Prise en main | YT Szepter : un gravel « gravity » ?

Par Paul Humbert -

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Prise en main | YT Szepter : un gravel « gravity » ?

On ne vous cachera pas qu’on a été surpris quand YT nous a conviés au lancement de son tout premier gravel. Pourquoi ? Parce que la marque aux origines gravity affiche la ferme intention de transmettre le même ADN à ce vélo. Que intérêt ? Direction le pays où le gravel est roi pour découvrir la vision de la marque :

 

 

Le lancement n’a rien d’anecdotique pour YT et c’est Markus Flossmann, le créateur de la marque, qui porte le projet. Si vos centres d’intérêts sont portés vers les petits débattements, vous êtes peut-être peu familiers avec YT, mais la marque allemande a fait ces dernières années une entrée fracassante dans le VTT et les segments d’abord « gravity ». Sous le nom « Young Talent » dans un premier temps, YT a proposé des VTT de dirt à bon rapport qualité/prix, avant de se diversifier vers la descente avec le Tues, l’enduro avec le Capra, le all-mountain avec le Jeffsy, le VTTAE avec le Decoy et plus récemment le XC « downcountry » avec l’Izzo. 
Nous vous proposions d’ailleurs il y a quelques temps notre essai complet du YT Capra équipé des suspensions flight attendant :  https://www.vojomag.com/video-yt-capra-uncaged-6-rockshox-flight-attendant-gadget-ou-revolution/

 

En retraçant cette trajectoire de la marque, il n’est plus si surprenant que ça de les voir arriver dans un marché du gravel en pleine ébullition. C’est d’ailleurs probablement le bon moment car toutes les marques tentent d’apporter leur propre définition de la discipline, à mi-chemin entre la performance pure et l’aventure à vélo. 

Pour Markus Flossmann, « le gravel est une discipline offroad, alors pourquoi pas ! », et on peut imaginer qu’en arrivant comme un concurrent inattendu, YT pourrait rêver d’un bon coup comme à la naissance de la marque en débarquant sur le marché du dirt. L’impulsion ne vient toutefois pas des champs de bosse cette fois-ci, mais bien du coeur de la marque où certains employés étaient à la recherche d’un gravel « fun » en complément de leur VTT.

 

 

L’étincelle est née chez YT quand leur envie d’apporter plus de « fun » au gravel a rencontré le chemin de partenaires de l’industrie développant des produits en adéquation avec cette recherche : comprenez, le groupe XPLR de Sram qui propose une fourche suspendue et une tige de selle télescopique adaptée au gravel. 
Pour YT, le Szepter devra être à l’aise sur les sentiers, et être imprégné de leur ADN « gravity » pour rouler vite sur tous les terrains. La présentation de la marque ne manque pas de slogans pour caractériser sa nouvelle machine qui devra « encourager les longues sorties », « réduire la fatigue », « créer une expérience fun et vive ». À boire et à manger.

 

 

Un peu plus concrètement, la marque souhaite s’adresser à des vététistes en quête d’un nouveau vélo pour rouler toute l’année : en gravel pour le fun, et pourquoi pas au quotidien pour se déplacer. De la même manière, avec le Szepter, YT tend à s’éloigner des gravel « performance », des épreuves marathon ou même des vélos d’aventure. 

En plus des équipements clés que sont la fourche et la tige de selle télescopique, YT a bien évidemment cherché à faire transparaitre son identité dans le choix de la géométrie et des autres composants. 

Côté géométrie, la marque veut proposer un vélo plus stable que la concurrence pour gagner ensuite en précision. Concrètement, YT s’inspire de ses VTT pour proposer un reach long (407mm en taille L) et un angle de direction vraiment ouvert à 69,3°. 
Pour compléter cette recette très VTT, qu’on a tendance à apprécier, YT propose un stack assez élevé pour une position plutôt relevée et centrale du pilote. Cette valeur est combinée à un angle de tube de selle assez droit, à 74,3°, pour conserver de bonnes qualités de pédalage en montée. Le tout est décliné sur toutes les tailles, du S au XXL.

 

 

Du côté de la construction du cadre, le YT Szepter ne sera proposé qu’en carbone à un poids annoncé de 1,4kg en taille L. La marque a divisé la construction de son cadre en trois sections distinctes que nous présentent Ray, directeur des produits chez YT, et Martin, responsable du design. Les deux travaillent main dans la main pour proposer un vélo qui propose de bonnes solutions techniques, tout en reprenant les codes esthétiques de la marque.

 

 

Le tube de direction doit apporter toute la précision possible au pilotage. YT a donc renforcé la zone, et on le repère aux reliefs des croisements des « tubes » qui auraient une fonction autre que le simple design.

 

 

La zone du boitier de pédalier a également eu droit à un traitement particulier. C’est évidemment une zone de fortes contraintes où la rigidité a été augmentée pour éviter toute perte de puissance.

 

 

Enfin, la troisième zone qui a nécessité une attention particulière des ingénieurs de la marque, c’est la connexion entre le triangle arrière et le triangle avant. Au niveau du boitier de pédalier, on cherche évidemment de la rigidité, mais aussi une certaine tolérance pour les forces en direction du tube de selle afin de gagner un peu en grip et en confort. L’objectif était le même pour la connexion haubans/tube de selle : permettre un peu de déplacement du tube de selle, sans compromettre la rigidité au niveau du boitier de pédalier.

 

 

Si pour la majorité des vélos, elle passerait pour un accessoire comme les autres, la fourche Rockshox Rudy XPLR a véritablement fait partie de la conception du vélo, en l’intégrant dans l’équation comme n’importe quelle autre aspect du cadre. On vous la présentait en détails ici , mais sachez qu’elle offre 40mm de débattement, avec un offset de 51mm sélectionné par YT.

 

 

Moins centrale dans le développement, la tige de selle télescopique de la même gamme est installée sur le modèle le plus haut de gamme, le Szepter Core 4, et propose, en plus de ses 75mm de débattement, une petite suspension baptisée « ActiveRide » qui permet de filtrer les petits chocs quand la selle est positionnée en « cours » de course.

 

 

Les lignes du cadre tracées par l’équipe de Martin offrent un design objectivement différenciant, qu’on les aime ou pas, et sont prolongées par un garde-boue vissé à la jonction du tube et des haubans. On en retrouve un second intégré à la fourche. YT assume sa différence.

 

 

Sur le cadre, on trouve également 4 points de fixation sous le tube supérieur, et deux sur le tube de selle pour fixer des accessoires. Sur le tube inférieur, on découvre deux combinaisons d’accroche pour porte-bidon. Un pour les porte-bidons traditionnels, et l’autre pour les porte-bidons Fidlock, plébiscités en Allemagne. 

Le cadre a également été conçu pour accepter des pneus jusqu’à 700x45mm, mais les Szepter sont équipés de série d’une monte plus polyvalente en 700x42mm.  

YT Szepter : la gamme 

La gamme des Szepter est assez simple. On retrouve deux modèles, tous les deux en carbone. Le modèle Core 4, le plus haut de gamme, est proposé à 4499€ et s’équipe de tout le groupe Sram XPLR : la fourche Rudy Ultimate évidemment, la tige de selle Reverb AXS XPLR, des freins, commandes et dérailleur Force XPLR Etap AXS, complétés par un poste de pilotage Zipp Service Course. Côté train roulant, on retrouve un combo WTB Proterra Light i23 pour les roues et des pneus Resolute de la même marque. Sur la balance, il est annoncé à 9,9kg (en taille S, sans pédales). 

Le modèle Core 3 est proposé à 3299€. On retrouve la même philosophie, mais avec des composants un cran plus accessibles mais pas moins cohérents. La fourche est proposée dans sa version d’entrée de gamme, le groupe Rival est préféré au groupe Force et on perd la tige de selle télescopique. Pour les roues, WTB reste sélectionné, mais on bascule sur des Speedterra i23. Sur la balance, il est annoncé à 9,8kg (en taille S, sans pédales).  

On vous l’écrivait, la marque annonce sur son site des poids contenus entre 9,9 et 9,8kg en taille S et sans pédales, mais le staff YT, lorsqu’on la rencontre, parle plus de 10,1kg en moyenne sur les deux modèles. 

Le vélo est d’ores et déjà disponible en 5 tailles, même si certaines tailles sont déjà victimes de leur succès sur la version Core 3. 

Prise en main | YT Szepter Core 4

 

 

Sous plus de 40 degrés, on retrouve l’équipe de la marque à San Clemente, en Californie. YT a choisi de se reposer sur son bureau nord-américain pour regrouper des journalistes venus de différents horizons. L’objectif : confronter les points de vue sur une discipline aux multiples facettes mais qui rencontre un énorme succès sur les nombreuses pistes du réseau routier secondaire des Etats-Unis.

 

 

On attrape le Szeptre Core 4 pour une première sortie mêlant quelques portions de pistes à de bons segments de singletracks. Quand on demande à Frank, qui chapeaute le développement des produits chez YT depuis 2017 et qui a vu passer de nombreuses générations de VTT, quelle est la différence entre ce type de gravel et un VTT des années 90, il ne se voile pas la face : « On pourrait dire que c’est la même chose, mais avec de biens meilleurs composants, des cadres plus solides et pas mal de détails qui font la différence, à commencer par une position qui permet de rouler bien plus longtemps. »

 

 

La position justement, on la trouve rapidement très équilibrée et agréable. C’est justement ce que recherchait l’équipe de développement comme l’expliquait Ray. Avec un lourd passif en VTT comme c’est notre cas, la « recette » du Szepter nous semble très vite assez réussie et on ne peut plus logique : un grand reach pour se positionner au milieu du vélo, une potence courte pour gagner en précision de pilotage et en mobilité, un angle de direction ouvert et un tube de selle droit pour s’assurer une bonne position et un bon transfert de puissance au pédalage.

 

 

Soyons clairs : la recette « VTT » de YT fonctionne bien pour nous, et surtout sur les sentiers où on trouve un très bon grip. Par rapport aux autres vélos de gravel du marché, on est assez haut au niveau du poste de pilotage, ce qui permet de descendre facilement les mains sur le bas du cintre et gagner en stabilité et en confiance.

 

 

On enchaîne notre prise en main avec une traversée plus longue, en alternant entre quelques portions de route, de piste, de sentiers et même quelques petits sauts. Le cadre présente une bonne rigidité et un bon dynamisme. On ne peut pas en dire autant des roues WTB qui trainent un peu la patte. Montées de gros pneus en 42 (pression : 2.0/2.4 bars), on apprécie le grip et la stabilité dans les descentes, mais sur le plat, nous n’avons pas affaire au couteau le plus aiguisé du tiroir.

 

 

On en discutera assez vite avec l’équipe de la marque qui ne s’en cache pas : la polyvalence ultime n’existe pas avec leur cahier des charges et ils recommandent l’achat d’une seconde paire de roues plus dynamiques pour permettre au même vélo de mieux s’exprimer si l’objectif est de rouler plus régulièrement sur route ou sur des pistes rapides.

 

 

Est-ce que le vélo perd toute forme de dynamisme ? Pas vraiment. On ressent évidemment la fourche qui fonctionne dans les relances et les roues qui ne viendront pas nous apporter un coup de fouet, mais le cadre nous semble bien répondre à nos coups de pédales et impulsions.

 

 

Sur notre modèle haut de gamme, le groupe Sram XPLR s’avère très agréable et précis avec une transmission adaptée au programme. En jetant un oeil plus attentif au Core 3, on ne devrait pas perdre beaucoup en agrément, et l’esprit général du vélo devrait rester le même.

 

 

De retour sur les sentiers, la position nous ferait presque oublier que nous ne sommes pas au guidon d’un hardtail. Evidemment, la filtration n’est pas du même acabit, mais les petites suspensions (la fourche et la tige de selle Reverb AXS XPLR) font un très bon boulot pour réduire les chocs créant une fatigue prématurée sur les sentiers. Nous roulons sur un terrain très sec et le grip est excellent. Le Szepter dans cette configuration est redoutable aussi dans les montées techniques, et on est impressionnés par la motricité et la traction qu’il offre.

 

 

Une seconde journée au guidon du Szeptre nous prouvera que le YT est à l’exact opposé des gravel « performance » qui s’inspirent très directement de la route. Ces derniers gagnent en vitesse et en efficacité sur les pistes, mais ne peuvent rivaliser avec le confort et le côté joueur du YT. En ce sens, la marque respecte sa promesse. Dans les nombreuses lignes de la présentation marketing de YT, ou pourrait lire tout et son contraire, mais l’essentiel à retenir est simple : le YT Szepter est une excellente proposition pour les vététistes à la recherche d’un vélo plus roulant que leur tout-suspendu, leur permettant d’aller s’amuser sur les sentiers sans se sentir complètement déraciné.

 

 

D’ailleurs, en discutant avec plusieurs représentants de la marque, si leur choix devait se porter sur deux vélos de la gamme, beaucoup nous ont affirmé qu’ils choisiraient un Szepter en complément d’un Capra (enduro) ou d’un Decoy (VTTAE).

 

 

On se lance vraiment l’esprit tranquille dans les passages techniques et on prend les mêmes lignes qu’à VTT. Le vélo, à tout point de vue, trouve sa propre harmonie. Sur le terrain comme dans son design, il a son identité et son parti pris. YT ne s’est pas imposé de limite de poids ou de géométrie et on adore leur vision du gravel. Evidemment, elle ne conviendra pas à tout le monde, mais ça n’est un problème à aucun moment. Malgré tous ces partis pris, le YT Szpeter n’en devient pas extrême pour autant, et on pourra l’emmener sur de longues sorties si le chrono n’est pas important, ou en bike-packing si le peu de points d’attache n’est pas un problème. Pour nous ce Szepter est une machine assez réussie, fun, et qui permet de donner une nouvelle saveur au gravel : celle qui permet de retrouver les frissons du VTT sur des chemins qui auraient perdu en fun avec un guidon plat. 

Pour découvrir quelques images de la prise en main, rendez-vous sur Instagram.

Plus d’infos sur le site de la marque : https://www.yt-industries.com/products/bikes/szepter/ 

Notre test du YT Capra : https://www.vojomag.com/video-yt-capra-uncaged-6-rockshox-flight-attendant-gadget-ou-revolution/ 

ParPaul Humbert