Découverte | CEC Dyneema : et si on remplaçait les rayons par des… cordes ?

Par Olivier Béart -

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Découverte | CEC Dyneema : et si on remplaçait les rayons par des… cordes ?

Il y a bien eu quelques tentatives par le passé, mais les bons vieux rayons en acier font de la résistance et continuent à régner sans partage dans l’empire de la roue. Cela n’empêche pas, de temps en temps, de voir émerger des alternatives et une des dernières en date nous semble particulièrement crédible : celle des rayons en Dyneema, des fibres tressées particulièrement solides, utilisées notamment dans l’industrie, des applications militaires, ainsi que dans des sports comme la voile, la pêche ou encore le parapente. Mais ses propriétés semblent aussi particulièrement bien coller avec les besoins de notre sport. La petite marque d’équipements CEC, liée aux vélos Chiru, est une des premières à les proposer sur un de ses modèles. Nous avons eu l’occasion d’être les tout premiers à les essayer, histoire de voir ce que peuvent apporter ces fameux rayons textiles. Découverte :

 

Dans l’histoire du vélo, il y a déjà bien eu quelques tentatives de remplacer l’acier par d’autres matériaux au niveau des rayons de roues. On pense bien sûr à Mavic avec ses rayons en aluminium, mais aussi et surtout ici aux rayons en matériaux composites. Là, les noms de Tioga (avec sa fameuse Disc Drive) et Spinergy viennent immédiatement à l’esprit, ou encore LEW et Lightweight sur la route, ainsi que Syncros et ses rayons carbone pour le VTT. Mais ici, c’est encore d’autre chose qu’il s’agit.

C’est lors du dernier Eurobike que notre attention a été attirée par plusieurs marques proposant des rayons s’apparentant à des « cordages » en textile. Nous en avons aperçu chez PiRope, qui utilise des fibres en Vectran reconnaissables à leur couleur brune/dorée, ainsi que chez Tune et CEC dont nous testons ici les produits et qui utilisent, eux, des fibres Dyneema très visibles avec leur couleur blanche (même s’il est possible de l’avoir dans d’autres teintes, c’est celle qui est la plus courante dans les applications qui nous intéressent ici).

Les fibres Dyneema, qu’est-ce que c’est ?

Le Dyneema a été inventé et est produit aux Pays-Bas par une entreprise nommée DSM. Il existe depuis 1990 et, avec le Spectra américain (arrivé en 1983), il fait partie des noms commerciaux désignant un polyéthylène de masse molaire très élevée (UHMPE). Ce matériau dérivé du pétrole offre pour principales caractéristiques d’être très résistant à l’abrasion, aux produits chimiques corrosifs, auto-lubrifiant et doté d’un faible coefficient de frottement, mais aussi plus léger et résistant à l’élongation que l’acier à diamètre égal (plus d’infos : https://fr.wikipedia.org/wiki/Polyéthylène_de_masse_molaire_très_élevée).

Au niveau des usages, il est présent depuis longtemps dans le domaine militaire (boucliers, casques, gilets pare-balles, etc), dans l’industrie (mise en place de câbles électriques sur des pylones, marine, arrimage de charges dans des avions, etc) ou d’autres sports que le vélo (pêche sportive, voile, parapente, camping, etc) où il fait merveille sous forme de cordages ou de fils aussi fins que résistants. Très récemment, on en a aussi entendu parler au niveau des nouvelles chaussures de vélo Specialized S-Works qui intègrent des fibres Dyneema dans leur conception.

Le Dyneema dans le cyclisme

Dans le cas des roues de vélo, ce sont ses caractéristiques de résistance à la traction et son faible poids qui vont être intéressants. Sa densité est de 970kg/m3 (il flotte, donc) contre 7700 à 9000kg/m3 selon le type d’acier. On comprend vite qu’il est possible de gratter un peu de poids sur ce poste… ce que refuse toujours difficilement un cycliste, d’autant que même si on ne parle que de quelques grammes, ils peuvent ici être gagnés sur des masses en rotation.

Dans le monde du vélo, c’est une petite entreprise américaine, Berd Spokes (le nom Berd venant de la contraction de Bike et… Nerd, ce qui montre un certain sens de l’humour) qui a fait les adaptations nécessaires pour permettre l’usage de cordages en Dyneema sur des jantes et moyeux (presque) conventionnels.

En effet, pour pouvoir placer et mettre en tension les rayons Dyneema, il faut que ceux-ci soient dotés d’extrémités compatibles avec les trous des moyeux et des jantes. Le travail de Berd consiste donc à faire un petit nœud du côté moyeu, et de fixer par collage un fin morceau de rayon acier classique doté d’un filetage à l’autre extrémité, pour accueillir un écrou et se fixer à la jante comme n’importe quel autre rayon. Au centre, leur diamètre est plus faible et fait 1,8mm.

Les rayons Berd Spokes Dyneema sont annoncés à 2,2g l’unité, contre environ 4,4g pour des rayons plats haut de gamme comme les Sapim CX Ray ou les DT Aerolite. Sur 64 rayons, et donc sur une paire de roues, on peut du coup gagner près de 150g, tout en procurant une résistance à la traction similaire voire supérieure à celle des meilleurs rayons en acier.

Au niveau des tarifs, chaque rayon est vendu par Berd au prix de 8$, soit environ le double du prix d’un rayon haut de gamme en acier. A titre d’exemple, sur ses roues, CEC demande actuellement un supplément de 400€ pour le modèle à rayons Dyneema par rapport à son homologue à rayons en acier (2000€ contre 1600€). Une différence de prix qui s’explique aussi par le fait que les roues doivent, pour le moment encore, être montées par Berd Spokes aux USA, mais cela devrait évoluer.

CEC Dyneema : présentation et test

Si Tune a également présenté des roues de ce type à l’Eurobike, c’est Boost Cycles, shop online spécialisé dans la vente et la distribution de composants vélo atypiques, qui s’est montré le plus proactif pour nous faire parvenir une paire de roues CEC (Carbon Endurance Components), la marque d’équipements de Chiru et de Pierre-Arnaud Le Magnan dont nous avions testé le « monster gravel » il y a peu.

Avoir les roues en mains et pouvoir les manipuler dans tous les sens permet de suite de couper court à une idée reçue qu’on a probablement tous face à ces rayons : non, ils ne sont pas « mous » ! Oui, ces cordes en Dyneema sont flexibles au repos, mais elles sont ici tellement tendues qu’elles deviennent rigides telles des cordes d’instrument de musique (elles font d’ailleurs un joli son quand on les pince, mais ce n’est pas l’objet de ce test…).

Ensuite, on n’a qu’une envie, c’est de les mettre sur la balance. Et on n’est pas déçu ! Avec 1205g la paire en 29 pouces, ces CEC Dyneema comptent parmi les roues les plus légères que nous avons eu l’occasion d’essayer. Et encore, si les jantes sont très légères (annoncées à 310g pièce, largeur interne de 24mm), les moyeux ne sont pas le haut de gamme de la marque et il devrait être possible de passer sous les 1200g en version finale.

Au niveau des moyeux, justement, il faut préciser que le montage est une première version pour essai, mais les versions de production seront dotées de moyeux « straight pull », pour rayons droits, donc adaptés pour le Dyneema et qui permettront à la fois d’avoir des nœuds plus discrets et d’éviter au monteur de devoir agrandir les trous de manière un peu artisanale.

Mis à part ce détail propre à cette première version d’essai, la finition de l’ensemble est très belle et immédiatement visible sur le vélo, même de loin. Avec leur couleur blanche, on pourrait croire que les rayons vont se salir vite, mais il n’en est rien (même si nous n’avons pas eu l’occasion de rouler les roues beaucoup dans la boue). Hydrophobes et très lisses, ils ne semblent pas du tout avoir tendance à accrocher les impuretés et ils gardent donc sans mal leur blancheur d’origine.

Nous n’avons pas fait un test longue durée de ces roues, mais tout de même près de 200km sur trois vélos (Specialized Epic Expert, Yeti SB100 et un hardtail carbone). En dynamique, on sent immédiatement que « quelque chose se passe ». Le gain de poids est immédiatement perceptible, notamment sur le Yeti SB100 qui illustre cette page et où on a gagné (pneus et cassette compris) pas loin de 1,5kg sur le train roulant. Forcément, les relances sont boostées, de même que la facilité à emmener le vélo en côte. Mais là, il en serait sans doute de même avec des roues à rayons classiques de poids comparable.

A l’accélération, il y a un  véritable effet « arbalète » qui donne la sensation d’être projeté en avant

Là où le Dyneema semble se distinguer légèrement, c’est au niveau de son élasticité et du petit effet ressort qu’il procure. Et nous l’avons perçu dans deux dimensions : à l’accélération, où il y a un subtil mais véritable effet « arbalète » qui donne la sensation d’être projeté en avant et de récupérer toute l’énergie qu’on a donnée, voire même un peu plus (on sait que c’est impossible, mais c’est une image qui illustre bien le ressenti) ; et c’est aussi perceptible au niveau de la filtration des vibrations. Cette dernière caractéristique se sentira plus sur un semi-rigide, mais les roues CEC Dyneema offrent une vraie souplesse verticale qui leur permet d’être très conciliantes sur des terrains difficiles et d’offrir un zeste de confort sur un vélo qui en serait dénué. Attention toutefois : c’est cohérent avec des jantes carbone assez rigides comme ici, mais certainement beaucoup moins avec des jantes alu un peu souples ! Gare à ne pas vouloir en faire trop, au risque de basculer dans l’effet chewing gum.

Enfin, on peut aussi vous rassurer sur la rigidité latérale : nous n’avons pas réussi à la prendre en défaut, alors même que nous les avons montées sur des vélos (comme le Yeti) faits pour envoyer fort en descente. On sent que la roue est capable de se déformer, mais comme une très bonne roue classique qui va épouser légèrement les reliefs pour rendre le pilotage plus facile et éviter les retours parasites dans la direction, tout en se montrant stable et rigide dans les gros appuis. Ici, pas de réelle différence par rapport à ce qu’on peut ressentir avec des rayons acier bien montés, et c’est une bonne chose. Malgré leur poids, les roues ne donnent absolument pas la sensation d’être fragiles et de devoir être ménagées. Nous n’avons pas relevé d’impact sur nos rayons, sauf une petite branche qui s’est coincée près de l’axe et qui n’a occasionné aucun dommage. Nous ne jugerons donc pas la solidité à ce niveau, mais il ne semble pas y avoir de raison de douter qu’elle soit largement suffisante pour un usage VTT XC/all-mountain.

Verdict :

Nous étions assez sceptiques au départ mais ces roues CEC à rayons Dyneema sont une belle découverte. Il faudra encore attendre un peu pour voir le vieillissement et leur surcoût risque, pour l’instant du moins, d’empêcher les rayons de ce type parviendront à se répandre, mais leurs propriétés nous semblent tout à fait convenir pour monter des roues XC/Marathon (et aussi gravel !) haut de gamme très légères, réactives et tolérantes. On peut se demander si le supplément de prix est réellement justifié, mais dans le cadre d’une démarche de montage de roues ultimes et très haut de gamme, les rayons Dyneema méritent qu’on s’intéresse à eux. Car si c’est bel et bien un exercice de style, ce n’est pas que cela.

Liens utiles : Boost CyclesCEC Carbon Endurance Components

ParOlivier Béart