Test | Canyon Spectral CF 8 CLLCTV : un (très) bon élève un peu dissipé

Par Léo Kervran -

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Test | Canyon Spectral CF 8 CLLCTV : un (très) bon élève un peu dissipé

Canyon se dévergonde ! Si la qualité des vélos de la marque allemande n’a cessé de progresser depuis ses débuts et qu’elle peut désormais regarder les acteurs historiques droits dans les yeux, ses machines sont plus souvent associées à l’idée de sérieux et de facilité de prise en main que de fun et de sensations fortes. Toutefois, les choses pourraient bien changer avec des modèles comme ce Spectral CF 8 CLLCTV : format mulet, amortisseur à ressort et finition toute particulière… Nous l’avons testé :

Le Spectral est apparu en 2014 dans la gamme Canyon (présentation officielle sur l’Eurobike 2013), ce qui fait de lui un des VTT les plus récents de la marque. Il ne lui a toutefois pas fallu longtemps pour s’imposer comme un best-seller, aussi bien chez Canyon que sur le marché en général. Accessible, polyvalent avec son débattement de 140 mm derrière et 140 ou 150 mm devant, il comblait un manque dans la gamme du spécialiste allemand de la VPC et c’est sans surprise qu’il a très vite séduit un grand nombre de pratiquants.

Depuis, des années ont passé et la concurrence s’est renforcée sur ce segment, mais le Spectral n’a pas beaucoup perdu de son aura. Fin 2020, on a cru à la disparition des versions 27,5″ avec la présentation d’une plateforme complètement remaniée en 29″ mais cela n’a duré qu’un temps car les « petites roues » ont fait leur retour dans la gamme dès octobre 2021 (lire Nouveauté | Canyon Spectral : la famille s’agrandit). Un renouvellement en deux temps, en quelque sorte, et accompagné d’une petite surprise…

Oui, c’est de ce Spectral CF 8 CLLCTV qu’on parle ! On le sait, le format « mulet » (roue de 29″ devant et de 27,5″ derrière) est en vogue depuis 2 ans mais on ne pensait pas forcément le voir chez Canyon aussi vite, bien que le marque n’ait pas été avare en innovations techniques et bonnes idées depuis ses débuts.

Pourquoi un mulet ? Et pourquoi pas ? Doté d’un amortisseur à ressort hélicoïdal et d’une décoration un peu spéciale, ce modèle se veut moins sérieux que les autres Spectral, une espèce de jouet polyvalent, avec un peu moins de débattement qu’un gros enduro car tout le monde n’a pas besoin de 170 mm.

Son nom fait écho au Canyon CLLCTV (« Canyon Collective »), la communauté créée par Canyon pour réunir ses athlètes VTT (principalement en enduro, freeride / slopestyle et DH) et les pratiquants. Une manière de se différencier un peu du reste de la gamme, et de s’identifier aux pilotes qui nous font rêver. Ah, le marketing…

Châssis

Un triangle avant de 29″, un triangle arrière de 27,5″ et voilà, vous avez un mulet ! Trop simple pour être vrai ? C’est pourtant la recette un peu « Dr Frankenstein » qu’a appliquée Canyon pour ce Spectral CF 8 CLLCTV, la marque n’a pas « pensé » le vélo comme un mulet dès le début de la conception. Une façon de faire un nouveau vélo à peu de frais, il faut bien l’admettre, mais on espère que son issue sera plus favorable que celle du roman de Mary Shelley.

On jugera de ça sur le terrain mais en attendant, c’est un sans-faute sur la construction et la finition. Entièrement en carbone à l’exception de la petite biellette (en aluminium), le cadre est recouvert d’une jolie peinture matte bi-ton, blanc et gris clair, baptisée Funkturm Grey. C’est classe sans en faire trop et pour éviter de tomber dans l’austère, elle est rehaussée par de petits détails festifs de couleur… violette, qui s’intègrent parfaitement au nuancier. On signalera également les entrées de gaines dans le cadre très propres et robustes.

Un beau vélo c’est une chose mais s’il est facile à entretenir, c’est encore mieux. A ce titre, le Spectral CF 8 CLCCTV profite de passages internes guidés, d’inserts filetés remplaçables pour tous les pivots de la suspension (en aluminium car le cadre est en carbone, on aurait aimé de l’acier pour une solidité encore meilleure mais c’est réservé aux cadres en alu) et toutes les têtes de vis de la suspension sont situées du même côté, opposé à la transmission, pour un accès aisé. De plus, seules deux tailles de clé sont nécessaires pour vérifier ces vis, 5 et 6 mm hexagonales.

Les protections sont elles aussi au niveau, avec un jeu de de direction à butées intégrées pour éviter d’endommager le tube diagonal et de généreux empiècements en caoutchouc sur le triangle arrière pour le protéger des assauts de la chaîne. Seul petit manque, un rabat par-dessus la jonction entre les bases et le triangle avant : l’espace y est juste suffisant pour permettre aux projections (boue, terre mais aussi gravillons voire petits cailloux) de s’y glisser et de potentiellement abîmer la finition avec les mouvements de la suspension.

Enfin, on retrouve le bien pratique axe Quixle pour la roue arrière, avec son levier escamotable. Attention toutefois à ne pas trop le serrer, on a moins de bras de levier avec ce système qu’avec une clé et un serrage trop important pourrait poser problème au moment d’enlever la roue…

Suspension

Depuis sa naissance, le Spectral a un peu grandi et affiche désormais 150 mm de débattement à l’arrière pour 160 mm à l’avant. L’architecture de suspension a elle aussi évolué, le 4 bar linkage des débuts a été conservé mais en 2019, l’amortisseur a pivoté pour se placer en position horizontale, ancré sur le tube diagonal.

Nouvelle plateforme en bleu, ancienne en noir.

Le dernier renouvellement, étalé entre décembre 2020 (pour le 29″) et octobre 2021 (27,5″ et mulet) a permis a Canyon d’affiner encore cette suspension. Si la forme générale a été conservée, les positions des différents points de pivots ont été revues. Objectif : offrir un comportement un peu plus progressif (on passe de 25,5 % à 29,5 % de progressivité), plus de support sur les deux premiers tiers du débattement (utile pour le pédalage, le dynamisme…) et une fin de course moins bridée.

Sur ce Spectral CF 8 CLLCTV, c’est Fox qui s’occupe de gérer tout ça avec un DHX et une 36 Performance Elite, en cartouche Grip2. Précision utile, Canyon fournit à l’achat du vélo 3 ressorts de dureté différente : un 400 lbs/inch (livre/pouce, unité du système impérial) est monté d’origine sur le vélo mais un 350 lbs/inch et un 450 lbs/inch sont également dans le carton pour ajuster le sag si besoin. C’est l’un des inconvénients des amortisseurs à ressort hélicoïdal, le réglage de base est un peu moins facile.

Géométrie

Bien que le rôle de l’enduro chez Canyon soit normalement dévolu au Strive, la géométrie du Spectral tend sérieusement vers le segment par certains côtés, comme en témoigne l’angle de direction et ses 64°. Le reach affiche lui 456 mm en taille M ou 481 mm en taille L et il est couplé à des bases de 432 mm. C’est assez court mais ça le serait vraiment pour du 29″, pour du 27,5″ ce n’est pas détonnant et il est possible de faire encore moins (sans que ce soit forcément une bonne idée). Aucune adaptation à la taille, ce sont les mêmes bases du S au XL.

Pour ce qui est du pédalage, Canyon indique un angle de selle de 76°. On a vu plus droit, surtout en enduro où les vélos dépassent de plus en plus souvent les 77°, mais ce que le Spectral perd dans les montées raides, il le récupère sur le plat et les pentes faibles, où la position sera plus naturelle.

Enfin, on bénéficie d’un flipchip au niveau de la jonction entre l’amortisseur et les haubans. De la position Low décrite ci-dessus, il permet en passant en mode High de redresser les angles de 0,5° et de remonter le boîtier de pédalier de 8 mm. Cependant, Canyon précise avoir développé le vélo autour de la position basse (LO/Low), présentée comme “la configuration idéale pour prendre des virages sur un rail et offrir une capacité d’adaptation à tous les types de sentiers. Le mode HI [High] est là pour les pilotes qui veulent un peu plus de liberté de pédalage dans les montées techniques.”

Equipements

Le rapport prix / équipement a toujours été un point fort des vélos Canyon et la marque frappe à nouveau un grand coup avec ce Spectral CF 8 CLLCTV. Disposer d’un cadre carbone, d’une fourche haut de gamme et d’un amortisseur correct pour 3 999 € ce n’est déjà pas très courant, mais cela apparaît encore plus comme une prouesse quand on regarde la suite de la fiche technique.

La transmission est un mélange de différentes gammes Shimano, avec du Deore XT pour le dérailleur et la manette, du SLX pour le pédalier (en 32 dents) et du Deore pour la chaîne. On reste sur Shimano pour les freins, des Deore XT 4 pistons en disques de 203 mm devant et derrière.

Pour les roues, on trouve un montage à partir de jantes DT Swiss EX511, à crochets et de 30 mm de largeur interne. A 570 g l’unité ce ne sont pas les plus légères ni les plus modernes par leur conception, mais c’est un modèle fiable et éprouvé qui devrait résister aux pires traitements.

Des pneus Maxxis complètent le train roulant, avec un combo Assegai devant et Minion DHR II derrière. Le premier est en 2,5″, carcasse Exo (trop légère à notre goût pour ce genre de vélo) et gomme MaxxTerra tandis que le second est en 2,4″ de section, carcasse Exo+ et gomme MaxxTerra. Comme vous l’aurez constaté, nous avons assez rapidement changé le pneu arrière pour quelque chose d’un peu plus polyvalent, moins vite dépassé dans la boue.

Reste les périphériques, et mis à part une selle Ergon SM10 Enduro, toutes les pièces sont signées G5, la marque de composants de Canyon : tige de selle télescopique (en 150 mm de débattement sur notre taille M, réglable), cintre (780 mm de large et 30 mm de rise), potence (40 mm de long) et poignées.

Sur son site, Canyon avance un poids de 15,16 kg pour le vélo. Nous l’avons pesé à 15,06 kg avec le porte-bidon de la marque allemande (plus court et pensé pour permettre de monter le bidon qui y est associé dans les petits cadres) et sans pédale. Ce n’est pas un poids plume, c’est certain, mais il ne faut pas oublier que le ressort hélicoïdal alourdit nettement le montage : il faut facilement compter 200 à 300 g de plus qu’un amortisseur à air au programme équivalent.

Versions et tarifs

Le Spectral CF 8 CLLCTV est unique puisque c’est le seul mulet de la gamme. En revanche, si on inclut dans la sélection les déclinaisons 27,5″ et 29″, l’offre devient beaucoup plus fournie. Elle compte alors 8 modèles et s’étend du Spectral AL 5 en aluminium (2 499 €) au Spectral LTD AXS (7 999 €), doté des suspensions RockShox Flight Attendant.

Cinq d’entre eux peuvent être choisis en version 27,5″ ou 29″ pour les tailles S, M et L : les Spectral 5 et Spectral 6 en aluminium ainsi que les Spectral CF 7, Spectral CF 8 et Spectral CF 9 en carbone. Les tailles extrêmes n’ont pas le choix des roues : 27,5″ obligatoire pour le XS et même chose pour le XL avec le 29″.

Les modèles en aluminium n’ont pas droit au flipchip mais profitent « en échange » d’une géométrie qui représente le meilleur des deux mondes, avec l’angle de direction et la hauteur de boîtier de pédalier de la position Low mais l’angle de tube de selle de la position High. On notera enfin qu’il existe également une version Young Hero pour les plus jeunes, en 27,5″, cadre en aluminium et avec des débattements réduits de 10 mm.

Le Canyon Spectral CF 8 CLLCTV sur le terrain

Bien qu’il affiche 160 mm de débattement devant, 150 mm derrière et une géométrie agressive, le Spectral n’est (toujours) pas un enduro, en tout cas au regard des normes actuelles de la catégorie. Sur le terrain, cela se sent d’abord avec la position au pédalage : le vélo est un peu moins à l’aise dans les montées raides qu’un pur enduro, il faut plus d’efforts de la part du pilote pour garder à la fois la roue avant au sol et de l’adhérence sous le pneu arrière.

La « faute » en incombe au tube de selle incliné à 76° (au poids aussi, en partie) mais d’un autre côté, cela rend ce Spectral moins exclusif et beaucoup plus efficace qu’un véritable enduro sur les sections plates ou très roulantes. A son guidon, on ne se sent pas sur un gros vélo. On est parfaitement installé pour rouler longtemps et les sections de transition entre deux collines ou pour rejoindre le pied des trails ne sont pas un mal nécessaire, on y prend réellement du plaisir.

En descente… C’est plus compliqué et ce Spectral CF 8 CLLCTV nous a donné un peu de fil à retordre. Commençons par les bons points.

La géométrie du vélo est tout simplement excellente. Autour de 1m79-80, on est idéalement placé sur la taille M et on se retrouve avec un véritable jouet entre les mains. Le poids, dont on peut parfois se plaindre au pédalage, disparaît instantanément et le Spectral CF 8 répond à chaque petite impulsion de son pilote. Il tourne court, décolle facilement et se place exactement où l’on veut. Selon les mots d’un de nos testeurs, « il y a juste à gérer le passage de la roue avant » et le reste suit. En un mot, c’est un vélo vif.

Peut-être même un peu trop pour les sections les plus défoncées, où ce dynamisme le dessert et force à piloter sur le fil… Ou, si l’on est plus raisonnable, à lever un peu le pied pour ne pas se retrouver catapulté à la moindre erreur de pilotage. Le Spectral n’est pas un enduro, on a dit ! Heureusement, la rigidité du carbone est plutôt bien dosée et le vélo ne prend pas en traître, on sent assez facilement où se situe la limite et quand on s’en approche.

Attention, ne pensez pas que le vélo est instable de manière générale : dans la majorité des situations, le Spectral CF 8 CLLCTV encaisse très bien les chocs et il est rare qu’il vienne déséquilibrer son pilote. C’est simplement quand on le pousse à la limite, sur des sections très rapides ou des compressions un peu violentes, qu’on va sentir la différence avec un véritable vélo d’enduro, conçu pour absorber encore plus gros et plus fort.

Ce comportement tient également à la suspension. D’abord dans son ensemble, puisque son fonctionnement a été revu lors de la refonte de la plateforme (d’abord le 29″ fin 2020 puis le mulet et le 27,5″ à l’automne 2021) pour offrir plus de progressivité et de support, donc de dynamisme, que sur l’ancien Spectral.

 

Sur ce modèle en particulier, ce caractère est encore accentué par le choix d’amortisseur : un Fox DHX à ressort hélicoïdal, en l’occurrence. En effet, ce type de ressort offre plus de support à mi-course qu’un amortisseur à ressort air classique. Intéressant pour le dynamisme et le soutien général du vélo, moins si on veut précisément que le vélo se pose dans son débattement.

Toutefois, on pourrait encore s’en sortir à ce stade s’il n’y avait pas un dernier point réellement problématique : les duretés de ressort proposées par Canyon, en tout cas sur cette taille M. Votre serviteur étant plutôt du genre léger (66 kg), il a d’office monté le plus souple (350 lbs/inch) sur le vélo mais même avec cela, la suspension se montrait exigeante.

Le débattement était entièrement exploité quand c’était nécessaire mais cela manquait nettement de grip et de sensibilité sur les petits chocs. La suite de l’essai avec d’autres testeurs a confirmé ce ressenti et montré que ce n’était pas qu’une impression puisque le 350 lbs s’est révélé adapté pour des personnes autour des 80 kg.

Contactée à ce sujet, la marque nous explique par l’intermédiaire de Jack Noy, MTB Brand Manager, que « effectivement, 66 kg est un peu léger pour notre fourchette « moyenne ». 350 lbs pourrait être un peu ferme. Pour environ 65 kg, un 300 lbs devrait être parfait. Nous serions en mesure de fournir cela à un quelqu’un sur une taille M s’il en avait besoin. »

« Étant donné que nous avons cet anti-squat élevé au sag, qui diminue très rapidement à mi-course afin de tirer le meilleur parti du vélo, il faut être très précis dans le réglage du sag. Cela signifie que si vous réglez votre sag à moins de 27,5 % [comme c’est vite le cas avec un ressort trop dur] , vous roulerez avec des valeurs d’anti-squat assez élevées au point de sag et ça pourra se ressentir dans les pieds. »

Des éclaircissements bienvenus mais cela ne résout pas tout : si j’utilise déjà tout le débattement avec mes 66 kg et malgré le manque de sensibilité, je vous laisse imaginer ce que ça peut donner pour quelqu’un qui fait 15 kg de plus que moi. La sensibilité n’est plus un problème mais cette fois, c’est le manque de support du DHX qui peut se faire sentir pour les pilotes les plus pointus.

Heureusement pour lui, l’amortisseur peut s’appuyer un peu sur la courbe de suspension du Spectral (et sa progressivité accrue depuis la génération précédente) pour éviter d’aller au fond en permanence mais au final, il nous paraît compliqué de trouver le réglage idéal avec cet amortisseur sur ce vélo.

Verdict

Excellent sur les plans du rapport qualité-prix et de la géométrie, très plaisant à piloter, ce Spectral CF 8 CLLCTV est toutefois retenu par un amortisseur Fox DHX perfectible, à la fois dans son comportement intrinsèque et dans les ressorts retenus par Canyon. Si on peut comprendre ce choix au niveau de l’image d’un tel amortisseur, force est de constater qu’il n’apporte pas grand-chose sur le terrain et qu’avec un modèle à air, le vélo ne serait sûrement pas loin des 5/5 avec coup de cœur, voire prix d’excellence… Avec un peu moins de poids et un peu plus de flexibilité dans les réglages (comme sur les versions 27,5″ ou 29″), ce Spectral nouvelle génération a certainement le potentiel pour s’affirmer comme un des meilleurs vélos de sa catégorie !

Canyon Spectral CF 8 CLLCTV

3 999 €

15,06 kg(taille M, sans pédales)

  • Géométrie excellente
  • Nombreux détails bien pensés pour l'entretien
  • Belle finition
  • Rapport équipement - prix exceptionnel
  • Poids un peu élevé
  • Amortisseur pas optimisé pour le vélo

Évaluation des testeurs

  • Prix d'excellence
  • Coup de coeur
  • Rapport qualité / prix

Plus d’informations : canyon.com

ParLéo Kervran