Visite | absoluteBlack : quand la science s’en mêle

Par Léo Kervran -

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Visite | absoluteBlack : quand la science s’en mêle

AbsoluteBlack, ça vous dit quelque chose ? Surtout connue pour ses plateaux ovales, la petite marque développe depuis quelques années sa gamme avec un seul objectif : améliorer la performance de nos montures partout où c’est possible, et où elle pense pouvoir faire mieux que les « gros » malgré sa petite taille. Nous avons pu nous glisser dans son laboratoire en Slovénie, suivez-nous :

Petite marque bien connue des amateurs de belles pièces, des chasseurs de watts et de toutes celles et ceux qui se sont un jour intéressés aux plateaux non-circulaires, absoluteBlack dispose d’un catalogue plutôt éclectique : plateaux ovales (la marque de fabrique de la maison), plaquettes, chapes de dérailleur, poignées, lubrifiant pour chaîne… Au premier abord, on a un peu de mal à voir ce qui peut bien rassembler tout ça.

Et alors qu’on fait route pour la petite ville de Radovljica après être descendu du train à Venise, d’autres questions nous trottent dans la tête. A commencer par : quel rapport avec la Slovénie ?

Drapeau national devant la fenêtre, Triglav qui domine le paysage en fond : bienvenue en Slovénie !

Auparavant destination exotique, le pays s’est désormais installé comme une valeur sûre du vélo en Europe (vous connaissez beaucoup d’autres endroits où l’on peut faire du VTT dans une mine désaffectée ?) mais c’est bien pour rendre visite à absoluteBlack qu’on y va cette fois. AbsoluteBlack, une marque fondée par un Polonais et enregistrée au Royaume-uni…

Sur place, nous sommes accueillis par Marcin Golek (à gauche ci-dessus), le fondateur, et Borut Fonda (à droite), le scientifique. C’est ici, dans un ancien bâtiment d’IBM, que se trouve le laboratoire de biomécanique et d’ergonomie du cyclisme du Dr. Fonda ainsi que l’absoluteBlack Science Lab. A écouter les deux hommes, on comprend vite que la marque entretient une relation très étroite avec la recherche scientifique.

D’ailleurs, plutôt que de parler à leur place, qui de mieux que Marcin Golek pour nous raconter d’où vient la marque ?

Aussi loin que je me souvienne, les vélos ont toujours été ma passion. Enfant, je bricolais déjà après l’école pour modifier mon vélo afin de le rendre plus léger ou d’en améliorer certaines fonctions. Tu sais, ces trucs de « weight-weenies » où tu fais des trous et tu utilises beaucoup de papier de verre sur tout ce qui te semble inutile sur le vélo. De manière générale, je passais la plupart de mon temps libre avec des vélos, à rouler ou à « l’améliorer ».

Cette passion m’a amené à travailler pour un distributeur de vélos polonais, à résoudre des problèmes de garantie lorsque j’étais encore à l’université, puis à occuper un poste de responsable des ventes au niveau national. J’ai ensuite rejoint le siège de Trek au Royaume-Uni, d’abord en tant que vendeur, puis en tant que prévisionniste et acheteur de pièces et d’accessoires Bontrager pour l’ensemble du marché européen.

J’ai suivi une formation universitaire technique en physique, en mathématiques et en optique biomédicale. Cependant, lorsque j’étais enfant, j’ai également dû fréquenter une école d’art après les heures de cours, où j’ai appris à peindre, à sculpter et même à faire de la linogravure. Je ne peux pas dire que j’étais le meilleur élève en art, mais j’ai certainement appris beaucoup de choses qui se sont révélées inestimables par la suite.

Lorsque tu travailles dans l’industrie du cyclisme assez longtemps et que tu es attentif, tu commences à voir des lacunes dans le marché auxquelles personne d’autre ne semble prêter attention. En 2009, j’étais encore un vrai « weight-weenie » et j’ai remarqué qu’il y avait un manque sur le marché pour des disques Centerlock super légers et plus performants.

C’est ainsi que la marque absoluteBlack a vu le jour. Ma première création a été un disque de 160 mm flottant à 95 g. Pour moi, c’était une merveille d’ingénierie et d’art combinés qui a influencé par la suite de nombreux designs de rotors d’autres marques dans les années à venir, ça a déclenché une nouvelle tendance. Toutes mes connaissances en physique, en mathématiques et en art se sont concrétisées dans ce produit.

Cependant, j’étais loin de me douter qu’un tel rotor à un tel prix pour un VTT en 2009 serait difficile à vendre. Il était tout simplement trop tôt pour un tel produit. Dans le même temps, je travaillais sur un plateau à montage direct pour les manivelles Sram. En 2011, il n’existait que des plateaux en 94 ou 104 bcd plus l’étoile, qui n’étaient pas très esthétiques et qui étaient assez lourds. Aucune marque ne fabriquait de plateaux à montage direct à l’époque, ce qui est aujourd’hui difficile à croire. Ce produit a changé la trajectoire de l’entreprise car il a été un véritable succès.

Il a fallu plus de deux ans à Sram pour comprendre qu’il s’agissait de quelque chose d’important et pour introduire un produit similaire. À ce moment-là, nous couvrions presque toutes les manivelles du marché avec différents plateaux. Au départ, l’offre de plateaux était uniquement ronde, mais je me suis toujours intéressé aux plateaux ovales pour améliorer l’efficacité du pédalage.

Quelque temps plus tard, nous avons commencé à coopérer avec Borut, qui travaillait pour une autre société spécialisée dans les tests et l’optimisation des mouvements biomécaniques chez les cyclistes. Cela a abouti à la création d’absoluteBlack Lab qui s’est concentré sur l’efficacité du pédalage grâce à l’optimisation des plateaux ovales. »

Spécialisé dans la biomécanique et l’ergonomie du cyclisme (sa thèse de doctorat à l’université de Birmingham s’intitule « Control parameters in bike fitting for improving safety and comfort during cycling »), Borut Fonda est une figure connue du monde de la recherche dans ces domaines. Il est notamment l’un des créateurs des pédales Forped, des pédales à capteur de force conçues spécifiquement pour les applications de recherche et utilisées dans les laboratoires et universités du monde entier.

C’est sa collaboration avec Marcin Golek qui a donné naissance aux plateaux non-circulaires qui ont fait connaître absoluteBlack, à une époque où ces produits étaient encore moins courants qu’aujourd’hui et où il n’y avait pas toujours beaucoup d’options suivant le modèle de pédalier qu’on possédait.

Depuis ces débuts, le catalogue s’est bien étoffé et le laboratoire a grandi, avec une nouvelle salle de l’autre côté du couloir. Adieu le côté « bio » et ses outils de mesure du mouvement humain, cette fois on est pleinement dans le « mécanique » ! C’est ici que la marque teste ses nouveaux lubrifiants, sur une machine conçue spécialement pour elle.

« Notre philosophie est de ne fabriquer que des produits qui peuvent avoir un impact important sur l’efficacité ou la performance du cycliste » explique Marcin, avant de poursuivre : « Cela a commencé avec des plateaux ovales pour optimiser l’efficacité, réduire les douleurs au genou et améliorer les performances. Plus tard, nous avons évolué vers d’autres catégories de produits, comme les lubrifiants, qui permettent de réduire considérablement le frottement de la chaîne et de prolonger la durée de vie de la transmission. »

Vous nous connaissez chez Vojo, si on aime parfois rouler vite voire se dépasser, nous ne sommes pas non plus des passionnés de watts et de gains marginaux. Nous serions donc bien mal placés pour tester ou commenter les performances de ces lubrifiants nouvelle génération. En revanche, la marque a dans son catalogue d’autres choses qui éveillent un peu plus notre intérêt : « Nous nous sommes également intéressés de près aux performances de freinage, ce qui a donné naissance aux plaquette Graphen, qui permettent d’éviter la surchauffe et augmentent la puissance de freinage », continue le Polonais.

Nous les testons depuis le printemps et si on attend encore de faire quelques sorties dans des (vraies) conditions automnales voire hivernales pour vous donner notre verdict, on peut d’ores et déjà vous dire que la différence est bien sensible par rapport aux plaquettes d’origine.

« Nous nous concentrons uniquement sur les catégories de produits où nous pouvons apporter une différence significative pour le cycliste. Par exemple, nous n’avons aucun intérêt à fabriquer un cintre en carbone, produit par la même entreprise taïwanaise que tous les autres, simplement pour y apposer notre logo. Lorsque nous lançons un nouveau produit, cela signifie que nous avons trouvé un moyen d’apporter une amélioration significative par rapport à ce qui était disponible auparavant. »

Donnez des moyens à des scientifiques (très) passionnés et voici ce qu’il en sort. Si absoluteBlack peut donner l’impression de partir dans toutes les directions vu de l’extérieur, on a bien senti en discutant avec Marcin et Borut que c’est avant tout une histoire de passion. Votre serviteur ayant lui-même une formation scientifique dans les mêmes champs que le Dr. Fonda, il ne lui a pas fallu longtemps pour comprendre toutes les possibilités offertes aux deux hommes avec ces « jouets » (autrement dit machines de test à plusieurs milliers, voire dizaines de milliers d’euros) ultra polyvalents à leur disposition.

Ils ont une idée, ils testent et si ça fonctionne, banco ! On a d’ailleurs vu plusieurs projets en cours qu’il nous a gentiment été demandé de ne pas dévoiler. Avec cette approche très scientifique, presque universitaire, absoluteBlack détonne mais on est bien content d’avoir pu lever un coin du voile et de savoir désormais qui se cache derrière cette marque originale.

Plus d’informations : absoluteblack.cc

ParLéo Kervran