Test | Bulls Sonic Evo AM 4 : SUV à deux roues

Par Léo Kervran -

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Test | Bulls Sonic Evo AM 4 : SUV à deux roues

Moins connue chez nous que ses compatriotes Canyon, Focus ou Haibike, Bulls est pourtant une marque qui dispose d’une très vaste gamme en VTT comme en VTTAE, souvent bien placée en termes de prix. Le secteur de l’e-bike est aujourd’hui la figure de proue de la marque allemande et à ce titre, nous avons pu tester le Sonic Evo AM 4 pendant plusieurs mois. Voici notre avis sur ce modèle en 150 mm de débattement, présenté comme polyvalent mais accessible.

Née en 1995, Bulls s’est notamment fait connaître par son implication dans le XC marathon, avec un team au sein duquel sont passés Karl Platt, 5 fois vainqueur du Cape Epic, ou encore Thomas Dietsch, septuple champion de France de la discipline et deux fois sur le podium des championnats du Monde.

Si la marque dispose toujours d’intéressants vélos « classiques », comme le polyvalent Wild Ronin que nous avions repéré à l’Eurobike l’année dernière, l’essentiel de son développement se concentre sur les VTTAE avec des projets comme Connected Bike, une application disponible sur certains modèles de la gamme et tournée vers la mobilité du futur, en regroupant des fonctionnalités de personnalisation de guidage GPS, de diagnostic et de mise à jour, de protection contre le vol ou encore d’appel d’urgence en plus des informations habituelles sur la sortie en cours.

Châssis

Comme beaucoup d’e-bikes, l’une des principales caractéristiques de cette plateforme est la taille de roues différenciée : du 27,5″ à l’arrière (en section de 2,6″) et du 29″ (section de 2,35″) à l’avant. L’objectif de ce choix est comme toujours d’apporter de la maniabilité et de la vivacité au vélo (grâce à la petite roue arrière), plus lourd et plus long qu’un vélo classique du fait de la présence du moteur et de la batterie, sans sacrifier la sécurité et les capacités en franchissement (préservées par la grande roue avant).

Notre modèle d’essai est entièrement en aluminium et affiche à ce titre des lignes un peu moins fluides que les versions plus haut de gamme à triangle avant en carbone, notamment au niveau de la massive douille de direction. Néanmoins, ce Bulls Sonic Evo AM 4 n’est pas désagréable à regarder et le tout affiche une certaine cohérence.

Si la petite couche de mousse placée sur la base droite pour la préserver des assauts de la chaîne, collée par un double face qui a rapidement fatigué, paraît bien fine, le moteur et le bas du tube diagonal sont généreusement protégés par une coque en plastique qui inspire confiance.

Point intéressant, la présence de série d’un porte-bidon aimanté Fidlock. Pratique et esthétique si on veut partir sans bidon sur le papier, le système s’est malheureusement révélé malcommode à l’usage car le support (qui accueille également le verrouillage du « couvercle » de la batterie) est placé trop haut. Il est difficile à trouver à l’aveugle et il faut donc ralentir afin de regarder ce que l’on fait pour remettre le bidon en place, d’autant plus avec le bidon de 600 mL fourni par la marque (une version en 450 mL existe également) qui est presque trop grand pour notre cadre en taille L.

On notera aussi que la petite bague qui accueille le filetage pour l’axe de roue arrière n’est pas collée ou fixée au cadre et a de ce fait une fâcheuse tendance à tomber dès qu’on enlève la roue arrière (pour mettre le vélo dans un véhicule, pour de l’entretien…). Rien de bien grave, elle se remet très rapidement en place et on peut toujours mettre un point de colle soi-même, mais c’est tout de même un peu agaçant, d’autant que c’est quelque chose qui pourrait facilement être résolu sur les lignes de production lors du montage du vélo.

Assistance

Plusieurs fabricants de systèmes d’assistance se partagent l’offre de VAE Bulls (Bosch, Brose, Sachs et Shimano), mais pour toute la famille Sonic, forte de 24 modèles du semi-rigide au tout-suspendu de 180 mm, la marque allemande a fait confiance à Bosch. On retrouve donc le bien connu Performance CX, doté de la toute dernière mise à jour qui porte le couple à 85 Nm et ajoute quelques nouvelles fonctionnalités (lire notre article sur le sujet).

En configuration « standard », le Bulls Sonic est associé à une batterie intégré d’une capacité de 500 Wh, mais Bulls permet d’opter pour une 400 Wh, si on souhaite gagner un peu de poids en sacrifiant un peu d’autonomie (et économiser 200 €). On peut également faire le chemin inverse (comme pour notre modèle de test) et monter une 625 Wh, moyennant un surcoût de 200 € par rapport à la version 500 Wh. Dans tous les cas, cette batterie s’extrait de façon fort pratique par le côté gauche du tube diagonal. Ça évite de se salir les mains avec une protection recouverte de boue, comme c’est souvent le cas avec une entrée par la face inférieure du tube diagonal et cela la rend aussi bien plus simple à remettre en place.

La commande est la très simple mais fonctionnelle Bosch Purion, placée à gauche du cintre. Elle dispose de deux grands boutons pour changer de niveau d’assistance, ainsi que de deux autres plus petits pour l’assistance à la marche et allumer/éteindre le système.

Suspension

Le Sonic Evo AM adopte une architecture de type 4 bar linkage type Horst Link (voire notre lexique des cinématiques) qui lui permet de développer 150 mm de débattement, une valeur reprise à l’avant par la fourche.

Sur notre modèle de test, c’est RockShox qui s’occupe de gérer tout ça, mais les produits choisis par Bulls donnent clairement une indication quant au programme du vélo : si 150 mm de débattement est déjà un chiffre respectable qui permet d’engager un peu en descente, l’amortisseur Deluxe Select+ et la fourche 35 Gold montrent que ce débattement est surtout là pour apporter du confort et que l’enduro ou les sorties tournées vers le dénivelé négatif ne font pas vraiment partie de ses préoccupations.

Géométrie

La géométrie nous conforte dans cette interprétation puisqu’elle est relativement sage et tournée vers la facilité de prise en main. Le reach est court avec seulement 430 mm en taille M (soit 44 cm dans le tableau Bulls, S = 40 cm et XXL = 53 cm) tandis que les bases, avec 450 mm, sont de longueur moyenne pour un VTTAE et que l’angle de direction n’est pas énormément couché pour un vélo de ce débattement. À noter que sur les versions avec cadre en carbone cette géométrie est légèrement différente avec, entre autres, un reach un peu plus long qui devrait apporter un peu plus de sportivité.

Equipements

Si Bulls a fait quelques économies du côté des suspensions, ce n’est pas le cas au niveau de la transmission et des freins puisqu’on retrouve du Shimano Deore XT à presque tous les étages. Seules la cassette et la chaîne, comme souvent sur les e-bikes, sont de niveau de gamme SLX. Les freins sont ici en version 4 pistons, avec un disque de 203 mm à l’avant et 180 mm à l’arrière.

Côté train roulant, les roues DT Swiss H1900 (un modèle dédié à l’e-bike ici en 30 mm de largeur interne) accueillent des Schwalbe Nobby Nic, en 29×2.35 à l’avant et 27,5×2.6 à l’arrière et sans renfort particulier dans les deux cas. Des pneus non renforcés sur un VTT AE, voilà qui incite à garder une certaine mesure au moment de rouler le vélo…

Le poste de pilotage vient directement de Bulls, avec une potence particulièrement imposante qui s’intègre bien dans la ligne du vélo et inclut un support de lampe (fournie avec le vélo, connectée à la batterie et suffisante pour se déplacer en ville ou sur des chemins larges et sécurisés) mais qui rend toute manœuvre d’entretien ou de réglage sur le jeu de direction ou le cintre particulièrement compliquée, comme nous l’avons découvert à nos dépens.

Enfin, la tige de selle est une Limotec DP07 d’après la fiche technique, un modèle inconnu qui offre sur notre vélo en taille L 150 mm de course (elle varie selon la taille du vélo) ainsi que 25 mm de déport. Attention, la longueur totale de cette tige de selle est particulièrement importante et il se peut que la selle soit trop haute pour vous, même avec le fourreau rentré au maximum dans le cadre si vous êtes vers la limite basse d’une taille.

Versions et tarifs

La famille Bulls Sonic Evo AM compte 6 modèles : 3 en aluminium et 3 en carbone, tous en 27,5/29. Avec son tarif de 4 399 € en batterie 400 Wh, notre Sonic Evo AM 4 représente le haut de gamme de l’offre aluminium qui s’ouvre sur le Sonic Evo AM 1, à 3 499 €.

En carbone, les prix sont logiquement plus élevés et le ticket d’entrée se situe à 3 999 € pour le Sonic Evo AM 3 Carbon. Il faudra compter jusqu’à 6 999 € pour s’offrir le Sonic Evo AM 6 Carbon, le modèle le plus haut de gamme de toute la famille avec ses suspensions RockShox Lyrik Ultimate / SuperDeluxe Select+, ses freins Magura MT7 et son dérailleur Sram XX1 AXS (mais une cassette… SX Eagle).

Le Bulls Sonic Evo AM 4 sur le terrain

Avant d’entrer dans le test terrain proprement dit, une précision : Veloland, le distributeur de Bulls pour la France, nous a signalé que le Bulls Sonic Evo AM 4 tel que nous l’avons testé n’existera plus en 2021. La plateforme reste au catalogue mais la gamme est revue, avec de nouvelles versions (les modèles en aluminium disparaissent, notamment) et des équipements potentiellement différents de ceux qui équipaient notre modèle de test.

Après un détour par l’atelier pour monter des pneus un minimum renforcés afin de partir l’esprit plus tranquille qu’avec la monte d’origine, les premières sensations au guidon de ce Bulls confirment nos hypothèses quant à la facilité de prise en main : on est bien installé sur le vélo, le dos relativement droit et tout tombe naturellement sous la main. Sur des chemins roulants et des sentiers accessibles, ce Sonic Evo AM 4 est confortable et grâce à son poids bien présent, il reste sécurisant lorsqu’on prend un peu de vitesse.

C’est en revanche plus compliqué lorsqu’on s’aventure sur des terrains plus techniques et surtout plus raides, car ce vélo a un défaut majeur : il cabre très facilement. Pas de souci tant qu’on grimpe sur route ou sur piste, mais lorsqu’on bascule sur des traces plus étroites et plus joueuses, le Bulls peut devenir très difficile à gérer. Une sensation renforcée par l’Extended Boost, ce petit « coup de pouce » ajouté par Bosch sur la dernière mise à jour de son système Performance CX.

Le principe est simple : lorsqu’on est en mode e-MTB ou Turbo et que le système détecte une rupture nette dans le pédalage, le moteur continue de pousser pendant quelques dixièmes de secondes après l’arrêt du pédalage pour (dans l’idée) aider le pilote dans les passages techniques, par exemple pour conserver un peu de vitesse sur un franchissement sans donner d’à-coups en pédalant.

Le problème ici, c’est que lorsque le vélo commence à cabrer on est généralement sur le mode e-MTB (en Tour, c’est plus facilement contrôlable) à cause de la pente ou de l’inégalité du terrain. Au moment où l’avant commence à lever, le réflexe est d’arrêter de pédaler pour reprendre le contrôle mais avec l’Extended Boost, le moteur continue à pousser ! Ça ne dure pas longtemps mais c’est bien souvent suffisant pour faire perdre au pilote tout contrôle de sa monture et l’obliger à mettre pied à terre. De là, impossible de repartir et il faut pousser le vélo jusqu’au retour d’un terrain plus favorable.

La cause de ce phénomène, on la retrouve dans la géométrie : avec ses 74°, l’angle de selle n’est pas franchement droit tandis que les bases ne sont pas spécialement longues pour un e-bike (450 mm). Le poids est donc naturellement porté sur la roue arrière et quand on ajoute à cela la tige de selle avec déport de notre modèle de test et un avant assez haut avec cette potence si particulière (d’un point de vue géométrie, le cadre est dans la moyenne), on comprend vite pourquoi ce Sonic Evo AM cabre si facilement.

Dommage car à côté de cela, le vélo reste sain même dans les descente techniques, tant qu’on ne prend pas trop de vitesse. Le poids est présent et ne se fait pas aussi bien oublier que sur d’autres modèles mais couplé à la suspension souple et linéaire, il colle la machine au sol, ce qui rend l’ensemble sécurisant.

Dans le même temps, la roue arrière en 27,5″ se place sans effort dans les virages et permet même, si le terrain s’y prête, de jouer un peu avec les appuis. Lorsque la pente se fait plus raide, elle facilite la gestion de sa position et le vélo reste encore une fois sain, sans réactions nerveuses ou sensation d’instabilité malgré l’angle de direction peu couché vu le débattement. C’est seulement dans le rapide et défoncé que la machine affiche des limites plus marquées, avec une roue avant qui tient sa ligne mais une roue arrière qui part vite en travers.

Pour terminer, un point sur les équipements de notre modèle de test. On l’a dit, les pneus d’origine nous paraissent complètement inadaptés pour de l’e-bike sportif et/ou en terrain cassant, la faute à une carcasse bien trop fine et souple, et sont à changer d’emblée. En dehors de cela, le dessin des Schwalbe Nobby Nic colle bien au profil polyvalent du vélo.

En revanche, nous avons apprécié à sa juste valeur le choix de freins Shimano XT 4 pistons, des modèles haut de gamme pas très courants à ce tarif. Encore plus que sur un vélo classique, les freins sont un composant essentiel d’un VTTAE et la présence d’un modèle reconnu pour sa puissance et son endurance est à saluer.

Nous avons été plus déçus par la fourche. La RockShox 35 ne nous avait pas laissé un grand souvenir sur les rares vélos où nous l’avions rencontrée avant cet essai plus poussé et rien n’a changé : d’une part, elle fonctionne de manière assez sèche, ce qui rend toute lecture du terrain difficile lorsque le sentier est technique, et d’autre part, elle ne permet pas de concilier support et sensibilité (comme la plupart des fourches de ce niveau de gamme). Sa simplicité de conception fait qu’on peut espérer une bonne fiabilité, mais il ne faudra pas attendre d’elle de grandes performances à la descente.

Enfin, nos dernières sorties avec le vélo en début d’automne ont soulevé un dernier souci : avec ses nombreuses aérations, le carter de protection du moteur stocke facilement la boue. Cette dernière s’entasse entre le moteur et le carter, un endroit difficile d’accès et difficile à nettoyer. Cela n’a entraîné aucun problème quant au fonctionnement du moteur durant notre essai, mais c’est un point à surveiller de près en cas d’utilisation régulière dans ce genre de conditions météo.

Verdict

Pour définir ce Bulls Sonic Evo AM 4, le parallèle avec un SUV s’impose assez facilement : le vélo a une certaine allure, il est pratique, bien accessoirisé et se montre très confortable sur les chemins faciles et en utilisation loisir (l’équivalent de la route goudronnée pour un SUV). Lorsqu’on passe sur des sentiers plus techniques, le vélo se débrouille encore, à tel point qu’on peut sereinement envisager des sorties où l’on monte par une route ou une piste et on descend par de vraies traces de VTT. Cependant, son caractère et certains défauts sensibles, tant côté équipement que géométrie, font qu’il n’est pas au niveau d’un vélo plus orienté performance dans ce domaine. A notre sens, le Bulls Sonic Evo AM 4 est une machine qui est surtout à recommander à des novices dans le domaine du VTTAE plus qu’à des personnes expérimentées, un vélo qui reste polyvalent (vélotaf, balade familiale et VTT) mais pas forcément dans le sens où on l’entend habituellement.

Bulls Sonic Evo AM 4

4 599 € (avec batterie 500 Wh)

24,3 kg(Taille L, sans pédales)

  • Facile à prendre en main
  • Sécurisant en descente
  • Transmission et freins de qualité
  • Détails de finition à revoir (fixation de la lampe, port de chargement de la batterie, axe arrière)
  • Fourche peu onctueuse qui oblige à choisir entre confort et support
  • Cabre facilement en montée
  • Pneus d'origine fragiles et inadaptés à du VTT AE

Évaluation des testeurs

  • Prix d'excellence
  • Coup de coeur
  • Rapport qualité / prix

Plus d’informations : bulls-bikes.com/fr

ParLéo Kervran