Interview | Milan Vader (Jumbo-Visma) : prêt pour un nouveau départ !

Par Jeffry Goethals -

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Interview | Milan Vader (Jumbo-Visma) : prêt pour un nouveau départ !

Au printemps dernier, nous apprenions la terrible nouvelle de la lourde chute de Milan Vader lors du Tour du Pays Basque. Le jeune Néerlandais venait de faire son entrée au sein de la célèbre équipe Jumbo-Visma et effectuait ses premiers pas en tant que coureur professionnel sur route. Le constat était particulièrement grave, à tel point que l’on craignait qu’une vie quotidienne ordinaire ne soit plus possible, et encore moins celle d’un d’athlète de haut niveau. Six mois plus tard, la situation s’est nettement améliorée. Lors du Roc d’Azur, nous avons longuement discuté avec Milan, qui affichait une sérénité et une confiance olympienne. Pour Vojo, il revient sur sa chute et le rétablissement exceptionnellement rapide qui s’en est suivi, il nous présente ses plans pour l’avenir et son nouveau Cervélo ZHT-5 : 

 

Vojo : Milan, commençons par la question la plus importante : comment te sens-tu aujourd’hui ?

Milan : Bien ! Je reviens tout juste de la course « CRO » en Croatie. C’est un petit tour sur la route de six jours. Je m’attendais à avoir des problèmes après trois jours, mais finalement j’ai pu terminer la course complète, ce qui est une très bonne chose.

Vojo : Nous avons évidemment appris la terrible nouvelle de ta chute lors du Tour du Pays Basque au printemps. Peux-tu revenir sur cet événement indéniablement marquant ?

Milan : Cela peut paraître étrange, mais depuis le jour de l’accident et pour les deux semaines qui ont suivi, je ne me souviens de rien. Même les jours précédents sont flous et tout est question de témoignages : ce sont mes coéquipiers qui ont dû m’expliquer comment je suis tombé. J’ai touché le sol avec ma pédale et mon vélo a rebondi sur le côté. Dans 9 cas sur 10, c’est possible de rattraper le coup, mais là j’ai perdu le contrôle de mon guidon. J’ai eu la malchance de voler au-dessus d’une glissière de sécurité, derrière laquelle il y avait un ravin. Sinon, je n’aurais probablement eu que quelques égratignures, ou au pire une clavicule cassée.

Pendant les deux semaines passées à l’hôpital de Bilbao, où j’ai été maintenu dans un coma artificiel, mes parents, ma famille et mes amis ont été au plus proche de moi. Cette période a également été très dure et difficile pour eux, car la situation n’était pas des plus réjouissantes.


Milan : Au total je m’étais cassé 11 vertèbres, heureusement au niveau des protubérances et sans lésions des nerfs. Certaines côtes étaient cassées, mon omoplate était en grande partie brisée et j’ai également eu deux pneumothorax. Mais le plus grave, c’était le dommage aux artères principales de mon cerveau, qui a été privé d’oxygène pendant un petit moment. Les médecins ont dû réparer une de ces artères à l’aide d’un dispositif d’endoprothèse et, pour que mon corps puisse se rétablir de manière optimale, ils m’ont maintenu dans le coma.

Je me souviens encore du moment où mon père et mon frère étaient chacun assis d’un côté du lit et où mon père a demandé à serrer ma main gauche, puis mon frère a espéré que je puisse serrer sa main aussi. C’était un moment exceptionnellement émouvant.

À ce stade, mon côté droit était paralysé à cause de cette privation d’oxygène, et les médecins ne pouvaient pas dire s’il allait se rétablir complètement. Pendant cette période à Bilbao, j’ai eu des fragments de conscience, mais aussi de longues absences. Je me souviens encore du moment où mon père et mon frère étaient chacun assis d’un côté du lit et où mon père a demandé à serrer ma main gauche, puis mon frère a espéré que je puisse serrer sa main aussi. C’était un moment exceptionnellement émouvant.

Milan: Dès que je me suis véritablement réveillé, j’ai compris à quel point ma chute avait été grave. Par nécessité, je me suis concentré sur mon rétablissement et j’ai complètement cessé de penser à ma carrière cycliste. L’équipe m’a aussi pleinement soutenu dans cette démarche et ne m’a mis aucune pression. La première étape était de pouvoir se tenir debout. J’avais déjà eu plusieurs jours de physio, et je m’étais reposé pendant tout le week-end pour être capable de faire ma première marche.

Le simple fait de m’asseoir en position verticale au bord du lit faisant déjà monter mon rythme cardiaque à 125 battements par minute. Par la suite, j’ai réussi à me tenir sur mes deux pieds pendant 30 secondes. De la sueur a coulé dans mon dos… J’ai été au repos pour le reste de la journée. Mais les médecins ont vu que mon rétablissement était exceptionnellement rapide et j’ai vite été transféré à l’hôpital de Rotterdam, où j’ai poursuivi ma rééducation.

J’ai vraiment dû tout réapprendre : par exemple, il m’a fallu 27 tentatives pour entrer le code PIN de mon téléphone portable, et porter de la nourriture à ma bouche avec une fourchette a été un échec total à plusieurs reprises. Aujourd’hui, je suis presque totalement rétabli, et je parviens à rire en repensant à ces moments !


Vojo : Quand es-tu remonté sur un vélo pour la première fois ?

Milan : C’était assez rapide ! À Rotterdam, ils m’avaient installé un vélo d’appartement dès la première semaine. Je l’ai réglé comme d’habitude à 170 watts, la résistance à laquelle je fais normalement tourner un peu mes jambes sans devoir faire d’effort, mais je n’ai même pas réussi à faire bouger les pédales. 150, 100, 50, … J’ai dû descendre à 35 watts pour pouvoir rouler tranquillement pendant 5 minutes.

Vojo : T’es-tu surpris à penser à ta vie d’athlète élite à ce moment-là ? Est-ce qu’un espoir de retour au cyclisme t’a traversé l’esprit ?

Milan: La perspective de réintégrer le cyclisme professionnel est venue en même temps que la permission de refaire du vélo à l’extérieur. En raison de l’endoprothèse dans mon artère, je devais prendre des anticoagulants puissants, et le risque d’hémorragie interne potentiellement mortelle à la suite d’une chute était trop élevé. Progressivement, nous avons pu réduire la dose au point d’éliminer ce risque. Cependant, je dois encore prendre une petite dose d’anticoagulants en permanence. Finalement, le retrait de l’endoprothèse a été exclu.

L’équipe m’a également toujours accompagné : d’abord dans mon rétablissement en tant que personne et ensuite lorsque j’ai indiqué que je souhaitais parler de mon avenir en tant que coureur.

Milan: L’équipe m’a également toujours accompagné : d’abord dans mon rétablissement en tant que personne et ensuite lorsque j’ai indiqué que je souhaitais parler de mon avenir en tant que coureur. Il se sont montrés prêts à m’aider, à mon propre rythme et sans aucune pression. Ici sur le Roc, je ne participe à aucune course pour récupérer suffisamment des efforts fournis en Croatie et c’est de ma propre initiative que je suis venu pour faire plaisir aux sponsors de l’équipe, dont Cervélo qui lance ici le VTT que j’aurais déjà dû rouler sur quelques courses lors de la saison 2022.

Vojo : Jumbo-Visma est connu pour son attitude professionnelle et méthodique. Comment le ressens-tu de ton côté ?

Milan: Si je suis passé chez Jumbo-Visma, c’est pour continuer à me développer en tant qu’athlète de haut niveau. Il y avait d’autres options, qui étaient au moins aussi intéressantes financièrement, mais la vision à long terme et leur approche m’ont fait choisir la « formation noire et jaune ». Ce qui est très différent d’avant, c’est que je dois m’occuper de beaucoup moins de questions secondaires et que je peux me concentrer pleinement sur mon entraînement et mes performances. On me propose de nombreuses possibilités pour m’améliorer, mais c’est moi qui choisis en fin de compte ce que je vais faire. Donc tout est pris en charge pour moi et je peux me présenter au départ dans les meilleures conditions.

Vojo : A quoi ressemblait le plan pour 2022 ? L’accent était-il entièrement mis sur la route ou le VTT avait-t-il une place importante ?

Milan: Le VTT n’allait certainement pas passer au second plan. En réalité, le programme consistait à travailler par périodes et à ne pas sauter d’un sport à l’autre. J’allais donc finir le printemps sur la route, puis passer un solide été en VTT et revenir à la route à l’automne. C’est un peu étrange à dire, mais au moment de la chute, je roulais mieux que jamais. La Flèche Wallonne et Liège-Bastogne-Liège étaient encore au programme puis je repassais au VTT.

Vojo : Le plan a-t-il changé maintenant ? As-tu prévu de moins rouler sur la route et plus favoriser le VTT ?

Milan: Non, pas du tout, le plan a été mis en attente pendant un certain temps et l’intention est de l’aborder de la même manière la saison prochaine. Sauf que les Jeux Olympiques de Paris 2024 pourraient bien devenir un défi …

La raison pour laquelle la sélection pour les JO de Paris sera difficile est que Mathieu (Van Der Poel) et moi n’avons pas marqué de points en VTT l’année dernière et que les Pays-Bas sont tombés à la 33e place du classement mondial, ce qui signifie qu’ils ne sont pas autorisés à envoyer de vététistes aux Jeux.

Vojo : Pourquoi es-tu bloqué dans du conditionnel à l’heure actuelle ? Souffres-tu encore de tes blessures ?

Milan: Pour l’instant, je ne suis qu’un coureur qui a besoin de continuer à améliorer sa condition physique, de passer un bon hiver et de retrouver sa pleine forme. Par contre, je ne suis plus gêné par les blessures que j’ai connues. Mais la raison pour laquelle Paris sera difficile est que Mathieu (Van Der Poel) et moi n’avons pas marqué de points en VTT l’année dernière et que les Pays-Bas sont tombés à la 33e place du classement mondial, ce qui signifie qu’ils ne sont pas autorisés à envoyer de vététistes aux Jeux. Mais de toute façon, je serai prêt au début de la saison de VTT et, parallèlement, je veux encore voir ce que je peux faire en tant que coureur sur la route. Comme je n’ai pas de souvenirs de ma chute, je n’ai aucune crainte.

Bike Check: Le Cervélo ZHT-5 de Milan Vader


Vojo: Cervélo vient de lancer son nouveau hardtail, le ZHT-5. Puisque ton vélo personnel est exposé ici sur le salon du Roc d’Azur, peux-tu nous en dire quelques mots ?

Milan: En tant que tel, à part la couleur, mon vélo diffère assez peu du modèle de série. Cervélo a lancé un cadre hardtail léger et moderne et, pour ma part, je pense rouler de manière assez standard. Je suis assis assez en avant par rapport au pédalier et j’ai donc une potence relativement longue (90 mm). Il est aussi possible que je m’assoie un peu plus bas l’année prochaine.

Milan: En termes de cintre, je roule en 720mm de large (un peu plus étroit que la version de série) et j’ai une préférence pour les poignées fines. À l’entraînement je roule toujours sans gants, alors que j’en porte systématiquement pendant les courses. Cela n’a rien à voir avec le grip ou la sécurité, mais plutôt avec l’état d’esprit que j’y attache.

Milan: Actuellement, mon vélo est équipé de pneus Vittoria Barzo, mais je roule toujours en Mezcal 2.25 sur les courses. En ce qui concerne la pression des pneus, je suis généralement autour de 1,3 bar.

Milan: On peut aussi voir un plateau relativement petit (34T) et une cassette 10-45, mais je roule habituellement en course avec un 36T ou 38T et une cassette 10-51. Le capteur de puissance Stages sur le pédalier est également essentiel pour tous mes entraînements et l’analyse des résultats de courses.

Milan: La seule chose plutôt unique à propos de mon vélo est que j’utilise des pédales Shimano XTR avec des axes plus courts, pour que mon Q-Factor soit plus proche de celui de mon vélo de route. Ainsi, je n’ai besoin d’aucun réglage ou presque lorsque je passe d’un vélo à l’autre.

Milan: Sinon, le vélo est équipé d’une fourche Fox 34 Step Cast en 110mm de débattement et pour la plupart des manches de coupes du monde une tige de selle télescopique sera également montée. Je trouve que les roues Reserve sont excellentes, solides et légères.



Vojo: Les circuits actuels des manches de coupe du monde nécessitent plus qu’un simple hardtail, et il nous semble que ton équipe et toi ne vous présenterez pas sur la ligne de départ à moitié préparés. Peut-on donc espérer un tout-suspendu chez Cervélo ?

Milan: Tout était prêt pour des résultats de haut niveau cette saison et il en est de même pour la saison 2023 (confie Milan avec un sourire).

Vojo:  Merci beaucoup Milan pour cette interview. Nous sommes heureux d’apprendre que tout va bien à nouveau et nous attendons avec impatience ton retour au plus haut niveau lors de la Coupe du monde XCO à Valkenburg en mai 2023 !

Pour plus d’informations sur le Cervélo ZHT-5, c’est juste ici ! On vous rappelle que le calendrier de la Coupe du monde XCO 2023 peut être consulté ici.

ParJeffry Goethals