Test | Lapierre Crosshill CF 8.0 : la très bonne surprise
Par Léo Kervran -
Ne nous fiez pas à son nom connu : le Crosshill CF est le premier gravel en carbone de Lapierre et compte tenu de l’envergure de la marque, c’est peu dire qu’il était attendu. Présenté comme un gravel plutôt sportif, le Crosshill CF n’oublie toutefois pas le confort et pourrait bien être plus polyvalent qu’il ne veut le faire croire… Voici notre avis après plusieurs semaines de test :
Jusqu’il y a peu, le Crosshill chez Lapierre c’était ça : un gravel tout simple en aluminium, accessible tant par sa géométrie que par son prix (entre 1299 € et 2599 €). L’offre était tout à fait honnête mais il faut bien le dire, le vélo n’avait pas de grandes prétentions. Il occupait une place vide dans la gamme, il convenait très bien pour se balader entre routes et chemins ou voyager sans craintes, mais face au reste du catalogue Lapierre, il détonnait un peu.
Tant sur route qu’en VTT, la marque de Dijon veut retrouver une place parmi le haut de gamme et les succès de ses derniers développements (Zesty, Spicy, E-Zesty AM ou encore GLP3) le montrent bien. Il fallait donc un gravel digne de ce nom et c’est ici qu’arrive le Crosshill CF. Crosshill comme le modèle original pour garder l’esprit gravel, mais CF pour Carbon Frame, et ces deux petites lettres changent tout…
Châssis
On l’a dit, le Crosshill CF n’a donc rien à avoir avec le Crosshill alu. De fait, il est beaucoup plus proche du tout dernier Pulsium, le vélo de route endurance de Lapierre. Développées de concert, les deux machines partagent la même conception avec un triangle arrière particulièrement travaillé afin de filtrer au mieux les vibrations et d’apporter ainsi un certain confort.
On doit ce comportement à la forme très particulière des haubans, qui ne forment pas une droite reliant directement l’axe de roue arrière au triangle avant et « sautent » en plus de ça le tube de selle pour aller s’accrocher plus loin, sur le tube horizontal. Lapierre appelle ce concept le « 3D Tubular », une signature qu’on trouve sur d’autres modèles rigides ou semi-rigides du catalogue, et annonce 12 % d’absorption des vibrations en plus à 40 km/h par rapport à une conception classique.
Quand on vous disait que le Crosshill CF se voulait sportif… Qui roule à 40 km/h sur le plat en gravel ? On espère que le vélo saura également se montrer confortable à des allures plus mesurées et qu’il s’agit simplement d’une communication un peu maladroite de la marque.
Notez en revanche que cette forme complique un peu les choses pour le voyage : en venant s’attacher sur le tube supérieur, les haubans rentrent en conflit avec les grandes sacoches de cadre. Il faudra prévoir plus petit à cet endroit ou faire fabriquer sur mesure si ce genre d’accessoire vous est indispensable.
A l’inverse, le tube diagonal adopte une forme en triangle plus agressive qui rappelle les cadres aérodynamiques de route, une impression renforcée par le nom de la marque apposé de façon imposante sur la moitié inférieure de ce tube. On a quelques doutes sur l’intérêt aérodynamique d’une telle forme en gravel, surtout caché derrière un pneu de 44 mm de section, mais cela a néanmoins l’avantage de ramasser moins de boue lorsqu’on roule par temps humide.
Malgré ces approches différentes entre l’avant et l’arrière du vélo, l’ensemble fonctionne bien et le Crosshill CF propose finalement des lignes assez harmonieuses, on pourrait même parler de joli vélo (avec les deux pneus de la même couleur de préférence, mais c’est une autre histoire). Seule la vue de face du vélo semble un peu en deçà du reste, moins travaillée. Certains ou certaines auraient peut-être préféré une fourche blanche mais avec le rappel de couleur sur le tube diagonal, cela ne nous choque pas.
Sur le reste, le Lapierre Crosshill CF est tout ce qu’il y a de plus classique : un dégagement de 45 mm, quelques inserts (fourche, garde-boue ou porte-bagage) pour atténuer un peu son côté performance, un support de dérailleur avant, une patte arrière UDH, des freins Flatmount 160 et un boîtier de pédalier pressfit 86,5 mm, le standard « route ».
Les gaines passent en interne via le jeu de direction et il n’y a pas de protection sur le tube diagonal, comme parfois en gravel. A la place, on trouve une petite trappe qui permet d’accéder (difficilement) aux gaines mais surtout de stocker une batterie Di2 pour les transmissions électroniques Shimano.
Enfin, on notera que la conception de l’ensemble potence-entretoises-jeu de direction oblige à couper le pivot si on souhaite descendre la potence et garder un montage propre, les entretoises placées sous la potence ne passe pas au-dessus. Certes, c’est très joli mais c’est fort peu pratique. Dommage.
Géométrie
Dans la tendance actuelle qui tend à rallonger les gravel, le Lapierre Crosshill CF se distingue par une géométrie plus inspirée de la route : tube supérieur et reach courts (respectivement 552 mm et 380 mm en taille M), potence assez longue (de 80 mm en S à 110 mm en L), angle de direction entre 70,5° et 71,5°, angle de tube de selle entre 72,5 et 73,5°… Avec les bases de 430 mm, cela dessine un vélo assez nerveux et réactif.
En revanche, l’avant est relativement haut mais c’est pour une raison bien précise : si ce Crosshill CF 8.0 est équipé d’une fourche rigide, d’autres modèles de la gamme (6.0 S et 8.0 S) reçoivent une fourche suspendue de 30 mm ou 40 mm de débattement et Lapierre souhaitait que cela n’ait pas d’influence sur la géométrie du vélo. La fourche rigide fait ainsi la même longueur qu’un modèle suspendu, elle est donc plus haute qu’une fourche rigide classique. Cela se voit bien lorsqu’on regarde l’avant du vélo avec une distance importante entre le passage de roue et la douille de direction. Surtout, ce n’est pas sans conséquences sur la position du pilote mais on aura le temps de revenir dessus sur le terrain.
Equipements
Affiché à 5999 €, le Lapierre Crosshill est un gravel haut de gamme dans cette version 8.0. Heureusement, l’équipement est à l’avenant et en phase avec ce qu’on peut trouver chez la concurrence.
Côté freins et transmissions, c’est un groupe Force XPLR eTap AXS de Sram, avec pédalier de 40 dents, cassette 10-44 et disques de 160 mm.
Comme sur le Trek Checkpoint SL6 dont nous avons récemment publié l’essai, on signalera que cette transmission est assez exigeante. En gravel, le choix du monoplateau n’est pas aussi évident qu’en VTT (on trouve d’ailleurs aussi du double plateau dans la gamme Crosshill CF) et si sa simplicité a beaucoup d’avantages, un 40/10-44 n’est pas ce qu’il y a de plus polyvalent en termes de développement. Il faut un minimum d’entraînement, de technique et de force pour passer les côtes les plus raides sur le vélo et si votre terrain de jeu comporte de jolis talus mais que vous n’aimez pas « tirer gros », un changement sera à prévoir de ce côté.
Le train roulant est composé de roues DT Swiss GRC 1600 (un modèle réservé à la première monte avec les jantes des anciennes GRC 1400 en 42 mm de haut sur des moyeux 350 plutôt que 240) chaussées des très bons pneus WTB Raddler TCS Light en 700 x 44 (mesurés à 43 mm par nos soins). Roulants et discrets sur les sols durs, rassurants au freinage et en virage, polyvalents dans les différentes conditions, solides, ces pneus font une excellente monte d’origine en gravel. On trouvera certainement plus performant dans chaque domaine mais pour viser large, c’est une référence.
Vous aurez certainement remarqué que nos pneus ne sont pas de la même couleur. D’origine, les deux ont les flancs beige mais notre vélo est passé entre les mains d’un ambassadeur Lapierre le temps du Roc d’Azur et en est revenu avec une crevaison mal placée. La marque nous a renvoyé un pneu pour terminer l’essai et si les caractéristiques (modèle, carcasse, section) sont identiques à celui d’origine, ce n’était malheureusement pas le cas de la couleur.
La potence en aluminium, qui intègre un support de compteur, est signée Lapierre tout comme le cintre, qui est lui en carbone et avec un rise de 20 mm (42 cm en XS, S et M ou 44 cm en L et XL, flare de 12°) et la guidoline, très agréable. La tige de selle, en aluminium à nouveau affiche également un logo Lapierre tandis que la selle est une Fizik Terra Argo X7 en 150 mm de large. On aurait préféré la 140 mm mais le choix de selle est une question très personnelle qui dépend de la morphologie de chacun et chacune.
Au final, nous avons pesé notre modèle d’essai en taille L à 8,9 kg avec deux porte-bidons et le support de compteur intégré, mais sans pédales. Un poids tout à fait correct pour ce niveau de gamme et ces dimensions.
Lapierre Crosshill CF : versions et tarifs
La gamme Lapierre Crosshill CF est très fournie avec pas moins de sept modèles au catalogue, à l’équipement varié : mono ou double plateau, tout rigide ou fourche suspendue, roues en aluminium ou en carbone… Les prix vont de 2799 € à 6999 € :
- Crosshill CF 5.0 (2799 € & 9,7 kg) : groupe Shimano GRX 610 / 820 2×12 (pédalier 48-31 et cassette 11-36), roues Lapierre Gravel 25, pneus WTB Raddler 44 mm en carcasse TCS Light, cintre Lapierre Alloy Gravel Bar.
- Crosshill CF 6.0 (3199 € & 9,6 kg) : groupe Shimano GRX 820 2×12 (pédalier 48-31 et cassette 11-36), roues DT Swiss G1800, pneus WTB Raddler 44 mm en carcasse TCS Light, cintre Lapierre Alloy Gravel Bar.
- Crosshill CF 6.0 S (3499 € & 10,3 kg) : fourche SR Suntour GVX32-S (40 mm de débattement), groupe Sram Apex XPLR AXS 1×12 (pédalier 40 dents et cassette 11-44), roues DT Swiss G1800, pneus WTB Raddler 44 mm en carcasse TCS Light, cintre Lapierre Alloy Gravel Bar.
- Crosshill CF 6.0 AXS (3699 € & 9,1 kg) : groupe Sram Rival XPLR AXS 1×12 (pédalier 40 dents et cassette 11-44), roues DT Swiss GR1600, pneus WTB Raddler 44 mm en carcasse TCS Light, cintre Lapierre Alloy.
- Crosshill CF 7.0 (4199 € & 9,0 kg) : groupe Shimano GRX Di2 2×12, (pédalier 48-31 et cassette 11-36), roues DT Swiss GR1600, pneus WTB Raddler 44 mm en carcasse TCS Light, cintre Lapierre Carbon Gravel Bar.
- Crosshill CF 8.0 (5999 € & 8,7 kg) : groupe Sram Force XPLR AXS (pédalier 40 dents et cassette 10-44), roues DT Swiss GRC1600, pneus WTB Raddler 44 mm en carcasse TCS Light, cintre Lapierre Carbon Gravel Bar.
- Crosshill CF 8.0 S (6999 € & 9,9 kg) : fourche RockShox Rudy Ultimate, groupe Sram Force XPLR AXS (pédalier 40 dents et cassette 10-44), roues DT Swiss GRC1600, pneus WTB Raddler 44 mm en carcasse TCS Light, cintre Lapierre Carbon Gravel Bar, tige de selle RockShox Reverb AXS XPLR.
Le test du Lapierre Crosshill CF 8.0
La première fois qu’on monte sur le Crosshill CF, la position surprend : avec la fourche haute et le cintre relevé, le poste de pilotage est haut, très haut. Associé au cadre court, cela donne une position très droite et confortable, trop même à notre goût. Nul doute que cela plaira à certaines personnes, c’est tout à fait adapté pour se balader sans aucune notion de performance mais quand on aime appuyer un peu sur les pédales, ça surprend.
Un détour par l’atelier et un bricolage pas très joli mais fonctionnel à base d’entretoises et de capot de potence standard (afin de descendre la potence sans couper le pivot) plus tard, ça va mieux ! Et encore, on a gardé le cintre d’origine. Avec un modèle classique, sans ce rise de 20 mm, nul doute qu’il est possible d’avoir une position très typée « course » sur ce Crosshill CF. La fourche haute n’est finalement pas une mauvaise idée, elle donne une certaine polyvalence au vélo. Il faut juste s’habituer à son allure un peu différente de ce qu’on a l’habitude de voir.
La deuxième chose qu’on remarque, c’est le confort. Lapierre n’a pas menti, il se passe réellement quelque chose et mieux encore, il n’y a pas besoin d’être à 40 km/h pour le sentir ! Même à une allure deux fois plus lente, ce qui reste tout à fait respectable pour du gravel, le Crosshill CF fait preuve de vraies capacités de filtration et c’est aussi valable à l’avant. Au-delà du confort en lui-même, qui est plus facile à juger en comparaison directe avec d’autres vélos, on note qu’on reste plus frais plus longtemps.
Après deux heures sur des terrains très variés, il n’y pas la moindre sensation de fatigue ou d’usure comme on peut l’avoir sur des machines plus raides, pas de lassitude qui s’installe. On ne se sent pas non plus obligé de mettre un minimum de vitesse pour se sentir bien, et on est pourtant sur un montage haut de gamme équipé de roues mi-hautes en carbone. Voilà un vélo fait pour rouler longtemps.
Ceci dit, si on ne se sent pas obligé de mettre de la vitesse on peut tout de même le faire, et facilement car le Crosshill CF y réagit très bien. Plutôt léger, réactif, le vélo n’est pas un frein lorsqu’il s’agit de rouler vite au train et les relances sont un véritable plaisir. Sur route, l’étagement forcément moyen de la cassette 10-44 est parfois un peu gênant mais c’est le revers de la simplicité du mono-plateau. Si vous préférez la polyvalence du double plateau, les modèles 5.0, 6.0 et 7.0 sont équipés avec ce type de transmission.
Au pilotage, le cadre court donne un vélo très ludique à mener, facile pour se faufiler entre les arbres sur des singletracks étroits ou pour jouer avec les limites de l’adhérence sur le gras. Ça tourne bien, c’est précis et les remontées d’informations sont claires, le Crosshill CF réagit au doigt et à l’oeil.
Dans les descentes un peu techniques, on touche toutefois aux limites de cette géométrie et il faut du doigté (ou de l’inconscience ?) pour réussir à passer vite mais encore une fois, les capacités de filtration du vélo permettent au moins de garder l’image stable et de ne pas se faire secouer inutilement. Pour le reste, il ne faut pas oublier qu’on est sur un gravel tout rigide et pas sur un VTT. Si on se fait peur en descente, c’est peut-être qu’il est temps de revoir l’itinéraire… ou de changer de monture.
Verdict
Ça va vite, c’est confortable et c’est fun : sous ses lignes presque discrètes, le Lapierre Crosshill CF est l’excellente surprise de cet automne 2024. Ultra-polyvalent, il est à l’aise sur tous les terrains, avec tous les styles de pratique et sait distiller du plaisir tout en préservant son ou sa pilote. Après avoir laissé le Crosshill en aluminium dormir dans son coin pendant trop longtemps, Lapierre se rattrape de fort belle manière sur le segment gravel et continue sur la lancée de ses derniers développements en VTT, tous couronnés de succès. Le Crosshill CF pourrait illustrer la définition du mot « gravel » dans un dictionnaire vélo et on voit peu de monde à qui on ne le recommanderait pas. Un vrai coup de coeur !
Lapierre Crosshill CF 8.0
5999 €
8,9 kg taille L, avec deux portes-bidons
- Confort du cadre
- Ludique à piloter et bon rendement
- Polyvalence selon la position (redressée ou sportive)
- Gamme complète avec des montages variés
- La forme des haubans complique l'usage d'une grande sacoche de cadre
- Descendre la potence nécessite de couper le pivot de fourche
- RAS
Évaluation des testeurs
- Prix d'excellence
- Coup de coeur
- Rapport qualité / prix
Plus d’informations : lapierrebikes.com