Rwandan Epic : plus qu’une course, l’expérience d’une vie

Par Olivier Béart -

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Rwandan Epic : plus qu’une course, l’expérience d’une vie

Le Français Maël Desrieux a réalisé un rêve de gosse en se rendant pour la première fois en Afrique à VTT à l’occasion du Rwandan Epic. Nous vous avions déjà parlé de notre extraordinaire découverte de ce pays, ainsi que de l’édition « test » de cette épreuve qui a eu lieu en 2021. Cette fois, Maël nous raconte ses aventures sur la première « vraie » édition de cette course qui, on l’espère, est appelée à se développer.

Alors comme pour ajouter à mon tour quelques éléments à la malle aux souvenirs familiale, j’ai pris le départ de 4 étapes au travers du pays aux mille collines. La 1ère édition du Rwandan Epic, voilà prétexte idéal pour assouvir mes passions et nourrir des rêves en devenir !

D’ordinaire plutôt fluide pour dépeindre l’intensité des moments vécus, j’en ai cette fois vu de toutes les couleurs pour apposer 3 mots sur 1 semaine de kiff. Syndrome de la page blanche, post aventure étincelante. Alors, pareil à un enfant qui parcourt un album souvenirs et s’arrête sur les photos qu’il juge les plus amusantes, j’ai choisi d’opposer au récit chronologique une énumération de moments marquants de ce Rwanda Epic qui m’a attiré au départ après avoir vu ces deux articles dans Vojo : Découverte | Rwandan Epic : jour de course, jour de fête en Afrique ! et Découverte | Rwanda : du VTT au pays des 1000 collines.

Préparatifs : gommette rouge

Une certitude : la destination. Mais surtout de multiples inconnues quant au chemin pour y parvenir… S’il devait exister un dénominateur commun à nombre de mes voyages, ce serait certainement celui d’une phase de préparatif délibérément bâclée. Agissement de cancre assumé, car d’expérience c’est souvent de l’imprévu que surgissent ces moments inouïs, quête ultime de l’aventurier. Une semaine avant la course donc, pas de billets d’avion, pas de co-équipier (pour une épreuve qui se déroule à deux c’est plutôt fâcheux), mais une certitude : « Le Rwanda ça va être fou. »

Lundi 04 Mars, WhatsApp de l’équipe d’organisation : « Sule Kangangi n’a plus de partenaire, il est ok pour courir avec toi ! » Let’s gooooooo !

Dans son message, Simon, un des organisateurs, avait précisé que Sule est l’un des meilleurs VTTiste du continent. Néanmoins j’ai pour habitude de me méfier de l’usage facile des superlatifs. Et mis à part 3 messages échangés à la hâte, je n’en savais pas beaucoup plus sur celui qui allait m’accompagner pour une dizaine d’heures de compétition.

Histoire/géographie : gommette orange

J’ignorais également beaucoup du pays que je m’apprêtais à découvrir. Le Rwanda un pays éblouissant à l’histoire pourtant si sombre. C’est en effet souvent une allusion au génocide des Tutsi qui surgit lorsqu’on évoque ce territoire mal connu. Pourtant, cette période aux nuances rouge sanglant s’étiole désormais face à l’omniprésence d’un vert éclatant.

Celui d’une végétation luxuriante et de l’espoir d’un renouveau. Rassurez la madré, le pays est aujourd’hui l’un des plus sûrs du monde. Les cultures de café, la population de gorilles qu’il abrite et ses volcans en sont des reflets scintillants.

Et si le vélo y est encore très largement considéré comme un outil de transport, l’équipe nationale brille à l’échelle internationale. Le pays accueillera aussi les championnats du monde de cyclisme sur route en 2025.

Travaux de groupe : rencontre entre l’élève modèle et le cancre

 

Ce n’est finalement que la veille du départ que j’ai pu rencontrer l’élève modèle. Rapidement j’ai compris qu’il réciterait sa leçon à la perfection. Car oui au Rwanda, un simple coffee ride suffit à juger de la valeur d’un homme. D’abord parce que les pentes raides sont partout, ensuite parce que le café (véritable spécialité locale) délie les langues. Sule a survolé les deux épreuves. Il s’est hissé au sommet de la plus célèbre montée de la capitale avec une facilité déconcertante. Puis il m’a conté sa noble activité : celle de détecter les futures pépites du cyclisme kenyan à travers l’organisation de courses locales, disputées sur des black mamba (les seuls vélos facilement disponibles en Afrique).

Ce n’est qu’en lui posant directement la question, interpellé par le nombre ahurissant de «Go Sulé » lancés depuis le bord de la route, que j’ai saisi la qualité du parcours de celui qui se présente comme un « okay rider ». 5 années passées dans une équipe allemande professionnelle en vélo de route, de multiples places d’honneur à l’échelle internationale et une 3ème place au classement général du tour du Rwanda en 2017. Parce que oui, en plus de ses toutes ses qualités, ce genre d’élève est souvent humble.

Sujet : Etudes de sinusoïdes sur plateau volcano-éruptique. Vous avez 10h.

Pour ce qui est du programme de l’interro proposée, force est de constater que celui-ci dépasse le cadre de l’école élémentaire. En effet, le pays aux mille collines porte bien son nom.

Et si les dénivelés totaux restent en deçà de ceux que l’on peut retrouver sur des épreuves alpines longues distances, c’est bien la sensation de pouvoir voir surgir, à tout instant, une pente aux pourcentages exubérants qui nous parcourt à lecture de l’énoncé. Sinusoïdes de hautes altitudes.

Car oui, à partir de la 2ème étape qui s’élance de Musanze, la totalité de la course s’effectue à plus de 2000m d’altitude par des températures qui avoisinent les 30 degrés à l’ombre.

Pour un européen plus habitué à la fraicheur d’une fin d’hiver, le combo élévation/haute température peut alors s’apparenter à la restitution périlleuse d’une démonstration mathématique. La clef de l’équation n’étant autre qu’une bonne gestion de l’effort et de la nutrition.

Pourtant une interro aux questions prévisibles ne fait pas vraiment sens et il faut pimenter un peu l’exercice. Cela tombe bien : il arrive que les sommets des volcans Sabyinyo et Gahinga s’amusent malicieusement à retenir les nuages et laissent échapper quelques gouttes de pluie (euphémisme). Question bonus :  qui du Kenyan ou du Français virevolte le mieux sur des roches volcaniques détrempées ?

A défaut de pouvoir trancher avec assurance la question précédente, je peux vous assurer que les tracés de ce Rwandan Epic font la part belle au pilotage. Simonei (le 2ème Simon de l’orga) est intransigeant sur ce point. Une course de VTT, même marathon, se doit d’avoir une dimension technique ! Les afficionados de singles seront comblés, les coureurs pros en vélo de route (nombreux au départ) un peu moins.

Quant aux rêveurs du fond de la salle, attention. On a vite fait de détourner le regard de sa copie, attiré par les teintes irisées des eaux du Twin Lake. Mais croyez-moi, si le Rwanda est envoutant par bien des aspects, sa terre n’a pas meilleur goût qu’ailleurs ! Parole de contemplateur exercé.

Confrontation avec le premier de la classe

Dans chaque classe, il est un étudiant au rayonnement solaire. Celui qui brille par ses qualités de discernement et qui éblouit par la qualité de son raisonnement. S’il fallait attribuer le rôle du premier de la classe au sein du peloton, aucun doute possible. Karl Platt aborderait la plus haute mention : 5 fois vainqueur de la Cape Epic. Rien que ça.

Alors bien sûr pour un élève plus lambda, il est toujours tentant de risquer la comparaison. Comme si décrocher une note supérieure ou tout du moins égaler celle du major du promo relevait d’un aboutissement.

Après avoir conclu le prologue à une surprenante et exaltante 3ème place, Sule et moi avons, à la manière de Bonnie and Clyde, décidé de tenter le casse du siècle. Deuxième étape, kilomètre 10 : à la suite d’un départ extrêmement piégeux, une gigantesque flèche jaune orientée vers la gauche indique le début des hostilités. Il est l’heure de quitter la civilisation et sa piste 4×4 pour une succession de mono-traces serpentant dans la pampa.

Rapidement on se retrouve à 3 en tête de course avec Monsieur Platt, excusez du peu. Le golgoth allemand imprime un rythme soutenu et s’envole à chaque rupture de pente. Les locaux, présents en nombre, sont en folie. L’atmosphère est survoltée, l’ambiance irréelle. Impossible de s’entendre respirer.

Sule tente pourtant de baragouiner quelques mots : « You’re good ? » Je hoche la tête. Hold up en préparation. Profitant d’une double trace, je dépasse le pilote Bulls en lui criant « Once in my life, I could say I rode in front of Karl ! ». L’intéressé éclate de rire et nous laisse prendre les commandes.

Ce jeu du chat et de la souris durera une quinzaine de kilomètre avant que la principale ascension du jour, escaladée en plein cagnard, ne nous remette les idées en place. A l’arrivée, le roi en son pays, me lâchera un « Frenchy, you made my day ! » agrémenté d’un énorme sourire. Des mots qui résonnent vrais et qui témoignent de la magie de ce sport où les légendes cohabitent avec les amateurs. Puisqu’au fond tous deux sont simplement habités par une passion commune.

Emulation de groupe et kermesse du smile !

« A l’école, on m’a demandé ce que je voulais être quand je serai grand. J’ai répondu : heureux ». A la fin de la course, j’ai à mon tour été questionner Daniel Gathof. Ce prorider allemand qui, à travers une riche carrière, a eu la chance de poser ses crampons absolument partout sur la planète. « Alors ton impression ? » « Dans le top 3 de mes souvenirs à vélo, frenchy, pour sûr ! »

Pour sûr, parce que s’il fallait une ultime métaphore scolaire, cette course s’apparenterait à la kermesse du smile. Le smile communicatif des locaux en premier temps. Celui qui nous rappelle que même en disposant de peu, on peut sourire beaucoup. Le smile passionné des coureurs ensuite. Témoignage poignant de la gratitude d’avoir pu vivre une expérience hors du temps.

Le smile rassuré des organisateurs. Confession d’une transmission de valeurs réussie.

Et le smile des enfants, enfin. Parce que c’est certainement celui auquel j’ai été le plus sensible au cours de cette aventure.

Parce que c’est aussi celui dont je suis incapable de retranscrire pleinement l’émotion. Curiosité amusante que de constater que mon rêve de gosse aura été porté par l’innocence de dizaines d’autres.

Poursuite d’études envisagée : artiste peintre.

A l’issue des 4 jours de compétition, nous décrochons avec Sule la 3ème place du classement général, remporté par Karl Platt associé au local Jean-Eric Habimana. Un résultat inespéré mais anecdotique face à l’intensité des moments vécus. De cette aventure, deux certitudes ont d’ailleurs émané.

Je reviendrai explorer le pays aux mille collines, car les possibilités semblent à l’image de son dénivelé, presque illimitées. Enfin, j’ai acquis la certitude que je devais, pour me sentir exister, continuer à voyager.

Car vous l’aurez compris, je rentre du Rwanda avec des étoiles dans les yeux et des histoires à faire craquer la malle aux souvenirs. Cela m’a clairement donné envie de continuer à explorer de nouveaux horizons au guidon de mon VTT, que ce soit en mode course ou voyage à vélo. Et j’espère pouvoir vous faire partager encore mes aventures à l’avenir !

L’édition 2022 du Rwandan Epic aura lieu du 1 au 5 novembre ! Les inscriptions sont ouvertes :

Plus d’infos : www.rwandanepic.com et www.facebook.com/rwandanepic

Photos : Rwandan Epic, par Naomi Cousins Photography, Matt Grayson Photo et Dona Ilinger

ParOlivier Béart