Test nouveauté | Santa Cruz Heckler 2022 : l’âge de raison ?

Par Léo Kervran -

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Test nouveauté | Santa Cruz Heckler 2022 : l’âge de raison ?

A peine deux ans après sa sortie, le Santa Cruz Heckler change déjà de visage ! Batterie de 720 Wh, roues de 29″ ou MX (mulet), l’e-bike polyvalent de la marque californienne se met à la page en ce début 2022. Malgré ces changements, garde-t-il ce côté joueur qui avait séduit sur la première génération ? Nous avons pu le découvrir sur le terrain, voici nos premières impressions par écrit avant notre vidéo en fin d’article :

Lancé – ou plutôt ressuscité – début 2020, le Heckler version moderne était le tout premier e-bike de Santa Cruz. Un vélo qui avait forcément surpris du monde à l’époque, entre ceux qui espéraient ne jamais voir la marque californienne s’engager dans cette voie et, au contraire, ceux qui désespéraient de pouvoir rouler un jour sur un VTTAE siglé Santa Cruz.

Surpris aussi par ses choix techniques, comme celui de roues de 27,5″ exclusivement ou d’un moteur Shimano Steps e8000 vieillissant (il sera remplacé quelques mois plus tard par l’EP 8). Malgré cela, le vélo était déjà une certaine réussite comme nous avions pu en juger lors de notre découverte (Test nouveauté | Santa Cruz Heckler 2020 : l’eau à la bouche). Au point même de séduire… Danny MacAskill !

En vidéo ou sur ses réseaux sociaux, le génial Ecossais s’est rapidement affiché convaincu par le Heckler et ce n’est pas qu’une posture. Présent lors de la présentation par visio-conférence de ce Heckler 2022, il nous a expliqué partir toujours avec une, voire deux batteries de rechange dans le sac et avoir parcouru près de 40 000 km en deux ans…

Toutefois, même si la plateforme était bien née et a tiré parti des caractéristiques du Shimano EP8 (mêmes points d’ancrage que le Steps E 8000) pour s’offrir un petit coup de jeune à la fin de sa première année, elle était déjà un peu dépassée par le marché. Entre le format de roue et sa capacité de batterie limitée (504 Wh maximum), le Heckler avait de plus en plus de mal à garder la tête haute face à la concurrence. A ce titre, l’arrivée d’une deuxième génération plus moderne, plus mature aussi, intervient donc à point nommé.

Cependant, Santa Cruz ne s’est pas arrêté là. Comme nous l’explique Josh Kissner, chef produit, la hantise des équipes de développement pour la première génération était de faire un e-bike ennuyant à rouler, « cliché » du vélo alourdit par l’assistance. Ils ont donc généreusement poussé les curseurs du côté vif et maniable, peut-être même un peu trop, se sont-ils aperçus par la suite.

C’est la première fois qu’on voit les nouveaux disques Sram HS2 montés de série, mais sûrement pas la dernière.

Avec quelques années d’expérience et un vélo en plus dans la gamme (le Bullit), la marque s’est donc fixé pour objectif de rendre ce Heckler deuxième génération plus capable, plus à l’aise sur les terrains difficiles que son prédécesseur, sans lui retirer son côté naturel. Plus polyvalent, en somme. On peut aussi se dire que c’est une façon d’assumer plus facilement le surpoids dû à la batterie et aux tailles de roues…

Le Heckler conserve ainsi son positionnement de VTTAE « all-mountain », à côté du Bullit destiné aux pratiques plus engagées, ainsi que son débattement (160 mm devant, 150 mm derrière), mais son format de roues change. Adieu le 27,5″ ou le mulet « bricolé » avec un changement de débattement, bienvenu au 29″ ou au mulet (appelé MX chez Santa Cruz) pensé dès le début de la conception.

MX (à gauche) ou 29″ (à droite), deux tailles de roues et un vrai choix à faire car ce sont deux vélos bien différents. Sur le plan technique d’abord, puisque les bras arrières et basculeurs inférieurs ne sont pas les mêmes, et sur celui du comportement ensuite. Josh Kissner nous explique : « Je pensais préférer le MX car c’est plus mon truc habituellement mais le 29 m’a surpris, je l’ai bien aimé et comme c’était le cas d’un peu tout le monde on a fait les deux. 29″ pour la stabilité, la vitesse et le grip, mulet pour la facilité, la maniabilité et la confiance dans le raide. »

On notera tout de même qu’un cadre reste en 27,5″ devant comme derrière : il s’agit de celui en taille S, peu importe le niveau de gamme. Le choix entre 29″ et MX n’est possible que pour les vélos de la taille M à XXL.

La géométrie évolue également et pour la toute première fois sur un e-bike Santa Cruz, on dispose d’une petite pièce réversible pour la faire évoluer (en gris, au centre). En position haute, tels que seront vendus les vélos, l’angle de direction descend à 64,8° (-0,7°), le tube de selle se redresse pour se rapprocher, voire atteindre les 77° en fonction des tailles, et le reach gagne 10 mm pour afficher 455 mm en taille M.

Les versions 29″ et MX affichent exactement la même géométrie à l’exception de la longueur des bases, de 445/446 mm sur le MX et de 460/461 mm sur le 29″. Si on passe le flipchip en position basse, les angles se couchent de 0,3°, la hauteur de boîtier de pédalier et le reach perdent 3 à 4 mm mais surtout, la courbe de suspension évolue.

Identique à celle de la position haute sur toute la première moitié du débattement, elle change un peu de forme à partir de 90-100 mm pour offrir une fin de course plus progressive. Ça peut paraître subtil sur le papier mais d’expérience (avec le Tallboy par exemple), on sait que cela peut se sentir en roulant. A vérifier sur le terrain !

Côté motorisation, Santa Cruz fait toujours confiance à Shimano et c’est donc à nouveau le bien connu système EP8 qui équipe le Santa Cruz Heckler. La marque californienne a toutefois fait une petite infidélité au géant japonais puisque ce n’est pas une batterie Shimano qui alimente l’ensemble mais un modèle signé Darfon, un fabricant taïwanais. Approuvée par Shimano, cette batterie dispose d’une capacité de 720 Wh et ne pèserait que 150 g de plus que la Shimano 630 Wh (donc, en théorie, autour de 3,9 kg, soit bien en dessous des 4,4 kg de la Bosch 750 Wh).

Son autre atout est l’encombrement, puisqu’elle ne semble pas beaucoup plus grande qu’une batterie 625/630 Wh, de Shimano ou d’ailleurs. Elle est amovible par la face inférieure du tube diagonal et se retire toujours avec une simple clé hexagonale de 4 mm, il n’y a pas besoin d’outil spécifique.

On notera enfin quelques petites évolutions, un peu moins importantes mais néanmoins appréciables : des passages internes revus et accessibles en enlevant la batterie, un tunnel d’amortisseur élargi pour laisser la possibilité de monter un amortisseur à gros volume ou à ressort hélicoïdal…

Sur le même ton, on remarque le choix d’une Fox 36 ou Rockshox Lyrik suivant la version pour la fourche, plutôt que d’une Fox 38 ou Rockshox Zeb. Un signe discret que le Heckler n’est pas vu par Santa Cruz comme une machine d’enduro mais bien comme un vélo accessible et polyvalent, du point de vue du pilotage au moins.

Toujours pas d’aluminium au programme en revanche, ce Heckler ne se décline qu’en carbone. Comme toujours chez Santa Cruz, on a deux niveaux de carbone disponibles, le haut de gamme CC permettant d’économiser environ 300 g sur un cadre entier par rapport au carbone C.

Le Heckler est proposé en deux coloris, vert clair GlossAvocado ou bleu sombre Maritime Grey. 5 montages composent la gamme, qui commence à 7 999 € avec le Heckler R et monte jusqu’à 12 999 € pour le Heckler X01 AXS RSV, seul modèle en carbone CC. En France, les premiers modèles sont attendus pour début avril mais une tournée de démonstration permettra de les tester avant cette date.

Le Santa Cruz Heckler CC X01 AXS RSV sur le terrain

Les Alpes étant sous la neige au moment de réaliser cette prise en main, nous avons pris la direction du Sud de la France et plus précisément de Gémenos, dans les Bouches-du-Rhône, pour découvrir le vélo par des températures plus clémentes. Dans la région, la petite ville est connue pour son magasin Authentic Bicycle Shop et c’est justement Romain Lillaz, le propriétaire des lieux, qui s’est chargé de nous guider sur ses sentiers. Précision utile pour la suite, cette prise en main a eu lieu avant la présentation du vélo, donc sans aucune information sur la géométrie ou les axes de développement.

Ce sera aussi l’occasion de comparer les ressentis puisque Romain est sur un Heckler 29″ en taille M, alors que c’est un Heckler MX en taille L que Santa Cruz a mis à ma disposition. Romain opte directement pour la position basse du flipchip tandis que je choisis de partir sur la position haute, tel que le vélo sera vendu.

On commence par une montée sur piste et comme d’habitude avec les machines de la marque californienne, on trouve tout de suite ses marques sur le vélo. C’est aussi l’un des points forts du moteur Shimano, au-delà de son naturel : sa commande minimaliste ainsi que son écran simple n’encombrent pas le poste de pilotage et rendent les choses faciles à gérer. Tout l’inverse d’un Scott Patron par exemple.

La position est confortable mais ne se hisse pas à la hauteur des meilleurs machines du marché dans le raide, on se sent légèrement sur l’arrière. De même pour le grip dans les sections difficiles, correct mais sans plus.

Rien de surprenant toutefois, avec une roue arrière en 27,5″ on est forcément désavantagé face au 29″ et rares sont les vélos mulet à briller dans ce domaine. Heureusement, le cabrage dans le technique est encore facile à maîtriser et d’un autre côté, ce type de position est plus confortable sur les sections plates ou peu pentues.

On bascule dans la descente et je suis d’abord surpris par le comportement général du vélo : sur ce format MX, je m’attendais à quelque chose d’assez vif et joueur voire facile à faire décoller mais le Heckler est presque collé au sol. Il est très stable, bien posé et garde sa ligne sans broncher quand ça tape et sans fatiguer le pilote, peu importe la vitesse.

 

En parallèle de ce ressenti, le Heckler se distingue par sa maniabilité et son équilibre dans les virages. Il se faufile dans les enfilades étroites et dans les courbes plus rapides, on apprend vite à le mettre sur l’angle pour obtenir des sensations qui rappellent le carving en ski. Jouissif ! Le côté linéaire de la suspension ressort toutefois sur les plus gros impacts et certaines réceptions de saut, où il est plutôt facile d’utiliser tout le débattement du vélo.

Je passe donc sur la position basse et la différence se fait vite sentir. Si l’effet sur la géométrie est mesuré et ne saute pas immédiatement aux yeux, celui sur la suspension et la progressivité est plus marqué. Le Heckler se raffermit, on ne talonne plus aussi violemment (voire plus du tout) et il se montre plus dynamique, plus réactif lorsqu’on pousse sur les jambes.

Plus exigeant aussi, il filtre moins dans le défoncé, mais de manière générale plus conforme à l’idée que je me fais d’un Heckler MX. Son seul point faible, comme en montée et un peu plus prononcé qu’en position haute, réside dans le grip, notamment au freinage sur sol fuyant (comme le mélange de pierres, de poussière et de gravillons que nous avions ici). Les gros freinages demandent du travail au pilote pour faire ralentir le vélo, on ne peut pas se contenter d’appuyer sur le levier et de rester « passif » dans cette phase jusqu’à que le vélo ait perdu assez de vitesse pour la suite.

Un caractère en partie lié à la suspension et en partie à la roue arrière de 27,5″. En discutant avec Romain, qui roulait avec le 29″, il apparaît qu’il faut vraiment considérer le Heckler MX et le Heckler 29 comme deux vélos bien différents, plutôt que deux versions d’un même vélo.

Si tous deux restent accessibles en termes de niveau de pilotage, le premier est plus maniable et plus facile dans la pente tandis que le second offre plus d’adhérence dans toutes les situations et efface mieux les obstacles de manière générale.

D’une certaine façon, le Heckler 29 correspond plus à la définition du VTTAE all-mountain très polyvalent, à l’image d’un Scott Patron par exemple. Très proches sur le papier puisqu’ils affichent des débattements et capacités de batterie similaires, les deux vélos se distinguent sur le terrain puisque l’Helvète brille avant tout en montée alors que le Californien s’illustre surtout en descente. Plus exclusif, le Heckler MX devrait donner satisfaction aux pilotes plus pointus, à la recherche d’un vélo plus réactif et fun en descente quitte à sacrifier un peu de polyvalence.

Même si l’ancien Heckler n’était pas mal né, un renouveau était nécessaire pour concurrencer les fiches techniques des vélos plus modernes. Avec une batterie de 720 Wh et une plateforme 29″ ou MX, le Heckler version 2022 n’apparaît plus aussi limité sur le papier et devrait, de ce fait, toucher une plus grande plage de pratiquants. Sur le terrain, la patte Santa Cruz est bien présente, et si ce n’est toujours pas le meilleur grimpeur du marché, sa facilité et ses performances à la descente ont de quoi séduire n’importe qui, du moins expérimenté au plus aguerri des pilotes.

Avec sa grosse batterie et ses grandes roues, il est probablement moins joueur que son prédécesseur mais l’argument avancé par la marque du meilleur comportement en terrains difficiles n’est pas vain et lui ouvre sans aucun doute plus de portes. Il ne fait jamais complètement oublier que c’est un e-bike mais l’influence du poids est maîtrisée pour en faire un excellent VTTAE polyvalent. Encore heureux, à ce prix…

Pour encore plus d’images d’actions, voici notre prise en main en vidéo :

Plus d’informations : santacruzbicycles.com

ParLéo Kervran