Test nouveauté | Cervélo Áspero-5 : un gravel aero pour fendre l’air

Par Paul Humbert -

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Test nouveauté | Cervélo Áspero-5 : un gravel aero pour fendre l’air

Si Cervélo a toujours fait partie des marques proposant des gravel à l’ADN sportif, le curseur n’avait jamais été poussé aussi loin. La marque présente l’Áspero-5, un gravel « race », sans compromis et conçu autour d’une recherche principale : être le plus aerodynamique et rapide possible.

Le gravel est un marché en pleine fragmentation. Parce que la discipline grandit, que la compétition murit et que les pratiques se segmentent. Avec cet Áspero-5, Cervélo a fait le choix de s’adresser aux compétiteurs adeptes des courses les plus rapides et roulantes.

Jusqu’à présent, l’Áspero-5 chez Cervélo était une déclinaison un peu plus légère et radicale de l’Áspero, conservant toutefois ses grandes lignes. Ce temps est révolu puisque le vélo que vous avez sous les yeux est complètement nouveau. Nous avions testé l’Áspero il y a quelques mois et cette version « 5 » le ferait presque passer pour un baroudeur. La marque assume son positionnement pour ce nouveau vélo : tant pis pour la polyvalence, tout est fait pour la course. 

Forte de son travail de recherche réalisé sur la route, et qui équipe aujourd’hui les équipes Pro-Tour de Cervélo (coucou Jonas Vingegaard et Pauline Ferrand-Prevot), la marque a décliné ses connaissances relatives à l’aérodynamique sur ce nouveau gravel. Pour elle, cet aspect de la performance n’est pas assez étudié en gravel. Or, il fait partie de l’ADN de Cervélo qui a, depuis ses débuts, toujours été très attentive à cet aspect.

La marque s’est penchée sur les 15 plus importantes courses de gravel en Amérique du Nord et a remarqué des vitesses moyennes comprises entre 33 et 38 km/h, des tactiques d’équipes et des arrivées au sprint. 

Pour être le plus performant possible, cela commence sur la balance, et Cervélo annonce un cadre à 1025 grammes, un fourche à 420 g, et un kit cadre complet à 1963 grammes (en taille 56). Car, qui dit aero ne doit pas dire lourd non plus. 

L’aérodynamique 

Lancé à 48 km/h, Cervélo annonce un vélo qui nécessite 37 Watts de moins que le précédent Áspero-5 et 34 watts de moins que son premier concurrent (dans une comparaison avec d’autres vélos de gravel aero, comme le Trek Checkpoint ou encore le Ridley Kanzo). 

Comme nous l’explique Anton Petrov, le designer du vélo, la recherche de vitesse passe par de nombreuses itérations, en prenant en compte les formes du cadre, mais également de ses composants. Le tests sont ensuite réalisés en soufflerie, physique ou virtuelle. 

Pour ce gain d’aérodynamique, Cervélo mise sur une augmentation des surfaces et une recherche sur les formes pour améliorer la pénétration dans l’air. La marque conçoit son vélo comme un tout, et inclut dans sa recherche un guidon de conception maison. Le système potence/guidon est en deux pièces, afin de maintenir de la flexibilité dans les réglages et d’offrir des possibilités d’ajustement à toutes les morphologies ou envies, ce qu’un cockpit en une seule pièce ne permet pas. 

Les valeurs de « flare » sont très faibles (12°, 40 cm en haut, 46 cm en bas) et la marque a conçu un guidon plus compact pour qu’il soit facile de passer des positions de mains hautes ou basses. 

ll est même possible d’installer des prolongateurs sur ce guidon, et on retrouve un nouveau système d’attache pour GPS, plus aéro lui aussi, d’après la marque. 

Evidemment, et pour les mêmes raisons, les Durits traversent le cadre en interne. Le vélo a été conçu pour une utilisation avec des transmissions sans câbles exclusivement. Il est toutefois possible d’opter pour une « semi  intégration », avec un passage des Durits sous la potence. 

Cervélo a toutefois prévu des entretoises en deux parties pour faire évoluer la hauteur du poste de pilotage, sans devoir déconnecter les freins. 

Le tige de selle adopte un design profilé conçu par la marque. Elle n’offre aucun offset et est partagée avec le Cervélo Soloist. 

L’étrier de frein est positionné directement sur la fourche pour éviter de la visserie supplémentaire. Le vélo est prévu pour l’utilisation de disques en 160 mm. 

Géométrie 

L’Áspero propose un petit « flip-chip » sur la fourche, qui permet de faire évoluer la géométrie du vélo et les valeurs de Trail (voir notre lexique). Sur l’Áspero-5, Cervélo s’affranchit de cette solution, toujours motivée par la même quête de poids et d’aérodynamique et parce que ce flip-chip était peu utilisé. La marque opte plutôt pour une évolution de la géométrie en différenciant la monte de pneu avant et arrière. 

Ainsi, la marque propose deux configurations dans le commerce. La première avec deux pneus de 42 mm, et la seconde avec un pneu de 44 mm derrière et 40 mm devant. Cette seconde configuration permet de « radicaliser » le vélo qui sera un peu plus bas de l’avant. L’objectif est de proposer un vélo encore plus réactif quand le terrain est plutôt lisse. 

La marque continue de proposer des bases courtes, pour plus de nervosité, de facilité en virage et dans les accélérations.

Le choix des composants 

On pourra installer des pneus jusqu’à 45 mm de large sur cet Áspero-5. La marque estime que ce dégagement est optimal pour l’aérodynamique, sera suffisant et reflète les attentes des compétiteurs. On s’interroge toutefois sur ce dernier point, après avoir vu de nombreux pneus en 50 mm (voire plus gros) sur des courses à profils assez roulants, notamment à Gérone ou aux USA. 

Ici, Cervélo pousse sa démarche à l’extrême non pas sur les sections, mais en proposant des pneus Vittoria Corsa Pro à profil rond et sans crampons latéraux. Carrément à la limite avec des pneus de route…

Comme la surface des tubes est augmentée pour l’aéro, c’est un coup de chance pour une « boite à gants » qui trouve sa place sur ce vélo. Les courses réalisées en autonomie ont été prises en compte par l’équipe de la marque et cet espace de rangement est la réponse de Cervélo. On peut y glisser une petite pompe, une chambre à air ou matériel de réparation. La « porte » a été travaillée pour permettre la fixation d’un porte-bidon qui n’empêchera pas d’en utiliser deux dans le cadre. 

Cervélo fait le choix d’un boitier de pédalier T47A fileté pour la facilité d’entretien et la durabilité avec des roulements de diamètre plus élevé que sur les autres formats. 

Côté transmission, on retrouvera les nouveaux groupes gravel 13 vitesses Sram Red et Force sans patte de dérailleur. Lors de la présentation, nous avions toutefois un dérailleur XO VTT. Le vélo a été conçu pour une utilisation mono-plateau, mais une interface permet de fixer un dérailleur avant. 

Le vélo est livré avec un plateau de 48 dents, et il est possible de monter jusqu’à 52. Un petit guide-chaîne a été installé sur le vélo, afin de prévenir des sauts de cette dernière. 

En fonction des tailles, Cervélo propose des manivelles de différentes tailles (165, 170 et 175 mm). 

Des vis de fixation permettent de positionner un porte-bidon sous le cadre, et une pochette sur le top-tube, derrière le guidon. 

La gamme Cervélo Áspero-5 

Au jour du lancement, deux modèles et un kit cadre sont disponibles au lancement. Un modèle Sram RED à 11499 euros en noir brillant uniquement. Notre modèle de test, en Sram Force, est à 8299 €, en noir brillant ou en « royal mercury » L’ensemble cadre, fourche, tige de selle et poste de pilotage est à 5299 € euros. 

Prise en main | Cervélo Áspero-5 Force

Nous avons pu prendre en main ce nouvel Áspero-5 le temps de deux sorties, à proximité de Banyoles et Gérone en Espagne. Le terrain, relativement lisse, pouvait s’adapter au programme de ce nouveau vélo, et la région est le centre névralgique du gravel « race » en Europe. 

C’est sur le modèle « Force » que nous grimpons quelques semaines avant la sortie officielle du groupe. Le dérailleur n’étant pas encore disponible, il est remplacé par un modèle XO de VTT. On retrouve par contre les nouveaux freins, très puissants et sensibles, et les petites commandes de changement de vitesse sur le haut des cocottes qu’on apprécie beaucoup, comme sur le groupe Red. 

Nous avions aimé le Cervélo Aspero dans sa dernière version pour son côté très sportif, tout en ne se fermant aucune porte. Dès qu’on grimpe sur ce nouveau vélo, on sent que l’Áspero-5 a d’autres aspirations. Notre position est basse, allongée, et le vélo semble beaucoup plus léger, ou du moins rapide, dès les premiers tours de roues. 

Avant même d’aller plus loin, on sait que l’Áspero « classique » restera le modèle à conseiller au plus grand monde. Mais qu’est-ce que nous réserve ce modèle « 5 » ? 

On se gardera bien de juger les performances aéro de ce vélo. On comprend la démarche de la marque, mais en gravel, l’effort est moins « lisse » que sur la route, et de nombreux autres facteurs peuvent venir ralentir ou freiner. D’ailleurs, notre première journée s’est déroulée sur un terrain légèrement gras, et nous avons commencé notre prise en main avec des pneus plus cramponnés. 

Même avec ces derniers, la vitesse qui se dégage du vélo est impressionnante. Les accélérations aussi, avec des bases très courtes. Ce qu’on retient surtout, c’est la nervosité générale du vélo, avec un cintre étroit et sa position basse. On a tendance à l’apprécier d’ailleurs pour une sortie qui se veut rapide. On ne partira pas en rando ou en bikepacking avec cet Áspero-5 car il lui faut de la vitesse pour briller.

Le passage sur les pneus ronds « de série » imposent de gonfler un peu plus, et si on gagne encore en sensation de vitesse, on perd en confiance dans les zones les plus grasses. Il faut avoir la garantie de rouler sur un terrain sec et lisse, sinon les gains de vitesse seront vites perdus dans les premières zones techniques, et spécialement les montées. 

Quand ça tape, ça tape. Le vélo est très rigide, c’est indéniable, mais il n’est pas inconfortable quand on pédale. La filtration qui se dégage de cet Áspero-5 est même impressionnante, sans compromettre les performances au pédalage. En descente, la géométrie agressive impose une attention particulière : on est moins serein qu’avec l’Áspero classique qui est plus posé et stable. Pour les relances en gravel, si vous gardez le contact au sol, ça passe, sinon, ça casse. Mais quand tout est réuni, on sent qu’il sera difficile de suivre ce vélo. 

Cet Áspero-5 se destine vraiment aux terrains les plus rapides, à l’image de ce qu’on retrouve sur beaucoup de courses en Amérique du Nord. 

On apprécie la position étroite à l’avant du vélo, là où trop de marques proposent des guidons un peu larges à notre goût en gravel. Le vélo est vif, mais on passe beaucoup de temps les mains en bas et on garde un bon contrôle. 

Cet Áspero-5 est un vélo de niche mais il saura séduire les compétiteurs européens, s’ils peuvent faire le deuil d’une section de pneus au-delà de 45 mm. Si vous êtes à la recherche d’un vélo le plus rapide possible, quitte à faire un peu de compromis sur la polyvalence, il pourra vous intéresser. Et si vous hésitez entre un vélo de route ou un vélo de gravel pour des terrains assez lisses, peut-être que vous trouverez avec ce vélo la machine que vous cherchez ? 

Plus d’infos sur le site de la marque : https://www.cervelo.com/fr-FR/bikes/aspero-5 

Par  Paul Humbert