire l’effet d’une petite révolution.

Et puisqu’on parle d’intégration, n’oublions pas que Scott a racheté la marque suisse Bold, célèbre pour ses vélos avec l’amortisseur intégré dans le cadre, il y a quelques mois. Une collaboration entre les trois marques n’est donc pas à exclure…

A l’issue de cette visite, on comprend mieux le fonctionnement de Syncros et ses liens avec Scott. Entre ses activités d’équipementier, d’accessoiriste et de laboratoire high-tech, la marque désormais suisse à l’histoire chaotique semble avoir trouvé le bon équilibre pour assurer sa pérennité, sans renier ses racines de marque créative et innovante. La synergie avec Scott semble porter ses fruits puisque Syncros a plus que quintuplé son effectif en 5 ans, passant de 6 personnes en 2014 à près d’une quarantaine aujourd’hui.

ParLéo Kervran