Test | Sauvage La Piste : gravel, titane et anti-conformiste

Par Olivier Béart -

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Test | Sauvage La Piste : gravel, titane et anti-conformiste

Vous connaissez les Cycles Léon, cette petite marque française qui s’est fait connaître en concevant des vélos en titane originaux offrant également pas mal d’options de personnalisation ? Eh bien voici sa petite sœur, Sauvage, qui veut proposer des vélos plus accessibles pour démocratiser encore un peu plus le titane. Nous avons essayé le modèle gravel « La Piste » qui ne manque pas d’atouts pour plaire, bien au-delà de son tarif alléchant.

David Robert, l’homme à l’origine des Cycles Léon, n’aime pas faire les choses comme tout le monde. Ceux qui le connaissent savent qu’il ne manque pas d’idées, que ce soit en matière de conception de nouveaux concepts de vélos, ou pour développer l’étendue de son offre. Après des débuts à Metz, l’histoire se poursuit désormais dans les Vosges où un ancien bâtiment industriel reconverti offre depuis peu un écrin en mesure d’accompagner le succès de la marque. Ou plutôt des marques de ce petit « groupe », au sein duquel on retrouve désormais Sauvage pour la gamme « standard » qui vise le meilleure rapport qualité/prix ; Léon pour les modèles plus pointus avec options de personnalisation ; et bientôt Léonard pour des modèles ultra haut de gamme et innovants qui utiliseront massivement l’impression 3D (nous vous en reparlerons).

Vous avez déjà pu découvrir les vélos Léon dans plusieurs de nos articles (voir notamment cette présentation des premiers modèles et notre test de l’original tout suspendu/softail Semita). Ici, nous allons cette fois nous intéresser à un modèle issu de la gamme Sauvage, avec le gravel La Piste dont le cadre seul est proposé à un peu moins de 1200€ et le vélo complet juste sous la barre des 3000€ (on peut monter jusque 3500€ avec les options mais pas plus). Ce qui est plutôt très alléchant quand on sait qu’on parle d’un matériau prestigieux comme le titane, qui reste le point commun entre les trois marques, Sauvage, Léon et Léonard qui est encore en gestation.

Châssis

David Robert ne fait absolument aucun secret sur la production de ses cadres : comme pour les vélos Léon, tout est conçu et étudié en France, et la production se fait en Asie chez un des meilleurs spécialistes en la matière qui a produit tous les cadres Léon depuis 2016, et qui produit aussi désormais les cadres Sauvage. Quant aux tubes, il s’agit de titane d’origine américaine, avec du 3Al/2.5V double butted (0.9/0.7/0.9) pour les tubes principaux et du 6/4 pour les pièces nécessitant un plus haut niveau de rigidité comme le boîtier de pédalier.

Simplicité et adaptabilité sont deux maîtres-mots pour la conception ; l’idée étant d’aller chercher la qualité du comportement du vélo ainsi que sa personnalité dans la mise en œuvre des tubes et dans la géométrie de la machine, mais en restant dans des standards simples et connus. On trouve donc un boîtier de pédalier fileté fiable et plus simple au montage, un axe de roue arrière en 142×12 qui permet d’utiliser un large panel de roues (650 ou 700c, en 48 ou 45mm de large respectivement), ou encore un passage des câbles et Durit discret et bien pensé mais à l’extérieur du cadre, toujours dans cette idée d’éviter les prises de tête.

Dans un esprit de polyvalence, le vélo peut accueillir trois porte-bidon et on trouve des points d’ancrage pour porte-bagages tant sur le triangle arrière que sur la fourche. Cette dernière est en carbone et son poids annoncé est de 440g en version simple ou 510g en version renforcée bikepacking. Quant au cadre, il est annoncé à 1590g. L’idée n’est pas de battre des records de poids, mais de proposer une très bonne base qui pourra se prêter à énormément de montages différents, du plus compétitif au plus orienté loisirs/bikepacking. Le tout est garanti 5 ans.

Géométrie

Nous l’avons déjà vu et beaucoup apprécié sur les VTT Léon, la géométrie est un des « dadas » de David Robert, et cela se sent aussi ici ! L’idée est de reprendre l’esprit des VTT contemporains et de transposer cela au gravel. On a donc un cadre avec des bases courtes (compte tenu des différentes options de roues que le concepteur voulait conserver), un tube de selle plutôt redressé, un reach assez long et un angle de direction assez couché. Comme on le verra plus loin, c’est plutôt efficace !

Equipement

Au niveau des équipements, Sauvage ne propose pas autant d’options ni de service quasi à la carte comme chez Léon, mais on a tout de même quelques choix. Et on peut aussi opter pour l’option cadre seul si on souhaite se faire un montage à la carte. Le cadre est en tout cas pensé  pour plusieurs configurations (mono et double, plusieurs formats de roues,…) et avec des standards très courants pour éviter de mettre des bâtons dans les roues au moment du choix des composants et du montage. Au-delà des montages de base affichés sur le site, ces choix techniques sur le cadre associés au fait que Sauvage est une petite marque avec laquelle il est possible de communiquer directement, permettent souvent de trouver des solutions alternatives en cas de pénurie de certains composants, histoire que cela ne bloque pas complètement la livraison du vélo…

La fourche 88 est de conception maison. En carbone, elle existe en deux versions : l’une classique, à 440g, et l’autre renforcée et dotées de fixations pour porte-bagage si on souhaite avoir un usage bikepacking de son vélo (+70€). Elle s’intègre en tout cas bien visuellement au cadre, avec beaucoup de sobriété. Et côté comportement, elle a la bonne idée de ne pas être trop raide, du moins dans sa version « standard ».

De base, le montage prévoit des périphériques Ritchey en alu, avec un collier de selle Hope (remplacé ici par un modèle en titane). Une tige de selle titane est disponible en option (141€) et peut permettre d’apporter un peu plus de raffinement au vélo, tant sur le plan visuel que de la filtration des vibrations. A noter aussi que le cintre Ritchey est le modèle Ergomax à la forme assez particulière, que nous avons beaucoup apprécié comme vous le verrez plus loin. La potence est très courte pour un vélo de gravel, et s’inspire de ce qui se fait en VTT, dans le prolongement de la géométrie un peu atypique du vélo.

Du côté de la transmission, Sauvage propose du Shimano GRX, en série 600 de base (mono ou double sans supplément), et en série 800 en option (+201€). Sur demande et en cas de pénurie, on nous souffle dans l’oreillette que d’autres options sont envisageables aussi. Quant au pédalier, c’est en principe un original Praxxis alu qui est monté, mais sur notre modèle d’essai il s’agissait d’un GRX. Nous avons eu un montage double plateau, et même si nous sommes de grands fans du mono en VTT, pour le gravel nous avons toujours une petite préférence pour le double grâce à la polyvalence qu’il offre et au meilleur étagement des rapports qu’il permet. Les freins sont aussi des Shimano GRX, à disque bien entendu.

Le train roulant mérite aussi qu’on s’y attarde, car Sauvage a fait le choix de produits issus d’un monteur et concepteur de roues français bien connu : Duke, avec le modèle World Runner. Si les moyeux sont des (bons) génériques asiatiques, le montage/rayonnage est très soigné et on trouve des jantes maison en 25mm de largeur interne. Le tout donne une paire de roues tolérante tout en ayant du caractère et en étant légère (1588g la paire selon le constructeur). Leur comportement nous a en tout cas vraiment séduits et elles complètent magnifiquement le châssis Sauvage. Quant aux pneus, il s’agit en principe de gommes Hutchinson mais notre vélo de test était équipé d’excellents Pirelli Cinturato qui se sont montré polyvalents, solides et dont nous avons beaucoup apprécié le toucher de terrain très feutré offert par leur carcasse à la souplesse très bien dosée.

Sauvage La Piste : le test terrain

Chez Vojo, on ne le cache pas, personne dans l’équipe ne fait vraiment de vélo de route. Nos racines et notre ADN, c’est dans le VTT qu’ils se trouvent. Pourtant, nous adorons le gravel, et spécialement les modèles qui ne sont pas juste des vélos de route à gros pneus. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’ici nous avons été servis. Dur de se mettre à la place d’un routier et de savoir s’il appréciera ce Sauvage La Piste, mais par contre si vous avez, comme nous, un background plutôt orienté VTT, voici pourquoi il devrait vous plaire.

Premièrement, la position est particulièrement réussie et équilibrée. Sans être indispensable, le cintre Ritchey semi-relevé apporte sa pierre à l’édifice avec une ergonomie un peu surprenante au premier abord, mais qui se révèle de plus en plus agréable au fur et à mesure qu’on roule le vélo. S’il est question de rouler longtemps, on apprécie l’équilibre des appuis avant/arrière, et il nous a semblé assez facile de mettre les mains en bas du cintre, ce qui n’est pas toujours le cas sur certains gravels aux racines routières plus prononcées, sur lesquels il faut une fameuse souplesse pour y arriver.

Sur les portions roulantes et sur route, c’est une excellente machine pour avaler des bornes, et tenir une moyenne élevée n’a rien d’une gageure. Les changements de rythme ne lui font pas peur, pas plus que les côtes, qu’il s’agisse de petits coups de cul pour puncheur ou d’ascensions plus longues à franchir au train. Bon, on l’a dit, on n’a pas de grande culture route, mais sur le créneau cyclotourisme/vélo de voyage polyvalent, il nous a semblé tout à fait à l’aise et on n’hésiterait pas à le prendre tant pour une sortie route entre potes que pour un grand voyage à vélo.

On a parlé du confort de la position, mais s’agissant d’un titane, on a aussi de grosses attentes en matière de confort du cadre et de tout ce qui a trait à la filtration des vibrations. Clairement, ces attentes sont largement rencontrées : le Sauvage La Piste adoucit clairement les reliefs et on retrouve tout le velouté légendaire du titane. Les excellentes roues Duke en alu jouent aussi leur rôle, de même que les très bons pneus Pirelli qui offrent tous deux un comportement dans la même lignée que le cadre, c’est à dire à la fois doux et réactif.

Certains titanes cochent la case du confort mais ils pêchent du côté du dynamisme. Ici ce n’est absolument pas le cas.

Par le passé (et encore aujourd’hui) certains titanes cochent la case du confort mais ils pêchent du côté du dynamisme. Ici ce n’est absolument pas le cas : le vélo réagit très bien aux coups de pédales, démarre au quart de tour et dégage une vraie impression de légèreté. On n’est peut-être pas au niveau des meilleurs carbone dans le domaine, mais largement au niveau de quelques très bons spécimens en fibre noire. Et par rapport à un autre gravel titane dans les mêmes tarifs que nous avons essayé récemment, le Triban (Decathlon), le Sauvage est clairement plus nerveux, vivant et réactif que son concurrent. A nouveau, si le cadre est pour beaucoup dans ce ressenti, saluons une nouvelle fois la qualité des roues sur ce critère.

Enfin, on a laissé le meilleur pour la fin : le comportement du Sauvage La Piste dans des trails plus techniques, pentus et typés VTT. Là, il nous a carrément bluffés. Sa géométrie absolument diabolique nous a permis de passer à des endroits complètement improbables, sans avoir l’impression de prendre des risques… que du contraire : avec un sourire jusqu’aux oreilles ! Dans les petites descentes raides, on se sent aussi vraiment en sécurité, de sorte qu’on ose se lâcher et s’essayer à quelques excentricités. Que de fun et de plaisir !

Il n’y a que quand cela va vite en descente cassante qu’on finit très logiquement par perdre le fil. Le cadre est confortable, la fourche carbone pas trop rigide, mais il n’y a pas de miracles, dans ces circonstances, rien ne remplace les suspensions et les gros pneus qui font tout l’intérêt d’un VTT. Par contre, dans les singles sinueux et pas trop chaotiques, ce Sauvage est une authentique machine à plaisir. Idem aussi dans les montées techniques, où le grip nous a régulièrement surpris, de même que la qualité de la position qui permet de bien répartir le poids et de jouer avec le corps pour se frayer un chemin dans des passages complexes.

Verdict


Nous avons déjà beaucoup apprécié les vélos Léon que nous avons essayés, et avec ce Sauvage né lui aussi de l’esprit de David Robert et de son équipe, nous sommes à nouveau tombés sous le charme. Ce Sauvage La Piste est une réussite totale au niveau de sa géométrie, du comportement de son châssis qui fait honneur au titane, ce noble matériau qu’il a la bonne idée de rendre accessible à beaucoup de bourses. Car en plus d’être excellent sur le terrain et de nous avoir donné une énorme banane à chaque sortie, ce petit sauvageon a en plus l’insolence d’être proposé à un tarif très serré. Vous avez envie de rouler différent sans vous ruiner ? Voilà une option à considérer très, très sérieusement ! En tout cas pour nous c’est un coup de cœur. A noter qu’il existe aussi des VTT dans la gamme, en titane eux aussi, et qui méritent également le coup d’œil.

Sauvage La Piste

2924€ (hors options)

9120g(sans pédales)

  • Géométrie et qualité du châssis
  • Roues Duke excellentes
  • Rapport qualité/prix
  • On cherche encore...
  • Et ici aussi.

Évaluation des testeurs

  • Prix d'excellence
  • Coup de coeur
  • Rapport qualité / prix

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