Test gravel | Canyon Grail CF SL 8.0 : un (bi)plan de génie

Par Olivier Béart -

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Test gravel | Canyon Grail CF SL 8.0 : un (bi)plan de génie

Après l’Inflite qui rafle les victoires en cyclocross avec Mathieu van der Poel, Canyon a fait une entrée remarquée dans le petit monde du gravel avec le Grail, reconnaissable entre tous avec son cintre bi-plan si particulier. Simple gadget né du cerveau torturé d’un ingénieur ou véritable bonne idée ? Et le reste du vélo, que vaut-il ? Pour répondre à ces questions, nous avons emmené le Canyon Grail CF SL 8.0 sur les chemins. Et nous avons fait une très belle découverte !

Le gravel est une pratique en plein boom et si, chez Vojo, nous ne faisons pas de route (nous n’avons rien contre, mais simplement personne dans l’équipe ne pratique réellement), nous avons très vite été attirés par cette nouvelle catégorie de vélos. D’abord curieux, nous avons essayé d’en cerner les contours dans le cadre d’un dossier « gravel, qui es-tu ? »… et nous avons beaucoup aimé cela. Alors, on a décidé de remettre le couvert et de continuer à s’intéresser à ces vélos simples, à mi-chemin entre la route et le VTT, qui permettent de rouler sur une grande variété de terrains et de redécouvrir des sensations off-road qu’on a tendance à oublier au guidons de VTT sans cesse plus évolués.

Et ce fameux Canyon Grail alors ? Les traits de son cadre rappellent l’Inflite de cyclocross (voir notre test ici), mais sur le terrain, difficile de confondre les deux. L’un est fait pour relancer sans cesse et performer dans les labourés pendant 1h chrono, alors que l’autre, celui qui nous occupe ici, est fait pour les sorties au long cours, pour s’évader sans s’inquiéter de savoir si on roule sur de l’asphalte ou de la terre.

Ce Canyon Grail CF est aussi indissociable de son poste de pilotage CP07 « bi-plan » qu’on retrouve sur tous les modèles carbone. Bien plus qu’une signature visuelle, il fait partie du concept même du vélo pour offrir à la fois une meilleure absorption des vibrations, ainsi qu’une position plus ramassée et confortable une fois les mains en haut, avec un mix de rigidité et de précision les mains en bas. Mais ne brûlons pas les étapes, nous vous en reparlerons un peu plus bas au chapitre des équipements, ainsi que bien sûr lorsque nous vous détaillerons nos impressions sur le terrain. Pour l’heure, commençons par un peu plus de détails sur le châssis.

Châssis

Le Canyon Grail est disponible en trois exécutions : AL, avec un cadre en aluminium ainsi qu’un poste de pilotage plus classique ; puis deux versions carbone, CF SL et CF SLX, toutes deux avec le fameux cockpit X7. Ici, c’est le modèle carbone CF SL que nous testons. La différence avec le SLX ? Tout simplement les fibres de carbone utilisées, car le moule est exactement le même. Cela se remarque sur la balance, puisque le cadre du Canyon Grail CF SL est annoncé à 1040g, ce qui est déjà bien léger, mais le SLX descend à 830g !

Il y a aussi bien sûr une différence de prix, puisque les modèles équipés du cadre SLX démarrent à 4599€, alors que le cadre SL est disponible sur des modèles allant de 2199 à 3599€. Ayant eu l’occasion d’essayer également le SLX, les différences de comportement sur le terrain sont par contre minimes et on sent surtout que la philosophie globale de développement a été la même pour les SL et SLX.

Le but de Canyon a été de concevoir un vélo de gravel particulièrement polyvalent et capable tant de séduire ceux qui en ont une définition plus sportive que ceux pour qui cela rime plus avec découverte et sorties sans trop se soucier de sa moyenne. Techniquement, au-delà du fameux poste de pilotage, cela se traduit par un cadre dont la partie inférieure est pensée pour la rigidité latérale (douille de direction, tube diagonal, boîtier de pédalier), combiné à un triangle arrière et une partie supérieure du cadre qui vont avoir pour but de dissiper les vibrations et d’offrir de la souplesse verticale. La recette est connue, mais Canyon en livre ici une belle interprétation, basée tant sur les expériences de la marque en route, cyclocross et VTT.

La forme du triangle arrière et du raccord avec le tube de selle a bien un petit air de famille avec l’Inflite, mais quand on compare directement les deux, on voit tout de suite les différences, avec un raccord beaucoup moins massif sur le Grail dans l’optique d’offrir plus de tolérance au niveau de cette jonction située à la croisée entre le séant du pilote et les remontées d’impacts depuis le terrain.

Autre objectif : quand cette jonction a aussi pour but de permettre un bon porté à l’épaule sur l’Inflite de CX, la jonction plus compacte sur le Grail libère plus de place dans le triangle avant du Grail, histoire par exemple d’y placer de la bagagerie pour de longs raids en itinérance. A noter que le Grail est aussi doté de points d’ancrage pour garde-boue.

On termine ce petit tour du propriétaire du cadre en précisant qu’il accepte des pneus jusque 42mm de section ; Canyon n’étant pas parti dans le jeu des compatibilités avec des roues/pneus 650b*2.1 (officiellement du moins). Le passage des gaines se fait en interne, et qu’il est muni d’axes de roues traversants en 12mm. Et le cintre, et la tige de selle, véritables prolongements du cadre ? Patience, on y vient (eh oui, on aime faire durer le suspense) !

Géométrie

Ici aussi, on peut jouer au jeu des 7 erreurs avec l’Inflite de CX. Il partage avec lui ses bases courtes (425mm), mais il se démarque au niveau de son empattement plus long et de son reach plus important lui aussi. Le Grail joue la carte d’un triangle avant plus profond, mais couplé à une potence plus courte et à un cintre un peu plus large. Cela peut sembler minime, mais sur le terrain, c’est assez perceptible. (Cliquez sur le tableau de géométries pour l’agrandir).

Au niveau de l’angle de direction, le Canyon Grail CF SL affiche 72,5°, ce qui reste assez « droit » par rapport à d’autres vélos du segment qui sont de plus en plus vers 71°, voire 70° pour le BMC URS par exemple. Nous verrons sur le terrain si ce cocktail fonctionne ou si, comme en VTT, un angle de direction plus couché est synonyme de comportement amélioré ou du moins plus débridé. A noter aussi que pas moins de 7 tailles (!) sont disponibles au catalogue, du 2XS au 2XL.

Equipements

Ça y est, on va en parler de ce fameux poste de pilotage si original ! Si on ne parle pas juste de cintre, c’est parce que cet ensemble comprend également la potence, et aussi parce qu’il est un véritable prolongement du cadre, produit, développé et pensé par Canyon en même temps que le châssis.

L’idée de ces deux « ailes », c’est d’avoir une partie supérieure décalée vers l’arrière et pensée pour avoir une importante capacité de déformation à la verticale pour maximiser l’absorption des vibrations. C’est une position particulièrement adaptée notamment aux grandes portions de plat. Attention : on ne met pas ses mains au centre, ce n’est pas fait pour ! Canyon l’annonce clairement par de petites inscriptions sur le cintre. Rassurez-vous, ce n’est pas vraiment fragile, mais c’est vraiment très souple à cet endroit et pas prévu pour recevoir des contraintes importantes.

Et le bas ? Là, même si on est toujours sur un profil assez plat, on joue plutôt la carte de la rigidité, avec une potence imposante qui se prolonge vers le creux du cintre. On est positionné moins bas que sur un cockpit classique, et on dispose aussi d’un appui particulièrement agréable pour les pouces, qui viennent se caler parfaitement sur les parties reliées à la potence. Comme tout ensemble intégré, il n’offre que peu de possibilités de réglages, mais cela ne nous a posé aucun souci pour notre part.

Derniers détails : comme sur les autres postes de pilotage intégrés de chez Canyon, le serrage de la potence se fait par deux vis très discrètes situées à l’arrière de la potence, et il est possible de régler la hauteur du poste de pilotage sur 15mm au moyen d’entretoises. Quant au réglage, malgré le look atypique de l’ensemble, il demeure au final très classique. Il dispose aussi d’un porte GPS en option (monte type Garmin).

Ce cockpit ne doit pas faire oublier un autre accessoire maison très important, qui prolonge lui aussi le cadre : il s’agit de la tige de selle VCLS. On la retrouve aussi sur l’Inflite ainsi que sur l’Exceed en VTT. Propre à Canyon, elle est composée de deux lames indépendantes qui permettent à la tige de se déformer de manière contrôlée et d’offrir un petit effet suspension, ainsi que de belles capacités de dissipation des vibrations. Le réglage de l’inclinaison de la selle s’en trouve un peu compliqué, mais rien d’insurmontable. On note aussi la belle intégration du serrage de la tige de selle dans le cadre.

Pour le reste, le Canyon Grail CF SL 8.0 testé ici est équipé d’un groupe Shimano GRX RX810 dédié spécifiquement à la pratique gravel. Il se démarque par des leviers aux formes spécifiques et un dérailleur arrière qui rappelle les modèles VTT, couplé à une cassette 11-34 11 vitesses.

Il existe en mono-plateau, mais Canyon a ici fait le choix assez judicieux du double, certes plus lourd, mais réellement polyvalent et à notre avis indispensable si on reste comme ici sur une cassette 11 vitesses (c’est différent chez Sram avec le 12 vitesses AXS électronique qui peut être couplé à un dérailleur arrière VTT et à une cassette 10/50 Eagle qui donne l’étendue nécessaire au mono-plateau).

Les freins Shimano GRX méritent aussi un petit coup de projecteur. Nous les avons trouvés particulièrement efficaces (plus que les Sram) et l’ergonomie des leviers ajoute grandement au confort d’utilisation. Les disques sont en 160mm devant et 140mm derrière.

Enfin, on termine par les roues qui sont ici des DT-Swiss G1800 Spline. Il s’agit de roues alu milieu de gamme, pas spécialement légères (1800g la paire), mais qui permettent déjà de bénéficier de la qualité de construction DT-Swiss, ainsi que de jantes de 24mm de large et 25mm de haut. Ces dernières se combinent bien avec les pneus Schwalbe G-One en 40mm de section, qui ajoutent de jolis flancs beiges pour le style.

Le prix de cette version CF SL 8.0, intermédiaire dans la gamme Grail, est de 2699€. Un tarif qui fait honneur à la réputation d’excellent rapport qualité/prix de Canyon. Si vous êtes tentés par une transmission électronique, il existe également une variante au catalogue, à 3399€ en Shimano Di2, ainsi qu’en Sram Etap à 3599€. Enfin, du côté de la balance, nous avons pesé notre exemplaire de test en taille M tout juste sous la barre des 9kg, à 8,985kg. Place maintenant à l’essai !

Canyon Grail CF SL 8.0 : le test terrain

On ne va pas faire les grands experts qui savent tout sur tout… déjà en VTT, malgré notre expérience, nous abordons chaque essai avec humilité et sans prétendre détenir une quelconque vérité absolue. Mais en gravel, nous faisons figure de « rookies ». Et c’est avec un regard de vététistes que nous avons abordé cet essai du Canyon Grail CF SL 8.0.

Pour des testeurs ayant tous un background allant du XC/marathon à l’enduro, le Canyon Grail se démarque immédiatement par sa position qui a tout pour plaire à un biker. On n’a pas du tout l’impression d’être sur un dérivé de vélo de route, mais sur un vélo bien spécifique, qui place le pilote dans une posture qui donne directement la sensation d’être bien posé, plutôt droit, pas trop allongé ni recroquevillé, et dans une position qui va vite donner envie d’aller voir hors du bitume ce que l’engin a dans le ventre.

Sur route et grands chemins, par rapport à l’Inflite, la différence est assez nette. Quand l’enfant terrible du cyclo-cross demande de relancer sans cesse et montre qu’il n’aime pas les longs bouts de ligne droite, le Grail se montre d’emblée plus tolérant et polyvalent. Rouler des heures et des heures ne lui fait pas peur, que ce soit seul, le nez au vent, ou avec des potes routiers qui vont sans doute sourire au début en vous voyant aves vos gros pneus, mais qui vont probablement vite se raviser en voyant que vous et votre machine êtes facilement capables de suivre des allures élevées.

Quand on s’aventure sur des chemins plus tourmentés, on sent que l’ensemble a été conçu avec une vraie cohérence et que le résultat final est très convaincant quant il s’agit de ménager le pilote en évitant de lui donner l’impression qu’il roule sur un shaker dès que le relief du sol est un peu accidenté. Que ce soit le cadre, la tige de selle ou le cintre, tout concorde pour filtrer, adoucir et dissiper les vibrations, ce qui permet – au choix et selon la définition qu’on donne à sa pratique du gravel – de prendre plus de plaisir ou d’être plus efficace dans son coup de pédale.

Pour autant, quand on décide d’accélérer, la bête se réveille instantanément ! La nervosité est bien présente, y compris dans cette version CF SL 8.0 qui est une des plus accessibles de la gamme. Nous avions aussi eu l’occasion de rouler l’an dernier sur un SLX haut de gamme. Bien sûr, il était plus léger, il avait des roues carbone qui rajoutaient une petite dose de « pep’s », mais ce CF SL plus accessible ne nous a vraiment pas donné l’impression d’être une version au rabais ! C’était bien le même vélo, et c’est vraiment agréable de constater que même les versions les moins chères du Grail offrent d’excellentes prestations. Oui, si vous pouvez vous le permettre, le SLX apportera un peu plus de raffinement, mais un SL vous donnera déjà l’essentiel.

En bon vététistes, nous avons aussi cherché à voir les limites du Grail dans le technique. Et nous avons dû aller très loin pour les trouver ! Comme l’Inflite, le Grail est très à l’aise dans les portions sinueuses et même dans les pentes raides. Là, son cintre si particulier offre une tenue incomparable quand on met les mains en bas, les pouces bien calés dans les parties qui font le lien avec la potence. Malgré l’angle de direction assez fermé, l’avant n’est pas trop vif et le vélo met globalement bien en confiance.

On sent bien les gros impacts, mais on sent aussi qu’ils sont arrondis et que les vibrations du sol sont bien calmées, ce qui permet de se concentrer pleinement sur son pilotage. On n’a pas entre les jambes un cheval fou quasi impossible à dompter, sur lequel on a l’impression de risquer la chute à la moindre portion tendue, mais bien une machine moderne, bien pensée et qui permet de (re)découvrir des sensations différentes sur des parcours qu’on connaît par cœur et dont certaines portions peuvent sembler ennuyeuses au guidon d’un VTT tout-suspendu dernier cri.

Du côté des équipements, nous avons particulièrement apprécié le groupe Shimano GRX et l’ergonomie de ses poignées. Si nous sommes inconditionnels du mono en VTT, force est de constater qu’en gravel, le double offre une étendue de rapports qui permet d’être à l’aise tant sur le roulant que sur des tracés plus vallonnés et abrupts. Le réglage de la selle n’est pas des plus facile avec la tige VCLS, par ailleurs excellente pour ce qui est de la filtration des vibrations, et il lui est arrivé de bouger légèrement pendant le test à cause d’un serrage du réglage d’inclinaison pas facile à bien doser. Enfin, on pourra gagner facilement en dynamisme avec des roues plus haut de gamme, même s’il est difficile de reprocher quoi que ce soit aux DT G1800. Quant aux pneus, ils sont bien partout mais excellents nulle part et il est probable qu’on sera vite tenté de les changer pour quelque chose de plus spécifique selon ses terrains de pratique.

Verdict

On peut penser ce qu’on veut de Canyon, de la vente directe ; on peut ne pas aimer le look de ce vélo et de son cintre si particulier. Mais quand on va au-delà des apparences et des idées préconçues, on découvre un vélo unique en son genre, qui procure un plaisir et des sensations que nous n’avions que rarement ressenties jusqu’ici, que ce soit au guidon d’un VTT ou d’un autre gravel. Bien sûr, nous n’avons pas une énorme expérience de cette catégorie de vélos et nous n’oserions pas avancer que c’est le meilleur gravel du marché. Mais tout de même : en plus de 20 ans de pratique, rarement nous avons essayé un deux roues aussi jouissif, passionnant et interpellant. Que vous soyez un vrai adepte du gravel, un vététiste à la recherche d’une monture pour l’entraînement ou pour rouler autrement sur les sentiers, voilà assurément une machine qui mérite le coup d’œil. Car avec le Grail, Canyon n’a pas juste sorti une belle fiche technique et un rapport qualité/prix alléchant sur le papier. Les Allemands ont simplement sorti un « grand » vélo. 

Canyon Grail CF SL 8.0

2699€

8,985kg(sans pédales)

  • Concept de cintre bi-plan excellent (ergonomie, filtration,...)
  • Aussi à l'aise sur le roulant que dans le technique, fun à piloter et met en confiance sur les tracés typés VTT
  • Confort et tolérance de l'ensemble cadre/tige de selle/cintre
  • Excellent rapport qualité/prix, le cadre CF a déjà (presque) tout d'un grand
  • Réglage de la tige de selle VCLS complexe
  • Pneus
  • RAS

Évaluation des testeurs

  • Prix d'excellence
  • Coup de coeur
  • Rapport qualité / prix

ParOlivier Béart