Test nouveauté | Fox Live Valve : roulez, l’électronique fait le reste !
Par Olivier Béart -
Les suspensions gérées électroniquement, c’est un peu l’arlésienne dans le monde du VTT. Beaucoup en rêvent, certains ont déjà essayé, des protos ont circulé et ont fait crépiter les flashes sur les salons… mais en réalité, personne n’a encore vraiment sorti quelque chose de crédible. Alors, l’arrivée du Fox Live Valve est bien un événement, puisqu’il s’agit bel et bien d’un système finalisé et qui sera commercialisé pour le millésime 2019 ! Vojo fait partie des quelques médias privilégiés qui ont pu le découvrir en avant-première et même le rouler depuis deux mois sur nos terrains habituels. Découverte :
Proflex il y a plus de 20 ans, Cannondale à l’état de prototype, Magura et Lapierre avec le Ei Shock plus récemment, et on en oublie sans doute : plusieurs marques se sont déjà frottées à la gestion électronique des suspensions. En ce sens, Fox n’est donc pas un précurseur. Par contre, c’est à notre connaissance la première à présenter un système complet réellement finalisé, fonctionnel et commercialisé. Puis, comme vous le lirez plus loin, nous avons pu l’essayer et voir que le Live Valve est parfaitement abouti.
Même si beaucoup apprécient notre sport pour sa (relative) simplicité mécanique, difficile de nier qu’un système comme le Fox Live Valve est un rêve pour beaucoup. C’est aussi en quelque sorte l’évolution ultime du système Brain (blocage automatique mécanique) développé avec Specialized et qu’on retrouve toujours aujourd’hui sur l’Epic.
Petite parenthèse pour dire que si Fox reste basé en Californie, près de Santa Cruz, le projet Live Valve a été développé essentiellement dans leur nouveau centre d’Asheville, en Caroline du Nord. « La Californie devient hors de prix et il est difficile d’y trouver de bons ingénieurs sur lesquels les géants hi-tech (Google, Apple,…) ne mettent pas le grappin. Ici, on est tout proche d’un des berceaux de la course automobile aux USA avec le Nascar, avec d’excellentes écoles et beaucoup de talents, le tout avec une position plus centrale et un niveau de vie plus raisonnable. »
La compétition automobile, c’est justement là que se trouvent les racines du projet. Fox est aussi très réputé dans le domaine des « Power Sports » et le Live Valve se retrouve déjà en série sur plusieurs modèles de buggies Polaris, ou encore sur le Ford Raptor, un imposant pickup qui se veut aussi performant sur la route que sur les pistes et qui tire justement grandement parti de ses suspensions Fox pour y parvenir. Nous avons d’ailleurs pu tester aussi le système sur des buggies, et on peut vous dire que, là aussi, c’est très efficace !
Au niveau du vélo, cela fait plusieurs années que le Live Valve est en développement et, si le principe était déjà maîtrisé depuis un moment grâce aux recherches menées pour les quatre-roues, il a fallu le raffiner et le miniaturiser fameusement pour le rendre utilisable et pleinement satisfaisant pour le VTT.
Fox Live Valve : comment ça marche ?
« En marathon par exemple ou en XC, nous avons compté qu’un compétiteur va bloquer et débloquer sa suspension entre 100 et 500 fois. Ici, le Fox Live Valve analyse la situation 1000 fois par secondes et peut bloquer ou débloquer la suspension quasi instantanément », explique Everet Ericksen, le chef de ce projet chez Fox.
Autre avantage : exit les câbles. Certes, on garde des fils pour connecter chaque partie du système (voir plus bas pour plus de détails), mais les blocages de suspensions par câbles ont montré au cours de l’histoire qu’ils étaient souvent d’inépuisables sources de problèmes. D’autres diront que des suspensions bien réglées n’ont pas besoin d’être bloquées, et c’est vrai, mais un système de gestion de la compression comme le Live Valve est tout de même un plus non négligeable pour certains utilisateurs exigeants.
Il va notamment permettre, comme nous le verrons lors du test terrain, d’optimiser ses réglages de base (position ouverte) pour l’efficacité en descente et dans les portions cassantes, sans devoir faire de concessions pour éviter par exemple un pompage trop prononcé dans les portions plus roulantes.
Voyons maintenant comment cela fonctionne et les différentes parties du système.
Le cerveau
Le cerveau du Fox Live Valve est situé dans un petit boîtier noir qui se place près de l’amortisseur, sur le tube diagonal ou sous le tube supérieur. C’est lui qui va recueillir et analyser, 1000 fois par seconde, les informations qu’il recueille lui-même et auprès des capteurs secondaires. Il va ensuite envoyer à la fourche et à l’amortisseur l’ordre d’ouvrir ou de fermer la compression.
Il prend en compte non seulement la présence (ou l’absence) de chocs, mais aussi l’inclinaison du vélo pour savoir non seulement si on est en montée ou en descente, mais aussi si on est en train de sauter, de tourner et/ou en appui pour offrir un maximum de grip et de maintien en toutes circonstances.
Le boitier comprend deux boutons et 5 diodes. A l’allumage avec le bouton on-off, les diodes vont d’abord montrer un bref instant le niveau de la batterie (voir plus loin pour plus de détails). Elles vont ensuite afficher le mode dans lequel on se trouve, et qui est sélectionnable via l’autre bouton situé sur le boîtier.
On dispose donc de 5 modes au choix, qui vont déterminer la sensibilité du système. En position 1, des chocs de très petite taille et une faible pente vont suffire à « ouvrir les vannes », alors qu’en position 5, on aura un comportement bien plus ferme, plus destiné aux vélos de XC. Ces modes sont customisables, mais uniquement par l’intermédiaire d’un centre de service agréé ou par le constructeur, pas par l’utilisateur (du moins à ce stade).
Quant à la commande au guidon, elle n’est pas du tout à l’ordre du jour. Le but est justement de dégager le poste de pilotage et, par la même occasion, l’esprit du rider pour qu’il puisse se concentrer sur le sentier. Et pour avoir roulé avec le Live Valve, on vous confirme qu’une fois votre mode de prédilection trouvé, vous n’avez pas besoin d’en changer en roulant.
Les capteurs secondaires
Outre l’accéléromètre contenu dans le boîtier principal, le Fox Live Valve comprend aussi deux capteurs périphériques. Le premier est situé sur la fourche, derrière l’arceau. D’ailleurs, si vous avez vu des pas de vis qui sont apparus à cet endroit depuis plusieurs années déjà, cela n’a jamais été pour mettre un garde-boue… mais bien pour le Live Valve (que Fox aurait sans doute aimé sortir il y a longtemps, mais comme dans toute grosse nouveauté, on imagine qu’il y a eu quelques imprévus).
L’autre capteur secondaire est situé près de l’axe de roue arrière, côté disque de frein. Leur but à tous les deux est d’enregistrer les impacts provenant du sol, mais pas ceux du pilote, et de répercuter ces informations à l’unité de contrôle principale. Ils sont très compacts et discrets.
Sur la fourche et l’amortisseur
Sur la fourche, on remarque que le traditionnel levier de blocage et de réglage de la compression situé à droite a disparu. Il cède la place à l’arrivée du fil du Live Valve, et le réglage de la compression en mode ouvert reste accessible via une clé Allen de 3mm (habituellement, c’est la molette noire au sommet de la fourche).
Le rebond reste en bas, inchangé, et la partie air ne change pas non plus. Le Live Valve sera disponible sur toute la famille de fourches Fox, 32, 34 et 36, avec des débattements allant de 100 à 180mm.
Sur l’amortisseur, c’est moins discret. Fox est parti de la base du Float X (remplacé depuis par le DPX2 dans la gamme « classique »), mais celui-ci est doté d’un deuxième réservoir externe à côté du premier, déjà présent sur l’amortisseur d’origine. C’est assez imposant et volumineux, mais la place est comptée dans un amortisseur et il faut bien cela pour contenir le petit solénoïde.
Solénoïde : le mot est lâché ! C’est grâce à lui que le système de blocage de la compression du Live Valve est si rapide et performant. On n’a pas de moteur qui active des pièces mécaniques (une valve comme dans les blocages classiques ou comme sur le système Magura eLect), ce qui lui permet de bouger en quelques millièmes de secondes à peine. Sa position par défaut est fermée, mais il tire profit de sa rapidité d’action pour ne pas que cela se ressente. Il ne nécessite aussi que très peu d’énergie pour se mettre en mouvement, ce qui permet d’utiliser une petite batterie et d’avoir une belle autonomie.
Batterie
Pour fonctionner, le Fox Live Valve a bien entendu besoin d’une batterie. Celle-ci est logée dans le boîtier contenant aussi l’unité centrale (cerveau) du système. Elle peut être chargée par un simple port USB, sur le vélo ou être retirée pour être chargée près d’une prise ou de son ordinateur par exemple.
Au niveau de l’autonomie, Fox annonce entre 16 et 20h selon les circonstances. Concrètement, lors des deux mois de notre test, nos pilotes/testeurs les plus mordus et assidus ont rechargé en moyenne la batterie une fois par semaine, à raison de 5 sorties de 2 à 4h. Pour un rouleur plus occasionnel, on peut estimer qu’il faudra une recharge par mois environ.
Le système se met automatiquement en veille lorsqu’il est inactif pendant plus de 90 minutes et il ne se décharge que de façon négligeable lorsque le vélo n’est pas utilisé. La recharge prend environ 2h et en cas d’oubli, on peut faire une sortie de 2h avec simplement 15min de charge. Enfin, si la batterie rend l’âme en pleine sortie, on se retrouve simplement avec des suspensions ouvertes, sans système de blocage automatique, mais parfaitement fonctionnelles.
Poids
Il y a des pièces additionnelles, et c’est donc logiquement plus lourd. Mais on reste dans le domaine du raisonnable, puisque Fox annonce 200g de différence sur un système complet, voire moins si on dispose d’un double blocage à câble.
Connectique
L’ensemble des éléments du système Fox Live Valve est relié via un système de câbles. Les connexions, comme les différents composants, sont étanches (norme IP67, comme les e-bikes) pour toutes les situations normales qu’on peut rencontrer en roulant : nettoyage, passages à gué, boue, pluie, etc. Par contre, l’immersion est déconseillée. Au cours de notre test, nous avons rencontré quelques situations bien humide, sans que cela pose le moindre souci.
Les connexions se clipsent très simplement les unes dans les autres et, point intéressant, Fox a une fois de plus travaillé de concert avec Shimano pour assurer une compatibilité avec un hypothétique futur système Di2 VTT (type de connexions, caractéristiques de la batterie, etc).
Réglage des suspensions
Le réglage initial des suspensions se fait comme sur des suspensions classiques, Live Valve éteint. Vu la présence du blocage automatique, on peut néanmoins se permettre d’orienter plus ses réglages vers l’optimum en descente et sur le cassant, sans devoir réfléchir à des compromis pour ne pas trop pénaliser le rendement. On peut donc rouler avec un peu moins d’air qu’à l’habitude.
Tuning du Fox Live Valve
Outre les 5 modes sélectionnables par l’utilisateur au niveau du boîtier, chaque marque partenaire dispose d’un logiciel qui lui permet d’aller très loin dans les paramètres de réglages : dans quelle plage vont agir les 5 modes possibles, après combien de temps le système va se refermer (temps de latence) dans chaque mode, etc. Nous avons vu ce logiciel et, vu sa complexité ainsi que la possibilité qu’il offre de faire « n’importe quoi » s’il n’est pas placé dans des mains expertes, il n’est pas prévu qu’il soit disponible pour le grand public. Il s’adresse aux constructeurs de vélos afin de trouver le tuning parfait pour chacun de leurs modèles équipés en Live Valve, ainsi qu’aux Service Centers. Néanmoins, Fox n’exclut pas totalement de sortir une App ou une version grand public simplifiée mais permettant d’aller un peu plus loin que les 5 modes disponibles actuellement.
Quels vélos sont compatibles ?
Le système Fox Live Valve est compatible avec beaucoup de vélos récents, mais hélas pas avec tous. On savait d’ailleurs que Fox travaillait sur ce projet depuis un moment car plusieurs vélos disposaient de perçages à des endroits surprenants (près du disque notamment, pour le capteur arrière, comme nous l’avons notamment vu sur l’Orbea Rallon… qui indiquait même comment monter l’ensemble Live Valve dans le mode d’emploi depuis plusieurs mois déjà). Mais justement, c’est ce qui empêche, par exemple, de monter le Live Valve sur un vélo plus ancien : il nécessite un emplacement pour le capteur à placer près de l’axe de roue arrière, ou encore pour l’ensemble cerveau/batterie.
Plus prosaïquement, il faut aussi tenir compte du volume de l’amortisseur et de ses deux réservoirs externes qui prennent tout de même pas mal de place. Par contre, potentiellement, si le constructeur tient compte des petites contraintes imposées par le Live Valve, il a été conçu pour pouvoir se monter sur n’importe quelle architecture de cadre ou cinématique de suspension.
Fox donne sur son site une liste des cadres compatibles, et celle-ci va certainement s’agrandir. Dans l’immédiat, Fox a conclu des accords avec 4 marques qui seront les premières et les seules à proposer le système dès 2019 sur quelques modèles haut de gamme :
- Rocky Mountain – Altitude, Instinct et Thunderbolt
- Giant – Reign et Anthem Advanced Pro
- Scott – Spark et Genius SL
- Pivot – Mach 5.5 et en option sur plusieurs autres modèles
Sur la fourche par contre, le système peut se monter sur n’importe quel modèle Fox doté de deux pas de vis derrière l’arceau… mais selon nous, cela n’a que peu d’intérêt de ne placer le dispositif qu’à l’avant, dans la mesure où c’est sur la cohérence avant-arrière qu’il prend tout son sens. On ne voit pas non plus de grosse plus-value au montage sur un hardtail, même si c’est possible.
Au niveau du type de vélo auquel ce système se destine, le spectre est large. Cela va du XC/Marathon compétitif, jusqu’à l’enduro où on a rarement le temps de bloquer la suspension en spéciale alors qu’il y a parfois des portions roulantes où ce serait utile pour gagner quelques secondes. Enfin, en trail, c’est aussi tout à fait indiqué dans l’idée de se libérer l’esprit en ne pensant pas à ses suspensions. Mais dans cette catégorie moins tournée vers la compétition et les performances, on peut aussi très bien s’en passer…
Tarifs
Le tarif précis du Fox Live Valve n’est pas encore connu, mais il faudra tabler sur environ 3000€ pour un kit complet fourche + amortisseur et système Live Valve. Cela représente environ 1000€ de plus qu’un kit fourche/amortisseur Factory Kashima, et c’est aussi à ce supplément qu’il faudra s’attendre lorsqu’on le retrouvera en option sur certains modèles de vélos (comme chez Pivot par exemple) par rapport au montage équivalent sans LV.
C’est évidemment une très grosse somme et, comme beaucoup de nouveautés, on retrouvera d’abord le Live Valve sur des modèles très haut de gamme, voire des vélos « vitrine ». Mais on peut s’attendre, comme c’est souvent le cas avec l’électronique, à une démocratisation assez rapide. Les équipes Fox ne s’en cachent d’ailleurs pas : « Si les volumes de production deviennent conséquents, cela nous permettra de vraiment faire diminuer très fort les prix des composants électroniques. »
Nous avons eu l’occasion d’essayer longuement le Live Valve monté sur un Pivot Mach 5.5 que nous avons roulé pendant plus de deux mois avant sa sortie officielle, d’abord aux USA puis sur nos terrains de jeux habituels. Rendez-vous demain matin pour découvrir nos premières impressions !
Fox Live Valve : le test terrain sur le Pivot Mach 5.5
Pivot est souvent précurseur dans l’adoption de nouvelles solutions techniques, quand ce n’est pas elle qui les initie. Cela tient en grande partie à la personnalité de son fondateur, Chris Cocalis, qui est à la fois un grand perfectionniste et un fin technicien, toujours à la recherche du petit détail qui va permettre d’améliorer ses vélos. Le Fox Live Valve en fait partie.
Et si certains de nos confrères roulant sur d’autres machines ont vite demandé si le logiciel de customisation du Live Valve pouvait leur être envoyé pour chipoter dans les réglages d’origine (alors qu’il n’est normalement pas accessible à l’utilisateur final), nous n’en avons absolument pas ressenti le besoin. En discutant avec Chris Cocalis, qui était présent lors de la présentation aux USA, nous avons assez vite compris pourquoi : il a testé personnellement pendant des heures et des heures de nombreuses configurations, jusqu’à trouver ce qui lui semblait être le réglage parfait pour chaque mode.
C’est donc dans la magnifique Pisgah National Forest, à deux pas d’Asheville, que nous avons fait nos premiers tours de roues avec le Fox Live Valve et notre Pivot Mach 5.5. Auparavant, nous avons eu droit à une séance de réglages, finalement très conventionnelle et assez simple, puisqu’elle se déroule avec le système électronique en position off, et elle est tout à fait similaire à celle d’un vélo classique. Nous sommes juste partis d’entrée avec quelques psi de moins dans la fourche et l’amortisseur car un des avantages du Live Valve est d’éviter de devoir faire des compromis pour préserver le rendement en côte et sur les trails sans grand dénivelé.
D’origine, le Pivot Mach 5.5 a déjà dans ses gênes une bonne dose de dynamisme malgré ses apparences de gros vélo. Ses bases courtes et sa géométrie très axée sur le fun le rendent très maniable, son poids très raisonnable lui donne des ailes dans les ascensions et sa suspension DW Link se révèle aussi active dans le cassant que neutre au pédalage. Bref, système Live Valve éteint, on a déjà une très bonne base. Mais…
Mais, il y a un « mais » ! Quand on appuie sur le bouton on du Live Valve, c’est un peu comme si on avait appuyé sur le mode Boost d’un vélo électrique ! En fait, on pense qu’on n’en a pas besoin… jusqu’au moment où on l’active. Car l’efficacité est immédiatement perceptible et dope véritablement la sensation d’efficacité et de légèreté qu’on éprouvait déjà au guidon de notre Pivot Mach 5.5. C’est en quelque sorte le même, en mieux.
Très fortement durcies en compression (pour ne pas dire bloquées, car elles ne le sont pas vraiment), les deux suspensions restent haut dans le débattement et le premier bénéfice qu’on sent, c’est sur l’assiette du vélo qui reste stable et constante, plaçant le pilote dans les meilleures dispositions possibles pour pédaler. Pas besoin d’aller vers les modes les plus fermes pour ressentir cela : si le mode 1 est vraiment très souple et subtil (limite un peu trop), les modes 2 et 3 sont ceux qui nous ont le plus séduits. Un de nos testeurs, plus costaud, rapide et au pilotage musclé, a préféré la position 4 car son physique lui permet de tirer parti de cette plus grande fermeté et de s’en accommoder, mais par contre, personne n’a utilisé la position 5, très ferme et plus en adéquation avec une machine de XC qu’avec un vélo comme le Pivot.
On se dit « ah, une racine isolée en côte, je vais piéger le système et ça va secouer ». Eh bien non, pas du tout
Le système étant bloqué par défaut, quand on relance ou qu’on grimpe sur terrain lisse, on a une incroyable sensation de dynamisme, mais ce qui est encore plus incroyable, c’est la réactivité du système et la vitesse à laquelle la suspension s’ouvre pour absorber les chocs dès qu’elle les détecte. A l’échelle de la perception humaine, c’est instantané, et c’en est presque troublant ! On se dit « ah, une racine isolée en côte, je vais piéger le système et ça va secouer ». Eh bien non, pas du tout. La fourche se débloque juste pour avaler l’impact, même pris à faible vitesse, et se rebloque aussitôt, puis c’est au tour de l’amortisseur… qui ne se débloque pas en même temps que la fourche, mais quand la roue arrière arrive sur l’obstacle. On peut repartir en danseuse et mettre les Watts juste derrière, voire même sur l’obstacle, on ne perd aucun grip et tout se re-verrouille instantanément. Bluffant, et le Brain, même des dernières générations de Specialized Epic, semble tout à coup dater de l’âge de la pierre.
On n’a aucune sensation de « pneu crevé » déconcertante (que les utilisateurs de Brain connaissent bien) tant l’action du système Live Valve est discrète et souple. On entend juste un tout petit bruit de « tic-tic » quand le solénoïde bouge, mais sinon, tout se fait de façon tellement naturelle et imperceptible qu’on imagine la quantité et la qualité du travail qu’il y a eu derrière ce produit chez Fox. L’évolution par rapport aux systèmes Magure et Lapierre Ei-Shock, qui ont eu le mérite de défricher le terrain, est flagrante, et on sent qu’on est ici en présence d’une technologie mature et déjà parfaitement au point.
En descente aussi et dans le cassant, les performances du Pivot Mach 5.5 y gagnent, et le plaisir également. Le « timer » (qui gère le retour du système en position fermée) est parfaitement calibré sur notre vélo d’essai et jamais nous n’avons eu l’impression que le système se raidissait à contretemps ou que le vélo devenait sautillant. Au contraire, vous voyez ces monstrueux pickups avec des suspensions énormes qui filent dans le désert, avalant les chocs alors que la caisse semble rester parfaitement de niveau ? Eh bien ici c’est pareil. On a moins les pédales qui butent sur les obstacles, on reste plus haut dans le débattement, mais on a en parallèle une sensation de grip et de confort excellente. Nous l’avons testé dans pas mal de montées « impossibles », et la combinaison rendement/grip qu’offre le passage instantané et insensible du mode ferme à ouvert est un combo absolument redoutable.
Dans des trails typés bikepark avec des sauts, on note aussi qu’on s’envole plus facilement car les suspensions restent dures à l’impulsion, mais dès que le Live Valve détecte une chute libre et que les roues ne touchent plus le sol, il déverrouille immédiatement tout en prévision de l’atterrissage afin qu’il soit doux et efficace. Une fois encore, c’est tout simplement bluffant.
Durant les deux mois de test que nous avons pu effectuer dès notre retour de la présentation (entre fin juin et fin août), les trois testeurs qui se sont succédé au guidon du Pivot Mach 5.5 n’ont pas tari d’éloges sur le Live Valve. Personne ne pensait en avoir vraiment besoin, mais tout le monde a ensuite eu beaucoup de mal à s’en passer. Reste qu’au cours de ce long test, quelques petits défauts sont tout de même apparu, et nous les avons aussi cherchés car c’est notre job.
Premièrement, on aurait aimé avoir la possibilité de dissocier facilement les modes pour la fourche et l’amortisseur. Par exemple, avoir un Live Valve plus sensible à l’avant (mode 2) et plus ferme à l’arrière (4 par exemple). C’est possible de le simuler via le logiciel, mais c’est un réglage complexe et il nous semble qu’une petite app grand public permettant de customiser quelques fonctionnalités serait bienvenue. Si le système est bien intégré au niveau de l’amortisseur et de la fourche, ainsi que des capteurs, le boîtier contenant le cerveau et la batterie est franchement moche et « cheap ». Vivement une meilleure intégration et une meilleure finition. Le fait qu’il soit tête en bas sur notre Pivot n’est pas non plus très pratique.
L’autonomie de 15/20h est bonne, mais un peu « le c… entre deux chaises » : c’est assez pour qu’on l’oublie, mais pas assez pour qu’on puisse l’oublier totalement. C’est arrivé au moins une fois à chacun de nos testeurs de se retrouver à court de batterie. Bien sûr, ce n’est pas bien grave et on peut très bien rouler sans Live Valve, mais on devient vite accro à cette petite chose. Un de nos testeurs a aussi remarqué qu’il pensait toujours à l’allumer en début de sortie, mais jamais à l’éteindre, ce qui tend à montrer qu’il se fait oublier, mais qu’on sent et sait tout de même qu’il apporte quelque chose. Heureusement qu’il se met en veille automatiquement. Enfin, il y a bien sûr le prix, qui cantonne actuellement cette technologie au domaine du luxe. Plus pour trop longtemps, espérons-le.
Verdict
Très bien né, le système Live Valve nous a bluffés. Vous avez déjà lu plusieurs fois le mot dans cet article, mais il n’y en a pas d’autre. Est-ce indispensable ? Absolument pas. Est-ce hors de prix (du moins pour le moment) ? Absolument. Mais son efficacité fait que ce qu’on imagine superflu semble tout à coup indispensable quand on y a goûté. Sa faculté à doper les performances du vélo sur lequel il est monté nous a surpris. Peu de technologies ou d’investissements parfois très coûteux (pensons aux sommes qu’on dépense parfois pour gagner quelques centaines de grammes) nous ont donné l’impression d’un tel bond en avant au niveau des sensations. C’est d’ailleurs sur des vélos d’enduro et de trail qu’il nous semble le plus intéressant car ce sont des machines où on pense moins à jouer de la commande de blocage à chaque instant. Sur un XC, il peut aussi s’avérer agréable, mais leurs châssis et leurs cinématiques sont d’origine plus tournés vers le rendement et on peut s’attendre à un gap moins important. De notre côté, nous poursuivons le test pour voir si la fiabilité est au rendez-vous, mes les premiers signes sont encourageants. Bref, Fox semble avoir frappé fort. Très fort.
Plus d’infos : https://www.ridefox.com/content.php?c=livevalve-bike
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