Test | Fazua Ride 60 : l’empire du milieu

Par Léo Kervran -

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Test | Fazua Ride 60 : l’empire du milieu

Précurseur de l’assistance légère, le fabricant allemand Fazua avait suscité beaucoup d’intérêt en 2017 avec le lancement de son système Ride 50. Néanmoins, ni la technologie ni le marché ne semblaient réellement prêts et le Ride 50 n’a pas rencontré le succès escompté. Depuis, les choses ont bien évolué et si la concurrence s’est développée, la marque n’a pas dit son dernier mot : elle a présenté au printemps dernier un système d’assistance entièrement repensé, le Ride 60. Le moment de Fazua est-il venu ? Voici notre avis après plusieurs mois de test :

Avant de se pencher sur le Ride 60, il est bon de se rappeler d’où vient Fazua. Au-delà de son côté précurseur sur l’intégration dans le cadre et la légèreté à tout point de vue (4,6 kg batterie comprise, 250 Wh et 60 Nm), son prédécesseur le Ride 50 intriguait avec sa conception modulaire. En effet, le système était en trois parties et non deux comme on en a l’habitude : le moteur était séparé de l’unité « boîtier de pédalier », qui se chargeait de transmettre la puissance aux manivelles.

On pouvait donc non seulement retirer la batterie mais aussi le moteur, pour ne garder que la partie « boîtier de pédalier » sur le vélo et « transformer » son VTT AE en VTT classique. Un concept surprenant qui n’a, cependant, pas du tout fonctionné. Certes, on gagnait plus de 3 kg mais les frottements restaient supérieurs à ceux d’un VTT sans assistance car les engrenages de la partie transmission étaient toujours présents. Dans notre test du Lapierre E-Zesty AM (lire Test | Lapierre Zesty & E-Zesty : naturel ou boosté, un cocktail toujours acidulé !), nous écrivions « c’est bien d’avoir cette possibilité “au cas où” (participation à une épreuve qui n’accepterait pas les VAE,…) mais en pratique il est fort probable qu’elle sera très peu utilisée par les propriétaires » et 4 ans plus tard, nous ne connaissons personne qui utilise cette fonctionnalité.

Côté interface, le Ride 50 a connu deux vies. Entre 2017 et 2020, le comportement de l’assistance était clairement perfectible : autonomie (très) réduite, peu de punch, très linéaire. Fazua a ensuite publié la mise à jour « Black Pepper », qui a entièrement revu la gestion de l’assistance pour la rendre plus en rapport avec les attentes d’un vététiste. Ceci dit, le système restait limité de par sa conception et face à une concurrence de plus en plus pressante, Fazua devait moderniser son offre.

Cette modernisation, la voici : le Ride 60. Le nom est presque le même mais à l’intérieur, tout a changé. La forme d’abord, puisque Fazua a abandonné son concept de système modulaire pour revenir à une solution bien plus classique, celle d’un ensemble moteur-boîtier de pédalier relié à une batterie.

C’est plus simple, ça permet de gagner beaucoup de place et mieux encore, c’est (nettement) plus léger : un Fazua Ride 60 complet pèse ainsi un peu plus de 4,2 kg (1,96 kg pour le moteur et 2,3 kg pour la batterie), soit 350 g de moins que le Ride 50 alors que la capacité de la batterie a augmenté de 72 % !

On passe en effet d’une batterie de 250 Wh à un modèle de 430 Wh, de quoi promettre une bien meilleure autonomie. Au passage, on mesure les progrès spectaculaires qui ont été faits dans le domaine ces dernières années. Il n’y a pas si longtemps, la plupart des « gros » VTTAE avaient une batterie de 500 Wh montée en externe sur le tube diagonal et les petites tailles n’acceptaient parfois pas plus de 400 Wh…

Le couple maximum reste à 60 Nm mais la puissance maximale « normale » passe de 300 à 350 W, avec la possibilité de monter jusqu’à 450 W dans certaines conditions. C’est la fonction Boost, qu’on active en maintenant la commande vers le haut. Si vous le faites lorsque vous êtes en mouvement le Boost dure jusqu’à 12 s (mais s’arrête dès lors qu’on ne pédale plus) tandis que si vous le faites à l’arrêt, il se coupera au bout de 4 s. Le reste du temps, le système fonctionne sur les 3 modes habituels de Fazua : Breeze, River et Rocket.

La commande est elle aussi entièrement nouvelle et ici, Fazua n’a pas hésité à explorer de nouveaux territoires. Plutôt que de travailler sur un nouvel ensemble à deux boutons comme les commandes les plus populaires, la marque a opté pour un espèce d’anneau aimanté qui n’est pas sans rappeler les shifters Zirbel pour dérailleur Sram AXS. Baptisé Ring Control, on peut le pousser vers le haut, vers le bas ou vers l’intérieur pour changer de mode ou activer l’assistance à la marche.

L’idée est intéressante et l’anneau tombe bien sous la main mais malheureusement, le système manque encore un peu de raffinement. La finition matte et le jeu fonctionnel ne donnent pas une impression de qualité et la commande manque un peu de précision ou de réactivité. Relâchez l’anneau trop vite et le contrôleur n’enregistrera pas forcément votre changement de mode, même si vous aviez bien atteint la butée. Un petit retour supplémentaire, comme un « clic » bien sensible qui indiquerait qu’on a bien changé de mode, ne serait pas inutile.

Pour les informations sur le mode et le niveau de batterie, ça se passe sur le tube diagonal avec Led Hub. Popularisé par Specialized avec sa famille de vélos Turbo, ce genre d’affichage est aujourd’hui en passe de supplanter les divers écrans autour du cintre. Ici, Fazua a joué la carte de la simplicité : on a en tout et pour tout cinq diodes, dont la couleur indique le mode d’assistance et le niveau de batterie restant par tranche de 20 %. Par ailleurs, en soulevant l’avant du Led Hub on accède à une prise USB-C qui peut permettre de charger une lampe, un compteur ou un téléphone directement sur la batterie du vélo.

Notez qu’il existe également une version du système qui rassemble tout au même endroit, le Control Hub, mais nous ne l’avons encore jamais rencontré sur un vélo.

Enfin, c’est aujourd’hui incontournable, Fazua propose une application pour suivre ses sorties, personnaliser le comportement de l’assistance selon ses goûts ou encore avoir des informations plus précises sur l’état de la batterie. Mention spéciale au design de la section « personnalisation », dans laquelle Fazua a choisi de proposer des courbes pour modifier le comportement du moteur (les valeurs précises sont affichées et modifiables juste en dessous des graphiques). C’est très visuel et peut-être plus facile d’accès pour qui n’a pas l’habitude de ce genre de choses.

Le Fazua Ride 60 sur le terrain

Pour tester une assistance il faut un vélo, et dans notre cas, c’est principalement le Focus Jam² SL qui s’est plié de bonne grâce à l’exercice. On vous présentait ce vélo à sa sortie fin octobre et l’article est toujours là si vous souhaitez en savoir plus à son sujet (lire Test nouveauté | Focus Jam² SL : le trait d’union), mais retenez principalement qu’il s’agit d’une plateforme en carbone de 150 mm de débattement à l’arrière et 160 mm à l’avant.

150/160 mm, c’est déjà un beau bébé mais contrairement au TQ HPR-50 qui s’affiche sans mal sur des vélos en 120 mm (BMC Fourstroke AMP LT, Scott Lumen), le Fazua Ride 60 ne descend pas aussi bas. On le trouve ainsi sur l’Haibike Lyke (140/140 mm), le Pivot Shuttle SL (132/150 mm)… De quoi donner une indication quant à son caractère ?

En effet, sur les sentiers le Ride 60 se démarque nettement du système TQ dont il apparaissait assez proche sur le papier. L’assistance est plus présente et pousse un peu plus, au lieu de simplement accompagner de façon discrète. Cela reste bien sûr très naturel et facile d’utilisation mais on est tout de même un cran au-dessus des assistances les plus légères comme la TQ HPR-50 ou la Mahle X20 (plus populaire en gravel). En fait, on est à mi-chemin entre ces systèmes et les « gros » moteurs classiques, type Bosch Performance CX ou Shimano EP8.

On pourrait le comparer au Shimano EP8 RS de l’Orbea Rise, à la différence que le Fazua a été conçu dès le départ comme un système « intermédiaire », ce n’est pas un gros moteur reprogrammé. L’EP8 RS reste un poil plus puissant dans les montées roulantes à nos yeux mais les deux systèmes se retrouvent au même niveau dans le raide et les reprises à faible cadence, où c’est le couple qui joue. Le Ride 60 reprend ensuite l’avantage sur le poids, l’encombrement ou encore la discrétion. Dans ce domaine, il se situe sans l’ombre d’un doute parmi les meilleurs avec le TQ HPR-50, avec éventuellement de petites différences suivant les cadres et leur résonance.

En revanche c’est un moteur, ou plutôt un système, qui n’aime pas s’arrêter. Le Fazua Ride 60 a un temps de réaction franchement long, sûrement le plus important de tous les moteurs modernes toutes catégories de taille et de puissance confondues. Comptez bien une seconde entre le moment où vous appuyez sur la pédale et celui où le moteur commence à vous assister. Ça peut se gérer lorsqu’on repart après une pause même si ce n’est pas l’idéal, surtout quand la concurrence fait (bien) mieux depuis des années, mais ça peut devenir compliqué dans les sections techniques, lorsque le pédalage est haché. On peut alors se retrouver avec de véritables « trous » dans l’assistance, avec un moteur qui coupe et ne reprend pas assez vite, et cela oblige souvent à finir à pied. Dommage.

On est aussi partagé sur l’intérêt de la fonction Boost. Cette petite accélération temporaire est très drôle à utiliser, ça ne fait aucun doute, mais il n’est pas évident de l’activer lorsque la montée demande un peu de pilotage. Ça la cantonne aux « murs » raides sur les pistes 4×4 et avec le temps on finit par s’en passer complètement. Oui, la puissance qu’elle apporte est confortable mais pour être réellement utile il faudrait que ce soit plus facile d’accès, ou en faire un mode d’assistance à part entière.

Si on parle maintenant du comportement du vélo dans son ensemble, le Fazua Ride 60 brille à nouveau. Avec ses 19,4 kg, notre Focus Jam² SL 9.9 en taille L n’est pas spécialement léger pour un « petit » e-bike et les plus légers des « gros » e-bike ne sont pas si loin, mais la différence est tout de même sensible dans l’équilibre de la machine. Avec un moteur de moins de 2 kg, le vélo est moins lourd au niveau du boîtier de pédalier et comme la batterie n’est ni démesurément longue ni démesurément lourde, les marques de vélo peuvent assez facilement la placer dans une position où elle ne pèse pas sur la roue avant. Résultat, on a un vélo joueur et facile à placer qui se comporte bien plus comme un vélo sans assistance que comme un gros e-bike, contrairement à ce que pourrait laisser penser la seule indication du poids.

Et cette autonomie ? Pour une « petite » batterie de 430 Wh, le Fazua Ride 60 s’en sort très bien. Là encore, il joue dans la cour de l’EP8 RS de l’Orbea Rise, véritable modèle du genre. Au guidon du Focus, on a pu dépasser les 1500 m de D+ sans souci, et ce peu importe le poids du pilote. A la rédac on est plutôt léger mais un de nos testeurs au gabarit un peu plus important (81 kg) a ainsi terminé une sortie de 1432 m de D+ avec plus de 20 % de batterie restante, avec un peu de gestion bien sûr mais sans se priver d’utiliser le mode Rocket dans les passages les plus raides. 1800 m voire 2000 m de D+ apparaissent donc tout à fait envisageables.

[Mise à jour du 23 mai 2023]

Fazua a publié aujourd’hui une mise à jour du logiciel censée corriger le problème du temps de réaction que nous évoquions quelques paragraphes plus haut… et ça marche ! Ce n’est pas encore parfait, le Ride 60 n’est pas au niveau des autres moteurs du marché, qu’ils soient petits ou gros, mais c’est déjà beaucoup moins gênant. Et on peut encore améliorer les choses en poussant l’accélération à 100 % via l’application ou le logiciel (disponible ici) qui permettent de configurer le système comme on le souhaite. On sent toujours un petit délai mais c’est désormais du domaine de l’acceptable et ce n’est plus ça qui nous fera poser pied à terre dans une montée.

Verdict

Plus qu’une évolution du Ride 50, ce Ride 60 apporte quelque chose de nouveau dans le monde du VTT AE avec une assistance à mi-chemin entre les vraies assistances légères parfois trop « sportives » pour certains et les systèmes classiques bien plus lourds. Le positionnement est intéressant, séduisant même, et avec cette autonomie plus que convenable, le système a de sérieux arguments. 4,25 kg tout compris, c’est moins lourd que la seule batterie 750 Wh de Bosch… A nos yeux, il est ainsi tout indiqué pour les vélos de 140 mm de débattement et plus, ceux qui jouent la carte de la polyvalence ou de la descente. Toutefois, il n’est pas encore parfait et ce n’est pas une question de point de vue. Le TQ HPR-50, par exemple, poursuit une vision bien précise et si ça ne plaît pas à tout le monde, il est cependant irréprochable dans son domaine. Pour le Fazua Ride 60, maintenant que le problème de réactivité est globalement corrigé, on pourra simplement lui reprocher un petit manque de raffinement, au niveau de la qualité et précision de la commande notamment. La marque a déjà montré qu’elle savait faire évoluer de belle manière ses produits sans avoir à tout changer, espérons qu’il en sera de même pour ce nouveau système.

ParLéo Kervran