Prise en main | Privateer E161 : le brise-tout ?

Par Léo Kervran -

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Prise en main | Privateer E161 : le brise-tout ?

Il y a deux ans, on vous parlait de Privateer, une (très) jeune marque qui arrivait avec un programme simple : une géométrie et une suspension aux petits oignons, et des tubes standards pour le reste afin de garder des tarifs corrects. Après le trail et l’enduro, la marque anglaise s’est lancée en juin dernier dans l’e-bike avec le E161 et nous avons pu faire quelques tours de roue à son guidon. Voici nos premières impressions :

Le nom à lui seul sonne comme un manifeste : en français, on traduirait Privateer par « pilote privé », le terme qui désigne ces pilotes qui parcourent le monde pour prendre part aux coupes du monde, parfois avec d’excellents résultats, mais sans le soutien d’une équipe. Nous leur avions d’ailleurs consacré un reportage en enduro, à voir ou à revoir : Privateer | Un été d’EWS avec les pilotes privés belges.

Qu’ils courent en XC, en enduro ou en DH, un tel mode de vie implique de la débrouille et dans ce cadre, plus un vélo est simple et fiable mieux c’est. Cependant, il doit aussi être performant pour s’aligner sans rougir sur les épreuves les plus relevées de la planète. C’est dans cet esprit que Privateer est né, et après plusieurs vélos sans assistance c’est également dans cet esprit que s’inscrit le E161, le premier e-bike de la marque. Ainsi, la marque dit de ce modèle qu’il « a été conçu pour servir d’outil d’entraînement ultime aux pilotes de coupe du monde d’enduro ».

Sur l’E161, au-delà des sujets habituels de géométrie, de suspension et d’équipement, cela se traduit par une réflexion importante sur la solidité du vélo. Protection de batterie en alliage d’aluminium plutôt qu’en plastique ou en composite, plaque de protection sous le moteur taillée dans une plaque d’aluminium de 4 mm d’épaisseur, soudure généreuses… En effet, la machine a l’air robuste ! Toutefois, on verra sur le terrain que ces choix de conception ont aussi leur revers.

On note au passage que contrairement aux autres modèles de la gamme, les câbles passent en interne sur l’E161. Pour Privateer, c’est grâce au spécificités de l’e-bike : en retirant la batterie, on accède facilement aux câbles ce qui permet de faire des passages internes sur un cadre en aluminium (où des passages guidés comme sur certains cadres en carbone ajouteraient un certain poids) sans sacrifier la facilité d’entretien.

Au coeur du sujet maintenant : la géométrie. De ce côté, le E161 a tous les ingrédients d’un VTT moderne : reach long, angle de tube de selle droit et qui ne diminue pas sur les grandes tailles, angle de direction couché, format mulet (roue de 27,5″ à l’arrière et de 29″ à l’avant), bases qui varient suivant la taille… et même échelle de taille qui s’affranchit du standard S-M-L-XL !

A l’image d’autres marques comme Specialized, Privateer utilise des numéros pour référer à la taille : P1, P2, P3 et P4. L’intérêt ? « Obliger » les clients à réfléchir réellement au choix de leur taille, au lieu de prendre un E161 en M par défaut parce que leur vélo précédent était en M . Et avec un reach aussi long (470 mm en taille P2), cette approche est presque une mesure de sécurité.

Au niveau de la suspension, on est sur du classique : 4 bar linkage avec pivot sur les bases, qu’on appelle parfois « Horst-link ». En d’autres termes, la suspension arrière la plus répandue sur le marché du VTT. On retrouve comme sur le 161 d’enduro et le polyvalent 141 une biellette en aluminium forgée en une seule pièce, afin d’offrir plus de rigidité et une certaine garantie sur l’alignement des portées de roulement face à une biellette en deux pièces (ou plus) soudées.

Comme le nom de la machine l’indique, le débattement est de 161 mm à l’arrière. A l’avant, c’est 170 mm, presque un standard pour les e-bikes orientés enduro.

Côté motorisation, Privateer a opté pour le système Shimano et on trouve donc sur le vélo le dernier EP801, c’est-à-dire la version mise à jour en 2022 du EP8 présenté en 2020, couplé à une batterie Shimano de 630 Wh. Bien que certains fabricants de batteries approuvés par le géant japonais comme Darfon ou TrendPower proposent des capacités plus importantes (720 voire 900 Wh), Privateer a choisi de prendre le système au complet sans le modifier.

En jetant un oeil à la fiche technique, on se dit que les équipements ont été choisis afin d’offrir de la performance aux points importants, et des pièces fonctionnelles mais pas trop chères à remplacer en cas de casse ailleurs. Ainsi, on a du Fox en gamme Performance Elite pour les suspensions (38 à l’avant et Float X2 à l’arrière), des freins Hayes Dominion A4 et des pneus Maxxis Assegai/DHR II en carcasse DH mais une transmission Shimano Deore/SLX, les nouvelles roues Hunt E All-Mountain (Hunt fait partie de la même structure que Privateer, The Rider Firm) et une tige de selle OneUp Dropper V2.

Seul bémol, le prix : il est peut-être intéressant outre-Manche mais depuis que le Royaume-Uni est sorti de l’Union Européenne, l’exportation sur le continent ne fonctionne plus très bien : comptez 7499 € pour ce vélo, à l’équipement certes intéressant mais avec un cadre en aluminium.

Nous n’avons pu rouler ce Privateer E161 qu’une demi-journée, sur un terrain exigeant certes, mais c’est tout de même trop peu pour constituer un test en bonne et due forme. En revanche, cela fait déjà quelques premières impressions à partager.

Deux choses nous ont marqués sur ce vélo : la suspension et le poids. La première est excellente ; il est rare que des e-bikes nous séduisent par leur suspension au premier roulage mais Privateer semble avoir fait un excellent travail avec celle du E161. La sensibilité est impressionnante et le toucher bluffant mais ça ne se fait pas au détriment de la fin de course. Du premier millimètre de débattement jusqu’au dernier, la suspension arrière du vélo offre ce qu’il faut quand il le faut et on apprend vite à l’utiliser à notre avantage.

Heureusement d’ailleurs, car pour le poids, c’est tout l’inverse. Le E161 nous a paru très lourd, et il l’est probablement puisque absolument rien dans sa conception ou sa fiche technique ne tend vers l’économie de poids. Surtout, ce (sur)poids se ressent nettement sur l’arrière du vélo : on a du mal à bouger la roue arrière, et faire décoller la machine est presque impossible sans un appel digne de ce nom, ce qui n’est pas sans conséquence sur le pilotage. En une après-midi et malgré les pneus en carcasse DH, nous avons crevé deux fois de l’arrière et laissé 3 pocs sur la jante, pourtant censée être le modèle le plus solide de Hunt à ce jour.

Heureusement, donc, que la suspension brille pour offrir du grip sur les dalles et racines glissantes, sans quoi le poids aurait tôt fait de nous envoyer à terre à chaque passage un peu piégeux. On signalera aussi la très bonne position en montée, l’angle de tube de selle de 79° est clairement un plus appréciable dans le raide face aux vélos avec 2 voire 3 degrés de moins. Dommage, encore une fois, que le poids sur la roue arrière vienne compliquer les choses dans le technique. La géométrie fonctionne bien en descente également puisque contrairement au Haibike Nduro 7 sur lequel nous nous étions là aussi plaint d’un poids trop important et mal réparti, le E161 reste plaisant et facile à piloter.

Comme promis, géométrie et suspension semblent bien au rendez-vous sur ce Privateer E161. Cependant, on a eu sur cette prise en main l’impression d’être bridés par le poids de la machine et sa répartition,  comme une sensation que le vélo pourrait être encore (largement) meilleur avec ce défaut corrigé. Cependant, ce n’était qu’un premier roulage et pour se faire un avis définitif, il faudra répondre à deux questions : est-ce la même chose avec des pilotes plus lourds que les 65 kg de votre serviteur, et est-il possible d’apprendre à gérer ce poids, voire à en profiter ?

Plus d’informations : eu.privateerbikes.com

Photos Mountain Bike Connection Summer – Rupert Fowler

ParLéo Kervran