Test | Lapierre Spicy CF 7.9 : l’EWS à la portée de tous

Par Léo Kervran -

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Test | Lapierre Spicy CF 7.9 : l’EWS à la portée de tous

Il n’est pas tout neuf, mais il truste depuis son lancement les podiums des EWS entre les mains d’Isabeau Courdurier ou d’Adrien Dailly, et on avait beaucoup aimé son petit frère presque jumeau, le Zesty AM. Cela nous faisait donc deux bonnes raisons de tester le Lapierre Spicy, la machine d’enduro de la marque dijonnaise ! Et pour pimenter un peu les choses, c’est sur la très attirante version CF 7.9 et ses singulières suspensions Öhlins, peu courantes sur des vélos de séries, que nous avons passé ces derniers mois.

La première sortie officielle du Spicy sous ce format remonte à la fin d’année 2018, avec le grand salon de l’Eurobike en Allemagne. Nous avions alors pu découvrir la bête en compagnie de l’E-Zesty et surtout du Zesty AM, un vélo avec lequel le Spicy partage un peu plus qu’une silhouette.

En effet, pour le Zesty AM en 140 mm et Spicy en 170 mm (160 mm pour le 29″ à l’époque), il n’y a qu’un seul et même cadre. Ce sont les composants et éventuellement la taille de roue qui donnent leur caractère et leur géométrie précise à chaque vélo. Un concept rare mais pas unique, puisqu’on le retrouve par exemple chez la toute nouvelle marque Scor, qui propose également un 140 mm et un 160 mm.

Châssis

Le Spicy a connu une petite évolution cette année, avec le passage à 170 mm de débattement arrière et l’abandon des roues de 27,5″. Jusqu’en 2020, le vélo était proposé en 27,5″ pour les tailles S et M ou en 29″ pour le M, le L et le XL (on pouvait donc choisir en taille M) selon le concept FIT de la marque. Désormais, tout le monde est en 29″… de série.

En effet, le cadre est toujours le même et on dispose toujours de la petite pièce réversible qui permet de passer d’une taille de roue à l’autre. Vous pouvez donc toujours vous monter un Spicy en 27,5″ si vous avez les pièces à la maison. Même remarque pour le « mulet », c’est-à-dire une roue de 29″ à l’avant et une roue de 27,5″ à l’arrière.

En revanche, les lignes du vélo n’ont pas changé du tout depuis 2018 et c’est tant mieux ! Elles n’ont pas pris une ride et à nos yeux, le Spicy CF est toujours sans conteste un des plus beaux (on oserait même dire sexy) vélos du paddock. La proéminence du tube de selle, qui surprend parfois sur les photos, passe presque inaperçue lorsqu’on est en présence du vélo et s’intègre parfaitement à la ligne générale du cadre. On peut cependant regretter que la finition, sur ce modèle précis, ne mette pas vraiment ces formes en valeur.

Elle est de qualité, aucun reproche là-dessus, mais tant sur le basculeur que sur les deux triangles, les choix des couleurs et « textures » fait bon marché lorsqu’on regarde le vélo de près. Tout l’inverse du superbe kaki qu’arborait la version CF Team l’année dernière, ou même du discret noir relevé par des marquages irisés du même modèle Team cette saison.

Le même constat s’applique à la petite « boîte à gants » sous le tube diagonal. L’idée d’un rangement intégré au vélo est bonne mais ici, l’espace est tellement petit qu’on ne peut pas y mettre grand chose et que vous aurez toujours besoin d’un sac ou d’une sangle si vous souhaitez emporter quelques outils, une chambre à air et/ou des mèches, une petite veste et quelque chose à manger. Autre souci, un outil est nécessaire pour accéder à son contenu puisqu’il faut dévisser une vis. Pas très pratique pour une boîte justement censée contenir le matériel de réparation…

A défaut d’être un espace de stockage efficace, cette LP Box fait néanmoins office de bonne protection contre les impacts pour le tube diagonal et ne montre aucun signe de fatigue, alors que nous l’avons roulée vide la plus grande partie du test. De manière générale, les éléments de protection sont de bonne facture et couvrent suffisamment les zones exposées. Seul le bas de l’amortisseur n’est pas complètement protégé, sûrement pour ménager suffisamment d’espace à la roue arrière.

Seul gros bémol dans la conception du cadre, la gestion de la tige de selle télescopique. Elle descend droit vers l’amortisseur dans un puits qui n’est pas fermé à son extrémité tandis que la gaine passe sur le côté puis derrière l’amortisseur. Quel est le problème ? Si vous avez des jambes plutôt courtes pour votre taille, comme c’est le cas de votre serviteur, régler la tige de selle à la bonne hauteur peut la faire descendre très bas dans le tube de selle, tellement bas que cela peut créer un coude extrême pour la gaine et venir appuyer sur le ressort à certaines occasions.

C’est exactement ce qu’il s’est passé pour nous, alors qu’on pourrait encore descendre la tige de selle de plus d’1 cm. Une tige de selle plus courte (on parle du fourreau, pas du plongeur) réglerait sûrement le problème, mais c’est tout de même embêtant d’avoir à changer un composant aussi important dès la réception du vélo, alors que celle d’origine fonctionne par ailleurs très bien.

En revanche, on apprécie la gestion des câbles et Durits. Les entrées sont bien conçues et judicieusement placées pour prévenir les frottements sur le cadre, de petits clips permettent d’organiser tout le monde et d’éviter l’effet « forêt de câbles »… Lapierre montre qu’il est encore possible de faire de belles choses sans aller vers l’intégration, qui à l’heure actuelle complique souvent la vie des vététistes.

Suspension

Initialement en 160 / 160 mm de débattement (avec les roues de 29″), le Spicy développe depuis cette année 170 mm de débattement à l’avant comme l’arrière. Pour actionner l’amortisseur, Lapierre a opté pour une architecture de type 4 bar linkage optimisée pour un amortisseur à ressort hélicoïdal. Comparé à un ressort air, c’est plus lourd et cela peut être compliqué d’obtenir le sag parfait mais c’est aussi plus sensible et complètement insensible à  l’échauffement sur les longues descentes.

On l’évoquait en introduction, ce Spicy CF 7.9 est équipé de suspensions Öhlins. Le spécialiste suédois se fait rare en première monte, c’est donc un joli coup de Lapierre qui permet d’attirer encore un peu plus (s’il était besoin) les regards sur cette jolie machine. On profite ainsi d’une RXF36 R à l’avant et d’un TTX 22M Coil à l’arrière, avec bien sûr un ressort au tarage différent pour chaque taille de cadre.

Quand on a l’habitude de Fox et RockShox, voire de SR Suntour, la transition vers des suspensions Öhlins demande un peu de temps. En effet, tous les réglages ne sont pas placés aux mêmes endroits et toutes les molettes n’ont pas la même couleur ! Ici, le rebond est jaune et la compression hautes vitesses noire, tandis que le ressort et l’amortissement sont inversés sur la fourche : ressort à droite et hydraulique à gauche, depuis le point de vue du pilote. On signalera au passage qu’en France, c’est X1 Racing qui s’occupe de l’entretien des produits Ohlins pour le VTT.

Géométrie

Malgré ses 170 mm de débattement, le Spicy va beaucoup moins chercher dans les extrêmes en matière de géométrie que de nombreux modèles lancés ces deux voire trois dernières années. On pourrait presque le qualifier de « sage », avec son angle de direction à 65° ou son reach de 465 mm sur notre modèle d’essai en taille L (une valeur de taille M chez d’autres marques) !

On remarque également que les bases sont plutôt courtes, seulement 433 mm. Angle de direction pas trop couché, vélo pas très long… Voilà qui dessine les contours d’une machine bien vivante sur le terrain.

Equipements

Le Spicy CF 7.9 est affiché à 5 299 €, un tarif alléchant pour un enduro en carbone équipé de suspension Öhlins. On s’en doute, Lapierre a donc dû faire des compromis quelque part, mais où ?

Pas du côté des freins en tout cas puisque le vélo est équipé des excellents Shimano Deore XT 4 pistons, en disques de 203 mm devant comme derrière.

Sans être exceptionnel, le train roulant est également à la hauteur : de fiables roues DT Swiss E1700 (30 mm de largeur interne) chaussées de pneus Maxxis, avec un Assegai 2.5 WT devant et un DHR II 2.4 WT derrière. Seul le choix de la carcasse interpelle, puisque l’Assegai est en DoubleDown, très solide et adapté à l’enduro, mais le DHR II est en Exo, un peu léger à notre goût. A défaut de monter deux DoubleDown ou deux Exo+, inverser au moins les deux carcasses (Exo à l’avant et DD à l’arrière) aurait eu un peu plus de sens car la roue arrière est plus exposée aux crevaisons.

C’est finalement au niveau de la transmission que la marque a fait des économies. A côté d’un pédalier et un dérailleur Shimano Deore XT, on a du SLX (manette, chaîne) voire du Deore (cassette). Cela se traduit par un surpoids certain face à une transmission complète en Deore XT (+ 130 g pour la seule cassette) et un fonctionnement un poil moins rapide, principalement à cause de la manette. Cependant, les passages de rapports sont aussi fluides et précis que sur les groupes plus haut de gamme et c’est l’essentiel.

Pour les périphériques, on est sur du simple mais le fonctionnement est irréprochable, à l’image de la tige de selle TranZX RAD (actionnée par le très agréable levier Shimano) à course ajustable. Le poste de pilotage comme la selle sont signés Lapierre et s’ils ne sont pas très flatteurs visuellement, ils se sont montrés très confortables sur le terrain.

Avec ce montage, notre Spicy en taille L affiche 15,05 kg sur la balance. Pas si lourd pour un enduro 29″ avec amortisseur hélicoïdal, d’autant qu’il est facilement possible de descendre plus bas en changeant quelques pièces sans rien perdre en performance ou en fiabilité.

Versions et tarifs

La gamme Lapierre Spicy est composée de 4 modèles, 3 en carbone et 1 en aluminium, pour des tarifs qui vont de 3 199 € (Spicy 4.9, cadre aluminium) à 6 299 € (Spicy CF Team, cadre carbone). On notera que même sur le 4.9, Lapierre a choisi un équipement décent (suspensions Fox 38 Performance / Van R, groupe complet Shimano Deore) qui rend le vélo parfaitement utilisable en enduro dans sa configuration d’origine.

En revanche, le choix de freins Sram G2 RSC sur la version la plus haut de gamme surprend. On a beau savoir que c’est le modèle utilisé par Adrien Dailly, il n’est selon nous pas adapté à la pratique de l’enduro et risque d’être sérieusement sous-dimensionné pour la plupart des pratiquants, même avec des disques en 200 mm.

Le Lapierre Spicy CF 7.9 sur le terrain

Comme de coutume, on commence par pédaler et dans ce domaine, force est de constater que le Spicy s’en sort (très) bien. L’absence de levier de blocage sur l’amortisseur Ohlins ne se fait pas sentir au train et le vélo garde du répondant sous la pédale. Avec le Spicy, les montées sont loin d’être un calvaire et peuvent même se montrer agréables… tant que la pente n’est pas trop raide. La faute à l’angle du tube de selle, qui place vite le pilote dans une position inconfortable lorsque les pourcentages augmentent.

On a beau râler sur l’évolution trop rapide des vélos qui rend « obsolètes » (les guillemets sont nécessaires, le mot est tout de même fort et souvent exagéré) des machines de quelques années à peine, il faut bien reconnaître que le Spicy paye le poids des ans dans ce domaine. Un angle de tube de selle à 74,5°, c’est une valeur typique d’un vélo de XC (qui a un poste de pilotage beaucoup plus bas) et c’est aussi 3 à 4 degrés de moins que la plupart des enduros modernes.

On bascule dans la descente et on se sent immédiatement à l’aise au guidon du Spicy. A titre personnel, le reach de 465 mm me convient parfaitement (je mesure 1m79) et la géométrie est bien équilibrée. Face à d’autres enduros modernes, le Spicy est plus vif, plus maniable grâce à ses bases courtes et son angle de direction pas trop couché, mais ce n’est pas pour me déplaire.

Le ressort choisi par Lapierre pour cette taille L est en revanche un peu dur pour mon poids (66-67 kg en tenue de vélo). C’est le problème des ressorts hélicoïdaux, ils ont des avantages certains si on ne parle que de qualité de fonctionnement mais le réglage du sag est plus compliqué si on n’est pas pile dans la « norme ». Le module de recommandations de réglages Ohlins, disponible en ligne sur le site de la marque suédoise, me recommande d’ailleurs un ressort un cran plus souple, c’est-à-dire celui qui est monté sur le Spicy en taille M.

Toutefois, ce comportement ferme est cohérent avec celui qu’offre la fourche, elle aussi réglée en suivant les préconisations d’Ohlins. Le vélo se présente dans une configuration « race », performante et efficace à condition de rouler à fond. Autrement, le support à mi-course est tel qu’on reste tout le temps dans le haut du débattement, avec peu de sensibilité sur les petits chocs. Avec un ressort plus souple à l’arrière, j’aurais certainement diminué un peu la pression pour trouver plus d’onctuosité et fermé un peu les compressions pour éviter d’avaler le débattement trop vite, mais ici, conserver l’équilibre du vélo était plus intéressant.

Malheureusement pour Lapierre et le Spicy, notre test a été entaché d’un souci que tout le monde aimerait éviter : la casse. C’est le hauban gauche (côté disque) qui en a été victime, avec une fissure de plusieurs centimètres sur la face extérieure. Plus embêtant encore, rien ne peut expliquer cette casse : aucune chute sur des rochers et des racines, pas de sorties hors programme…

Nous avons tenu à laisser à Lapierre la possibilité de prendre position sur ce problème. Voici leur retour : « Nous avons surtout constaté ce problème de hauban qui se casse au niveau du team Enduro Lapierre Zipp Collective. Compte tenu de l’utilisation qu’ils ont des vélos et de la rareté du problème, il n’y a pas été validé de modifier les haubans. Quelques rares cas ont été recensés au niveau du SAV/magasins mais là encore dans des proportions qui ne nécessitent pas de correction. Le problème est donc connu mais marginal et, dans le cadre d’une utilisation normale, systématiquement couvert par la garantie de 5 ans qui s’applique sur tous les cadres Lapierre. »

Une réponse qu’on qualifiera de « demi-rassurante » : Lapierre est au courant du problème et le prend en charge mais ne prévoit pas d’y remédier. Nous sommes bien obligés de faire confiance à la marque car nous n’avons pas les informations pour nous prononcer sur la prévalence de cette casse. Quoi qu’il en soit, signalons qu’elle s’est montrée réactive et a rapidement envoyé un nouveau hauban (qui a tenu) pour nous permettre de mener à bien la fin du test.

Un problème impossible à passer sous silence mais d’autant plus dommage que le Spicy nous a réellement plu. Honnête pédaleur, pas compliqué en descente, dynamique, il s’est rapidement imposé comme notre vélo « par défaut », celui qu’on choisit aussi bien pour une sortie à midi qu’un week-end sans programme défini à l’avance, pour une grosse journée enduro ou un tour plus typé trail/all-mountain. Il nous fait un peu penser au Giant Reign, avec un caractère de compétiteur un peu plus prononcé.

Pour une pratique tournée vers la compétition justement, le Spicy se montrera probablement moins stable que certains de ses concurrents plus longs et avec plus d’angle à l’avant. Il faudra davantage d’efforts de la part du pilote, plus de gainage aussi, pour le tenir à haute vitesse ou dans le défoncé.

Néanmoins, ce format plus compact et ce caractère plus vif n’ont pas que des inconvénients, bien au contraire. Plus joueur et amusant à rouler, le Spicy est aussi plus facile à « récupérer » en cas d’erreur, d’autant que la rigidité est présente mais pas excessive. Il est d’ailleurs amusant de remarquer à quel point les vélos « faciles » et pas extrêmes semblent bien fonctionner en EWS : Sam Hill avec l’ancien Nukeproof Mega, Jack Moir avec le Canyon Strive, Jesse Melamed avec le Rocky Mountain Altitude… et Isabeau Courdurier avec ce Spicy. Des résultats à rebours de l’évolution technique du segment enduro ces deux dernières années, qui montrent que la performance pure du vélo n’est peut-être pas toujours la voie à suivre dans une discipline aussi vaste que l’enduro.

Verdict

Plutôt bien placé en terme de prix, présent au pédalage et très polyvalent en descente, le Lapierre Spicy a montré de belles choses dans cet essai et confirme que la plateforme Zesty AM / Spicy (lire notre essai du Zesty AM, que nous avions beaucoup apprécié) est bien née. Ce bilan positif est toutefois terni par des défauts de conception, certains presque anecdotiques comme la LP Box et d’autres plus gênants comme le potentiel frottement de la tige de selle sur l’amortisseur ou le tube de selle pas assez droit. Dommage, car sans cela le vélo aurait bien pu faire le carton plein avec les 5 étoiles, un prix d’excellence et un coup de coeur.Pour l’année prochaine avec une petite mise à jour ?

Lapierre Spicy CF 7.9

5 299 €

15,05 kg(taille L, sans pédales)

  • Facile à prendre en main
  • Géométrie équilibrée
  • Bon comportement au pédalage
  • Polyvalence
  • Tube de selle pas assez droit
  • Tige de selle qui peut venir appuyer sur le ressort de l'amortisseur

Évaluation des testeurs

  • Prix d'excellence
  • Coup de coeur
  • Rapport qualité / prix

Plus d’informations : lapierrebikes.com

ParLéo Kervran