Test nouveauté | Bold Unplugged Pro : 50 nuances d’intégration

Par Léo Kervran -

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Test nouveauté | Bold Unplugged Pro : 50 nuances d’intégration

Après la refonte complète du polyvalent Linkin l’année dernière, c’est au tour de l’Unplugged d’être repensé de fond en comble chez Bold. Née en 2018, la plateforme à grand débattement de la marque suisse se recentre autour de l’enduro tel qu’on le conçoit aujourd’hui et adopte au passage le design inauguré par son petit frère, avec l’amortisseur placé horizontalement en surplomb et en avant du boîtier de pédalier. Nous avons pu découvrir cette deuxième génération sur le terrain, voici nos premières impressions :

Depuis sa naissance en 2018, le Bold Unplugged se déclinait en deux formats : le polyvalent « Volume 2 » (un nom qui nous rappelle d’autres souvenirs chez Vojo…) avec 150 mm de débattement à l’arrière, et le plus gros « Volume 1 » en 164 mm, pensé pour être assorti à des fourches entre 160 et 180 mm de débattement.

Toutefois, le petit frère Linkin a bien grandi en 2022 et il pousse de plus en plus fort : avec la version Linkin 150 qui se décline elle-même en Linkin 150 LT à fourche de 160 mm (lire Test | Bold Linkin 150 LT : l’aboutissement d’une vision), l’Unplugged Volume 2 n’avait plus vraiment de raison d’exister.

Pour autant, il y a encore de la place pour un gros vélo dans la gamme Bold car malgré son débattement en hausse et sa géométrie généreuse, le Linkin 150 LT n’est pas un enduro. Son côté vif et sa suspension joueuse font de lui un compagnon du quotidien idéal en montagne pour qui cherche une machine avec du caractère mais lorsqu’il s’agit de descendre le plus vite possible, il existe plus adapté.

Pour cette nouvelle génération Bold a donc décidé de réunir ses deux Unplugged en un seul, celui que vous avez sous les yeux. Avec ses 160 mm de débattement derrière, 170 mm devant et son montage en 29″ ou en mulet selon la taille, cette nouvelle génération reprend sur le papier tout ce qui fait un enduro en 2023.

Enduro, oui, mais enduro haut de gamme. Comme nous l’écrivions dans notre test du Linkin 150 LT, Bold c’est avant tout un concept, celui de l’intégration, et la marque est prête à ne faire aucun compromis pour embrasser cette vision. D’un point de vue design le Linkin était peut-être le plus abouti avec son triangle arrière qui revient par-dessus la biellette pour masquer tous les éléments de suspension, mais du point de vue de la conception, ce nouvel Unplugged va encore plus loin.

Le cadre n’est disponible qu’en carbone, version HMX s’il vous plaît (le carbone haut de gamme du groupe Scott dont Bold fait partie depuis 2019), mais surtout, il n’y a aucun passage pour un câble de dérailleur, qu’il soit classique ou électrique. En d’autres termes le cadre n’est compatible qu’avec les groupes Sram AXS, seules transmissions sans fil aujourd’hui sur le marché. Une position extrême, très rare dans le monde du vélo et encore plus en VTT. Quand on vous dit que Bold n’a pas peur de s’asseoir sur les conventions pour suivre ses idées…

Les gaines et Durits restantes (tige de selle télescopique, blocage d’amortisseur, frein arrière) passent elles en interne, via le jeu de direction évidemment. Nouvelle marotte des constructeurs, ce choix technique est amplement critiquable pour son côté malcommode lorsqu’on veut faire des réglages ou entretenir son vélo, mais Bold est peut-être la seule marque à qui il serait malhonnête de le reprocher. Le credo de la marque est de pousser l’intégration au maximum et elle s’y tient, c’est cohérent. D’ailleurs, sur le même thème et puisqu’on parlait de haut de gamme un peu plus haut, notez que tous les Unplugged 2e génération sont montés avec le poste de pilotage en une pièce Syncros Hixon iC. Aucun vélo n’est vendu avec un ensemble cintre-potence classique.

La suspension est également intégrée dans le cadre et sa disposition reprend celle du Linkin, avec un amortisseur placé à l’horizontale au plus près du boîtier de pédalier. Franchement, on voit mal comment faire plus bas ! Le principe est connu puisqu’il s’agit simplement d’un système à point de pivot virtuel mais la réalisation est originale puisque Bold a imaginé un basculeur concentrique au boîtier de pédalier pour atteindre ses objectifs de position et d’encombrement. Résultat, le système est très compact et discret même si le volume du tube diagonal, nécessaire pour s’accommoder de l’amortisseur Fox Float X Nude à bonbonne (identique à celui du nouveau Genius ST), trahit un peu plus ce qui se passe à l’intérieur que sur le Linkin (qui utilise un amortisseur plus petit).

Pour les réglages de l’amortisseur, ça se passe sur le côté et en dessous. A gauche, juste au-dessus de la manivelle, on a une piste graduée qui représente le débattement et un petit aimant poussé par un « doigt » qui pivote en même temps que le basculeur. Ça fonctionne très bien et on peut ainsi se rendre compte facilement du débattement consommé sur un choc ou évaluer son sag.

En retournant le vélo, on accède à une trappe qui donne sur l’amortisseur. Rebond, compression lente et pression d’air sont à portée de main et il n’y a pas besoin d’adaptateur spécifique ou de doigts particulièrement fins pour les manipuler. Ouf !

Enfin, on peut bien sûr le commander au guidon avec la commande TracLoc qui permet d’alterner entre trois positions : Descent (position par défaut), Ramp Control (volume d’air réduit mais compressions ouvertes) et Climb (volume d’air réduit et compressions fermées). Au-delà d’affermir la suspension arrière pour rendre la machine un peu plus réactive, le TracLoc a aussi une légère influence sur la géométrie puisque le vélo s’enfonce moins dans son débattement en mode Ramp Control qu’en Descent. Cela peut être intéressant en montée sur sentier, où l’on souhaite garder un peu de suspension pour le grip et le confort mais avoir aussi un tube de selle le plus droit possible pour gérer l’équilibre et la direction facilement.

Puisqu’on parle d’elle, la géométrie est… enduro. A l’instar du débattement, elle correspond relativement bien à l’idée qu’on se fait d’un enduro moderne et à ce qu’on trouve ailleurs, du côté « long » du spectre tout de même avec son reach à 460 mm en taille M ou 490 mm en taille L. Les coupelles réversibles du jeu de direction permettent de choisir entre une position polyvalente (64,5°) et une autre plus radicale (63,2°) tandis que le flip-chip placé entre les haubans et la biellette permet de faire varier la hauteur du boîtier de pédalier de 8 mm. On retient aussi des bases de 437 mm dans toutes les tailles tandis que les plus grands apprécieront le reach de 520 mm en XL ainsi que l’angle de selle droit (77,8°).

Notez également que l’Unplugged accepte le montage mulet (roue de 27,5″ à l’arrière et 29″ à l’avant) et que c’est même la configuration d’origine pour les tailles S et M. Nous n’avons toutefois pas encore eu l’occasion d’essayer cette combinaison puisque nous avons reçu un modèle en taille L, donc équipé de roues de 29″ devant comme derrière.

Allez, on rouvre une dernière fois le chapitre « Intégration » pour évoquer les divers outils cachés un peu partout sur le vélo. C’est tendance, ça permet de rouler sans sac tout en ayant de quoi réparer et ça ne casse pas la ligne du vélo donc c’est généralement bien vu et sur cet Unplugged comme sur les autres Bold, c’est réparti d’une extrémité à l’autre de la machine.

Sur l’axe de roue arrière, le levier est amovible (il est juste fermement clipsé) et cache trois clés : une T25, une T30 et une 6 mm hexagonale. Comme Scott, Bold utilise beaucoup de vis Torx et ces trois-là peuvent déjà faire beaucoup de choses sur le vélo. Un peu plus vers l’avant, dans la trappe qui donne accès à l’amortisseur, on a le Save The Day Kit : une pompe, une chambre à air et deux démonte-pneus pour gérer les… crevaisons, quoi d’autre ?

Le couvercle de la trappe comprend également un multi-outils (T25, T30, hex 3/4/5/6/8 mm, dérive-chaîne, tournevis plat). L’idée est bonne mais il lui manque quelques petites clés pour être réellement polyvalent, comme des hexagonales 2,5 mm et 2 mm. C’est aussi le moment de mentionner que le verrouillage de ce couvercle nous a posé quelques soucis. Bold a abandonné la molette à visser du Linkin pour un bouton poussoir comme sur le dernier Scott Genius, mais la tige sur laquelle le système vient s’encliqueter n’était visiblement pas assez longue, ce qui rendait le verrouillage extrêmement compliqué.

Ce n’est déjà pas très drôle quand il faut s’escrimer pendant cinq minutes pour une opération qui prendrait deux secondes si tout fonctionnait, mais quand vous pensiez avoir bien fermé et que vous finissez par perdre le couvercle au milieu d’une descente dans la boue et sous la pluie, ça devient doucement agaçant. Dommage, car dévisser la tige pour ajouter quelques entretoises et l’éloigner un peu du cadre suffit généralement à résoudre le problème, une étape qui serait facile à faire au montage ou en magasin avant la livraison. Contactée à ce sujet, la marque nous a assuré travailler à une procédure afin que cela ne se reproduise pas sur les autres modèles.

Enfin, notre modèle est équipé du kit de réparation tubeless Syncros, conçu pour se glisser dans le cintre et s’intégrer parfaitement avec les poignées de la même marque grâce à leur petite encoche pour faciliter la sortie du cintre. Aiguille et mèche d’un côté, couteau de l’autre pour couper l’excédent une fois la mèche en place, c’est une addition bien pratique aux outils déjà présents.

Bold restant une petite marque avec un positionnement assez exclusif, la gamme Unplugged est limitée à deux modèles : le Pro que nous avons reçu (8999 €), équipé en Fox 38 Performance, Sram GX Eagle AXS, Shimano SLX 4 pistons et pneus Maxxis DHF Exo+ et l’Ultimate (10 999 €), doté d’une fourche Öhlins RXF 38 M2, d’un groupe Sram X01 Eagle AXS et de freins Shimano XTR. Un kit cadre (avec amortisseur, tige de selle et poste de pilotage en une pièce) est également disponible à la vente, au tarif de 5999 €.

Le Bold Unplugged Pro sur le terrain

Un Bold, ça fait toujours son petit effet. Plus travaillé que celui du Linkin, le triangle avant de l’Unplugged rappellerait presque, au moins en photo, les vélos Ibis avec ces courbes si particulières. Cependant, une fois au guidon de la machine on oublie tout cela bien vite : intégration ou pas intégration, choix technique osés ou pas, ça reste un vélo avec un cintre, deux roues, des (grosses) suspensions et des (gros) freins. On s’y sent d’ailleurs bien à ce guidon, bien installé pour pédaler longtemps.

Pédaler longtemps, c’est ce qui peut arriver quand on doit monter à la pédale avec un enduro moderne. La catégorie a énormément progressé en descente mais cela s’est souvent fait au détriment des performances en montée, les composants étant toujours plus lourds et renforcés pour mieux résister aux assauts des pilotes et du terrain. Dans ce domaine, l’Unplugged s’en sort avec les honneurs. Le poids n’est pas spécialement flatteur (Bold l’annonce à 15,8 kg) mais le TracLoc fait des merveilles.

La mise en mouvement demande un peu d’énergie mais une fois qu’on est parti il n’y a plus qu’à dérouler et la machine surprend par la facilité avec laquelle elle s’emmène, on peut honnêtement envisager de longues journées à la pédale sans avoir peur de finir sur les rotules. Seule la roue avant demande parfois un peu de concentration, dans les passages raides ou dans les virages sur le plat notamment. L’association d’un stack dans la moyenne haute du segment, d’un angle de direction de 63,2° et peut-être d’une entretoise de trop sous notre potence à tendance à la rendre (très) légère dans ces situations et ça peut déconcerter au début, mais on s’y fait assez vite.

En descente, un de nos testeurs s’attendait à ce que l’Unplugged s’inscrive dans la lignée du Linkin, efficace sur les chocs mais surtout très dynamique et capable de renvoyer le pilote à partir de la moindre esquisse d’appui. C’est tout le contraire… et c’est ce qui rend le vélo réellement intéressant dans la gamme Bold. L’Unplugged est beaucoup plus accessible dans sa philosophie, c’est un vélo confortable qui encaisse et qui préserve beaucoup plus son ou sa pilote. Il est facile à prendre en main et tolérant, la marge d’erreur est importante. Revers de la médaille, on ne serait pas surpris que certains lui reprochent un petit manque de précision et de rigidité à l’avant. Ça demande encore un peu d’investigation mais une chose est sûre, l’avant du vélo n’est certainement pas trop rigide comme cela peut parfois être le cas ailleurs.

Sous cet angle, l’Unplugged nous fait penser aux précédentes générations de Scott Genius, Giant Reign et Canyon Strive, des machines qui avaient toutes ce caractère de vélo qui « accompagne » peu importe où on l’emmène et ce qu’on lui fait faire par opposition à d’autres vélos à la personnalité plus marquée.

La suspension n’est pas étrangère à ces sensations. Il existe plus sensible dans la lecture pure du terrain mais elle fait preuve d’une belle souplesse en début de course ce qui la rend très confortable sur les chocs un minimum marqués et la fin de course est parfaitement gérée puisqu’on a régulièrement exploité tout le débattement sans jamais sentir de talonnage. Entre les deux, le milieu de course apparaît un peu plus discret mais c’est aussi ce qui rend le vélo facile à piloter et il a tout de même suffisamment de « pop » pour offrir des sensations naturelles sur les appels de sauts. Les pilotes les plus pointus le trouveront peut-être un poil creux mais pour l’essentiel des pratiquants ce n’est pas une si mauvaise chose, d’autant qu’avec la fin de course réussie on garde toujours le contrôle.

Cette facilité de prise en main se ressent jusque sur la taille du vélo. Alors que le Linkin nous avait paru exigeant sur ce point, la longueur du triangle avant a posé moins de problème sur l’Unplugged. Les deux vélos affichent le même reach mais le caractère plus posé de l’Unplugged permet de trouver plus facilement son équilibre entre l’avant et l’arrière du vélo, on n’a pas l’impression d’être en retard où à contretemps sur les premiers tours de roue comme ça pouvait être le cas avec son petit frère. Un vélo à sa taille, c’est bien sûr toujours mieux mais si vous êtes pile entre deux tailles le choix nous apparaît moins critique que pour le Linkin.

Pour finir, notez qu’avec cet angle de direction de 63,2° combiné à un stack dans la moyenne haute du segment, l’Unplugged est plus à l’aise lorsqu’il y a un minimum de pente. Lorsque le terrain est trop plat il peut être difficile de charger suffisamment la roue avant et le vélo tend alors au sous-virage… mais qui choisit un vélo en 160/170 mm pour rouler sur du faux plat ? Retourner les coupelles du jeu de direction pour passer à 64,5° d’angle permet probablement de corriger un peu cela mais nous n’avons pas encore pu essayer cette configuration.

Au passage, si vous souhaitez baisser la potence on vous souhaite bon courage : comme avec tout Scott ou Bold récent, l’Unplugged utilise des entretoises spécifiques sous la potence qui ne peuvent pas aller au-dessus. Dans l’esprit de ses concepteurs, le système est simple : si on descend la potence, on coupe le pivot. Alors oui, rien ne dépasse et certains trouveront ça joli mais quand on veut faire des essais pour trouver la bonne hauteur il faut se procurer des entretoises classiques pour aller au-dessus de la potence, retirer un cache en plastique et idéalement changer le capot de potence. Pratique.

Ce qu’on retient de ce nouveau Bold Unplugged après ces premiers tours de roues, c’est sa facilité. Malgré une conception similaire au Linkin sur le papier, il se montre bien plus accessible sur le terrain et se révèle également bon pédaleur pour un vélo avec une fourche de 170 mm. Il s’adresse donc à une grande frange de pratiquants, mais des pratiquants fortunés tout de même vu les prix, des pratiquants qui apprécient le parti pris de Bold avec l’intégration et qui assumeront les choix forts de la marque lorsqu’il faudra bricoler ou entretenir la machine.

Plus d’informations : boldcycles-experience-center.ch

ParLéo Kervran