Test nouveauté | BH Lynx Race Evo : le même en mieux

Par Léo Kervran -

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Test nouveauté | BH Lynx Race Evo : le même en mieux

Déjà l’heure du renouveau pour le BH Lynx Race ? Largement refondu fin 2020, le tout-suspendu de XC de la marque espagnole revient aujourd’hui dans une version encore raffinée : un peu plus de rigidité, un peu plus d’intégration et surtout une plateforme conçue autour d’un débattement de 120 mm plutôt que 100 mm, même si elle reste disponible dans les deux versions. Est-ce que ça change vraiment quelque chose ? Nous avons pu le découvrir sur le terrain, voici nos premières impressions :

A sa sortie en décembre 2020, l’ancien Lynx Race avait marqué un beau pas en avant par rapport à son prédécesseur. Historiquement agréable à piloter, il était alors bon rouleur au train mais manquait de dynamisme, ou plutôt de « punch ». La génération 2020-2021 avait réussi à corriger cela sans dégrader les qualités déjà présentes, ce qui donnait un vélo très complet, qui nous avait séduits en test (lire Test | BH Lynx Race Evo Carbon XC 9.5 & LT 9.0 : suspension sans concession !).

Reste que les retours du commun des mortels ne sont pas forcément ceux des meilleurs pilotes du monde. Si la rigidité avait significativement progressé, elle n’était pas encore suffisante au goût de ceux-ci, notamment au niveau du triangle arrière. Ajoutez à cela des circuits toujours plus techniques et la tendance des XC en 120 mm de débattement, cela faisait quelques arguments à BH pour retourner derrière les ordinateurs.

Le point de départ, on le connaît : c’est l’ancien Lynx Race, ci-dessus en photo. Malgré ces critiques, c’est un très bon vélo qui a déjà amené David Valero à la troisième place des Jeux Olympiques (à Tokyo en 2021), à la victoire en coupe du monde (à Snowshoe en 2022) ou encore sur la deuxième marche du podium des championnats du monde, l’année dernière aux Gets.

Dans les grandes lignes, le cadre reste donc proche de son ancêtre. On retrouve la même construction en carbone Evo pour le même poids sur la balance, 1950 g sans amortisseur (vérifié par nos soins sur l’ancien modèle). C’est plutôt lourd mais le Lynx Race n’a jamais été un poids plume et BH l’assume, la marque préférant se concentrer sur d’autres aspects comme le fonctionnement de la suspension. Le vélo de l’équipe BH Coloma (David Valero, Rocio Garcia, Jofre Cullell…) est estimé à 10,5 kg en configuration de course.

Celle-ci reste fidèle à l’architecture Split Pivot (on vous l’explique dans notre lexique), en grande partie responsable du caractère et de la réputation du Lynx Race dans le technique mais indubitablement plus lourde que le monopivot + biellette plébiscité par beaucoup de marques en XC. Comme sur l’ancien modèle, elle peut développer 100 ou 120 mm de débattement suivant l’amortisseur utilisé… mais cette fois, elle a été pensée avant tout pour du 120 mm, alors que c’était l’inverse auparavant. Ainsi, les équipes sponsorisées par la marque (BH Coloma, BH-Wallonie) roulent désormais sur la version 120 mm alors que ce n’était pas toujours le cas jusque-là.

L’autre évolution importante est aussi à chercher du côté de la suspension, même si elle ne la concerne pas directement. BH annonce une augmentation de 35 % de la rigidité sur la liaison entre les deux triangles et pour y parvenir, c’est sur la biellette qu’elle a travaillé. Toujours en carbone (avec un yoke en aluminium) et en deux parties, elle est plus massive et surtout son axe a été complètement repensé, reprenant une solution déjà utilisée sur le Lynx 4 il y a 10 ans. Une liaison plus rigide entre les deux triangles, c’est en théorie plus de dynamisme et de réactivité au pédalage mais aussi un comportement plus intéressant en descente car on sent mieux ce qu’il se passe à l’arrière.

Le passage à 120 mm de débattement « par défaut » a également permis de mettre à jour la géométrie du vélo. Vis-à-vis de l’ancien Lynx Race LT, le nouveau voit son angle de direction perdre 0,5° pour se fixer à 67°, son angle de tube de selle se redresse à 76° (au lieu de 74,5° à 75,5°) et le reach gagner 9 à 18 mm suivant la taille (445 mm en taille M). En revanche, les bases restent à 430 mm.

Au-delà de tout ça, on remarque que les lignes du cadre paraissent plus simples, plus pures qu’auparavant. BH a en effet travaillé en ce sens, en intégrant notamment le serrage de selle directement dans le tube ou en redessinant les lignes de la biellette, de la douille de direction ou encore du pontet entre les haubans pour un rendu plus fluide.

Le dernier changement de taille se situe côté « pratique » : le Lynx Race peut désormais accueillir deux porte-bidons ! Là, ce ne sont pas les retours de ses pilotes en XCO que BH a écoutés mais bien ceux des autres pratiquants et pratiquantes. Elle ne nous cache pas qu’y parvenir sans trop déformer le tube diagonal, toujours très direct sur les vélos de la marque et véritable marqueur de son identité, ne fut pas chose aisée, mais une solution fut trouvée avec ce petit adaptateur qui décale le porte-bidon afin d’éviter tout conflit avec la suspension.

C’est la seule nouveauté majeure puisque le cadre conserve son jeu de direction Acros BlockLock avec butées et entrées de gaines intégrées, ainsi que le dégagement pour des pneus de 2,4″ de section. Comme souvent sur les vélos de XC, les gaines ne sont pas guidées dans le cadre mais simplement protégées par des fourreaux en mousse. Enfin, la sortie de la Durit de frein arrière sur la base a été légèrement décalée afin d’améliorer son trajet.

Le Fit (pour Fast Integrated Tool), cet outil intégré dans le pivot de fourche, reste bien sûr au programme sans changement. Clés H2.5/3/4/5/6 mm, Torx T25, dérive-chaîne, emplacement pour maillon rapide et pour cartouche de CO2, il est complet, pratique et facile à utiliser. Suivant les vélos, il faut serrer plus ou moins l’expandeur en caoutchouc situé à son sommet pour assurer un bon maintien et éviter tout bruit parasite mais c’est le seul léger souci (vite réglé) que nous avons pu rencontrer sur cette prise en main. Si vous souhaitez vous en passer, il est possible de le remplacer par un bouchon ou même d’utiliser une étoile classique dans le pivot, si la potence BH ne vous convient pas.

Brice Scholtes, le team manager de l’équipe BH-Wallonie, nous glisse aussi que la compatibilité avec les transmissions Sram a été améliorée. En tant que marque, BH travaille beaucoup avec Shimano (qui équipe également la structure BH Coloma) mais BH-Wallonie roule sur Sram et Brice nous a expliqué que sur les anciens modèles, le montage d’un pédalier avec capteur de puissance Quarq ou d’un dérailleur sur patte UDH pouvait poser quelques problèmes. Ce n’est plus le cas sur cette nouvelle génération.

Au catalogue, ce nouveau BH Lynx Race Evo se décline en 6 montages, trois en 120 mm et tige de selle télescopique baptisés LT et trois en 100 mm et tige de selle rigide sans appendice. Tous sont déclinés en 5 coloris standards et éligibles au programme de personnalisation BH Unique. Côté LT, on a :

  • Lynx Race LT 9.0 à 6299,9 € : Fox 34 SC Factory et DPS Factory, transmission et freins Shimano Deore XT, roues BH Evo Alloy 25 mm, pneus Maxxis Ardent Exo 29×2,25
  • Lynx Race LT 9.2 à 7399,9 € : Fox 34 SC Factory et DPS Factory, transmission Sram GX AXS, freins Shimano Deore XT, roues BH Evo Alloy 25 mm, pneus Maxxis Ardent Exo / Ikon Exo 29×2,25
  • Lynx Race LT 9.9 à 9999,9 € : Fox 34 SC Factory et DPS Factory, transmission Sram XX1 AXS, freins Shimano XTR, roues BH Evo Carbon 30 mm, pneus Pirelli Scorpion XC RC 29×2,4

Et côté 100 mm, cela donne :

  • Lynx Race 8.0 à 4899,9 € : Fox 34 SC Performance et DPS Performance, transmission Shimano Deore XT, frein Shimano Deore M6100, roues BH Evo Alloy 25 mmm, pneus Maxxis Ardent Exo / Ikon Exo 29×2,25
  • Lynx Race 8.5 à 5699,9 € : Fox 34 SC Factory et DPS Factory, transmission et freins Shimano Deore XT, roues BH Evo Alloy 25 mm, pneus Maxxis Ardent Exo / Ikon Exo 29×2,25
  • Lynx Race 9.5 à 8299,9 € : Fox 34 SC Factory et DPS Factory, transmission et freins Shimano XTR, roues BH Evo Carbon 30 mm, pneus Pirelli Scorpion XC M / XC H 29×2,4

Enfin, notez qu’on parle ici du Lynx Race Evo, celui avec la construction haut de gamme. Les tarifs restent stables dans l’ensemble et certains modèles sont déjà intéressants mais il sera sûrement possible de trouver encore mieux avec le Lynx Race Performance. Pour ce modèle, BH a reconduit l’ancien cadre avec un carbone un peu moins haut de gamme et il se déclinera lui aussi en 6 montages.

Le test du BH Lynx Race LT

Quoi de mieux pour découvrir un vélo de compétition que d’aller sur un circuit de compétition ? C’est ainsi que BH nous a invités à Val di Sole, théâtre ce week-end de la quatrième manche de la coupe du monde XCO/XCC, pour se faire une première idée de ce nouveau Lynx Race. Au programme, une sortie en montagne d’environ 45 km avec (entre autres) une belle montée de 1200 m de D+ pour commencer puis la possibilité d’aller poser les roues sur le circuit qui sera roulé par les pilotes quelques jours plus tard, au moment où vous lisez ces lignes.

Avant de passer au terrain, un mot sur le choix de la taille. Du haut de mes 1m79 je suis fréquemment entre les tailles M et L sur les tout-suspendus de XC, et parfois aussi à l’aise sur l’une que sur l’autre. Sur ce Lynx Race en revanche, l’hésitation ne dure pas longtemps : le M est assez court et le L plus adapté. De cette première expérience, on aurait tendance à dire que la limite entre les deux se situe vers 1m76-77, un peu plus bas que ce que recommande la marque.

La journée débutant par une longue ascension jusqu’à plus de 2600 m d’altitude, on commence par éprouver les qualités de la machine au pédalage en long, en large et en travers. Tantôt raide tantôt roulante, alternant terre tassée, gravier fuyant et pierres, cette montée est tout ce qu’il y a de plus varié et irrégulier. C’est bon pour le test !

Au train, le Lynx Race se fait oublier. Peu importe l’allure, il répond présent et ne donne jamais l’impression d’être en retrait ou, à l’inverse, sur la retenue en attendant plus de watts. Si quelques passages se prêtent à passer les suspensions en position intermédiaire, notamment l’après-midi sur le parcours ultra-nerveux de la coupe du monde, on les laisse le plus souvent entièrement libres pour profiter du surcroît de confort et de grip. Les mouvements parasites sont suffisamment bien contrôlés pour qu’on ait l’impression de ne pas perdre trop d’énergie et, en position intermédiaire, l’affermissement fait perdre sensiblement en adhérence et capacité à avaler les obstacles. Ce n’est pas comme un Scott Spark RC par exemple, où cette position devient vite celle « par défaut » et où n’ouvre les suspensions que pour les descentes.

En relance, c’est une autre histoire. Le Lynx Race a du punch et il le fait savoir ! Sans avoir roulé l’ancien modèle (c’était notre rédacteur en chef Olivier qui l’avait testé) et sans faire de comparaison directe, il est impossible de juger si c’est réellement mieux qu’avant, d’autant qu’Olivier avait déjà apprécié l’ancien dans ce domaine, mais la réactivité n’est clairement pas le point faible du vélo.

A l’instant où on se dresse sur les pédales on sent cette petite élasticité, ce côté « arbalète tendue » avec lequel le Lynx Race nous fait comprendre qu’il ne demande qu’à relancer et accélérer. C’est flatteur, très agréable et essentiel dans une optique de compétition : un vélo léger et efficace c’est bien mais quand il nous récompense à chaque relance, c’est encore mieux. Attention cependant à ne pas en abuser et s’épuiser trop vite…

Monter à 2600 m c’est bien, mais ensuite, il faut pouvoir en redescendre. Sur ces longues descentes usantes caractéristiques des marathons alpins, on sent que le Lynx Race n’est pas au mieux mais cela reste un vélo taillé pour l’actuel n°1 mondial en XCO, David Valero, donc ce n’est pas surprenant. A cet égard, il s’en sort avec les honneurs et de façon largement suffisante pour du marathon. Le confort est ferme et on a parfois un peu de mal à bien sentir l’avant quand il est déchargé mais la géométrie met en confiance et la suspension ne bute pas sur les obstacles. On sent qu’on est sur une machine plus exigeante que d’autres 120 mm plus « trail » comme le Scott Spark ou le Santa Cruz Tallboy mais on ne se met pas en danger pour autant.

Sur des terrains plus XCO comme un singletrack plus ou moins technique en fond de vallée ou le parcours de coupe du monde de Val di Sole en revanche, le Lynx Race brille et on sent qu’il est né pour ça. Le grip est là, les gros chocs sont parfaitement effacés et au lieu de s’affaisser sur les réceptions de marche ou de saut, ou de rester neutre au mieux, le vélo en profite pour prendre de la vitesse.

Pour mieux vous faire comprendre, on peut faire la comparaison avec le Specialized Epic World Cup (lire Test nouveauté | Specialized Epic World Cup : le semi, c’est fini ?). En descente, celui-ci est très efficace et passe partout mais il n’est ni joueur, ni confortable. Il passe bien, vite même, et encaisse mais ça s’arrête là. Avec le Lynx Race on passe bien, vite, le vélo encaisse mais en plus, on s’amuse ! Bien sûr, les concepts sont complètement différents donc il est normal de ne pas avoir le même comportement entre les deux vélos, mais on espère que cela peut vous aider à imaginer quel genre de machines sont ces vélos et s’ils peuvent vous convenir ou non.

Le seul défaut qu’on a pu lui trouver sur cette prise en main est l’absence de protection sous le tube diagonal. Le bruit fait peur quand les cailloux tapent comme ce fut le cas en montagne et même si la peinture a plutôt bien résisté (BH aurait-elle réussi à corriger les problèmes d’usure sur le triangle arrière ?), une pierre a fini par en venir à bout sous le boîtier de pédalier. Dommage, d’autant qu’on peut trouver des protections légères qui permettent au moins d’épargner la finition et d’étouffer un peu le bruit.

Clairement, ce nouveau BH Lynx Race est plus une évolution de l’ancien modèle qu’un véritable nouveau vélo. Ceci dit, ce n’est pas forcément une mauvaise chose vu le succès rencontré par l’ancien et on apprécie les petites évolutions pratiques comme l’ajout d’un deuxième support de porte-bidon. Taillé pour le XCO où il séduit par son comportement joueur et vif, il parvient toutefois à faire preuve de polyvalence et ne se montre pas exigeant, ce qui le rend très intéressant pour les pratiquants comme vous et nous. On pourrait lui reprocher de manquer d’un élément marquant pour se distinguer dans la masse du marché, comme un BMX Fourstroke 01, un Specialized Epic WC ou un Scott Spark RC le font mais d’un autre côté, cela fait de lui un très bon XC polyvalent sans prise de tête, ce qui est aussi un bon argument.

Plus d’informations : bhbikes.com

ParLéo Kervran