Prise en main | Canyon WMN : Grand Canyon et Spectral au féminin
Par Elodie Lantelme -
En matière de vélo féminin, il faut donner dans la mesure. Ça, Canyon, tout comme Liv – la marque féminine de Giant, leader mondial sur le créneau du vélo pour femmes –, l’a bien compris. En étant mesuré dans les coloris rose ou violet, par exemple – lesquels font souvent se hérisser les poils des bras de quantité de rideuses, qui n’ont pas forcément envie de se voir cataloguées «filles qui roulent» mais «VTTistes», tout simplement. Plus concrètement, «donner dans la mesure», c’est aussi partir de chiffres qui justifient de développer une gamme véritablement spécifique pour femmes.
87% des femmes roulent donc sur un vélo de la taille 2XS à S. Or, les marques unisexes développent leurs produits en prenant comme étalon… la taille M. Pour ses vélos féminins, Canyon a donc décidé de prendre le S pour référence de développement. Une petite révolution qui impacte le travail de la cinématique et du cadre en général. D’où l’émergence d’une gamme dédiée : Canyon WMN, lancée en 2016. D’abord développée pour la route et le fitness, celle-ci s’étoffe aujourd’hui en VTT avec notamment la commercialisation depuis le 1er mars de 2 modèles, le Grand Canyon et le Spectral WMN. Les présentations avec l’origine du projet étant faites, commençons par détailler le premier. Cliquez ci-dessous pour passer à la page suivante et commencer la lecture :
Grand Canyon WMN AL SLX, le hardtail malin
Le premier semi-rigide haut de gamme en alu spécifique femme de la gamme de Coblence se distingue de son homologue masculin sur deux points principaux : le reach (402 pour la version homme contre 397 pour le modèle WMN en tailles S) – plus cohérent sur le papier avec les mesures collectées par Canyon quant à la taille plus petite des bras des filles et contrebalancé par un angle de fourche retravaillé pour offrir « un supplément de stabilité sur les sentiers » – et la hauteur du cadre (754 contre 740 pour le WMN, en tailles S toujours), avec un dessin de cadre plus sloping visant à « inspirer plus confiance » et « offrir plus de maniabilité » , dixit la marque.
Le confort, la firme de Coblence semble l’avoir travaillé avec le choix d’une transmission Eagle GX (la version plus accessible du Sram 1×12 vitesses) doublée d’un plateau 30 dents qui laisse à penser qu’on aura de quoi mouliner dans les montées. Autres éléments de confort, la tige de selle télescopique Lev Integra (150 mm de débattement – 125 en XS), encore trop rare sur les hardtails, une selle SDG Allure à l’ergonomie spécifique femme et un guidon alu plus étroit (720 mm en M, 700 en-deçà) que sur la version unisexe (740).
Même chose pour l’ergonomie, puisque le Grand Canyon adopte le système d’axe de roue intégré également aperçu sur le Spectral unisexe et une petite molette permettant d’ajuster la garde des freins manuellement – une demande spécifique de Katryn, qui aime emmener le moins d’outils possible sur ses sorties, mais apprécie d’avoir toujours une gourde sous la main.
Le Grand Canyon WMN AL SLX est proposé en 3 versions, pour des tarifs allant de 1399 à 1999€. Et c’est sur le modèle le plus haut de gamme, le WMN AL SLX 9.0 Trail donc, que nous avons pu rouler dans l’hiver de l’arrière-pays niçois.
Prise en main du Grand Canyon AL SLX WMN
« Un vélo facile à vivre, destiné à amener les femmes au vélo mais qu’on peut emmener toujours un peu plus loin jusqu’à une pratique plus exigeante », c’est comme ça que sa conceptrice, l’ex-marathonienne Katryn Neumann nous a présenté le Grand Canyon AL SLX WMN. Ça tombe bien, c’est exactement ce qu’il nous fallait.
Parce que voilà près de trois mois que nous n’avions pas enfourché de vélo. Le tarif quand on habite à la montagne; les skis remplacent les pédales. Du coup, une petite appréhension présidait à cette présentation presse.
Elle s’est dissipée à peine montée sur le Canyon : le cintre d’une largeur confortable pour notre mètre 70, bien accordé sur cette taille M, le poste de pilotage épuré avec le choix du monoplateau et d’une commande de tige de selle sobre et efficace. La simplicité, ça a du bon. On apprécie même la légèreté d’un train avant agrémenté de la Reba, ça s’annonce maniable et rigolo. Restait la question de savoir jusqu’où ce hardtail allait pouvoir m’emmener.
Le tracé de feue l’épreuve des 6 Heures de Blausasc s’est avéré parfait pour un aperçu de réponse.
Première impression, sans genouillères, les genoux tapent quelquefois dans les haubans, qui sont assez larges pour laisser passer les pneus en 2.6. Mais renseignement pris, je suis la seule à connaître ce léger désagrément. Lequel passera d’ailleurs au fil de l’après-midi (l’habitude est une seconde nature) pour laisser place à une impression de pédalage réellement facile, en dépit des pneus de section large.
Dans les petites montées raides qui jonchent le tracé, on apprécie les plages disponibles du GX, mais aussi le dessin cintré du cadre. Si on cale dans une montée, aucun problème pour descendre du vélo et réessayer. Ça permettra sans doute aux débutantes – et aux initiées – de se lancer avec moins d’appréhension.
Bien sûr, même avec la fourche Reba bloquée d’un simple clic aisément accessible, le poids (11,7 kg annoncés en taille S) et les 2.6 ne font pas de cet AL SLX une bête de course au pédalage pour qui traque le gramme et vise les podiums.
Mais on apprécie pleinement leurs avantages : la stabilité, le confort et l’impression de confiance en descente. Ils nous ont permis de pousser ce semi-rigide loin sur les sentiers sudistes parfois cassants, surtout emmené par l’ex-descendeuse en coupe du monde Emily Horridge !
Pour qui ne vise pas l’ultraperformance, le combo hardtail, pneus de section large et tige de selle télescopique se révèle vraiment intéressant (un constat également fait avec un modèle électrique, essai du Moustache Off 6 en tête). On s’amuse, on ose, et on ressort de cet après-midi de roulage essorée mais ravie d’avoir découvert ce vélo déluré et pertinent.
Verdict
Tout ceci reste à confirmer, car une prise en main aussi courte ne saurait valoir un essai, mais les sourires échangés à l’issue de cette sortie laissent à penser qu’avec ce Grand Canyon WMN AL SLX 9.0 Trail, la marque de Coblence a réussi son pari d’un vélo féminin « facile à vivre », agile mais pas nerveux, sécurisant mais pas pataud, très bien équipé pour un tarif accessible à (un tout petit peu) moins de 2000 euros.
Spectral WMN CF 9.0 SL – Pour nous, les femmes
Déjà présenté et pris en main à Madère dans sa version unisexe, le nouveau Spectral, best-seller all-mountain de la marque pour 2018, se conjugue aujourd’hui au féminin. Qu’est-ce que ça change? Pour le savoir, nous avons roulé sa version haut de gamme. Tour d’horizon et premières impressions.
Les longueurs des bases (430 mm) sont identiques entre les deux modèles, mais les empattements diffèrent (1123 contre 1141 mm en tailles S), pour plus de compacité sur le Spectral WMN, avec un angle de fourche quasi identique (64,9 pour le WMN, 65 pour le mixte).
Ceci contrebalance les bases relativement courtes et laisse supposer d’une certaine mise en confiance dans les sections descendantes.
Comme sur la version unisexe, la nouvelle cinématique Four Bar Linkage a été travaillée pour davantage de linéarité et un effet anti-rise qui vise à éviter que la roue arrière ne se décolle au freinage autant que les pertes d’adhérence au pédalage.
Côté innovations technologiques, comme sur le modèle mixte, on retrouve l’axe de roue arrière rétractable, l’IPU (« Impact Protection System », une protection du cadre lorsque le guidon vient en butée), l’intégration des gaines sous un cache plutôt qu’à l’intérieur du cadre (ce qui devrait simplifier les changements de câbles et éviter l’exaspération qu’ils engendrent parfois, sous couvert que l’étanchéité soit irréprochable, ce que nous n’avons pu vérifier) et le serrage de tige de selle intégré.
On a apprécié que, sur le modèle féminin aussi, un dispositif permette d’embarquer deux bouteilles d’eau de 400 ml même sur les cadres 2XS et XS, via un système baptisé « Eject System » et qu’une tool box se loge dans le triangle avant des cadre S et M pour les sorties sans sac à dos (et les tee-shirts sans poche arrière, de plus en plus courants).
Avec 3 versions allant du tout-alu (Spectral WMN AL 6.0 à 2599 €) au full carbon (Spectral WMN CF 9.0 SL à 4999 €) en passant par le combiné triangle avant carbone et arrière aluminium (CF 8.0 à 3699 € et CF 7.0 à 2999 €), l’ensemble des gammes de prix est couvert. À noter, les modèles full carbon taillent du XS au M ; le 2XS est proposé sur les cadres alu seulement.
Équipement
Conformément à son programme de vélo répertorié « catégorie 4 » (ce qui correspond à une pratique plus engagée, plus enduro que la 3, davantage trail/all-mountain), le Spectral WMN se dote d’une fourche en 150 mm de débattement et d’un amortisseur en 140mm.
Notre modèle du jour, le Spectral WMN CF 9.0 SL à 4999 €, fleuron de la gamme, mixait lui la fourche Fox 34 Factory et l’amortisseur arrière Fox Float DPS Factory EVOL compacté en 210×55. Un travail de mise au point spécifique a été mené sur la nouvelle cartouche FIT4 de la fourche Fox 34 Factory, pour mieux s’adapter aux vététistes poids plume, assure la marque.
À ce tarif, on se réjouit de voir la transmission assurée par le meilleur de Sram, le X01 Eagle 12 vitesses, couplé à un plateau de 30 dents qui laisse à penser que nos jambes n’exploseront pas forcément au pédalage dans les montées.
Sram toujours pour les freins, des 4 pistons du Guide RSC en 200 mm à l’avant et 180 à l’arrière. Les roues, elles, ont été confiées à DT Swiss, avec les XMC 1200 Spline chaussées des pneus Maxxis Minion DHR II à l’avant et Ardent. Comme pour le Spectral classique, le 27,5 a été adopté mais la section diffère : 2.6 sur le classique, 2.4 ici. Le but ? Alléger un peu l’ensemble, pour annoncer un poids de 12,2 kg en taille S.
Autres spécificités féminines, la selle ergonomique montée sur une tige de selle RockShox Reverb Stealth B1 (150 mm de débattement – 125 pour les tailles XS et S) et le cintre plus étroit.
Sans donner (trop) dans le superficiel, mais en se souciant de l’esthétique, le coloris du haut de gamme, une incrustation discrètement pailletée de doré sur le noir du cadre, a fait l’unanimité. Tout se discute toujours, bien sûr, mais on a trouvé ça smart et féminin. Loin du rose. Et de bon goût. Après comme tous les goûts sont dans la nature et les sentiers aussi, il était temps de découvrir ce Spectral WMN !
Prise en main
Pour encadrer cette journée, Fabien Barel himself (triple champion du monde de DH, qui gère les team enduro et descente de Canyon, étroitement associé au développement, entre autres, des Torque, Strive et Spectral) nous ouvre ses traces dans l’arrière-pays niçois.
Dans sa toute première version, le Spectral (alors mixte, par défaut, puisqu’il n’existait que celui-là) nous avait plu par sa capacité à pédaler sur les sentiers alpins, mais en descente, l’ensemble se révélait un peu « juste » pour nous mettre pleinement en confiance, et incitait plutôt à rester sur la réserve. Le passage de la catégorie 3 à la 4 laissait présager du changement à ce niveau.
Une première montée sur une piste carrossable permet d’apprécier les capacités de pédalage du Spectral WMN, fourche et amortisseur bloqués, tout se passe de façon fluide et à aucun moment, on n’a l’impression de lutter pour faire avancer le vélo.
Puis la pente s’inverse. On ouvre tout, et est-ce le passage du Grand Canyon et de ses pneus en 2.6 de la veille aux 2.4 du jour ? Mais on a l’impression d’un avant agile, qui se place aisément et invite à choisir ses trajectoires plus judicieusement et à rouler davantage sur l’avant… peut-être même un peu trop.
Après la pause déjeuner, je troque le S pour un M et décide, avec une collègue, de partager l’après-midi en 2 temps : la première partie à rouler sur le Spectral mixte en taille M et la seconde, sur le WMN en taille M également. Évidemment, le roulage avec chacun sera court, et les impressions, à nuancer.
Une navette jusqu’aux abords du col de Turini sous les flocons nous relâche en haut d’un sentier long comme un jour sans pain, mais bien meilleur. La largeur supérieure du guidon du Spectral mixte donne la sensation d’être légèrement embarquée par le vélo, comme si c’était lui qui nous emmenait, et non l’inverse. Après géométrie, fourche, amortisseur, freins et section de pneus sont tels que le sentiment de confiance prévaut et qu’on le laisse volontiers faire. Comme s’il nous prenait par la main.
À l’inverse, le Spectral WMN en M donne une sensation que c’est davantage vous qui prenez votre destin en main. Bref, la situation a changé de mains. Le reach plus court invite à mieux contrôler l’avant. La taille de cadre mieux adaptée à mon mètre 70 met largement en confiance dans les marches et les goulets gris pentus du Sud.
À aucun moment, je n’ai éprouvé cette impression de « faire le drapeau » derrière, et si la volonté de Canyon est de permettre aux femmes de trouver guidon à leurs mains, ce court roulage laisse à penser qu’ils ont atteint leur but.
Verdict
Avec ce Spectral WMN, Canyon semble réinterpréter les codes de son best-seller mixte pour le conjuguer habilement au féminin et dans une déclinaison modernisée qui accroît son terrain de jeu. Une géométrie et une cinématique efficaces qui mettent en confiance, des innovations technologiques bien senties en prise avec la réalité, un équipement de qualité et jusqu’à la touche esthétique discrète des paillettes… le tout dans la droite ligne des vélos polyvalents qui s’amusent autant à pédaler sur les trails que dans les bike-parks.
Photos: ©Markus Greber et Stefan Simak

























