Test | Specialized Levo 4 Expert: le gentleman baroudeur
Par Olivier Béart -

Depuis maintenant quatre générations, le Specialized Levo fait partie des références en matière de VTTAE. Pour faire face à une concurrence toujours plus aiguisée, cette nouvelle mouture se dote non seulement d’un nouveau châssis directement inspiré des dernières évolutions du Stumpjumper, mais aussi d’un nouveau moteur et d’une batterie à la capacité portée à 840 Wh. Nous l’avons testé sur nos terrains habituels dans sa version Expert Carbon, voici ce que nous en avons pensé.
Nous avons déjà eu l’occasion de vous présenter en détail le nouveau Specialized Levo de 4e génération lors de sa sortie début avril 2025, et de vous livrer nos premières impressions à son guidon : Test nouveauté | Specialized Levo gen 4 : plus puissant, plus malin
Alors que nous avions principalement roulé la version haut de gamme S-Works et le Pro, nous allons ici nous concentrer sur l’essai du Specialized Levo Expert Carbon, qui est habituellement le best-seller de la gamme car, même s’il reste un vélo cher, il offre un rapport équipement/prix intéressant dans la gamme.
Châssis, moteur et batterie
Le cadre du nouveau Specialized Levo 4 est entièrement en carbone Fact 11M, et il est identique sur toute la gamme (à l’exception bien sûr des versions en aluminium, désormais également disponibles). Ce châssis reste dans le même esprit que son prédécesseur, tout en reprenant à son compte plusieurs évolutions apparues sur le Stumpjumper de dernière génération (nous en reparlerons un peu plus loin).
Un des changements les plus visibles, c’est l’apparition d’une trappe latérale pour accéder à la batterie, et plus en la tirant par le bas du tube diagonal. Désormais, plus besoin de retourner le vélo, la trappe latérale s’ouvre en quelques secondes avec une clé Allen (qu’on a toujours avec soi grâce au système Swat qui comprend un petit multi-outil logé dans la douille de direction) et la batterie se retire aussi très aisément.
On note également la présence d’un revêtement en caoutchouc sur la face interne du capot de la trappe afin d’éviter tout bruit désagréable. En parlant de système Swat, cette trappe permet aussi d’accéder à une petite sacoche logée au-dessus de la batterie et qui peut contenir par exemple une chambre à air et du petit matériel de réparation supplémentaire. Malin.
La batterie, justement, voit sa capacité portée à 840 Wh, contre 700 Wh auparavant. Cette augmentation de la capacité correspond à une attente perçue par la marque chez la majorité de ses clients et vise aussi à répondre à l’augmentation du couple et de la puissance du nouveau moteur. Même si elle utilise de nouvelles cellules qui ont permis de limiter l’embonpoint, cette batterie de plus forte capacité entraîne forcément un surpoids. Pour ceux qui n’ont pas besoin d’autant et/ou qui souhaitent alléger leur monture, deux options existeront : une batterie de 600 Wh est aussi disponible en option (-1 kg)… tout comme un range extender de 280 Wh, qui peut soit servir à augmenter encore l’autonomie de sa machine, ou bien à l’alléger radicalement car il peut s’utiliser seul, sans la batterie principale.
Du côté du moteur, on passe à la génération 3.1, toujours produite par Brose et qui offre dans cette version 101 Nm de couple et 666 W de puissance crête. Si le S-Works haut de gamme ne se différencie pas au niveau de son châssis, il a par contre droit à un moteur programmé différemment avec 110 Nm et 720 W. Au-delà des chiffres, Specialized a énormément travaillé sur la gestion moteur de ces deux versions pour que l’utilisateur sente la puissance mais ait une grande impression de naturel. Pour cela, tous les capteurs ont été mis à jour, permettant une analyse jusqu’à 4 fois plus rapide des paramètres afin de permettre au moteur de répondre de manière encore plus fine aux sollicitations du pilote.
D’autres paramètres comme le refroidissement (permettant de préserver une meilleure efficacité du moteur même en cas de sollicitation prolongée) et le silence de fonctionnement ont également été retravaillés. Enfin, on note aussi la présence d’un nouvel écran de contrôle sur le tube supérieur et d’une commande revue (et toujours très compacte, heureusement).
Au-delà de l’apparence, toute la gestion électronique a été revue et deux nouveaux modes font leur apparition : un mode full automatique qui va s’occuper de tout côté assistance, et le « dynamic micro-tune » en complément du mode « micro-tune » qui permettait d’ajuster son niveau d’assistance par incréments de 10%. Cette fois-ci, avec le mode dynamic, on vient distinguer au sein d’un même mode deux séquences de pédalage. On choisit d’abord l’assistance que l’on souhaite avoir du moteur quand on pédale tranquillement, et on choisit ensuite l’assistance maximum que le moteur délivrera en cas d’accélération de la cadence ou de la force. Nous verrons plus loin que ces deux modes sont vraiment très bien pensés et utiles. Enfin, l’application smartphone permet une foule d’options de personnalisation des modes, de navigation et d’analyse de données. Il est même possible de localiser son vélo comme s’il était équipé d’un Airtag. Bref, c’est ultra complet !
Géométrie/cinématique
Au niveau de la géométrie, la 4e génération de Levo reste proche de son prédécesseur, qui présentait des valeurs encore totalement d’actualité : 450 mm de reach en taille S3, angle de direction de 64,5°, tube de selle bien redressé à 77° et des bases assez courtes de 435 mm grâce à une roue arrière en 27,5″ couplée à une roue avant de 29″.
Le Levo propose toujours plusieurs possibilités de personnalisation, car tout le monde n’a pas les mêmes attentes et ne roule pas sur les mêmes terrains. Des coupelles au niveau du jeu de direction permettent de faire varier l’angle de direction de +/- 1°, l’ancrage de l’amortisseur va permettre de faire varier la hauteur du boîtier de pédalier de +/- 6mm et un excentrique au niveau du point de pivot arrière permet de faire varier la longueur des bases de +/- 9mm. Au final, cela fait beaucoup de réglages et, même si nous vous encourageons à essayer, il est facile de s’y perdre. Nous avons pour notre part roulé avec l’angle de direction neutre et les bases courtes, et nous avons juste changé un peu plus régulièrement la hauteur du boîtier en optant pour la position basse pour les sorties plus engagées et la haute pour les sorties mixtes avec davantage de pédalage.
L’amortisseur Genie, hérité du dernier Stumpjumper, est également personnalisable grâce à des cales qu’on peut venir glisser à l’intérieur afin d’en modifier le comportement. Pour en savoir plus, rendez-vous ici : Specialized Stumpjumper : quels réglages choisir ? Les recommandations de Vojo. Sur le Levo, nous avons trouvé que le réglage d’origine offre un excellent comportement et nous ne l’avons pas modifié lors du test. On n’est pas loin de penser que la marque est allée un peu trop loin en la matière pour le commun des mortels et que peu d’utilisateurs se plongeront réellement dans ces réglages ultra fins de l’amortisseur.
Equipements, versions et tarifs
Le Specialized Levo Gen 4 existe dans deux versions en aluminium à 5999 € et 6999 €, puis dans quatre niveaux de gamme en carbone avec tout d’abord le Comp à 7999 €, l’Expert testé ici à 9999 €, le Pro à 11999 € et enfin le S-Works à 14499 €. Une série limitée S-Works LTD a même vu le jour avec des équipements très exotiques à… 19999 € ! Clairement, Specialized positionne son Levo dans le haut, voire même le très haut de gamme, y compris pour notre version Expert. Heureusement, pour le prix, on a un équipement bien pensé et homogène, même s’il n’est pas vraiment luxueux.
Au niveau des suspensions, on retrouve la série Fox Performance Elite, avec la fourche 38 équipée de l’excellente cartouche GripX2, qui marque un gros saut en qualité par rapport à la cartouche Grip « simple » qui équipe la version Comp du Levo. Voir ici pour plus d’infos : Test nouveauté | Fox 36 GRIPX & 38 GRIPX2 : petits détails, grands changements.
Pour ce qui est de la transmission, c’est le Sram GX AXS T-Type qui est en charge. Il procure des changements de rapports précis et il est tout à fait en mesure de supporter le couple et la puissance de l’assistance sans broncher. Un must, et seul le poids le différencie réellement des versions plus haut de gamme (XO et XX).
Pour assurer le freinage, on retrouve les très puissants Sram Maven avec disques de 200 mm. Il faut un peu de temps pour s’habituer à leur force de décélération assez énorme, mais une fois qu’on a trouvé le bon doigté, c’est un régal et ils semblent inépuisables.
Les roues sont les Roval Traverse aluminium, montées sur des moyeux DT 370. Un train roulant peut-être moins démonstratif et bling bling que les modèles en carbone, mais particulièrement agréable sur le terrain. Ces roues sont à la fois précises, réactives et tolérantes. Elles se sont aussi montrées solides et n’ont absolument pas bronché lors de notre test, que ce soit au niveau du montage ou des jantes elles-mêmes.
Les pneus proviennent aussi du catalogue Specialized, avec le Butcher en 2.3. Un pneu très polyvalent et accrocheur, parfaitement à sa place sur ce vélo. Il est aussi résistant aux crevaisons, mais le revers de ses performances est qu’il s’use relativement vite en montage arrière quand on en a un usage engagé et intensif.
Le poste de pilotage est classique, en aluminium et signé Specialized, tout comme la selle, mais la tige de selle PNW se démarque. Peu courante, elle offre un fonctionnement absolument parfait et particulièrement fluide. Son débattement évolue avec la taille du cadre et elle est conçue pour que son entretien soit facile.
Specialized Levo Gen 4 Expert : le test terrain
Nous connaissions bien les deux précédentes générations de Levo et, quand on se pose aux commandes, on n’est pas vraiment dépaysé par rapport au Levo 3. Logique, la géométrie du 4 est très similaire à celle de son aîné, et c’est très bien comme ça ! D’autant qu’on peut le personnaliser selon ses envies, avec soit des angles plus adaptés à un usage all-mountain polyvalent, ou carrément plus enduro en optant pour quelque chose de plus radical. Tout changer prend une vingtaine de minutes, mais on a presque deux vélos en un.
Par contre, on sent immédiatement qu’un changement plus important a eu lieu au niveau de l’assistance et de la partie moteur. Nous avons toujours apprécié le côté « main de fer dans un gant de velours » de la motorisation du Levo, et ici, c’est encore plus la main de fer et plus le gant de velours. DJI Avinox et Bosch, les grands concurrents, proposent d’excellentes gestions électroniques, mais ce Levo 4 atteint un niveau de raffinement encore un poil supérieur, à tel point qu’on frôle la perfection.
Les deux nouveaux modes, Auto et Dynamic Micro Tune, sont assez addictifs et particulièrement au point. C’est rare, surtout pour un mode entièrement automatique car, jusqu’ici, aucun n’était réellement parvenu à nous convaincre. Ici, il semble comprendre notre façon de rouler et il agit en conséquence en se montrant doux quand on pédale légèrement, puis en libérant toute la fougue du moteur quand on s’énerve dans son pilotage et qu’on appuie plus sur les pédales. Jamais il ne nous a paru être à côté de la plaque et, le seul petit bémol, c’est que c’est un pousse-au-crime, ce qui a tendance à faire grimper la consommation.
Heureusement, la batterie de 840 Wh permet de rouler longtemps, même en mode Turbo ou en tirant fort sur le mode Auto. En roulant à bloc, à quasiment 25 km/h de moyenne, on parvient à faire plus de 1500 m de d+ et une bonne quarantaine de bornes pour un pilote de 80 kg.
Si on veut faire plus, on utilisera plutôt le mode Dynamic Micro Tune, qui est une sorte de mode semi-automatique qui va permettre de choisir un niveau d’assistance « de base » manuellement, selon ses envies et sa manière de rouler, tout en laissant à l’électronique la faculté de monter brièvement vers des niveaux d’assistance plus élevés quand vous avez besoin d’un petit coup de boost pour une côte occasionnelle ou une accélération ponctuelle. On peut alors gérer plus finement l’autonomie et on peut alors aller tutoyer les 2000 m de d+ sans aucun souci.
Vu le bon rapport performances/consommation du moteur 3.1, on en vient à regretter que Specialized ne propose sa batterie de 600 Wh qu’en option en plus de la 840 Wh, et n’offre pas le choix au moment de l’achat. Car, même si le Levo 4 est un modèle d’équilibre avec une excellente répartition des masses, il a parfois du mal à cacher qu’il fait plus de 24 kg. Oui, il est agile, oui, il est carrément très efficace et fun à piloter, mais on sent quand même qu’il a pris du poids et avec une batterie de 600 Wh, nul doute qu’on pourrait encore mieux profiter des grandes qualités du châssis et découvrir un côté joueur encore bien plus marqué.
En l’état, le Levo 4 est un excellent descendeur, très efficace et homogène, avec des suspensions, un châssis et des composants qui procurent énormément de sécurité et d’adhérence… mais on a connu le Levo plus fun et on sent que cette quatrième génération est plus enjouée au fond d’elle-même. Elle est juste un peu bridée par sa grosse batterie. On sait que beaucoup d’acheteurs n’ont pas ce genre de considérations et que les grosses batteries répondent à une demande. Mais, à l’heure où de plus en plus de marques proposent de la personnalisation et des options de montages sur leurs vélos, on aimerait vraiment que Specialized donne le choix de la taille de la batterie au moment de l’achat.
En côte par contre, le côté très posé du vélo lui donne des capacités de grimpeur hors norme. Les pires côtes semblent faciles à son guidon, d’autant que le moteur au couple généreux est vraiment bien plein, y compris à faible vitesse et faible cadence de pédalage. Une vraie force tranquille, tout en subtilité quand il faut se faufiler ou jouer dans la délicatesse, mais qui ne demande qu’à se réveiller et à bombarder quand le sol offre l’adhérence nécessaire. Fabuleux. On se pose d’ailleurs la question de la réelle utilité du moteur plus puissant et plus coupleux du Levo S-Works car cette version 3.1 « de base » nous a paru plus que suffisante en tous points.
Un dernier mot pour signaler que si le vélo s’est particulièrement bien comporté pendant les trois mois de test intensifs, nous avons rencontré un souci de déconnexion épisodique de la batterie. Specialized est au courant du souci et propose le remplacement de la platine basse sur laquelle repose la batterie. Une nouvelle version montée sur ressorts assure un meilleur contact entre la batterie et l’alimentation du moteur, et son montage est entièrement pris en charge en SAV. Notre vélo de test était un des premiers exemplaires produits et maintenant tous les Levo sont équipés de cette nouvelle interface afin de ne plus avoir ce souci.
Verdict
Cette quatrième génération du Specialized Levo est particulièrement aboutie. Tout semble avoir été pensé, réfléchi dans les moindres détails, tel un diamant qu’on a pris le temps de polir jusqu’à la perfection. Oui, clairement, le Levo est cher, mais son niveau d’aboutissement est tel qu’on pourrait presque lui pardonner. Les équipements, bien que pas vraiment luxueux, sont aussi tous parfaitement à leur place et choisir une version plus haut de gamme que cet Expert ne se justifiera que par le pur plaisir d’avoir un jouet prestigieux. Ce qui nous a le plus marqués, c’est la qualité de la gestion de l’assistance, qui permet de donner l’impression que le vélo est un véritable prolongement de soi. « It’s you, only faster » affiche le vélo quand vous l’allumez. Et c’est entièrement vrai. Au-delà des chiffres bruts, c’est la manière dont le couple et la puissance sont délivrés et aussi l’homogénéité du châssis qui impressionnent. Seuls petits bémols, Specialized nous semble se compliquer un peu trop la vie avec l’amortisseur Genie aux possibilités de personnalisation dont l’utilité ne nous saute pas aux yeux, et la batterie de 840 Wh ne nous semble pas utile en toutes circonstances ni pour tous les pilotes. Ce qui nous fait regretter que la batterie de 600 Wh ne soit disponible qu’en accessoire, à acheter en plus de la grosse batterie d’origine. Allez, le même un peu moins cher, un poil plus simple et avec la possibilité de choisir sa batterie, et on frôlerait la perfection !
Specialized Levo 4 Expert
9999 €
24,45kg
- Moteur puissant, coupleux et très doux
- Modes auto et Dynamic Micro Tune très agréables et efficaces
- Excellent grimpeur et rassurant en descente
- Poids important qui le rend un peu moins joueur
- Batterie 840Wh imposée de série, 600Wh disponible seulement en accessoire
- Tarif élevé
- RAS
Évaluation des testeurs
- Prix d'excellence
- Favori
- Qualité / prix
Plus d’infos : https://www.specialized.com/fr/fr/turbo-levo-4-expert/p/4218705?color=5363240-4218705
Photos réalisées sur le trail center EndurOruthe : https://endurourthe.be/