MTB Anatomy #6 : les secrets d’une roue

Par Theo Charrier -

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MTB Anatomy #6 : les secrets d’une roue
MTB Anatomy, le retour ! Pour ce 6e épisode de notre série qui explore en profondeur certains sujets bien précis, on a décidé de se pencher sur un domaine bien plus complexe qu’il n’en a l’air : la roue. Comment supporte-elle le poids du pilote ? Comment réagit-elle aux chocs ? Pourquoi existe-t-il différents types de rayonnages ? En animations et illustrations, on répond à toutes ces questions et bien plus encore :

Depuis le début de cette série, nous vous détaillons en long, en large et en travers le fonctionnement de différents composants : les freins, les fourches, les amortisseurs ou encore les tiges de selle télescopiques.

Arrivé à ce stade, on pourrait penser avoir fait le tour mais c’était oublier l’un des éléments les plus caractéristiques de nos machines : les roues. Au premier abord, on pourrait penser que leur fonctionnement se résume en quelques lignes. Erreur grossière… Comme vous allez pouvoir le constater, ce composant est bien plus complexe qu’il n’y paraît.

Notre objectif au travers de cet article est de montrer qu’une roue est un composant à part entière, qui vit et impacte directement nos performances. Nous avons également eu la chance d’échanger avec différents acteurs de ce marché, afin d’essayer de comprendre plus finement toute la complexité qui se cache derrière le développement d’une roue.

Une roue, qu’est-ce que c’est ?

Dans le but de bien comprendre les propos de cet article, il convient de définir certains termes. L’idée n’étant pas d’établir un dictionnaire, mais bien de préciser la définition de certaines expressions. La roue dans son ensemble est composée de trois pièces ou groupes de pièces. On retrouve le cerclage alias la jante, les rayons avec leur têtes puis le moyeu. Si chaque fabricant dispose de ses propres pièces, les termes techniques demeurent identiques.

Pour ce qui est du cerclage, ce dernier est principalement caractérisé par son diamètre et sa largeur interne. C’est d’ailleurs en fonction de cette largeur que l’on associe une certaine section de pneus.

Côté rayons, il en existe une grande variété et on trouve ainsi de nombreux termes pour les différencier. Certains auront sûrement entendu parler de rayons triple butted. Ce terme anglais fait référence à un rayon dont le diamètre varie, trois fois dans ce cas. En règle générale, le diamètre le plus faible se situe au centre du rayon. A contrario, un rayon droit aura un diamètre constant.

Attention, l’appellation rayon droit peut également faire référence à la forme de la tête de rayon, par opposition aux rayons coudés. Qui dit forme différente dit liaison avec le moyeu différente : un rayon à tête coudée ne peut pas se monter sur un moyeu prévu pour un rayon à tête droite et vice-versa.

Il convient ensuite de parler des méthodes de rayonnage. Il en existe trois principales :  les rayonnages croisés par deux, par trois et le rayonnage radial. Dans les deux premiers cas, le nom est relativement explicite puisqu’il caractérise le nombre de croisements réalisé par un rayon entre le moyeu et la jante. Dans le rayonnage radial, les rayons ne se croisent pas. Chaque méthode fait appel à une longueur de rayon bien spécifique et on aura l’occasion de discuter de l’impact de ces méthodes sur le comportement de la roue. Néanmoins, pour certains grands passionnés, rayonner une roue est devenu un art et on voit parfois passer sur des salons d’impressionnants assemblages.

Pour clore cette première partie de “mise à niveau”, parlons un peu des moyeux. Aujourd’hui, on se concentre sur ce qui est en lien avec les rayons et la jante, donc exit les histoires de diamètre et de longueur d’axe, de corps de roue libre ou la notion de degré d’engagement. Ce qui nous intéresse, ce sont les flasques. Ce terme désigne tout simplement le disque sur lequel sont fixés les rayons. On compte donc deux flasques par moyeu et on verra plus tard que le diamètre ou encore l’espace entre les flasques a une certaine importance.

A quoi ressemblent les roues présentes sur le marché ? 

Y a-t-il une réelle différence entre une paire de roues de cross-country et une paire de roues d’enduro ? C’est la question que l’on s’est posée. Pour y répondre, on a comparé une douzaine de roues haut de gamme dans chaque discipline.

D’après les données constructeurs, une paire de roues haut de gamme destinée à une pratique XC pèse en moyenne 1350 g. Les rayons, majoritairement à tête droite, sont au nombre de 24 ou 28 le plus souvent, et croisés par deux ou par trois. La jante, quant à elle, est dans la plupart des cas en carbone et sa largeur interne avoisine les 27 mm en moyenne.

Roue de XC vs roue d’enduro : qu’est-ce qui change concrètement ?

Côté enduro, la paire de roues moyenne pèse près de 500 g de plus et affiche une masse d’environ 1850 g. On constate également quelques différences au niveau des rayons, puisqu’ici, ce sont les têtes coudées et le croisement par 3 qui dominent. Leur nombre total est aussi plus important et compris entre 28 et 32. La jante est en carbone comme en XC mais sa largeur interne avoisine les 30 mm.

Concrètement, chaque discipline dispose de son propre cahier des charges. Si le poids est un paramètre important en XC, c’est la fiabilité qui sera davantage mise en avant pour l’enduro. Les fabricants doivent alors jouer de compromis afin de servir au mieux les attentes liées à chaque pratique.

Un peu d’histoire

Si de nombreuses marques vendent aujourd’hui des paires de roues complètes, au départ rares étaient les fabricants à proposer ce genre de produit, réalisé de A à Z. Vous achetiez vos rayons d’un côté, vos moyeux de l’autre, vos jantes ailleurs et il fallait ensuite relier le tout. La première paire qui a connu un réel succès est certainement la Mavic Crossmax, apparue en 1996 pour un usage XC. A l’époque, les freins à patins étaient encore d’actualité. Par la suite, l’arrivée des freins à disque hydrauliques a nécessité une certaine adaptation des moyeux.

La deuxième révolution est venue avec l’arrivée des premiers pneus tubeless au début des années 2000. Une fois de plus, Mavic fut précurseur dans le domaine avec les fameuses Crossmax UST. Si le système n’était pas parfait, tant côté pneu que côté jante, il a tout de même permis de réduire le risque de crevaison. Plus tard, NoTubes lancera le tubeless ready qui s’est ensuite imposé comme le standard. Fini les bricolages au fond du garage pour essayer de rendre étanche un pneu classique, le « tubeless ready » a officialisé l’usage de fonds de jante autocollants pour rendre la jante étanche et du latex pour boucher les pores du pneu et assurer une protection active contre les crevaisons grâce au reste de liquide toujours présent dans le pneu.

En matière d’innovation, de nombreux fabricants ont cherché au fil des années à remplacer les traditionnels rayons en acier. On se rappelle ainsi des rayons en titane mais, s’ils étaient relativement légers, ils se sont aussi vite montrés trop souples. On a également retrouvé des rayons à base d’aluminium chez Mavic (ci-dessus), Fulcrum et Industry Nine. Mais quasi toutes les marques ont fini par les abandonner en raison de leur moins bonne durabilité et de leur comportement moins pertinent dans cet usage.

Évidemment, il y a eu des essais avec du carbone, on pense par exemple aux rayons tubulaires de Mavic (Crossmax dites « Pékin » développées en vue des JO de 2008 mais qui n’ont finalement jamais passé le stade de la production en série) ou aux mythiques Spinergy avec leur lames en carbone qui remplaçaient les classiques rayons.

Toutefois, ce matériau est encore d’actualité aujourd’hui sur certains modèles très exclusifs, à l’image des Syncros Silverton SL moulées en un seul bloc. Si cette solution semble aujourd’hui techniquement aboutie (nous avons été séduits par ces roues lors de notre test), le prix de revient reste prohibitif.

Enfin, impossible de clore cette partie d’histoire sans rappeler les insolites Tioga et Sugino. Arrivées au début des années 90, ces roues utilisaient des rayons textiles protégés par deux grands flasques. On les reconnaissait au bruit avant même de les voir !

Là aussi, les évolutions technologiques ont permis de remettre au goût du jour cette solution et on voit aujourd’hui revenir quelques modèles de rayons en fibres textiles/carbone très haut de gamme (Berd, Dyneema) qui n’ont même plus besoin de flasque de protection. Néanmoins, à nouveau, leur coût et leur difficulté de mise en œuvre qui allonge considérablement le temps de montage limite encore leur diffusion.

Au final, malgré tous ces essais, les rayons en acier inoxydable restent toujours aujourd’hui les plus utilisés. Ils présentent certainement le meilleur compromis en termes de comportement, poids et prix et leur facilité de mise en œuvre est également un avantage non négligeable.

Le fonctionnement d’une roue

Si la question paraît quelque peu ridicule au premier abord, elle soulève tout de même une vraie problématique. Comment une combinaison de rayons d’à peine deux millimètres de diamètre peut-elle supporter le poids du pilote ? Comment une roue réagit-elle lorsque l’on écrase la pédale ? Comment le freinage, provoqué par le contact des plaquettes avec le disque, est-il transmis à l’ensemble de la roue ?

Comment la roue supporte-t-elle le poids du pilote ? 

Lors de l’assemblage d’une roue, les rayons sont tendus, ou du moins étirés à mesure que l’on tourne l’écrou. Une fois tous les rayons soumis à une tension suffisante, il en résulte une force qui tend à comprimer la jante vers l’intérieur, en direction du moyeu. La valeur de cette force résultante dépend directement du nombre de rayons et de la tension de chaque membre.

Imaginons maintenant que l’on prenne cette même roue et que l’on veuille l’installer sur un vélo. Il faudrait dans un premier temps monter un pneu. Qu’importe le pneu choisi, une fois gonflé, celui-ci exerce une force de compression sur le cerclage, réduisant ainsi la tension des rayons. Il est relativement difficile de quantifier précisément la variation de tension provoquée par cette nouvelle contrainte mais on estime que cela peut réduire de 15 à 20 % la tension initiale sur une jante en aluminium. C’est énorme et cet effet doit systématiquement être pris en considération lors du développement. De plus, sur une jante asymétrique, la variation de tension ne sera pas égale de chaque côté de la roue.

Regardons maintenant ce qu’il se passe lorsque l’on monte sur le vélo, assis sur la selle, les deux mains sur le cintre et les pieds sur les pédales. Le poids de l’ensemble vélo/pilote est alors distribué entre les deux roues. En toute logique, la roue arrière est soumise à une charge plus importante que la roue avant compte tenu de la géométrie du vélo.

Comme illustré ci-dessus, lorsqu’une charge est appliquée verticalement sur la roue par l’intermédiaire du moyeu, on remarque une diminution de la tension des rayons autour du point de contact du pneu avec le sol. Évidemment, pour imager cela, l’animation est extrêmement exagérée. Mais si la tension diminue, cela signifierait que les rayons sont comme “écrasés” par le moyeu, ce qui signifie qu’ils ne supportent plus aussi bien le moyeu.

En mesurant la tension de l’ensemble des rayons il a été observé que la variation de tension engendrée par les rayons du bas est répartie sur l’ensemble des rayons de la roue. On n’observe donc pas d’augmentation importante de la tension des rayons situés au-dessus du moyeu.

En suivant ce constat, lorsque l’on roule, la tension des rayons varie en permanence. Les rayons tournent autour du moyeu et passent les uns après les autres au niveau du point de contact de la roue. On note alors une diminution de la tension du rayon à l’approche de cette zone, puis une augmentation à mesure qu’il s’éloigne du point de contact.

Pensez aux rayons de la marque allemande Pi Rope ou des américains de Berd. Ces rayons, réalisés à base de fibres en Vectran pour le premier et en polyéthylène de masse molaire très élevée (UHMWPE) pour le second sont, d’un point de vue structurel, assimilables à des cordes. Il est impossible que le moyeu soit soutenu par les rayons du bas puisque dans cet exemple, ces derniers sont incapables travailler en compression. Il paraît ensuite logique que le moyeu soit supporté par l’ensemble des rayons restants.

Comment la roue réagit-elle aux sollicitations extérieures ?

Contrairement à une fourche ou un amortisseur, il est difficile de se rendre compte du travail réalisé par une roue. Or cette dernière est sujette à différentes forces venant de l’extérieur et elle participe bel et bien à l’absorption des chocs, même si cela est difficilement perceptible. Elle contribue également à renvoyer un certain feedback au pilote.

Sur les pistes, une roue est soumise en permanence aux chocs et aux vibrations engendrées par les irrégularités du sol. Pour simplifier, les forces qui agissent sur la roue peuvent être classées en deux catégories : les forces radiales et les forces latérales.

Lors d’une sollicitation radiale, la force appliquée sur la jante est perpendiculaire à l’axe du moyeu. Afin de rendre la chose un peu plus concrète, on pourrait imaginer que l’on roule tout droit face à une marche ou une racine. Dans ce cas, la roue percuterait l’obstacle de face et on se retrouve dans la même situation que lorsqu’on parlait de supporter le poids du corps : on une diminution de la tension des rayons autour de la zone d’application de la force et une légère augmentation sur les autres rayons.

Avec une force dite latérale, on décale la direction d’application de 90° :  au lieu d’agir perpendiculairement à l’axe du moyeu, la force s’applique parallèlement à ce dernier. De ce fait, la variation de tension des rayons sera différente. Autour du point d’application, les rayons présents du même côté de la force verront leur tension augmenter, tandis que ceux situés sur l’autre flasque verront leur tension diminuer. Ce type de sollicitation peut être observé lorsque le pilote pédale en danseuse, ou lors d’un appui dans une courbe.

Bien sûr, vous noterez que dans la réalité, les roues sont confrontées à ces deux types de sollicitation simultanément. Il n’y a qu’en laboratoire qu’il est possible de les isoler. De plus, la roue ne travaille pas seule : la fourche ou l’amortisseur et le pneu participent à l’absorption des chocs.

Que se passe-t-il dans une roue au pédalage et au freinage ?

Si une roue peut être affectée par des forces provenant de l’extérieur, elle peut également réagir à des forces internes. Par interne, on pense notamment au pédalage, phase durant laquelle les manivelles entraînent le plateau, qui tire sur la chaîne et provoque la rotation de la cassette. Cette dernière emmène alors le moyeu en rotation par l’intermédiaire du corps de roue libre mais il reste encore à transmettre l’effort jusqu’au pneu. Comment ça se passe ?

Pour comprendre cela, il nous faut dans un premier temps introduire la notion de rayon tracteur et de rayon pousseur. Ces termes s’appliquent uniquement aux roues avec un rayonnage croisé. Les roues présentant un rayonnage radial ne peuvent techniquement pas transmettre de couple. En effet, afin de transmettre un effort, l’axe suivant le prolongement de chaque rayon ne doit pas passer par le centre du moyeu. Raison pour laquelle, sur certaines roues, on compte un flasque avec des rayons croisés par deux ou par trois et un flasque avec des rayons radiaux.

Au pédalage, les rayons représentés en bleu ont tendance à vouloir entraîner la jante dans le sens horaire autour du moyeu. À l’inverse, les rayons représentés en vert ont tendance à faire tourner la jante dans le sens anti-horaire autour du moyeu. En toute logique, lorsque tous les rayons sont présents sur la roue, les forces s’équilibrent et la jante demeure immobile. Durant une phase de pédalage, les rayons bleus sont qualifiés de “tracteurs” tandis que les rayons verts sont appelés des rayons pousseurs. Dans le cas du freinage, les rôles s’échangent. Les rayons tracteurs deviennent des rayons pousseurs et inversement.

Lorsqu’on pédale, on applique un couple sur le moyeu. La rotation de ce dernier par rapport à la jante entraîne, comme le montre l’animation, une augmentation de la tension des rayons tracteurs et une diminution de la tension des rayons pousseurs. Ainsi les rayons tracteurs sont étirés et tendent à amener la jante vers l’intérieur de la roue pour rééquilibrer la tension.

On exagère bien sûr le trait sur l’animation mais cet étirement des rayons entraîne une certaine perte d’énergie, donc une diminution du rendement. Toutefois, cela n’est rien comparé aux pertes engendrées par la chaîne par exemple.

Peut-on jouer avec la tension des rayons ? 

Peut-on adapter la tension des rayons au même titre que le réglage de compression ou de détente d’un amortisseur ? On entend parfois dire que certains mécaniciens en coupe du monde jouent avec la tension des rayons pour peaufiner les réglages du vélo. Or, on va le voir, cette “plage de réglage » est toute relative et doit être maniée avec précaution.

Au vu de ce que l’on a pu dire jusqu’à présent, on peut imaginer que, pour obtenir une roue précise, très rigide et ayant un excellent rendement, il faudrait appliquer une tension importante aux rayons. A contrario, pour avoir une roue plus “confortable”, il faudrait diminuer la tension des rayons.

En fait, chaque roue dispose d’une tension “correcte”. Comme on a pu le voir, la tension des rayons varie autour de la tension initiale et augmente ou diminue en fonction des sollicitations. Ainsi, pour que la roue ne perde pas sa rigidité ou qu’elle ne soit pas endommagée, la tension des rayons ne doit jamais être nulle. Si cela venait à arriver, le rayon deviendrait inutile.

Sans aller jusque-là, une diminution trop prononcée de la tension initiale des rayons induit inévitablement une augmentation du risque d’endommager la roue. La tension initiale des rayons ne doit donc jamais descendre en dessous d’un certain seuil, mais ce seuil est propre à chaque pratique et dépend également de l’utilisateur.

À l’inverse, une augmentation de la tension tend à diminuer la durée de vie de la roue. En utilisation normale, les rayons et la jante sont sont constamment sujets à des cycles de chargement/déchargement. Lorsqu’on augmente la tension des rayons, on accentue ces contraintes au-delà de ce qui était prévu, ce qui entraîne de la fatigue et affecte la durée de vie.

Une roue doit donc être suffisamment tendue afin d’éviter que les rayons se détendent durant l’utilisation mais cette tension ne doit pas être trop élevée pour ne pas nuire à la durée de vie de l’ensemble.

Quels paramètres influencent le plus le comportement d’une roue ?

À l’aide de calculs théoriques et des différents tests effectués en laboratoire, il est possible de mettre en valeur les paramètres qui ont le plus d’importance sur les performances d’une roue.

La tension des rayons a un impact direct sur le comportement de la roue mais le type de rayon utilisé a également une importance. On note par exemple que plus la section du rayon est importante, meilleure sera la rigidité radiale et axiale de la roue. En revanche, à aire égale la forme de cette section (donc du rayon, plat ou rond) n’affecte pas nécessairement le comportement de la roue. Notez que ces graphiques représentent l’impact des différents paramètres dans l’absolu ; si on reste dans les fourchettes les plus fréquemment utilisées des paramètres comme le nombre de rayons (24, 28 ou 32) et leur tension perdent en importance.

Pourquoi toutes les roues ne se ressemblent pas ? 

Le fait de pouvoir réaliser de nombreux tests en laboratoire est un avantage de taille lorsqu’il s’agit de développer une nouvelle roue, mais la difficulté réside dans le fait de pouvoir choisir les tests les plus pertinents. De plus, certaines variations observées sur les bancs de test n’ont pas nécessairement d’influence sur le terrain. « En théorie il n’y a pas de différence entre la théorie et la pratique ; mais en pratique, il y en a », dit l’adage. Et le domaine des roues est un de ceux où il se vérifie le plus dans le monde du vélo !

Pour ajouter un peu de difficulté, il existe une forme d’interdépendance entre certains paramètres : l’amélioration d’un facteur peut entraîner la dégradation d’un autre. Au final, une roue n’est ni plus ni moins qu’un ensemble de compromis réalisés et choisis de manière consciente par le fabricant.

On notera également qu’une roue fait partie d’une chaîne de pièces. Son comportement ne peut alors être mesuré sans prendre en considération les autres éléments. Par exemple, lors de l’absorption d’un choc, le pneu, la fourche (ou l’amortisseur) ou encore le cintre contribuent eux aussi à dissiper l’énergie.

Focus sur la jante

La forme d’une jante a-t-elle un impact sur la performance de la roue ?

Le marché de la jante est extrêmement fourni et il est parfois (souvent ?) difficile de différencier un modèle d’un autre tant le choix est varié. On peut alors se demander à quel point la jante influence réellement les performances d’une roue. Si le choix du matériau est le facteur le plus évident, la forme peut également jouer un rôle non négligeable sur les performances du montage final.

D’après les différents tests réalisés, il a été observé que la rigidité verticale d’une jante est directement affectée par son diamètre et la hauteur de son profil. La rigidité latérale de la jante dépend elle du diamètre et de sa largeur. Dans les deux cas, une augmentation du diamètre entraîne une diminution de la rigidité de la jante.

Derrière ces deux paramètres, les plus importants, le matériau joue aussi un rôle. A géométrie égale, une jante en aluminium n’aura pas le même comportement qu’une jante en carbone. Cela tient aux propriétés différentes de ces matériaux et notamment à leur module de Young, qui caractérise leur rigidité ou, en d’autres termes, leur propension à se déformer sous l’application d’une contrainte. A la lecture des chiffres, le module de Young du carbone est clairement plus élevé que celui de l’aluminium. Néanmoins, il faut se méfier des déductions trop rapides et du cliché de « la jante carbone ultra rigide » ! Le choix du type de fibre de carbone, leur orientation/mise en œuvre, la quantité de celle-ci vont permettre d’obtenir un très large panel de caractéristiques sur une jante, beaucoup plus vaste qu’avec l’aluminium. Seule constante : les jantes carbone sont toujours plus chères que celles en aluminium.

Actuellement, la tendance est très clairement aux jantes à profil plat et large (même si toutes ne vont pas aussi loin que les Zipp 3 Zero Moto illustrées ci-dessus). L’évolution des matériaux, principalement du carbone, permet d’avoir aujourd’hui des jantes présentant une excellente rigidité latérale malgré un profil plat qui, lui, permettra d’avoir une certaine souplesse verticale permettant d’avoir plus de grip et un vélo plus stable. Cette évolution est également à mettre en rapport avec l’évolution des pneumatiques, dont la section a eu tendance à s’élargir pour se stabiliser aujourd’hui autour de 2.25 à 2.4 en XC et 2.4 à 2.5 dans les disciplines gravity. Et qui dit pneu de plus forte section, dit jante plus large pour lui permettre de travailler de manière optimale.

Que l’ensemble de ces paramètres influence la rigidité propre de la jante, c’est un fait, mais quelle sont les répercussions sur la rigidité globale de la roue ? D’après les marques que nous avons contactées, leur impact est relativement contenu puisqu’ils détermineraient moins d’un dixième du comportement final de la roue. C’est l’occasion d’insister sur le fait qu’il convient de voir la roue comme un ensemble où chaque paramètre est à prendre en compte, et le résultat final va dépendre de la bonne alchimie entre chaque composant.

Une jante asymétrique, kézako ?

Pour comprendre pleinement l’intérêt que représentent les jantes asymétriques, il faut tout d’abord expliquer ce qui les rend si différentes. Sur une jante dite classique, les perçages accueillant les rayons sont alignés avec l’axe passant par le centre du moyeu. Sur une roue avant destinée à un freinage sur jante (oui, c’est un peu à l’ancienne mais c’est la situation la plus simple), le parapluie des rayons, comprenez l’angle formé par le rayon et l’axe cité précédemment, est identique de chaque côté du moyeu. La distance séparant les deux flasques est également centrée par rapport au centre du moyeu. On retrouve alors la même longueur de rayons ainsi que la même tension initiale de chaque côté.

Imaginons maintenant que l’on veuille installer sur le moyeu un disque ainsi qu’une cassette pour obtenir une roue arrière moderne de VTT. La distance séparant les flasques diminue et n’est plus centrée par rapport au milieu du moyeu. L’angle formé par les rayons est alors différent et cela implique d’avoir des longueurs de rayons différentes de chaque côté. On se retrouve alors avec une tension plus importante côté transmission.

Cette différence, si elle s’avère importante, peut avoir un impact négatif sur la durée de vie de la roue. L’objectif est donc de réduire l’écart entre les angles formés par les rayons, dans l’optique de minimiser l’écart de tension entre les rayons des deux flasques.

Photo Mountain Bike Connection Summer – Rupert Fowler

Pour ce faire, on pourrait déplacer le flasque côté frein vers l’intérieur du moyeu. Or, en diminuant la distance entre les flasques, on diminue directement la rigidité latérale de la roue. Mauvaise idée.

La solution qui a été retenue par les fabricants est de décaler les perçages accueillant les rayons sur la jante. En les déplaçant vers le flasque côté frein (par rapport au centre de la jante), on tend à modérer la différence entre les angles formés par les rayons. Le point de contact entre les rayons et la jante n’est alors plus aligné avec l’axe passant par le milieu de cette dernière.

Des crochets ? Pour quoi faire ?

Photo Benoît Siegfried

Les jantes hookless ou jantes sans crochets, sont comme leur nom l’indique, des jantes sur lesquelles on a enlevé le rebord qui servait initialement à maintenir le pneu en place. Arrivées au début des années 2010, il aura fallu attendre près de dix ans pour que ces jantes se démocratisent réellement.

Cette simple modification présente de nombreux avantages. D’abord en matière de conception : sur une jante carbone, la réalisation de crochet nécessite soit d’usiner les gorges, ce qui revient à casser les fibres et ainsi à fragiliser l’ensemble, soit à opter pour un moule plus complexe. Cependant, cela requiert de travailler avec une précision plus importante au vu de la complexité du moule.

D’un point de vue pratique, le fait d’enlever ces crochets permet de soit gagner un poids non négligeable à l’extérieur de la roue (là où il est le plus important) et/ou il permet d’augmenter l’épaisseur des bords « utiles » de la jante (les parois) afin de les rendre plus résistants aux impacts tout en diminuant le risque de crevaison (les bords étant moins tranchants).

On note également une certaine augmentation du volume d’air présent dans le pneu. En théorie, pour augmenter ce volume, il faudrait augmenter la largeur de la jante et, par conséquent, augmenter la masse de l’ensemble. Or, en éliminant ces crochets, on évite d’affoler la balance, on donne une forme plus naturelle au pneu, et on s’offre le luxe de pouvoir baisser la pression. Tout cela dans l’optique d’améliorer la traction et le confort.

Mais alors comment le pneu est-il maintenu en place ? Il y a-t-il plus de chance de déjanter ? Ce système sans crochet n’a rien de nouveau puisqu’il est déjà utilisé sur les voitures ou encore les motos. Il repose sur un principe simple : lorsque le pneu est gonflé, l’air présent à l’intérieur exerce une pression sur l’ensemble de la carcasse. Cette dernière se retrouve alors plaquée sur le bord de la jante et sur la gorge située au fond. Le déjantage reste possible si on roule à trop basse pression, cela vous est peut-être déjà arrivé, mais il s’agit de cas exceptionnels et la plus grande partie du temps, l’absence de crochet ne pose aucun problème pour le maintien du pneu.

Faut-il équilibrer une roue de VTT ?

Si vous avez déjà eu l’occasion d’assister à une coupe du monde de DH, vous aurez peut-être aperçu sur certaines roues la présence de petites masselottes. Certains mécaniciens choisissent de les coller sur la jante, d’autres les fixent à proximité des écrous de rayon. Elles sont davantage utilisées dans l’automobile ou encore sur les roues de moto, mais à quoi servent-elles ?

Pour comprendre leur utilité, il faut tout d’abord se pencher un instant sur la méthode de fabrication d’une jante en aluminium. À l’origine, la jante n’est ni plus ni moins qu’une barre droite que l’on vient tordre afin de lui donner sa forme circulaire. Il faut ensuite relier les deux extrémités de cette barre, le plus souvent avec des inserts (jante d’entrée de gamme) ou par soudure (plus haut de gamme). En règle générale, cette jonction est la source d’un balourd. On se retrouve alors avec une zone plus lourde, une concentration de matière plus importante. Sur une jante alu, ce « balourd » est contrebalancé par le positionnement de la valve à l’exact opposé de la jonction. Mais, sur des jantes carbone, il n’y a pas cette jonction. C’est alors la valve qui peut devenir source de déséquilibre. Dans le but d’éliminer les vibrations provoquées par ce déséquilibre, mais également pour éviter de freiner la roue, ou encore pour prévenir une forme d’instabilité en l’air ou à haute vitesse, certains mécaniciens placent ces petites masses pour compenser ce déséquilibre. Soyons clairs : on parle là de gains (très) marginaux qui n’ont de sens que pour des pilotes très pointus, capables d’atteindre des vitesses particulièrement élevées.

Le fait d’équilibrer les roues permettrait aussi de simplifier la lecture des données enregistrées par les capteurs. En effet, l’acquisition de données repose notamment sur l’enregistrement des mouvements de la fourche et de l’amortisseur mais les capteurs peuvent également recueillir les vibrations générées par ces déséquilibres. Si on parvient à les éliminer, on réduit le bruit et les données obtenues retranscrivent plus fidèlement ce qui vient du terrain.

A retenir

Vous le savez maintenant, les roues d’un vélo sont loin d’être les objets monoblocs et figés qu’on imagine. Une roue, ça se déforme, ça bouge, ça rebondit et c’est la façon dont les fabricants ou monteurs travaillent toute cette activité ainsi que l’alchimie entre chacun de ses composants qui lui donneront son comportement. Chacun dispose de sa « patte » caractéristique liée à son approche, à sa pratique et son environnement et c’est ce qui fait la richesse et la diversité du marché de la roue tel qu’on le connaît aujourd’hui. Régulièrement, de nouvelles idées apparaissent (rayons textiles, Zipp 3Zero Moto…) et on espère que cet article vous aura permis d’y voir un peu plus clair. On vous dit à bientôt pour un nouvel épisode, et si vous avez des idées de sujet, n’hésitez pas à nous en faire part !

Retrouvez tous les articles de la série sur ce lien : vojomag.com/?s=mtb+anatomy

Note : Les animations présentes dans cet article ont pour vocation d’illustrer chaque propos, elles ne s’appuient pas sur des mesures réelles.

Merci à Asterion, Evoride et Mavic pour leurs éclaircissements.

ParTheo Charrier