Test nouveauté | Premiers tours de roues en Shimano EP8

Par Léo Kervran -

  • Tech

Test nouveauté | Premiers tours de roues en Shimano EP8

Quelques jours après sa sortie officielle, nous avons eu l’opportunité de découvrir le nouveau système d’assistance de Shimano, l’EP8, pendant 3 jours en Italie. Comment se comporte le nouveau moteur ? Est-il plus silencieux que son prédécesseur le Steps e8000 ? Voici nos premières impressions après 70 km.

Alors, qu’est-ce qui change sur ce nouveau Shimano EP8 ? A la fois beaucoup de choses… et pas grand chose. En effet, ce nouveau système d’assistance se veut plus coupleux (+ 15 Nm), plus léger (- 300 g) et plus silencieux que son prédécesseur le Steps e8000, tout en conservant le caractère très souple et naturel qui a fait le succès des moteurs Shimano en VTT mais aussi en ville et vélotaf.

Cet article ne rentrera pas dans les détails techniques puisque nous l’avons déjà fait il y a quelques jours à l’occasion de la sortie officielle du système (lire Shimano EP8 : plus léger, plus pêchu et encore plus personnalisable) mais si vous avez manqué ce sujet, voici une séance de rattrapage express.

Sur le plan technique, l’EP8 affiche désormais un couple maximum de 85 Nm, une puissance nominale de 250 W (le maximum autorisé) et un poids de 2,6 kg pour le bloc moteur, ce qui en fait le « gros » moteur le plus léger du marché : 300 g de moins qu’un Bosch Performance CX ou un Brose Drive S Mag et 500 en dessous d’un Yamaha PW-X2. Les batteries sont celles présentées plus tôt dans l’année (lire notre article sur le sujet) mais le système est « ouvert » et chaque marque peut fabriquer sa propre batterie si elle le souhaite (tout en devant recevoir la validation de Shimano).

Côté discrétion, le fabricant japonais annonce une réduction du bruit de 2 dB par rapport à l’ancien système, et pour ce qui est de la personnalisation – un des points forts de l’e8000 vis-à-vis de la concurrence -, il est maintenant possible de créer deux profils d’utilisateur avec plusieurs dizaines de combinaisons possibles entre trois paramètres pour chaque mode (Eco, Trail et Boost).

Un grain de sable dans la belle mécanique ?

A peine l’EP8 était-il sorti que des rumeurs ont commencé à circuler quant à un éventuel problème sur le moteur qui empêcherait la mise sur le marché des VTT AE équipés du système. Ces rumeurs sont bel et bien fondées et, dans une démarche de transparence appréciable, Shimano a bien voulu nous expliquer quel était le souci et pourquoi il n’a pas été résolu plus tôt.

Le défaut concerne les points de fixation du moteur sur le cadre et est lié à la norme ISO 4210-2:2015:4.8.4, un paragraphe qui détaille les contraintes auxquelles les cadres de vélo doivent résister. Comme la marque nous l’a expliqué, ce problème de fatigue n’intervient que lorsque le moteur est monté sur un cadre de vélo et concerne l’interface entre les deux éléments. Testés séparément, ni le moteur ni les cadres ne rencontrent de problèmes de fiabilité et c’est pourquoi ce défaut a été détecté aussi tard : il a fallu attendre que le premier lot de production de moteurs soit sorti des usines Shimano et monté sur les vélos des marques pour mettre en évidence le problème.

Ce souci ne mettrait pas en danger la sécurité du pilote mais comme cela concerne une norme, il doit être résolu. Shimano n’a pas pu nous donner de date précise pour la disponibilité finale des systèmes d’assistance, mais la marque travaille actuellement à la résolution de ce défaut et espère trouver une solution dans les semaines à venir, de façon à pouvoir relancer la production rapidement et avoir des EP8 sur les chemins avant la fin de l’année.

Les profils et la personnalisation

Encore plus que sur le Steps e8000, la possibilité d’adapter le fonctionnement de l’assistance à ses préférences est le point clé de ce Shimano EP8. Comment cela fonctionne-t-il ?

Chaque marque de vélo pourra définir deux profils, avec des niveaux d’assistance différents pour chaque mode (Eco, Trail et Boost). Pour passer d’un profil à l’autre, deux options : soit via un smartphone et l’application E-tube Project, soit via le mini-menu de réglages accessible en appuyant quelques secondes sur le bouton situé en bas du boîtier d’affichage. Attention, si l’opération ne prend que quelques secondes il est impossible de la faire en roulant, le système ne le permet pas. Il faut donc obligatoirement s’arrêter pour passer d’un profil à un autre. Ce qui n’est finalement pas plus mal côté sécurité.

Ces profils, que renferment-ils ? On l’a dit, des niveaux d’assistance différents pour chaque mode. Ces niveaux, qui seront pré-définis par la marque du vélo, peuvent être ensuite très facilement modifiés par l’utilisateur via l’application E-Tube. Il est tout à fait possible de conserver les réglages d’origine si vous n’êtes pas portés sur ce genre de choses, mais si vous aimez passer du temps à optimiser vos réglages, c’est ici que les choses deviennent intéressantes.

Pour chaque mode d’assistance, on peut ajuster 3 paramètres :

Assist character, le comportement de l’assistance : ce paramètre renvoie à l’accélération du système, c’est-à-dire la rapidité à laquelle le couple maximal est atteint. L’échelle comporte 10 niveaux, de « Eco » à « Puissant » mais pour éviter les redondances ou la création d’un mode Eco plus puissant que le Trail, tous ne sont pas accessibles sur chaque mode d’assistance. Ainsi, le mode Eco n’est réglable que sur les 3 premiers niveaux tandis que le Trail va de 3 à 7 et le Boost de 7 à 10.

Max torque, le couple maximal : comme son nom l’indique, c’est le couple maximal qui peut être atteint sur un mode d’assistance. 10 niveaux espacés de 7 à 8 Nm sont disponibles, avec un minimum à 20 Nm et un maximum à 85 Nm. Les modes Trail et Boost peuvent tous les deux aller jusqu’à 85 Nm tandis que le mode Eco est limité à 49 Nm, soit le cinquième niveau de couple.

Assist start, l’assistance au démarrage : ce paramètre correspond au comportement de l’assistance lorsqu’on commence à pédaler, que ce soit après un arrêt complet ou lorsqu’on reprend le pédalage après une brève interruption pour monter une petite marche, contrôler la position de ses pieds dans une épingle… 5 niveaux sont proposés, de léger (très progressif) à rapide (plus direct), et tous sont utilisables en Eco, Trail et Boost.

Ces réglages influencent donc le comportement général de l’assistance mais aussi l’autonomie du système. Un profil avec un couple maximal élevé et un comportement plutôt porté sur la puissance consommera logiquement plus d’énergie qu’un profil avec un couple plus faible et un comportement plus doux. Par ailleurs, l’application E-Tube Project offre également la possibilité d’inverser les rôles des boutons de la commande ou de réaliser des diagnostics rapides du système. Pour celles et ceux qui n’ont pas de smartphone compatible, une version pour PC Windows est également disponible.

Le Shimano EP8 sur le terrain

Shimano nous a invités en Toscane, à proximité de Massa Marittima (une région bien connue pour le vélo, que vous pouvez retrouver dans La Toscane en hiver, entre monts et merveilles) pour 3 jours de roulage et de découverte de ce nouveau système d’assistance.

De nombreux vélos sont à notre disposition et pour l’occasion, nous choisissons un Merida eOne-Sixty, un 27,5/29 en 160 mm de débattement. Petite particularité de notre monture, le cockpit est le tout nouveau Pro Koryak e-Performance, un ensemble cintre-potence en une seule pièce et en carbone particulièrement impressionnant (nous reviendrons dessus dans un article à paraître sous peu) qui intègre en son sein le boîtier d’affichage du système EP8.

La première chose qui nous marque avec cette nouvelle assistance Shimano, c’est sa douceur. Contrairement à Bosch (et même Brose, bien que dans une moindre mesure), l’assistance est ici bien plus progressive et on n’a pas cette puissance qui déboule d’un seul coup à la reprise du pédalage, même avec le Start Assist réglé au plus rapide. Sur sentier, c’est particulièrement appréciable car cela permet de contrôler le vélo facilement, sans cabrer, patiner ou être déséquilibré lorsque le pédalage est irrégulier.

Autre point que nous remarquons rapidement, la réduction des bruits de fonctionnement. On entend toujours le moteur et on est encore loin du silence complet, mais lorsqu’on roule à côté d’une personne en Steps e8000, la différence est flagrante : sur piste, le bruit de l’ancien moteur masque presque complètement celui du nouveau. C’est reposant et cela participe de façon non négligeable à l’impression de comportement naturel que nous a donné ce Shimano EP8.

Quelques confrères ont fait état de bruits de claquement en descente au niveau du moteur, que Shimano a confirmé en précisant que cela venait de l’embrayage et que ce sera probablement réduit (mais pas supprimé car c’est lié à la conception et la légèreté du moteur) d’ici l’arrivée en magasin mais nous n’avons rien entendu sur notre vélo. Cependant, il est possible que ce bruit ait été masqué par celui de la protection de batterie du Merida, mal ajustée et qui vibrait beaucoup en descente.

Au fil des kilomètres, les sensations s’affinent et on remarque que si l’EP8 a un comportement très naturel au pédalage, il reste moins efficace que la concurrence lorsqu’il s’agit de monter rapidement par une piste, même avec tous les paramètres de personnalisation réglés en ce sens. C’est mieux que le Steps e8000, notamment grâce à un mode Trail revu pour être plus présent, mais le Shimano ne « pousse » (ou « tire », selon le vocabulaire de chacun) pas le pilote comme un Bosch, par exemple.

En revanche, quand la sortie se déroule sur des sentiers étroits, techniques ou remplis de virages serrés (ou les trois en même temps), le Shimano est presque imbattable. Le Bosch est distancé dès la première marche ou la première épingle et si les systèmes Yamaha/Giant ou Brose/Specialized résistent un peu plus longtemps, il doivent eux aussi s’incliner face à l’EP8. Au-delà des options de personnalisation très poussées, qu’on retrouve également chez Specialized, c’est la capacité du système à reprendre et accompagner en douceur le pilote – peu importe le rapport sur lequel on se trouve et la cadence à laquelle on pédale – qui nous a impressionnés.

Pour maintenir un niveau d’assistance régulier et suffisant sur piste homogène, la cadence optimale se situe toujours vers la plage 85-100 tours/minute, mais dès que l’on entre dans les chemins techniques où le pédalage est irrégulier voire heurté, le moteur accompagne sans faiblir et en douceur n’importe quelle variation de rythme. Même le mode Boost est utilisable sur ce type de sentiers, contrairement à certains systèmes concurrents où il est encore trop violent.

On apprécie également la possibilité d’avoir, via la personnalisation, un mode Eco suffisamment puissant pour une vraie utilisation tout-terrain. Il sera certes un peu plus gourmand en énergie qu’un mode Eco plus léger et tout juste adapté pour de la liaison sur le plat, mais cela reste plus économe que le mode Trail et on peut tout à fait envisager de longues ascensions sur ce mode Eco. Impossible en revanche de vous donner de vrais chiffres d’autonomie pour cette prise en main, nos sorties étaient bien trop courtes pour évaluer ce point.

Enfin, la nouvelle commande nous a elle aussi séduit par son ergonomie et sa facilité d’usage. Très similaire à celle du système e7000 qui équipait la majorité des VTT AE dotés d’un moteur Shimano jusque-là, ses larges boutons concaves sont faciles à « trouver » et le retour est suffisamment franc pour être bien certain de son changement de mode, sans que l’effort à exercer sur la commande ne soit trop important.

Avec l’EP8, Shimano s’inscrit dans la continuité. Un peu plus performant sur tous les points que l’e8000 (qui reste par ailleurs au catalogue), ce nouveau système d’assistance reste dans l’esprit de douceur et de naturel qui a fait le succès de son prédécesseur. La performance pure voire la compétition ne sont pas son domaine et il préfère nettement les sorties sur de beaux sentiers où l’on s’amuse autant à la montée qu’à la descente. Avec ses options de personnalisation poussées mais claires et faciles à utiliser, le Shimano EP8 permet à chacun de configurer le système pour créer le couple parfait pilote-vélo selon sa forme physique, ses envies et son terrain de jeu. Au final, avec l’EP8 on a l’impression de faire du vélo avant de faire de l’e-bike et c’est probablement la plus grande réussite de Shimano avec ce nouveau moteur.

Plus d’informations : bike.shimano.com

Photos : Dan Millner / Irmo Keizer

ParLéo Kervran