Mondraker e-Crusher Carbon RR+ 2018 : le « porn e-bike » existe ?

Par Elodie Lantelme -

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Mondraker e-Crusher Carbon RR+ 2018 : le « porn e-bike » existe ?

Sur son passage, les têtes se tournent ! Présenté lors du 24e Riva Bike Festival de Riva Del Garda, le Mondraker e-Crusher Carbon fait sensation. Et on comprend pourquoi avec sa géométrie et son design très travaillés, son cadre full carbone offrant 150mm de débattement et son moteur Shimano. Nous avons eu l’occasion de prendre en main sa version RR+ haut de gamme à 8999 euros, totalement déraisonnable mais hautement excitante. Avec ce Mondraker, le « porn e-bike » existe peut-être.

On retrouve donc la « Forward Geometry », qui se traduit par un très long reach associé à une potence très courte. La suspension reste elle aussi la même, mais elle profite de la présence d’un moteur Shimano plus compact pour se rapprocher encore un peu plus de celle des vélos musculaires de la marque.

Baptisée « Zero », cette suspension positionne l’amortisseur entre un basculeur haut et un basculeur bas effectuant le lien entre les bases et le triangle avant. L’amortisseur est donc « flottant » et se comprime des deux côtés. La suspension a été baptisée de la sorte car l’objectif de Mondraker est d’arriver à « zéro » perte de puissance au pédalage, « zéro » kickback et « zéro » perturbation au freinage.

Côté géométrie, le vélo n’est pas radicalement différent de l’e-Crafty, il est en revanche optimisé et les ingénieurs ont tiré profit des possibilités du carbone et de la motorisation plus compacte pour affiner les cotes. Les tubes du triangle avant ont la même longueur mais c’est du côté des bases que le vélo perd 25mm pour arriver à 450mm. Le reach se réduit et passe à 466mm (contre 475 sur l’e-Crafty) en taille M. L’angle de direction reste à 66,5 degrés et le vélo est proposé avec une fourche de 160mm de débattement (pour 150mm développés à l’arrière).

Le cœur de ce nouvel e-Crusher, c’est le fameux nouveau bloc Shimano Steps E8000 alimenté par une batterie de 500 Wh.

Tout comme le nouveau Scott e-Spark dont nous vous parlions ici, Mondraker a fait le choix de Shimano en motorisation pour son e-Crusher. Mêmes avantages, donc, que nous vous rappelons rapidement : compacité pour une meilleure intégration, montage d’un plateau standard, d’où une ligne de chaîne optimisée et un Q-Factor réduit, qui se traduisent par un pédalage plus naturel.

Au niveau du poste de pilotage, on dispose de 3 modes (Eco, Trail et Boost) changés via un shifter type Di2 monté à gauche du cintre. On trouve également une console minimaliste (issue également du Di2) donc mieux protégée et plus esthétique que les écrans que l’on a l’habitude de voir sur les vélos électriques.

Pour Mondraker, grâce à sa compacité toujours, le choix du Shimano Steps E8000 a permis d’optimiser le système de suspension Zero cher à la marque. Il y a plus de place pour « travailler » et un amortisseur au standard Metric (et à la monte Trunnion) est désormais utilisé.

Un petit coup d’œil curieux à la fiche technique montre que cet amortisseur est en fait celui de la version R+, à 6599 €. Le modèle RR+, lui, annonce un… nouveau Float X Factory. Encore inconnu au bataillon car non-officiellement présenté, cet amortisseur sera bien présent sur la version commercialisée dès juillet dans quelques magasins triés sur le volet, car le nombre de Mondraker e-Crusher disponibles sera limité. On le retrouve toutefois très discrètement sur les photos officielles du site Mondraker.

A l’avant, on retrouve la nouvelle Fox 36 EVol (Extra Volume, dont nous vous parlions ici) qui accepte tant les pneus Plus que 29″.

Avec ses bases plus courtes, de nouveaux axes traversants de 15mm et de plus gros roulements, le triangle arrière est nettement rigidifié. Une rigidité qu’accroît également le choix du carbone intégral pour ce tout-suspendu dont le design ne laisse pas indifférent.

« Nous avons mis, en matière de recherche et développement, tout ce que nous avions appris tant en termes de vélos électriques, depuis 2 ans, que de cadres carbone », précise Salvador Manchòn, chef produit de Mondraker. La batterie de 500 Wh amovible est totalement intégrée au design du cadre.

Monté en pneus 27,5+ en section 2,8, le Mondraker e-Crusher Carbon arbore aussi, dans sa version RR+, les nouvelles roues Mavic E-XA Elite+. Pas encore présentés officiellement, ces modèles se différencient par leurs jantes de 40mm de large (les plus larges jamais produites par Mavic) dont la forme indique qu’elles reprennent le principe d’usinage USM 3D propre à la marque. Le petit éclair aperçu à côté de leur nom laisse à penser que Mavic les destine spécifiquement aux vélos électriques. Conçues pour pneus Plus, elles sont ici montées avec des Maxxis Minion à l’avant et du High Roller à l’arrière (non présent sur notre vélo de test) en carcasse Exo (renforcée sur les flancs), avec laquelle nous n’avons déploré aucune crevaison durant notre rapide prise en main, contrairement à notre essai du nouvel e-Spark, qui a été interrompu par de nombreuses fuites.

La version RR+ montrée ici est affichée à 8999€ et dans sa version R+ proposée à 6599 €, le Mondraker e-Crusher Carbon 2018 affiche un montage RockShox, avec amortisseur Superdeluxe R et une Yari Solo Air Boost.

Mondraker e-Crusher Carbon RR+ : premier essai

Au premier coup de pédale, on apprécie la discrétion du moteur Shimano. Pas de « bzzzzzz » trop intrusif, qui crispe les fervents opposants au vélo électrique que l’on peut croiser sur les randos du dimanche ou ailleurs. Surtout que grâce à l’intégration de sa batterie et son bloc compact, le Mondraker e-Crusher Carbon passerait presque pour un enduro costaud, mais classique (entendez « non électrique »). On se faufile donc sans mal dans la foule cycliste du bord du lac de Garde pour rejoindre les sentiers empruntés durant l’essai de l’e-Spark.

Enfin, ça, c’était le plan initial. Au final, on s’est perdu dans les Préalpes. L’inconvénient, c’est que nous n’avons pas rendu le Mondraker e-Crusher Carbon dans les délais prévus (une seule grosse heure nous était allouée, tant le vélo était demandé). L’avantage, c’est que nous avons pu réaliser une prise en main sur toute une après-midi – ce qui reste sommaire, certes, mais nous a permis de rencontrer davantage de situations de roulage.

Parmi les premières situations rencontrées, la longue montée entre petite route goudronnée et large piste carrossable au-dessus d’Arco est une excellente occasion de mesurer la facilité de pédalage avec le moteur Shimano. Lors de cette prise en main, nous avons hélas retrouvé les mêmes défauts de jeunesse de la gestion du moteur Shimano, déjà ressentis lors de l’essai du Scott e-Spark, et on attendra la mise à jour pour qu’ils ne soient plus qu’un mauvais souvenir.

Sortir un vélo électrique ultra-light n’était pas l’objectif du recours au carbone pour Mondraker

Néanmoins, l’absence de friction et l’adoption d’un plateau standard confèrent vraiment la sensation d’emmener un vélo classique, en dépit des 22,2 kg annoncés (22,8 kg en version R+ et 21,7 kg dans la très luxueuse version RR+ avec roues Enve M60 à… 10499 € !). On peut noter que ce n’est d’ailleurs pas beaucoup plus léger qu’un e-bike classique en alu. Mais sortir un vélo électrique ultra-light n’était pas l’objectif du recours au carbone pour Mondraker. La marque a certes économisé des grammes sur le châssis, mais elle a surtout pu surdimensionner quantité d’éléments (axes traversants, roulements, roues, fourche, etc.) afin d’encaisser le poids et donc les contraintes dynamiques plus importantes d’un VTTAE sans pour autant voir la balance exploser.

Après de longs tours et détours, nous sommes finalement parvenus à retrouver nos singles et les zones tests empruntées la veille. Première surprise : l’e-Crusher se sort haut la main du franchissement de dalle raide en montée. Le vélo colle au sol malgré la puissance du mode Boost, ne cabre pas et parvient en haut sans demander à son pilote de se battre avec lui pour y parvenir. Un bénéfice dû à la géométrie de l’espagnol associant un tube horizontal assez long et une potence de 30mm. L’axe de la roue avant et le poids de notre corps se retrouvent ainsi projetés un peu plus vers l’avant et la répartition plus homogène des masses favorise la stabilité du vélo.

Nous allons aussi pleinement apprécier cette qualité de la géométrie une fois le panneau « Caution ! Downhill mountain bike track » franchi ! C’est là que le Mondraker e-Crusher donne sa pleine mesure. C’est son terrain de jeu, et ça se sent ! Tout chez lui est taillé pour mettre en confiance dans les sections descendantes gavées de racines, de petites ou plus grosses marches, de dalles. Son train roulant donne aussi pleine confiance : les Maxxis Minion DHF  27,5+ montés sur les nouvelles jantes Mavix E-XA sont vraiment taillés pour une attaque sans retenue si l’envie vous en prend. Les suspensions sont aussi au poil, avec une mention spéciale pour la Fox 36 qui, du haut de ses 160 mm de débattement, lit le terrain avec adresse et continue de nous impressionner.

La cinématique Zero qui anime le vélo nous a également séduits : le vélo semble flotter entre les jambes tout en avalant le dénivelé avec la stabilité d’un rail. On se surprend à prendre de la vitesse dans des sections plutôt franchies en mode « trialisant » au préalable. On apprécie par la suite la puissance des freins Shimano Saint associés à leurs disques de 200 mm. Bref, tout concorde à faire de ce Mondraker e-Crusher un vélo cohérent, homogène et tout simplement agréable à piloter.

Mais si le sur-dimensionnement (ou tout simplement le « bon-dimensionnement ») des pneus, jantes, moyeux, suspensions, axes et roulements a du bon, c’est aussi à ce niveau que se situe le seul point gris rencontré durant notre rapide prise en main : pour laisser passer moyeux, jantes et pneus maousses, l’arrière du cadre a aussi été fort élargi. Et au pédalage, si l’on n’y prend pas garde, les genoux viennent taper où la biellette est ancrée. Salvador Manchòn en est conscient : « On a tout surdimensionné, les sections des pneus, les moyeux en Boost à l’avant comme à l’arrière, les jantes… alors on ne pouvait pas tout avoir. C’est une petite habitude à prendre. »

Au moment de ramener enfin – et avec regret ! – le Mondraker e-Crusher Carbon à son stand, un autre constat nous attendait : alors que l’autonomie de la batterie alimentant le moteur Shimano Steps E8000 avait impressionné sur le Scott e-Spark (où 22 km et 1000 m de dénivelé n’avaient entamé qu’une des 5 barrettes disponibles), après 3h30 de roulage, nous avons ramené le Mondraker avec une batterie quasi vide (restait 1 seule bûchette). À sa décharge, nous avons avalé près de 1000 m de positif sur piste goudronnée ou très roulante pour retrouver les singles connus et n’avons pas quitté le mode Boost. Mais ce point sera à vérifier lors d’un test de plus longue durée tout comme la pertinence du choix du carbone.

Verdict

Les ingénieurs d’Alicante ont frappé fort avec leur e-Crusher Carbon 2018. Premier e-bike tout-suspendu full carbon (avant et arrière) du marché, il nous a séduits par ses capacités dynamiques autant que par l’ensemble des solutions techniques mises en oeuvre pour proposer un vélo électrique polyvalent tout en conservant l’identité de la marque. Reste évidemment son prix, celui d’une agrégation de solutions technologiques qui font rêver, comme le recours au carbone. Au final, le seul vrai problème de cet e-bike déraisonnable sera de pouvoir se le procurer dans cette version. Car seuls 1000 exemplaires devraient s’écouler au compte-gouttes à partir de juillet, « dans les bons magasins », dixit Salvador.

Plus d’infos : www.mondraker.com/es/en/emtb-ecrusher-allmountain-2018

ParElodie Lantelme