Test | Cervélo ZHT-5 : en toute discrétion

Par Adrien Protano -

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Test | Cervélo ZHT-5 : en toute discrétion

Que peut bien donner un vélo imaginé pour la compétition et produit par une marque légendaire du cyclisme ? Le ZHT-5, modèle hardtail de chez Cervélo offrant 100mm de débattement, n’apporte peut-être pas la réponse à laquelle on s’attend de prime abord… Efficace avant tout, découvrons ensemble le premier VTT de l’histoire de la marque canadienne : 

Marque légendaire, Cervélo compte bien des admirateurs dans le monde du cyclisme. Après avoir construit sa réputation sur la route, en étant notamment parmi les premières marques à proposer des cadres aéro pour un usage route compétition (hors contre-la-montre), la marque originaire de Toronto s’est aventurée sur les sentiers en 2019 avec l’arrivée de son premier modèle gravel, l’Aspero.

Mais Cervélo ne s’est pas arrêté en si bon chemin, et c’est désormais le secteur de la compétition XC que la marque a en ligne de mire. Il faut dire que la multidisciplinarité est de plus en plus fréquente dans notre sport, à l’image de l’équipe Alpecin-Fénix avec Mathieu van der Poel et Sam Gaze ou encore Ineos avec Tom Pidcock et Pauline Ferrand-Prévot. Être présent sur la scène internationale du cross-country était dès lors une ferme intention de la marque canadienne, et c’est dans cette optique que l’équipe Jumbo-Visma s’était adjoint les services de Milan Vader, avant son accident sur le Tour du Pays Basque la saison dernière. Le quintuple champion national néerlandais de XCO nous avait justement présenté son ZHT-5 dans les moindres détails au détour d’un stand lors du Roc d’Azur.

Un pilote prometteur c’est un bon début, mais un vélo capable de le mener à la victoire reste nécessaire, et c’est là que le ZHT-5 entre en jeu. Premier modèle VTT de l’histoire de Cervélo, il s’agit peut-être là aussi d’une étape préalable à un éventuel tout-suspendu en vue des JO 2024. Milan Vader n’avait pas répondu par la négative lorsque nous l’avions interrogé sur l’arrivée d’un tout-suspendu au sein de chez Cervélo. « Tout était prêt pour des résultats de haut niveau cette saison et il en est de même pour la saison 2023 » avait confié avec malice le pilote néerlandais (lire : Interview | Milan Vader (Jumbo-Visma) : prêt pour un nouveau départ !). Quoi qu’il en soit, Cervélo est très clair avec le programme en toile de fond de son arrivée dans le monde du VTT : « Notre truc c’est la vitesse, et la forme du guidon ne nous limite pas plus qu’elle ne limite les athlètes en course. » 

Châssis

Côté cadre, Cervélo explique avoir mis à profit pour ce ZHT-5 toute l’expertise qu’elle a pu engranger dans la construction d’un cadre en carbone durant ses nombreuses années sur le bitume. S’il ne s’agit pas du vélo le plus léger de sa catégorie en tant que telle, il affiche pourtant un joli score sur la balance avec un cadre à 907 g en taille M (là où par exemple le cadre du Scott Scale HMX SL trône à 847 g).

Au-delà d’une question de poids, c’est sur le comportement du vélo que Cervélo insiste puisque la marque canadienne explique avoir voulu un vélo « rigide et prêt à se battre ». Il faut le rappeler, c’est avec l’objectif d’être concurrentiel sur le circuit mondial que Cervélo a développé ce modèle.

L’arrière du vélo est tout de même travaillé pour offrir un peu de confort, avec des haubans très fins, acérés comme des lames. Le reste du cadre présente, quant à lui, des lignes étirées et des angles marqués, ce qui renforce cette impression de vélo pensé pour la compétition que le ZHT-5 peut laisser transparaître. Toutefois, les arêtes plus rondes viennent atténuer cette radicalité, et c’est en fin de compte un équilibre plutôt réussi que propose visuellement ce ZHT-5. On peut également remarquer que le tube supérieur s’affine en se rapprochant du tube de selle, de quoi tenter d’apporter du confort supplémentaire sur ce genre de cadre semi-rigide.

De série, le ZHT-5 est équipé d’une tige de selle en carbone à épaisseur variable, capable de se déformer légèrement. Cette tige de selle fixe en 30.9 mm peut toutefois être remplacée par une tige de selle télescopique. Pour le reste, un passage interne a été prévu par Cervélo, avec une entrée pour les câbles et Durit directement au niveau du jeu de direction. En plus d’offrir un look très épuré, cela permet d’éviter de devoir percer le cadre. On notera toutefois l’absence de système de butée de direction dont le rôle est d’éviter d’abîmer le cadre par des retours intempestifs de cintre en cas de chute. Ce n’est pas arrivé pendant le test, mais c’est une tranquillité d’esprit qu’on aime avoir sur le long terme.

Géométrie 

S’il ne s’agit pas tout à fait d’un mensonge lorsque la marque canadienne annonce une géométrie moderne, le ZHT-5 n’est pas pour autant un pionnier dans le domaine et ne tombe pas dans la tendance “longer/slacker” (comprenez des vélos toujours plus longs et plus bas) que l’on peut retrouver chez certains autres concurrents. Ainsi, le vélo propose des valeurs assez traditionnelles pour l’angle de direction par exemple (69°). Les bases arrière sont très courtes, avec 430mm, et le cadre plutôt long malgré le discours de la marque, avec 457mm de reach en taille L, ce qui reste une mesure assez importante pour un semi-rigide de XC.

Équipements 

Nous avons reçu ce Cervélo ZHT-5 dans sa version la plus haut de gamme, à savoir le montage simplement dénommé  « XX1 AXS », en référence à sa transmission.

Ce groupe Sram XXI Eagle AXS est couplé à une cassette de 10-52 et un plateau de 32 dents. Pour le détail, c’est un boîtier de pédalier fileté au standard BSA qui équipe ce ZHT-5, voeu de durabilité et de facilité d’entretien selon la marque canadienne.

Une SID SL Ultimate s’occupe de la partie suspension pour ce premier VTT de chez Cervélo. Elle est ici en version 100 mm de débattement avec blocage au guidon. On le verra plus loin, elle s’est avérée parfaite sur ce genre de vélo.

Le freinage est du même acabit que la transmission puisque l’on reste chez Sram avec des Level Ultimate, la paire dédiée au cross-country la plus haut de gamme du fabricant américain. Ceux-ci sont associés à des disques de 160mm à l’avant comme à l’arrière. On entend souvent des critiques par rapport aux freins Sram, mais force est de constater qu’une fois encore ici les Level Ultimate se sont montrés à la hauteur malgré les « petits » disques.

Cervélo fait partie du groupe PON, détenant depuis récemment Cannondale, mais également Santa Cruz et…. la marque de roues Reserve. Ce montage haut de gamme bénéficie ainsi d’une paire de roues Reserve 28 XC (le 28 faisant référence à la largueur interne) montés sur des moyeux Industry Nine. Celles-ci sont chaussées de pneus Maxxis Rekon Race en carcasse EXO et section de 2.4″.

Le poste de pilotage est en provenance de chez RaceFace avec un cintre Next SL en carbone de 740 mm de largueur et une potence en aluminium Aeffect de 80 mm de longueur. La tige de selle en carbone à épaisseur variable provient de chez Cervélo directement, tandis que la selle est une Prologo Dimension.

Versions et tarifs 

Au-delà de la version haut de gamme que Cervélo nous a fournie en test (« XX1 AXS » à 9 999€), le ZHT-5 est également disponible dans une seconde version plus abordable et dénommée « GX Eagle AXS ». Ce montage à 5 299€ est équipé d’une fourche RockShox SID Select RL, d’une transmission Sram GX AXS Eagle, de freins Sram Level TL et de roues RaceFace ARC. ans surprise ce sont des tarifs très élevés, mais ce n’est pas vraiment une surprise vu le positionnement très premium de Cervélo.

Il convient de noter que chacune de ces 2 versions dispose d’un coloris spécifique : noir pour la version XX1 AXS et vert pâle pour le ticket d’entrée GX Eagle AXS. Le team a quant à lui droit à un cadre jaune et noir qui ne sera (apriori) pas commercialisé.

Le Cervélo ZHT-5 sur le terrain 

Quand on pense à Cervélo, c’est tout un imaginaire de performance et d’innovation qui vient en tête. C’est le premier vélo de route aéro avec ses formes improbables qui revient à nos mémoires. C’est Wout Van Aert qui lève les bras au guidon d’une F1 à deux roues qui surgit devant nous. Autant dire que les attentes étaient très fortes au moment d’enfourcher le ZHT-5, le premier VTT de la marque. Ont-elles été rencontrées ?

Au visuel, le bike est soigné, la finition est très belle… mais il manque un petit quelque chose, un grain de folie qui ferait de ce ZHT-5 un VTT absolument unique, presque un ovni dans le paysage. Clairement, mis à part quelques paillettes dans la peinture qui viennent trancher avec la teinte sombre, Cervélo a choisi le classicisme dans les lignes de sa machine. Soit, c’est surtout le comportement qui nous importe. Mais tout de même, on aurait aimé plus d’originalité de la part de la marque, histoire de marquer directement les esprits dès son arrivée dans le VTT. Cela dit, on sait que tout s’est décidé très vite du côté de la marque canadienne, et que le délai de réalisation de ce premier VTT destiné à permettre l’arrivée de la marque et du team Jumbo-Visma en MTB a été très court.

Sur le terrain, un élément frappe d’emblée : le Cervélo ZHT-5 répond bien présent côté rendement. C’est une petite bombinette ! Bien sûr, dans cette version haut de gamme, il est très léger, et ça aide. Mais on sent que le cadre a du répondant et de la nervosité à revendre. Il adore les accélérations, il en redemande même sans arrêt, et il procure des sensations de mise en vitesse grisantes. Il maintient aussi très facilement une allure élevée et dans les longues ascensions, c’est un régal de facilité… du moins tant que le relief du sol n’est pas trop chaotique.

Une fois qu’on s’attaque à des terrains plus techniques et à des reliefs tourmentés, le cadre se montre fort rigide et ne filtre pas aussi bien les vibrations que les références du marché. Cela pourrait sembler un détail, mais dans certaines circonstances, ça peut ralentir l’accélération ou la conservation de la vitesse, par exemple quand on a l’impression de plus taper les racines et les pierres au sol que de les enrober. Car le confort et le grip sont aussi des facteurs de performance. Néanmoins, si on reste sur des parcours peu cassants, il assure tout de même l’essentiel et, même s’il n’est pas le plus facile à vivre quand c’est cassant, on n’a quand même pas dû filer chez l’ostéo après chaque sortie.

A ce niveau, on doit saluer la très grande qualité des roues Reserve en 28mm de large qui nous ont bluffés lors de ce test. Elles donnent une vraie impression de légèreté, elles se montrent particulièrement dynamiques dans les relances, mais elles parviennent à adoucir un peu le caractère bien trempé du cadre. De manière générale, nous ne sommes pas de grands fans des pneus en 2.4 de section sur tous les terrains (spécialement dans la boue et les terrains meubles en général) mais ici, nous avons apprécié le petit zeste de confort qu’ils apportent sur un châssis exigeant à la base. Puis, contrairement à des jantes de 30mm qui limitent les possibilités de baisser la section des pneus, les jantes Reserve en 28mm s’accommoderont parfaitement de pneus en 2.25 de section, plus adaptés aux terrains meubles.

Sur les singletracks ludiques, c’est un vrai plaisir car la géométrie est réussie même si elle n’a rien de très original ou avant-gardiste sur papier. Le ZHT-5 répond au doigt et à l’œil pour les changements de direction et il se montre vraiment ludique… du moins tant que le sol n’est pas trop chaotique. Eh oui, sans surprise, comme en montée, il réclame pas mal d’attention dans les portions rapides et sinueuses.

A ce niveau, si on a salué la qualité du train roulant, il nous faut ici signaler que nous avons trouvé le poste de pilotage Race Face en 35mm particulièrement dur et pas vraiment adapté sur cette machine. Un de nos testeurs a monté son ensemble cintre/potence 31,8mm habituel et plutôt tolérant sur ce vélo, avec bonheur car cela a rendu selon lui le vélo sensiblement plus plaisant et tolérant de l’avant. Par contre, la RockShox SID SL ne souffre aucune critique et elle est particulièrement adaptée à un semi-rigide comme ici.

En descente, la tige de selle télescopique nous a un peu manqué dans les forts pourcentages, mais on sent assez vite que l’ADN du vélo n’est pas tellement dans les reliefs très marqués. Soyons de bon compte : il ne met pas le pilote mal à l’aise dans les drops ou les descentes engagées, mais il ne permet pas non plus de se surpasser et d’avoir envie d’aller sans cesse plus vite. En cela, il reste un hardtail assez classique, et son look plutôt sans folie colle assez bien avec son caractère sur les trails. On peut aussi regretter que, en l’absence de tige de selle télescopique, la tige de selle carbone montée de série n’apporte pas vraiment de filtration des vibrations, malgré une conception « double épaisseur » qui, sur papier, aurait pu laisser présager une certaine capacité de déformation.

Verdict

Avec ce ZHT-5, Cervélo arrive dans le monde du VTT avec une première machine qu’on imagine vraiment plus s’épanouir dans des régions au relief moyen ou sur des marathons roulants – où son poids plume fera merveille –  que sur des parcours de coupe du monde ou des terrains techniques. Tout en étant bien dans son époque côté poids et rendement/comportement dynamique, il ne se montre pas aussi avant-gardiste que ce qu’on aurait pu espérer de la part d’une marque au pédigrée tel que Cervélo. Ce ZHT-5 est un bon vélo, mais au vu de ce que Cervélo sort sur la route ou en cyclocross, on se dit qu’ils devraient être capables de nous proposer des choses encore un cran au-dessus dans un avenir proche. Allez les gars, on compte sur vous, surprenez-nous, bousculez-nous !

Plus d’infos : www.cervelo.com

ParAdrien Protano