Ochain : au coeur de « l’étoile magique »

Par Theo Charrier -

  • Staff pick

  • Tech

Ochain : au coeur de « l’étoile magique »

Il est (presque) partout dans les paddocks de DH et d’enduro et fait la promesse folle d’une suspension plus sensible et plus confortable en quelques minutes d’installation : c’est le système Ochain, inventé par l’Italien Fabrizio Dragoni. Comment ça marche ? A-t-il des inconvénients ? Vojo s’est penché sur la question.

Arrivé il y a cinq déjà, le système Ochain a conquis de plus en plus de pratiquants, allant même jusqu’à s’inviter sur plusieurs podiums de coupe du monde de DH. On le retrouve notamment sur les vélos de pilotes tels que Nicolas Vouilloz, Jackson Goldstone, Charlie Hatton ou encore chez le Canyon CLLCTV Factory (Troy Brosnan, Dante Silva, Luca Shaw, Mille Johnset) sur certaines manches de la saison.

Protégée par plusieurs brevets, cette étoile peu commune se destine avant tout aux VTT de DH et d’enduro. Les VTTAE ne sont pas en reste puisque ce système est disponible depuis peu pour les vélos équipés d’une motorisation Bosch ou Shimano.

L’Ochain, à quoi ça sert ?

Si son succès n’est plus à établir, le fonctionnement de cette étoile nouvelle génération demeure souvent obscur et pour bien cerner son fonctionnement, il faut parler un peu de suspension.

Regardez l’animation ci-dessus : puisque le point de pivot n’est pas concentrique avec le boîtier de pédalier (sauf exception), la distance entre la cassette et le plateau varie lorsque l’amortisseur est comprimé. Cette variation est fonction de l’architecture du vélo et n’est pas nécessairement linéaire. 

À l’extrême, on retrouve les fameux vélos utilisant un point de pivot haut. Sur ces derniers, l’augmentation de la distance est telle qu’il faut utiliser un galet de renvoi  pour contrôler cet allongement. De façon schématique, ces galets de renvoi permettent d’utiliser une chaîne « trop longue » lorsque la suspension est détendue afin d’avoir une chaîne suffisamment longue pour accepter l’allongement dans les compressions.

En effet, une chaîne n’est pas élastique. Imaginons que l’on soit à l’arrêt : une compression de l’amortisseur augmente, comme dit, la distance entre la cassette et le plateau. Dans ce cas, qu’importe le degré d’allongement, la chaîne tire sur la cassette et celle-ci entraîne le corps de roue libre. Comme nous sommes à l’arrêt, la cassette ne peut pas tourner davantage donc la chaîne entraîne le plateau et le force à faire une rotation vers l’arrière. C’est ce que l’on appelle le (pedal) kickback.

Lorsque l’on roule, l’histoire est légèrement différente. Pour qu’il y ait du kickback dans une compression, il faut que la rotation de la cassette engendrée par la chaîne soit plus rapide que la rotation de la roue. Si tel est le cas, le plateau effectue une rotation anti-horaire comme à l’arrêt.

Ce phénomène apporte une certaine instabilité à la pédale. Il est parfois observé lors de réception de saut, sur des terrains très cassants ou encore lors de freinages sur une piste particulièrement défoncée. Et avec le poids du pilote sur les pédales qui s’oppose à cette rotation, cela donne la sensation que la suspension est comme verrouillée. C’est là qu’intervient le système Ochain.

Comment ça marche ?

L’objectif est plutôt simple : ajouter un intermédiaire entre les manivelles et le plateau afin d’offrir un certain degré de liberté à ce dernier. Comme on peut le voir sur l’animation ci-dessus, le plateau n’est pas directement lié à la manivelle, il peut tourner de quelques degrés autour de leur axe commun. 

Si l’on se glisse dans les entrailles du produit, on ne tombe pas sur un système hautement complexe à base d’huile, de clapets ou d’électronique en tout genre. On retrouve simplement un micmac de ressorts et d’élastomères minutieusement arrangés. Cette simplicité a pour avantage de permettre à tout un chacun de réaliser l’entretien soi-même. Pas besoin d’outil particulier, une bonne dose de rigueur et une touche de connaissance suffisent amplement. 

À l’intérieur, l’ensemble de pièces liées au plateau peut tourner par rapport à l’axe des manivelles jusqu’à ce que l’ergot vienne percuter l’élastomère bleu. Une fois sa rotation terminée, le plateau est ramené à sa position initiale grâce aux ressorts de rappel. 

Lors du pédalage, le mouvement des manivelles amène les différents ergots en contact avec les élastomères rouges. Une fois le contact établi, les manivelles entraînent le plateau en rotation. Cela pose alors un problème de réactivité. Lorsque l’on veut relancer et donner un premier coup de pédale, la manivelle doit parcourir un certain angle avant d’embarquer la chaine par le biais du plateau. Ensuite, il faut que la chaîne entraîne la cassette afin d’enclencher le corps de roue libre. À ce moment, la roue dans son ensemble entre en rotation.

Pour faire simple, l’idée est donc de donner la sensation de rouler sans chaîne sur une partie du débattement sans s’en priver complètement. Sans chaîne, pas de kickback donc moins de fatigue, plus de confort et plus de fluidité. En e-bike, ce système présenterait aussi un avantage supplémentaire : il arrive parfois, sur des pistes au profil relativement cassant, que les mouvements de la chaîne déclenchent l’assistance de manière non désirée. Le plateau permet alors de filtrer ces vibrations et d’éliminer ces coups de jus inattendus.

Toutefois, attention à ne pas voir la tension de chaîne comme un mal à combattre absolument : c’est aussi ce qui permet de rendre une suspension dynamique et joueuse, ou de combattre le pompage. On parle alors d’anti-squat, qui n’est autre que la manifestation à travers tout le débattement de l’effet de la chaîne sur la suspension. Beaucoup d’anti-squat = beaucoup de kickback, comme on vous l’expliquait dans notre lexique.

Vous comprendrez donc que le système Ochain n’est pas adapté à tous les vélos ni toutes les pratiques. Peu adapté là où on cherche du répondant et de la vivacité, il pourrait en revanche avoir une action bénéfique sur certains terrains ou sur certains vélos à l’effet de chaîne très prononcé, même trop aux goûts du pilote.

Le Ochain R sur le terrain

Nous avons eu l’opportunité d’installer l’Ochain R pour 4 journées d’enduro à Finale Ligure. Le modèle R est une évolution du système et propose un réglage de l’amplitude d’action du système avec quatre positions : 4, 6, 9 ou 12 degrés. Le réglage s’effectue avec une simple clé hexagonale de 2,5 mm et le tout est affiché à 385 euros pour 150 grammes. Nous avons installé l’Ochain R sur un Nukeproof Giga 29 équipé d’une transmission Sram GX T-Type. Ce vélo est notre base de test de plusieurs composants, et il a la particularité d’avoir assez peu de kickback. Est-ce qu’il sera adapté pour sentir les effets de cet Ochain R ?

Pour l’installation, exit le plateau Sram T-Type qui est remplacé par celui par la denture « universelle » Ochain. Attention, Ochain assure la compatibilité pour les montages de 32 à 36 dents mais pas de 30 dents. Il est également impossible de conserver les petites protections de plateau de la transmission GX. Malgré ça, et l’absence de guide-chaîne sur notre Giga, nous n’avons souffert que d’un seul déraillement lors de cette prise en main.

Sur le parking, on lève un sourcil quand on presse sur les pédales pour la première fois avec l’amplitude d’action du système au maximum (12 degrés) : la course « morte » est importante. Néanmoins, une fois dans une véritable situation de pédalage au train, on oublie ça très vite puisqu’on reste en prise.

Avant la première descente, on attendait peu de chose de ce système Ochain. Le Nukeproof Giga est très « confort » et le Rockshox Vivid offre une très bonne lecture de terrain en début de course. Pourtant, on ressent l’apport de l’étoile Ochain dès les premiers mètres, c’est une véritable surprise. Le confort hausse d’un cran et le travail de la suspension semble encore lissé. Difficile d’ôter le sourire de notre visage à ce moment-là. C’est assez surprenant, on garde un contrôle maximum au niveau des pieds et des jambes et on se concentre mieux sur le travail des pneus, des roues et des suspensions.

Le gain est évident à basse comme à haute vitesse, et il faut attendre les (très) gros freinages où la suspension du Giga à tendance à bloquer pour retrouver la limite du vélo.

 

Ce n’est pas en descente pure qu’on trouve une faille au système, ni véritablement en montée, mais entre les deux : dans les portions de relance ou les passages techniques à basse vitesse. Le Nukeproof Giga n’est pas un vélo de course qui va naturellement renvoyer le pilote dans le virage suivant. Il est suffisamment agile pour virer de bord facilement mais en temps normal, il bénéficie aussi des effets de chaîne pour rester « actif ».

Ici, ces derniers diminuent un peu, et les coups de pédales bien utiles pour redonner de la vitesse au vélo voient leurs effets diminués en raison de la course « morte » des manivelles. On est ainsi un peu frustré quand le petit tour de manivelle pour relancer est atténué après un passage technique ou entre deux virages un peu plats. Finalement, après avoir essayé les 4 positions du système Ochain, la position à 9° nous a semblé être le meilleur compromis sur notre Nukeproof Giga.

Conclusion

À l’issue de cette rapide prise en main, on remarque déjà que l’Ochain fonctionne exactement comme on pouvait l’imaginer, avec un vrai intérêt pour certains applications mais aussi des failles dans d’autres conditions. Ce système n’est pas pour tout le monde, c’est certain. Désormais, on se dit qu’il serait intéressant de le tester sur différentes cinématiques et différents types de vélo. Evidemment, les gros vélos bénéficient d’un gain de confort et de contrôle en descente, mais est-ce que des petits vélos de trail pourraient profiter du système ou la course « morte » sera-t-elle trop dérangeante ?

Note : Les animations présentes dans cet article ont pour vocation d’illustrer chaque propos, elles ne s’appuient pas sur les mesures réelles des produits.

Le distributeur en France :  quiver.fr/shop-ochain 

Le site de la marque : ochain.bike

ParTheo Charrier