Prise en main | Giant Reign E+ : point d’équilibre

Par Léo Kervran -

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Prise en main | Giant Reign E+ : point d’équilibre

La gamme électrique Giant s’agrandit ! Jusque là, la marque disposait seulement du Trance E+ pour une vraie pratique VTT, mais ses 140 mm de débattement commençaient à faire peu au milieu de cette nouvelle vague d’e-bikes en 160-170 mm de débattement… A l’occasion du renouvellement du Reign d’enduro, Giant en a donc profité pour dévoiler ce nouveau Reign E+, plus musclé mais pas moins polyvalent. Nous avons pu le découvrir sur les sentiers du Beaufortain, voici notre premier avis.

Nous y reviendrons plus tard, mais son programme comme sa géométrie le poussent vers le dénivelé négatif avec des angles généreux et des composants sélectionnés en accord avec son profil. À tout cela s’ajoute un élément clé dans le fonctionnement d’un VTTAE, le coeur de la machine : un moteur Yamaha/Giant.

De notre côté, c’est sur le modèle très haut de gamme Reign E+ 0 Pro que nous grimpons le temps d’une journée.

La partie assistance est assurée par Yamaha, avec qui Giant collabore depuis 1998 et les premiers vélos de ville à assistance électrique. La partie « hardware », c’est-à-dire les différents composants du système, sont fournis par Yamaha même si Giant développe certaine pièce comme la roue libre du moteur, qui permet un engagement en moins d’1/5 de seconde. La partie « software » (le logiciel) est elle intégralement conçue par Giant.

La batterie a une capacité de 500 Wh et le vélo peut accepter une petite batterie supplémentaire de 250 Wh à la place du porte-bidon. Elle se recharge à 60 % en 1 heure seulement grâce à un chargeur spécifique. Ledit chargeur dispose par ailleurs d’un mode qui permet de conserver la batterie à 60 % de charge en permanence, pour la stocker sans l’user prématurément.

Contrairement aux batteries Bosch, pour ne citer qu’elles, celle du Giant Reign E+ s’enlève sans clé spécifique. Seule une petite clé Torx T25, telle qu’on en trouve sur la plupart des multi-outils, est nécessaire.

Le capot de protection reste fixé à la batterie, c’est plus simple et ça fait toujours une pièce de moins à stocker lorsqu’on démonte la batterie. Sur la partie inférieure du capot, une bavette caoutchouc vient compléter la protection. Le bout de cette bavette dépasse du capot et vient s’aimanter sur le capot du moteur, ce qui donne une très belle impression de continuité.

On retrouve un autre aimant pour maintenir le cache du port de rechargement sur le cadre. Le moteur Giant SyncDrive Pro est issu du Yamaha PW-X2, le plus sportif dans la gamme VTT du fabricant japonais. Il développe jusqu’à 80 Nm de couple.

Le capteur de vitesse est joliment intégré dans la base et dépasse très peu du cadre, ce qui le rend moins exposé aux éventuelles branches, cailloux et autres projections. L’aimant est quant à lui fixé au niveau des vis du disque.

Le petit contrôleur à gauche du cintre, très simple à utiliser, fait aussi office d’affichage grâce à des petites diodes. 5 diodes à droite du bouton on/off indiquent le niveau de batterie restant tandis que 5 autres diodes à gauche de ce bouton indiquent le mode sur lequel on se trouve (4 modes classiques + Smart Assist).

Le Smart Assist, venons-y. C’est un peu la surprise du chef de cette assistance Yamaha/Giant : un mode « automatique », qui se sert de ses 6 capteurs (pression sur les pédales, vitesse, pente…) pour ajuster au mieux la quantité d’assistance délivrée. Le principe est similaire au mode e-MTB de Bosch par exemple, mais ici Giant promet une plus grande souplesse et un fonctionnement sur toute la gamme de puissance et de couple du moteur, là où le Bosch se limite à 80 %.

Smart Assist mis à part, tous les modes sont paramétrables via l’application smartphone Giant Ride Control App. Elle peut également faire office d’ordinateur de bord, pour afficher la vitesse, enregistrer ses sorties, lier un compteur ANT+…

Côté suspension, on retrouve la cinématique Maestro à point de pivot virtuel. Elle développe ici 160 mm de débattement. A l’avant, la fourche affiche quant à elle 170 mm de débattement. Pas de doute, on est sur un vélo prêt à engager !

Si le Reign classique est passée aux roues de 29″ pour 2020, Giant est resté sur du 27,5 x 2,6 pour la version à assistance électrique. Ce sont des roues « maison », en aluminium sur les deux premiers modèles et en carbone sur la version la plus haut de gamme. Le pneu avant est un Maxxis DHF II en carcasse EXO+ tandis que le pneu arrière est un Maxxis High Roller II en carcasse DoubleDown, plus lourde mais plus solide et particulièrement adaptée en monte arrière sur un e-bike.

La géométrie est à l’image de l’équipement : tourné vers la descente. On retrouve ainsi un angle de direction couché, des bases longues (même pour un e-bike) pour la stabilité et un reach relativement long pour un VTT AE. En effet, ces derniers ont souvent tendance à avoir une position un peu plus droite que les vélos « classiques », mais point de cela chez Giant : en taille M, le Reign E+ a ainsi presque le même reach que le Reign (452 vs 455 mm). La taille L est un peu plus courte, avec 475 mm contre 493 mm sur le Reign sans assistance.

En regardant de plus près le vélo, on s’aperçoit que les passages des gaines ont été pensés en vue de faciliter l’entretien. Il n’est pas nécessaire de démonter le moteur pour accéder à la Durit de frein ou à la gaine du dérailleur arrière : elles sortent du cadre un peu plus tôt pour passer dans la biellette inférieure avant de rejoindre les bases.

La gamme Reign E+ comporte 3 modèles, tous en aluminium : le 2 Pro en transmission Sram NX/GX Eagle à 4 650 €, le 1 Pro en Shimano XT 12V à 5 550 € et le 0 Pro en Sram XO1 Eagle AXS à 7 550 €.

Le Giant Reign E+ 0 Pro sur le terrain

Notre prise en main du Giant Reign E+ s’est déroulée sur les sentiers du Beaufortain, guidé par l’équipe d’Up’N’Down. Avec du dénivelé et des singletracks techniques et joueurs à n’en plus finir, c’est l’endroit parfait pour essayer un tel vélo.

Côté Giant, c’est Fabrice Laugier, responsable marketing, et Jérémy Maréchal, ambassadeur pour la marque, qui auront la lourde tâche de nous accompagner dans ce petit paradis pour vététistes. Plus que de simples accompagnants, Fabrice et Jérémy connaissent bien la machine puisque c’est vers l’Europe que Giant s’est tourné pour la mise au point de la machine : les paramétrages moteur et choix suspensions ont été opérés sur le vieux continent et tout particulièrement avec le bureau français. Pourquoi ? Parce que c’est aujourd’hui l’Europe qui « tire » le marché du VTT électrique et c’est dans nos contrées que la pratique se développe le plus vite.

Notre version d’essai est le Reign E+ 0 Pro. Malgré son équipement au top, il affiche près de 24,3 kg sur la balance, on est donc loin des recordmen de la catégorie qui descendent facilement autour de 20 kg.

Côté équipement, difficile de reprocher quoi que ce soit à ce modèle. Les suspensions haut de gamme de chez Fox sont redoutables, au même titre que la transmission sans fil AXS qu’on découvre en ebike (et qui fonctionne bien). Les choix de composants solides sont en adéquation avec le programme et on ne peut que l’encourager, surtout à ce prix (7550€). Petit bonus sur ce modèle, le disque de diamètre 220mm à l’avant qui prend tout son sens (mais qu’on ne retrouve malheureusement pas sur le reste de la gamme). Avec une telle fiche technique, on ne se pose plus la question des composants et on se concentre sur la machine en totalité.

Malgré le poids, le Reign E+ se montre très agréable au pédalage. La géométrie similaire à un vélo d’enduro classique permet de vite trouver ses marques sur le vélo. Attention toutefois, Giant taille plutôt grand et nous en avons fait l’expérience avec nos deux testeurs. Le premier, du « haut » de ses 1m79, se retrouve souvent entre la taille M et la taille L mais ici s’installe sans hésiter sur la taille M. Pour notre second testeur de 1m83, systématiquement sur des vélos en taille L, il a fallu passer à une potence plus courte de 40mm (au lieu de 60mm) pour se sentir à l’aise.

En descente, notre premier testeur a fait le chemin inverse en échangeant la potence d’origine en 40 mm pour une version en 60 mm. On récupère alors ce qui nous manquait en stabilité lorsque la vitesse augmente, sans perdre en maniabilité dans le technique.

Vu le poids annoncé, nous nous attendions un peu à devoir lutter contre l’inertie du vélo dans les changements de cap ou les gros freinages, mais le Reign E+ nous a très agréablement surpris dans ce domaine. Le poids ne pousse pas lors des freinages et le vélo se place très facilement. C’est assez surprenant de pouvoir aussi facilement décaler la roue arrière sur un e-bike comme on le ferait avec un vélo sans assistance pour négocier les passages les plus étroits, mais c’est un atout non négligeable dans les petites épingles serrées du Beaufortain.

Lorsqu’on prend de la vitesse, les suspensions encaissent sans coup férir les différents obstacles qui se présentent. Le grip est bon, très bon et la roue arrière littéralement collée au sol à tel point que le vélo est difficile à faire décoller. Sur le Reign E+, l’efficacité est on ne peut plus au rendez-vous, quitte à perdre un peu de son comportement joueur. On s’adapte assez facilement à ce tempérament et le Giant avale le terrain sans sourciller.

À ce super grip, le Reign associe de belles facultés à grimper, même dans les sections les plus raides. Le vélo ne cabre pas et conserve une bonne adhérence. Les roues de 27,5″ sont ici un atout vis-à-vis des VTT AE en 29″ car elles permettent d’avoir un poste de pilotage plus bas, donc de charger un peu plus l’avant sans y penser.

En parlant de roues, celles en carbone de notre modèle d’essai sont très rigides. Un peu trop rigide même, dans la mesure où il faut être particulièrement précis pour tenir ses trajectoires. Ces roues pourraient avoir du sens sur un 29″ pour rigidifier un peu l’ensemble mais ici, ça ne fait que rendre le vélo plus exclusif. Une paire de roues en aluminium aurait probablement offert un peu plus de tolérance, notamment sur des sections exigeantes comme les dévers.

Cela dit, de manière générale le vélo se montre très polyvalent. Vu le débattement et la feuille de géométrie, on aurait pu craindre qu’il soit réservé à la descente et pas spécialement agréable lorsqu’il s’agit de pédaler, mais il n’en est rien. Le Reign E+ sait se faire docile et nous n’avons jamais eu l’impression de se retrouver au volant d’un camion lors des sections sur route ou chemin large. Il semblerait qu’en e-bike, on ait rarement à se plaindre d’avoir trop de débattement…

Côté assistance, le moteur Giant SyncDrive Pro est relativement silencieux et agréable à utiliser. C’est encore plus flagrant en mode Smart Assist, où le moteur se fait tout simplement oublier. Doux lorsqu’on souhaite rouler tranquillement, il accompagne l’effort sans sourciller lorsqu’on augmente le rythme. Tout cela se fait de manière très naturelle et pas du tout intrusive, contrairement au mode e-MTB de Bosch qui se montre parfois un peu plus violent.

Nous avons ainsi passé l’essentiel de notre sortie au guidon du Reign E+ sur ce mode Smart Assist. Discret mais performant, on ne se préoccupe plus de la gestion du moteur mais simplement du pilotage et c’est très bien comme ça.

Deux bémols tout de même : premièrement, la douceur et la progressivité de ce mode peuvent devenir des inconvénients lorsqu’on a besoin de puissance en permanence, comme une longue montée raide ou quand on souhaite relancer fort à chaque sortie de virage en descente. Dans ce cas, il est plus judicieux de retourner sur les modes classiques.

C’est là qu’un deuxième souci apparaît : pour passer du Smart Assist aux modes d’assistance classiques, il faut obligatoirement repasser par le mode « assistance off ». Si on se fait surprendre par un passage au détour d’un virage et qu’on souhaite aller rapidement sur le 3e mode classique (sur 4), il faut donc faire Smart Assist -> sans assistance -> mode 1 -> mode 2 -> mode 3. Un peu long et pas très naturel. On aimerait pouvoir retomber directement sur un mode intermédiaire ou le mode de notre choix en le programmant dans l’application, mais ce n’est pas possible.

On terminera avec un point sur la gamme d’accessoires Giant, qui se développe de plus en plus avec des solutions intelligentes : nos modèles d’essais étaient ainsi équipés de mèches tubeless dans le cintre (les « containers » peuvent contenir jusqu’à 6 mèches d’un côté et un maillon rapide de l’autre) et de porte-bidons avec un petit multi-outils qui se loge discrètement au-dessus des vis.

A l’issu de cette journée de test, difficile de ne pas faire le parallèle avec l’Orbea Wild FS sorti il y a quelques jours. Lorsqu’on pense à ces deux vélos, le mot « équilibre » est le premier qui nous vient en tête. Ils se distinguent en effet de la plupart de leurs concurrents par leur très bonne gestion du poids, qui permet un pilotage très naturel. C’est encore plus impressionnant sur ce Reign E+, peut-être grâce à la plus faible inertie des roues en 27,5″.On profite de la stabilité accrue sans jamais sentir le poids du vélo dans les situations critiques et, au final, c’est plus la rigidité des roues de ce modèle Reign E+ 0 Pro qui nous a donné un peu de fil à retordre. Bien sûr, il ne faut pas s’emballer et peut-être qu’un test plus longue durée révèlera des défauts que nous n’avons pas sentis lors de cette découverte, mais avec ces vélos, on se dit que les VTT AE ont peut-être atteint le point où les 29″ classiques étaient il y a quelques années : fini les vélos au comportement bizarre, la bonne recette est trouvée et s’il y aura toujours quelques détails à améliorer, c’est tout de même un grand progrès par rapport aux anciens modèles.

Plus d’informations : giant-bicycles.com

ParLéo Kervran