Liv Vall-E+ : l’électrique au féminin

Par Elodie Lantelme -

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Liv Vall-E+ : l’électrique au féminin

Rares sont les marques de vélo dédiées 100% au féminin. Parmi elles, encore plus rares sont celles qui développent réellement des produits spécifiques pour les femmes (entendez autres que des changements de coloris, de largeur de cintre ou de selle). Liv est de celles-ci. Leader dans ce domaine, la marque ladies du groupe Giant sort son premier e-bike, le Liv Vall-E+, un hardtail en 120 mm. Nous avons passé deux jours à son guidon dans le Sud-Tyrol pour une prise en main.

« Nous répondons à une demande du marché, explique Ludi Scholtz, chef produit Liv – et enduriste dotée d’un sacré coup de guidon. Les semi-rigides sont nos plus grosses ventes, et les attentes en matière d’e-bikes se situaient d’abord sur ce créneau-ci pour les femmes. » Le choix du hardtail peut alors s’avérer logique si on considère que les enduristes au féminin qui ont besoin d’un tout-suspendu pour affronter de gros dénivelés ou des bike-parks ne sont pas légion, comparé aux rouleuses occasionnelles ou plus régulières qui avalent moins de pente mais plus de kilomètres. Bon, admettons. Allons même jusqu’à valider pour partie l’analyse de la situation qui voudrait que, pour suivre leur conjoint, mari, ami, etc. également rouleurs et ne pas s’y écœurer, elles apprécieraient de bénéficier d’un électrique (même s’il n’est pas sûr que la gent féminine valide cette assistance si elle est présentée comme un assistanat – on a notre fierté).

Car logiquement, lors de la présentation, est revenue la traditionnelle question du bien-fondé d’un vélo spécifiquement féminin dans le paysage cycliste global. « Il y a 2 ans, nous avons réalisé une étude posturale auprès de plus de cent femmes, poursuit Ludi. Ça nous a poussées à définir des géométries spécifiques : des top-tubes plus courts, un centre de gravité plus bas, un design particulier… Selon nous, le résultat nous permet de correspondre à 90% des femmes qui roulent. »

Baptisé « Vall-E+ », le premier e-bike 100% féminin évoque ainsi les vallées, que la marque taïwanaise entend bien faire découvrir davantage aux filles, tant en montée qu’en descente, grâce à ce premier modèle d’une série qui en appelle d’autres.

Afin de rester financièrement accessible pour ce modèle qui vise le plus large public féminin possible, Liv a eu recours à l’alu dans sa version Aluxx, le matériau le plus utilisé au sein du groupe Giant et décline son Vall-E+ en deux versions : le Vall-E+ et le Vall E+ Pro, pour des tarifs allant de 2299 à 3699 euros.

Les cinq modèles seront distribués en France, dans des tailles s’étendant du XS au L – un bon point dans cette optique visant à toucher un maximum de femmes.

Pour la motorisation, sans surprise, le Vall-E+ est équipé du nouveau bloc Yamaha SyncDrive (version Pro pour les Vall-E+ Pro 0 et 1, respectivement à 3699 et 3199 euros ; et Sport – avec 3 modes d’assistance seulement, Eco, Normal et Sport, pour les Vall-E+ 2 et 3, à 2699 et 2299 euros).

Une fidélité historique au motoriste japonais, qui, avec l’affirmation de la concurrence, n’équipe pour l’heure plus guère aujourd’hui que les Giant. « Nous travaillons avec Yamaha depuis plus de dix ans, depuis la sortie des premiers e-bikes Giant, nous avons donc développé avec eux notre moteur, pour qu’il réponde spécifiquement à nos besoins », rappelle Ludi.

Dans sa version Pro 0 (celle que nous avons prise en main), le moteur Yamaha, doté d’un couple de 80 Nm, propose 5 modes: Eco, Basic, Active, Sport et Power, pour une assistance allant de 100 à 360% (ce qui signifie qu’en Power – l’assistance la plus élevée –, quand vous appuyez sur la pédale, votre force de pédalage est multipliée par 3,6 lorsque votre cadence de pédalage atteint 120 rpm).

Si esthétiquement, l’intégration n’atteint pas celle d’un Specialized Turbo Levo,  Rocky Mountain Powerplay, d’un Mondraker e-Crusher, d’un Focus Jam ou d’un Scott e-Spark, par exemple, elle place néanmoins bien le Liv dans le design actuel des e-bikes.

La batterie de 500 Wh du modèle Pro est amovible, mais elle peut aussi être rechargée en restant installée sur le vélo via un plug-in facilement accessible. Au moins, ça laisse le choix, et on l’apprécie quand l’intégration dernière génération remise souvent au placard l’option de pouvoir enlever la batterie et oblige à ranger son vélo dans un endroit muni d’une prise à portée de main.

Complète sans être trop volumineuse (pour limiter les risques de bris en cas de chute), la console du Yamaha affiche des infos détaillées : pourcentage d’autonomie restante, compteurs journalier et total, vitesses moyenne et maximale, éclairage, cadence de pédalage… la totale.

Sur le display au guidon, 5 boutons permettent de changer de mode, d’allumer l’écran de la console, d’éteindre le tout et de passer en passer en mode « Walk », pour pousser le vélo, et ce, sur n’importe quelle vitesse.

Si le routage interne des câbles est bien présent, le poste de pilotage reste visuellement chargé, obligeant la marque à recourir aux colliers pour contenir la purée de fils.

Le montage en monoplateau – logique, si on vise l’accessibilité, en raison de la simplicité d’utilisation du « one-by » – avec Shimano XT au menu offre un alignement de chaîne avec un Q-factor réduit, qui promet un pédalage naturel (pas façon « crapaud avec les jambes écartées » qui rappelle en général à mon souvenir des douleurs au genou, voyez).

Classiquement installé sur les rayons (comme la plupart des marques le font), le capteur moteur est donc, sur le papier, possiblement plus exposé à l’erreur électronique qui coupe l’assistance lorsque celui-ci vient à bouger. Un cas de figure que nous n’avons toutefois pas rencontré durant notre courte prise en main.

Pour la suspension de son modèle haut de gamme 0, Liv a confié la fourche à RockShox, avec une Revelation 35 RL. Le reste de la gamme est équipé en Suntour.

Sur le papier, le Vall-E+ incarne le calcul hardtail + pneus à grosse section = prix plus contenu + confort et sécurité optimisés sans amortisseur. L’e-bike signé Liv est donc équipé de Maxxis Forekaster en 2,6 montés en Tubeless sur des jantes de 35 qui ont le bon goût d’être larges, elles aussi, afin de limiter l’effet « ballon rond » qui empêche les crampons latéraux de jouer leur rôle.

200 mm à l’avant, 180 à l’arrière et du Shimano MT500 au programme pour les freins de ce Vall-E+.

Ne pas proposer une tige de selle télescopique lorsque l’on vise la démocratisation féminine de l’e-bike aurait été une faute. Une bévue pas commise par Liv, qui dote son Vall-E+ du produit Giant maison. Mécanique, basique, mais efficace, comme la plupart de l’équipement et de la géométrie adoptés ici.

De quoi donner envie de l’actionner en passant sur la selle pour ce court galop d’essai d’une cinquantaine de kilomètres dans les reliefs sud-tyroliens.

Liv Vall-E+ : prise en main

À peine en selle, on retrouve la facilité de prise en main propre aux Liv grâce à l’étude posturale menée par marque. Tout tombe sous la main, enfourcher le vélo et en descendre, même dans les positions scabreuses sanctionnant un optimisme trop prononcé pour franchir certains passages techniques en montée, s’avère facile en raison du design incurvé du top-tube.

Relativement silencieux – moins qu’un Shimano mais plus qu’un Bosch –, le moteur Yamaha du Liv Vall-E+ offre peu de friction au pédalage, et le montage en transmission classique (1×11) délivre vraiment une sensation d’appui sur les pédales assez naturelle.

Le bloc Yamaha ancienne génération nous avait laissé le souvenir d’un moteur qui oblige à appuyer quand même pas mal sur les pédales pour ressentir l’assistance de façon optimale. Dans sa nouvelle version SyncDrive Pro, il nous a semblé que, durant ce bref roulage, le ressenti différait.

La raison en incombe peut-être à la technologie baptisée « PedalPlus » par le service marketing : un ensemble de 4 capteurs qui, un peu à l’instar du mode eMTB de Bosch, adapte l’assistance en fonction de  la poussée sur les pédales et le retour de capteurs intégrés.
Les capteurs de vitesse et de couple se combinent aux capteurs de cadence de pédalage et moteur pour, selon la marque, « délivrer une puissance constante au feeling totalement naturel » .

Dans les faits, l’agrément et la sensation d’assistance s’apprécient avec une cadence de pédalage autour de 80-90 rpm. Ce qui impose d’être sur le bon rapport, car si les pédales ne tournent pas assez vite, on a l’impression assez nette que les chevaux n’arrivent pas et que l’assistance peine à se faire sentir.

Cette linéarité du moteur fait du SyncDrive Pro une véritable aide au pédalage, et non une sorte de turbo additionnel, aux accents parfois violents.

Autre impression qui s’est dégagée lors de ce bref aperçu de roulage, celle que, en mode Power, l’assistance perdure au-delà de la limite légale des 25 km/h. Pas de débridage intempestif, bien sûr, mais un feeling à confirmer qui s’explique, selon la marque, par le caractère dégressif de la puissance d’assistance.

Un comportement moteur agréable, évitant les à-coups et les coupures intempestives qui vous renvoient le vélo et ses plus de 20 kg dans les jambes dès la barre fatidique des 25 franchie.

Dans les portions plus roulantes, on a pu ressentir la rigidité du hardtail. L’absence d’amortisseur doublée du recours à l’alu vous renvoie évidemment plus facilement les chocs dans le fondement et, avec la vitesse, dans les relances à la pédale, on tend à perdre la motricité de l’arrière.

Pour pallier ceci, nous avons dégonflé les Maxxis à peine sous la barre de 1 kg. Mal nous en a pris : dans une section rapide mais plus cassante des trails italo-autrichiens, la jante arrière a pris un coup. Moralité: point trop n’en faut côté sous-pression avec un vélo de plus de 20 kg ! On saluera néanmoins le choix de Liv de munir son Vall-E+ de pneus à carcasse Exo renforcée quand beaucoup d’e-bikes se dotent de pneumatiques cigarettes en première monte.

Si nous n’avons pas retrouvé l’agilité du Hail (le modèle gros enduro de Liv) dans les épingles, ce que nous avons en revanche largement apprécié, c’est la stabilité en montée du Vall-E+ grâce à ses bases arrière assez longues (475 mm). Même dans les dénivelés positifs plus raides, le vélo ne cabre pas.

Un choix sécurisant, tout comme l’angle de fourche de 68° qui conforte dans les descentes, aidé par le fonctionnement de la RockShox Revelation calée à 25% de SAG.

Verdict

Au final, on a pris du plaisir à rouler durant ces deux brefs jours au guidon du Liv Vall-E+ et à l’emmener sur des sentiers plus techniques et plus cassants que ce à quoi son programme le destine (plutôt prévu pour un pratique rando/trail/all-mountain). La gamme de prix, la volonté de répondre à une demande spécifiquement féminine et la technologie mise à disposition par la puissance du groupe Giant restent les points forts de ce vélo, qui entend démocratiser l’e-bike auprès du public féminin le plus large possible… En attendant de viser un marché plus exclusif, où un tout-suspendu aurait sa place. La marque annonce des surprises dans le domaine pour l’an prochain.

ParElodie Lantelme