Test Nouveauté | Orbea Rise 2021 : valise diplomatique

Par Paul Humbert -

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Test Nouveauté | Orbea Rise 2021 : valise diplomatique

Tous les combats ne se gagnent pas à découvert, sur un champ de bataille ou face aux projecteurs. En dévoilant le Rise, Orbea prouve les vertus de la négociation et du temps long. Ce vélo, qui marquera certainement un point de départ pour Orbea, a été conçu « sur mesure » avec l’accord de Shimano. De cet accord, assez rare pour être relevé, découle une machine légère venant piocher une partie de son ADN dans l’Orbea Occam, un peu dans le Wild FS aussi, mais créant à elle seule un tout nouveau segment en s’équipant d’un moteur Shimano EP8 « customisé ». Attrapez votre passeport, tamponnez-le d’un visa pour le Japon, d’un autre pour le Pays basque, et découvrez l’Orbea Rise et nos premières sensations à son guidon :

 

 

Sur le papier comme sur le terrain, le programme du vélo ressemble à celui de l’Occam, qui est certainement le plus large de la gamme : monter, descendre, partout ! Soit la définition du vélo « all-Mountain » par excellence. 

Tout le travail fait sur ce vélo répond à l’envie de tirer un véritable trait d’union entre les « gros VTTAE » comme l’Orbea Wild Fs et les gammes plus traditionnelles. Orbea souhaite proposer une nouvelle vision du VTTAE pour mettre en avant l’engagement physique et conserver toutes les qualités dynamiques du VTT moderne léger pour offrir une nouvelle expérience à la croisée des deux mondes. Tout ça n’est évidemment pas sans rappeler deux vélos déjà sur le marché : le Lapierre E-Zesty et le Specialized Levo SL.

Shimano EP8 RS Concept

 

 

Entrons ensuite dans le vif du sujet : le moteur et la philosophie qui l’entoure. Si il avait été question d’un « simple » Bosch Performance CX ou Shimano EP8, nous aurions très vite basculé vers les aspects relatifs à la construction du vélo, mais une petite subtilité se cache ici. 

En effet, Orbea a réussi le tour de force de convaincre les ingénieurs japonais de Shimano de leur ouvrir les « portes » de leur tout dernier moteur baptisé EP8. Ce moteur, on vous le présentait en détail dans un récent article, et on le découvre « modifié ». C’est assez rare pour être souligné puisque les motoristes, et Shimano en particulier, sont souvent peu enclins à modifier leurs produits. 

Il y a évidemment des exception chez d’autres marques, comme Specialized qui s’est longtemps associé à Brose pour développer un moteur qui lui est propre. Ou encore Lapierre qui travaille avec Fazua pour son E-Zesty. Et enfin, Yamaha et Giant qui oeuvrent ensemble pour l’optimisation des moteurs.

 

 

Dans le cas de l’Orbea Rise, les modifications ne concernent pas le « hardware », soit l’équipement technique à proprement parler, mais le « software », soit le logiciel qui met la machine en musique. Cette « reprogrammation » s’intègre dans un concept plus vaste baptisé par Orbea « RS Concept » pour « Rider Synergy ». 

Très concrètement, le moteur se veut plus adapté aux pratiques et pratiquants sportifs en répondant à des cadences de pédalage plus hautes, en faisant baisser le poids des machines et en consommant différemment l’énergie disponible. 

Nous avons eu l’occasion de découvrir le Rise avec Xabi Narbaiza, le directeur du développement produit. C’est lui qui a porté le projet jusqu’à sa naissance et qui est parti à la recherche du moteur le plus adapté. Sa quête l’a finalement poussé jusqu’au Japon.

Nous avons toujours eu de bons contacts avec les équipes de Shimano aux Pays Bas et avec les ingénieurs japonais qui venaient en Europe, mais il était difficile de pouvoir lancer ce projet depuis l’Espagne. Après la Taichung Bike Week, nous avons pris un billet pour Osaka, au Japon, sans savoir si nous pourrions présenter notre projet : au pire on fera du tourisme ! Nous avons toutefois réussi à prendre rendez-vous avec des responsables de Shimano au plus haut niveau. Je n’ai pas dormi de la nuit avant, mais voici une partie de ce que nous leur avons dit pour convaincre :  Shimano s’est toujours consacré au vélo dans ses formes les plus pures, en refusant de trop se disperser dans d’autres industries. Quand il est question de moteurs et de batteries, si vous entrez dans une « course à l’armement » avec Bosch pour avoir les plus grosses batteries, par exemple, vous allez perdre ! En revanche, vous avez une chance de vous démarquer en étant le moteur le plus proche des attentes des VTTistes, en proposant l’expérience la plus « pure ». Votre produit EP8 est très bon, mais pas parfait parce qu’il s’adresse à un très grand spectre d’utilisateurs. En travaillant ensemble, il y a une véritable opportunité de se démarquer, pour nous comme pour vous, et vous pourrez certainement gagner cette bataille. 

Alors qu’un moteur EP8 standard développera jusqu’à 85Nm de couple, ce moteur EP8 RS Concept n’en développe que 60Nm au maximum. Pourquoi ? Pour mieux les utiliser et proposer une manière plus naturelle d’assister le pédalage. Sur cet Orbea, c’est en sollicitant réellement le moteur que le couple maximum sera délivré. Il ne faudra pas compter dessus pour vraiment se laisser porter. On le découvre d’ailleurs à l’aide du graphique ci-dessus : alors qu’un moteur Shimano EP8 standard délivrera toutes les capacités du moteur à 60rpm, il faudra atteindre 75rpm pour atteindre les 100% sur cet EP8 RS.

Autre élément à noter, Orbea a choisi un plateau de 32 dents pour faire fonctionner son moteur et se rapprocher encore des habitudes d’un vélo sans assistance.

 

 

Le bloc moteur pèse 2,6kg et s’intègre assez discrètement dans le cadre du RISE. Ce dernier présente un tube inférieur assez étroit, conçu autour d’une batterie « maison », pour lui laisser le moins de place possible afin de diminuer la résonance du bruit du moteur. 

La batterie principale offre une capacité de 360Wh (pour 2,2kg) et reste inamovible dans le cadre. Elle se compose de cellules 21700 et présente, d’après Orbea, une plus grande durabilité. Après 500 cycles de charge, Orbea annonce que 80% de l’autonomie sera préservée (contre 60% avec des cellules 18650 d’après la marque). 

Pour aller plus loin, Orbea propose de connecter un « Range extender » dans un porte-bidon breveté par la marque. Ce dernier offre une capacité de 252Wh, pèse 1,4kg et délivrera sa puissance en premier, préservant ainsi la batterie interne. Au total, la capacité maximale en énergie sera de 612Wh. Cette batterie additionnelle est commercialisée 445€ à l’achat du vélo, ou 499€ en « after-market ».

 

 

Pour vanter les mérites de ses choix techniques, Orbea présente un ratio poids de la machine/autonomie et annonce une économie d’énergie permettant de se comparer à d’autres systèmes plus standards. 

Au niveau de l’autonomie annoncée, Orbea communique autour de 4,5h de mouvement et 2500m de dénivelé positif en mode eco. 3h et 1700m en mode Trail et 2h et 1200m en mode Boost. Avec le « range extender », l’autonomie passerait à 8h et 4000m de dénivelé.

 

 

Au niveau du pilotage du moteur, Orbea a fait un choix minimaliste pour quitter les codes du vélo électrique. On ne retrouve qu’un tout petit bloc Shimano qui indique, à l’aide de 2 leds, l’autonomie approximative et le mode d’utilisation du moteur. Le moteur s’allume à l’aide d’un unique bouton, positionné en bas du tube de selle et on change de mode avec une commande à deux boutons à gauche du guidon. Un écran de contrôle « traditionnel » Shimano est également disponible en option chez Orbea.

 

 

Pour aller plus loin, Orbea a fait le choix d’un des leaders du marché des montres/compteurs/GPS en développant une interface pour les produits Garmin. Sur tous les produits de la marque, il sera possible d’afficher les stats complètes (autonomie précise), les modes d’utilisation et la cadence de pédalage, ainsi que les statistiques classiques. Le tout pourra être analysé en fin de sortie via l’interface Garmin IQ. Pour le moment, Orbea n’a pas prévu de développer d’application pour les autres marques de GPS/montres. 

Il est toutefois possible d’utiliser son téléphone pour accéder aux données du moteur, et même basculer d’un « profil » à l’autre. Des « profils » d’assistance, il y en a deux et permettent de choisir entre une assistance la plus légère possible (et économe) et vraiment portée sur l’apport physique du pilote, et un autre un peu plus poussé pour accompagner un peu plus facilement le pilote. Sur le terrain, la différence est vraiment ténue, mais on y reviendra dans notre prise en main.

 

 

Assez rapidement dans nos discussions se pose la question de la protection du travail effectué avec Shimano. Il n’y a pas d’exclusivité dès lors que le produit sera commercialisé (avec une arrivée des moteurs Shimano EP8 RS annoncée comme prioritaire chez Orbea), mais il faudra un certain temps pour une marque concurrente pour adapter ce produit à ses vélos, laissant ainsi le temps à Orbea de se démarquer. 

Orbea Rise 2021 : le chassis 

C’est exclusivement en carbone que l’Orbea Rise sera commercialisé. Le cadre en carbone OMR (la finition standard chez Orbea) affichera 2,3kg sur la balance.

En optant pour une motorisation légère, Orbea ne ressent pas le besoin d’opter pour des composants body-buildés comme l’exigent les VTTAE les plus lourds.

 

Côté cinématique, elle est identique à celle de l’Occam avec un point de pivot sur l’axe de la roue arrière. Orbea annonce un comportement assez similaire pour le Rise, mais une suspension un peu plus progressive que sur l’Occam, notamment pour compenser un peu le poids supplémentaire.

 

 

Pour la géomoétrie, Orbea a presque transposé celle de la référence all-mountain de la gamme. Sur le Rise, le reach affiche 474mm en taille L, un angle de direction compris entre 66 et 65,5° (en fonction du débattement de la fourche) et des bases de 445mm de long (soit 5mm plus long). On a donc affaire à un vélo bien dans son époque, sans aucune valeur extrême et qui devrait se prendre en main facilement. 

Sur le Rise, on retrouve également de beaux passages internes, un petit sabot sous le moteur et un guide-chaine. 

Le système d’axe sur la roue arrière baptisé « concentric boost 2» permet également d’intégrer la patte de dérailleur, sans visserie supplémentaire ou fixation au cadre.

 

 

Orbea offre quatre montages « standards » : 5999 euros pour un Rise M20, 7599€ pour un M10, 8999€ pour un M-Team et 9899 euros pour un modèle M-LTD. C’est ce dernier qui affiche 16kg avec une fourche Fox 34 en 140mm de débattement, un groupe XTR et des pneus Maxxis Rekon EXO+ MaxxTerra (en exclusivité pour un an chez Orbea). 

Inutile de s’attarder en détail sur les fiches produits que vous pourrez retrouver sur le site de la marque, mais il est toujours intéressant de rappeler que chaque modèle est customisable sur le plan du montage, mais également de la décoration puisque le module de personnalisation MyO est ouvert à partir du modèle Rise M10. 

Orbea Rise M-Team 2021 : le test terrain

Direction le Pays basque pour découvrir cet Orbea Rise 2021 sur les sentiers du club d’Eremua qui propose une large variété de tracés longs et relativement accessibles. Nous les avons parcourus dans la roue des guides de Basque MTB qu’on commence à bien connaître et avec qui nous vous proposerons un grand reportage au coeur des Pyrénées.

 

 

Pour le beau temps, on repassera, mais pour le pilotage nous étions au bon endroit. Après deux journées dans la boue, on peut clairement sentir les moments où le finesse de pilotage est de rigueur et où un bon VTTAE se démarquera. En descente, il en va de même quand les poids excessifs se font parfois remarquer dans ces conditions.

 

 

Nous grimpons sur un modèle Rise M-Team à 7599€ que la marque annonce à 17,5kg dans cette version « bodybuildée » du modèle M-LTD qu’Orbea présente comme un poids plume. On gagne au change une fourche Fox 36 de 150mm de débattement, des pneus Maxxis Dissector (assez impressionnants) et un amortisseur à plus gros volume, soit de quoi se lancer sereinement à peu près partout.

 

 

D’entrée de jeu, on a comme l’impression de reconnaître un autre vélo : l’Occam ! Sans trop de surprise, avec une géométrie et une cinématique assez similaires, on retrouve ses bonnes habitudes sur un vélo qui se prend en main très facilement. On se sent bien équilibré et serein sur une taille L. Le vélo offre une bonne position au pédalage, un super grip en descente et un soutien juste adapté au « all-mountain » version montagne. 

Pour ce qui est de l’assistance, on commence doucement, voire très doucement puisqu’on s’élance le moteur éteint ! Le pédalage est vraiment libéré et on n’a pas l’impression de s’adonner à un défi loufoque : on peut clairement envisager de pédaler ainsi pour économiser un peu de batterie (ou rentrer quand elle est vide. L’histoire raconte même que nous avons fini par découvrir ce cas de figure). 

On grimpe ensuite crescendo dans les modes, et on est presque déstabilisé au démarrage du moteur. Pas de bruit, et pas de sensation d’assistance poussée. Ce qu’on apprécie, c’est la manière dont la puissance du moteur est délivrée : quand on mouline, quand on accélère pour franchir un obstacle ou quand on force au pédalage. Quand on pédale dans sa zone de confort, on a presque la sensation d’être complètement sans assistance. Les transitions se font toutefois dans une grande douceur et élasticité, comme le propose déjà le moteur EP8 standard. 

Le mode turbo n’a que très peu été utilisé dans le cadre de nos sorties et c’est en « eco » ou en « trail » que nous avons découvert les capacités du moteur. En revanche, on n’a senti que très peu de différence entre les deux « profils » d’assistance en « trail » ou en « turbo ». En « eco », nous n’avons pas ressenti de changement. 

En franchissement comme pendant tout le reste de son utilisation, le vélo nécessite un véritable engagement du pilote pour délivrer sa puissance. Oubliez donc les montées impossibles à la seule force du moteur. Il faudra appréhender la chose comme avec un vélo sans assistance, et vous vous verrez monter bien mieux !

Ce que nous avons apprécié, c’est l’arrivée « naturelle » de l’assistance au pédalage. Sans coupure, sans poussée excessive, le vélo va suivre les mouvements des jambes pour « accompagner », plutôt « qu’assister ». 

On met donc de côté les dérapages excessifs, les moments où le vélo cabre ou les phénomènes de sous ou sur-virage. Pourtant, nous n’avons jamais eu l’impression de manquer de puissance, ou de « caler ».

 

 

En descente, c’est bien simple : on ne ressent pas la présence du moteur et on roule avec un VTT « normal/classique », son dynamisme et sa légèreté. C’est certainement là où le tuning d’amortisseur, un peu plus progressif, vient contrebalancer le poids du moteur et permettre de conserver une certaine sensation de légèreté. 

Pour ce qui est de la commande du vélo, on apprécie le mini-boitier Shimano pour obtenir les informations de base (mode en cours d’utilisation et état approximatif de la batterie). Pour l’occasion, nous étions équipés d’une montre Garmin pour découvrir plus d’infos, mais on se retrouve à uniquement consulter le pourcentage exact d’autonomie. Cette remarque est assez personnelle, mais on (enfin « je » pour ce paragraphe) est assez peu intéressé par le suivi constant des données et donc de l’utilisation de ces montres ou gps connectés, voire même d’un téléphone en pleine sortie. On aurait pu imaginer un mini-boitier Shimano identique à celui présent, mais équipé de 10 leds, permettant de donner avec plus de précision le niveau de batterie, et laissant en option les autres fonctionnalités. 

Question autonomie, il est difficile d’apporter pour le moment une analyse précise de nos sorties ou de vérifier les chiffres annoncés par la marque car nous avons évolué dans une logique de test des différents modes, sans économiser intentionnellement la batterie. Sachez toutefois que nous avons eu le temps d’êtres fatigués avec de bonnes heures de pédalage pendant une journée complète. 

Reste enfin l’épineuse question : « A qui s’adresse ce vélo ? » Au moment de la sortie des Lapierre E-Zesty ou Specialized Levo SL, nous avons un temps cru que ces montures légères seraient l’avenir du VTTAE. C’est une opinion qui aujourd’hui a évolué. Oui, avec cet Orbea Rise, on découvre un autre vélo qui s’adresse aux pratiquants VTT les plus sportifs et voulant goûter à l’e-bike, sans souhaiter tomber dans les superlatifs (et il faut avouer que l’appel de la puissance et d’une relative facilité est parfois attrayant). Toutefois, on reste face à un vélo qui exclura les pratiquants les moins physiques/lourds qui solliciteront trop vite la batterie, ainsi que celles/ceux qui ont pour habitude de rouler avec d’autres « gros » VTTAE. Le rythme ne sera pas le même, tout comme la manière dont l’assistance est délivrée. Ce Rise s’adaptera plus à de longues sorties en solo, ou dans des groupes mélangeant VTT sans assistance et e-bikes légers.

 

 

Avec ce Rise, on découvre un nouvelle proposition sur le marché des VTTAE légers. Cette nouvelle interprétation du moteur Shimano EP8 en version « RS » continuera d’ouvrir la pratique du VTTAE à des VTTistes encore plus variés. Un modèle de test longue durée ne va pas tarder à arriver à la rédaction, et on vous avoue avoir presque peur de passer trop de temps à son guidon, tant il reprend les codes des VTT sans assistance et nous donne l’impression d’être bien plus entraîné à son guidon. Ce qui risque de vite devenir addictif. Il pourra être comparé aux deux références existantes sur le marché, mais il est certain qu’il se démarquera de par la solution technique apportée par Shimano et Orbea. Cet Orbea Rise est un coup de coeur sur les sentiers, et il devra transformer l’essai de la longue durée.

Pour découvrir le test en vidéo, c’est par ici : 

Photos d’action : Jérémie Reuiller / Orbea 

Plus d’infos sur le site de la marque : https://experience.orbea.com/public/fr/rise-beyond?utm_source=ORBEA.COM&utm_medium=HOME&utm_campaign=RISE_EXPECTATIVA 

Si vous avez envie d’en découvrir plus sur l’univers Shimano, découvrez notre visite au Japon : https://mag.vojomag.com/Shimano-visite-japon-sakai-osaka-shimonoseki/ 

ParPaul Humbert