Visite | Forestal : le futur du VAE ? - Prise en main | Forestal Syrion : le prince des montagnes

Par Léo Kervran -

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Visite | Forestal : le futur du VAE ? - Prise en main | Forestal Syrion : le prince des montagnes

Forestal Syrion Neon : le prince des montagnes

Après plusieurs heures à passer d’un étage à l’autre et à découvrir le fonctionnement de l’entreprise, il était temps d’aller voir sur le terrain ce que les vélos ont dans le ventre. Au programme, une boucle sur les hauteurs de La Massana avec le Syrion, le gros enduro de la gamme en 170 mm de débattement et roues de 29″. Alors, qu’est-ce que ça donne ?

Très réussi en photo, le Syrion l’est tout autant lorsqu’on l’a réellement sous les yeux. La peinture brillante, la jolie ligne rouge qui sépare le rose du blanc, le « puits » et toute la zone autour du tube de selle et du tube supérieur, la suspension arrière… La finition est superbe et donne une belle impression de fluidité, en particulier dans ces tons clairs.

Malgré ses 170 mm de débattement devant comme derrière, le Syrion bénéficie d’une géométrie plutôt équilibrée. Forestal n’a pas voulu en faire un monstre d’enduro, plutôt un jouet pour la montagne capable d’aller très vite en descente mais aussi de monter partout. L’environnement andorran et ses pentes raides n’y sont sûrement pas pour rien…

Sur notre vélo en taille M, on profite ainsi d’un angle de direction à 64°, d’un angle de selle à 77°, d’un reach à 458 mm, de bases à 436 mm et d’un boîtier de pédalier à 353 mm de haut. Des cotes dans la bonne tendance des vélos d’enduro mais encore une fois, rien d’exagéré. On note que les bases sont plus longues en L et XL qu’en S et M, une bonne chose pour conserver un certain équilibre sur la plateforme quelle que soit la taille.

Présenté ici en couleur Fire Opal, le modèle mis à notre disposition est un Syrion Neon, le deuxième montage le plus haut de gamme sur les 4 proposés. Le tarif est élevé, très élevé (10 499 € et cela peut monter encore plus haut avec une peinture personnalisée) mais l’équipement est à l’avenant : il n’y a rien qu’on voudrait remplacer sur le vélo.

Côté assistance, c’est bien sûr le moteur maison EonDrive (60 Nm de couple et 1,95 kg) qui équipe le vélo, couplé à la batterie Aurora 350 Wh (1,8 kg) et au « centre de commande » Smart Display (écran) / Smart Trigger (manette).

En couleur et tactile, l’écran Smart Display participe grandement à l’intérêt des vélos Forestal. Suffisamment grand pour être lisible, il fait office de GPS avec l’antenne intégré au cache du jeu de direction (carte OSM incluse, il n’y a qu’à charger la trace via l’application smartphone) et de compteur ultra-complet (autonomie, puissance, fréquence cardiaque, vitesse, cadence, dénivelé, temps passé en l’air, valeur maximale de G reçue…).

Fourche et amortisseur ont été choisis chez RockShox, avec une Lyrik Ultimate et un SuperDeluxe Ultimate. On est surpris de voir un châssis de Lyrik et non de Zeb sur ce débattement mais pas forcément déçu, au contraire. La Zeb est très rigide et si elle convient bien aux gros e-bikes de 23 kg ou plus, on la trouve souvent « trop grosse » sur des enduros, trop rigide pour la plus grande partie des pratiquants. Un peu plus souple, la Lyrik amènera pour la plupart un peu plus de tolérance et de confort.

On reste dans le groupe Sram pour la transmission avec du X01 Eagle mécanique, en cassette 10-50 et plateau de 32 dents (pédalier Praxis, manivelles 160 ou 165 mm).

En revanche, pas de Sram au niveau des freins ! Forestal a opté pour des Magura MT7, en levier HC 1 doigt, plaquettes Performance et disques Storm HC (203 mm devant, 180 mm derrière). La combinaison classique pour ces freins, polyvalente et passe-partout même s’il est possible de faire encore mieux selon nous (lire Test | Magura MT7 : 4 leviers, 3 paires de plaquettes et 2 disques sur le terrain).

Le train roulant est presque exotique, avec des roues Crankbrothers Synthesis Carbon E7 qui nous ont déjà agréablement surpris sur d’autres vélos et des pneus Panaracer Romero (AV) / Aliso (AR) en 2,4″ de section.

Enfin, en périphériques, on a une tige de selle Crankbrothers Highline 7, une selle Fizik Aidon X3 étudiée spécialement pour les VTTAE, un poste de pilotage Forestal de belle facture (cintre en 31,8 x 800 mm et potence en 45 mm) et les fameuses poignées Production Privée CR35, qui permettent d’ajuster encore les angles du cintre.

Sur la balance, le vélo est annoncé à 17,2 kg sans pédales dans notre taille M. Un joli score, très proche de certains enduros classiques en aluminium et qui promet de belles choses quant au comportement sur le terrain.

On notera enfin le soin apporté aux détails par Forestal, qui fournit également le liquide préventif pour les pneus, une vraie clé dynamométrique Lezyne et une housse pour ranger le vélo sans salir le sol autour. On nous parlait de service et d’expérience client lors de la visite, voilà qui vient appuyer ces dires. On peut faire sans ces éléments mais lorsqu’on met autant d’argent dans un vélo, c’est une attention bienvenue.

Le Forestal Syrion Neon sur le terrain

Suspensions et pneus réglés, tige de selle à la bonne hauteur, c’est parti pour une boucle au-dessus de La Massana en compagnie de Damien Nosella et Mickaël Walch. En guise de guide, on a la surprise de voir arriver Cédric Gracia ! Tout juste de retour d’une sortie, il prend à peine le temps de sauter de son Cyon (le 140/150 mm) à son Syrion avant de nous emmener sur « ses » trails.

On ne le sait pas forcément mais Cédric est bien plus qu’un ambassadeur pour Forestal : présent dès les débuts du projet, il a apporté à l’équipe toute son expérience aussi bien sur le domaine technique que sur la vision du marché et le côté plus business. Toutefois, l’homme est plutôt modeste en petit comité et c’est Rafael Gil-Perez qui nous confiera cela au retour de notre sortie.

Photo @samdecout

Pour Cédric, Forestal c’est avant tout « la réalisation d’un rêve ! J’ai toujours voulu construire mon vélo, le dessiner de A à Z sauf que je ne sais pas le faire. Là je suis entouré des meilleures personnes dans l’industrie, ils savent faire, ils ont l’expérience et j’ai juste à les aider comme je peux. C’est une aventure incroyable. »

Notre sortie commence par un bout de route en montée avant de rejoindre les sentiers et très vite, on est marqué par la sensation d’assistance que procure le système Forestal. Malgré le petit moteur et la petite batterie, on monte comme avec un gros e-bike ! Rien à voir avec le Specialized Kenevo SL par exemple (lire notre prise en main), son seul concurrent sur le papier, à l’assistance beaucoup plus discrète et qui oblige presque à forcer dans le raide.

Ici, le moteur pousse bien et comme la géométrie est à l’avenant, on s’amuse vraiment dans les montées. Plus c’est tordu mieux c’est ! Le Syrion ne cabre pas et grâce à son faible poids, il est facile de garder l’équilibre dans les sections raides et technique. Le couple de 60 Nm est largement suffisant pour ce vélo et on ne s’est jamais pris à rêver d’avoir un peu plus, même dans les sections les plus raides.

On peut en revanche regretter que le moteur se montre un peu bruyant. Même dans la catégorie des « gros moteurs », les Shimano EP8, Bosch Performance CX 4, Yamaha PW-X3 ou autre Brose Drive S Mag, certains font mieux et se montrent plus discrets.

C’est cependant le seul véritable reproche qu’on peut lui faire car l’ergonomie de la commande est tout à fait correcte. Bien que petits, les boutons sont en effet faciles à trouver. Ils manquent peut-être un peu de retour haptique (un « clic » sensible sous le doigt, pour s’assurer qu’on a bien changé de mode) mais c’est quelque chose auquel la marque réfléchit justement.

« Tu peux utiliser le mode Nitro mais pas plus de 5 minutes » Damien Nosella, Director of Engineering

Au sujet des modes, on en compte 4. Ou plutôt, 3+1. En effet, le dernier niveau, baptisé « Nitro » ne doit pas être utilisé, ou presque pas. Damien Nosella nous explique : « En fait, si tu passes trop de temps dessus, la chaleur que le moteur dégage à ce niveau va tout faire fondre à l’intérieur. Tu peux l’utiliser mais pas plus de 5 minutes. » Pourquoi l’avoir mis alors, si c’est si dangereux pour l’intégrité du système ? La réponse fuse : « Parce que c’est drôle ! C’est fun, ça pousse ! »

Nous avons évidemment essayé (la conscience professionnelle, vous savez ce que c’est) et effectivement, ça marche « plutôt » bien ! C’est le mode idéal pour passer une courte section très raide par exemple, avant de revenir en Race qui permet déjà de monter vite.

En descente, le Syrion nous rappelle cette fois beaucoup plus le Kenevo SL mais c’est une excellente chose. Il partage avec l’Américain cette capacité à nous faire oublier que c’est un e-bike. Ou presque, car il y aura toujours des situations dans lesquelles on pourra mettre ces vélos en défaut, mais on est tout de même bien plus proche d’un gros vélo classique que d’un e-bike de 24-25 kg (au mieux), tel qu’on les rencontre le plus souvent.

On peut même parler de vélo joueur, avec une nuance toutefois. En effet, le Forestal Syrion a besoin d’un peu d’aide pour décoller, il lui faut un appel quelque part mais c’est normal avec un centre de gravité plus bas que sur un vélo classique. En revanche, il est très facile à placer et on use, on abuse même de ce caractère pour agrandir tous les virages serrés, monter dans le talus pour ouvrir la trajectoire…

Damien nous parlait d’un gros travail réalisé autour de la rigidité du châssis, pour avoir un cadre capable de se déformer afin d’apporter du grip et à plusieurs reprises sur le terrain, on a très bien compris ce qu’il voulait dire. Sur le sol andorran ultra-sec et poussiéreux, on s’amuse à jouer avec la glisse de la roue arrière et tout se passe naturellement. Elle ne part pas tant qu’on ne l’a pas engagée et le grip revient quand on le souhaite.

Cette caractéristique amène aussi une belle tolérance. Même lorsqu’on se fait surprendre, le Syrion a des réactions progressives et ne déséquilibre pas son pilote, le cadre absorbe ce qu’il faut d’énergie.

La stabilité à haute vitesse semble être un peu moins son domaine. Attention, le vélo tient encore bien sa ligne et ne remue pas dans tous les sens, mais on n’a pas la sensation d’être « collé » au sol à tout absorber sans sourciller comme le font certains gros e-bikes ou gros enduros. Le Syrion demande un peu plus de concentration mais le bon côté de la chose, c’est que ça renforce les sensations et surtout, cela rend le vélo plus polyvalent pour les sentiers un peu plus lents et flow.

Photo @Forestal

Rappelons aussi que nous ne sommes que sur une courte découverte, et qu’il est peut-être possible de changer un peu ce comportement en passant plus de temps sur les réglages de suspension. L’Hydra (ci-dessus aux mains de Cédric Gracia), le gros vélo de Forestal avec fourche en double-té de 180 mm de débattement, est ainsi basé sur le même cadre que le Syrion.

On termine cette prise en main par un petit coup d’œil sur l’autonomie. Selon Damien et Mickaël, en gérant bien la batterie il est possible d’emmener un Syrion ou un Cyon sur des tours d’une quarantaine de kilomètres pour 1400 à 1500 m de dénivelé. C’est honnête mais cela ne bat pas des records, aussi bien face aux « gros » e-bikes que face aux modèles à l’assistance plus légère. Toutefois, c’est assumé : priorité aux sensations de pilotage. Pour faire plus, il faudrait alourdir le vélo ou réduire l’assistance et ce n’est pas ce que souhaite la marque.

Sur le retour après cette visite et cette découverte, on ne peut se défaire d’un sentiment de privilège, celui d’avoir enfin pu essayer un Forestal. Cachée au cœur de l’Andorre, encore discrète face au public, la marque a créé autour d’elle consciemment ou non une certaine aura de mystère qui n’est pas évidente à franchir, même si les personnes derrière le projet sont pleines de bonne volonté. Le concept est alléchant sur le papier, les attentes étaient hautes mais le Syrion a su y répondre sur le terrain.

Alors oui, quelques point peuvent encore être améliorés comme le bruit ou la commande, oui ce n’est pas pour tout le monde avec cette autonomie correcte mais pas monstrueuse. En attendant, le Forestal Syrion délivre des sensations de pilotage comme bien peu d’e-bikes en sont capables et de ce point de vue uniquement, il peut séduire presque tout le monde. Si on ajoute à ça les intéressantes fonctionnalités de « vélo connecté », cela commence à faire beaucoup d’atouts… Aujourd’hui, il est encore difficile de prévoir où seront le segment de l’e-bike et le marché du VTT en général dans 5 ans mais une chose est sûre, on aimerait bien que ce Forestal préfigure une partie de ce futur.

Plus d’informations : forestal.com

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ParLéo Kervran

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