La Cape Epic 2023 vue de l’intérieur

Par Léo Kervran -

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La Cape Epic 2023 vue de l’intérieur

Il y a deux semaines, Rémi et Lucas se lançaient sur leur première Cape Epic sous les couleurs Vojo. Vous avez pu suivre la situation en tête de course au fil de l’épreuve à travers nos articles, mais comment ça se passe quand on est un peu plus loin dans le classement ? Voici leur récit :

« On est arrivé 2 jours avant le prologue, après une nuit courte dans l’avion. On a pris nos marques rapidement en allant sur le circuit du prologue, pour essayer de retrouver nos repères sur le terrain sec et fuyant. Essayer de s’acclimater avec la chaleur aussi, qui était bien là en début de semaine.

Arrive le départ de la course, au début on a pris un peu les étapes les unes après les autres sans trop se poser de questions sur l’enchaînement. La semaine s’est déroulée au fur et à mesure mais il y a eu cet incident avec Lucas malade 7 jours sur 8 donc ça ne nous a pas aidés. Ça a bien coincé sur la première étape et ensuite on a vraiment pris ça en compte dans notre gestion de course.

Photo by Nick Muzik/Cape Epic

La 2e étape, on a fait une gestion vraiment sage pour pas se mettre dans le rouge et essayer de faire en sorte de limiter les dégâts d’une part, et d’essayer de retrouver une forme normale en fin de semaine, essayer de s’en remettre le plus rapidement possible sans justement s’enfoncer dans une spirale négative. Ça a plutôt bien marché, ça aurait pu être mieux fait mais au final, on a juste eu le dernier jour où c’était bien. On aurait peut-être pu avoir les 3 derniers jours, après on ne va pas refaire la course… Disons que ça fait partie du jeu parce que Lucas a vraiment bien souffert mais il faut savoir que sur le paddock, le reste des pilotes, on était 90% à être malade.

Même ceux qui n’étaient pas avec nous, qui avaient leurs bidons persos, qui avaient leur staff, qui ne mangeaient rien en commun avec nous sont quand même tombés malades. Je pense que c’est l’Afrique du Sud, ce n’est pas les mêmes conditions qu’ici, il y a des bactéries qu’on ne doit pas connaître en Europe… Je sais que chaque année c’est comme ça mais cette année, je pense c’était quand même un cran au-dessus. Après, Lucas n’avait pas fait sa cure de probiotique avant de partir, moi je l’avais faite et du coup ça peut expliquer qu’il ait reçu un peu plus. Mais même dans ceux qui ont fait leur cure, il y en a qui sont tombés malades.

Pour Lucas ça a été super compliqué, il s’est accroché de fou mais étant malade c’était compliqué de prendre du plaisir pour lui. En plus il s’obstinait à ne pas vouloir me pénaliser et parfois, au lieu de lever le pied et d’essayer de récupérer, il ne voulait pas me ralentir. Il ne prenait pas de plaisir sur le vélo parce qu’il était trop mal, parce qu’il a eu des étapes où il était vraiment, vraiment pas bien. Mais ce qui est cool, c’est qu’on a réussi à relever la barre sur la dernière étape et faire une belle étape et montrer qu’on avait quand même le niveau pour performer.

Avec ça j’ai pas mal appris sur le fonctionnement en duo. J’ai déjà fait des courses en duo mais de 4-5 jours, là c’est 8 jours et c’étaient des étapes longues. Avoir Lucas qui était malade, pour moi c’était ultra compliqué à gérer parce que je ne savais pas quoi faire, si je devais l’aider, si je devais rouler devant, si ça roulait trop fort. C’était super dur à gérer. On a pas mal appris je pense cette semaine, tous les deux. »

Le plateau

Photo by Wayne Reiche/ Cape Epic

« On était 60 équipes UCI donc 120 pilotes au départ. La première étape, c’est parti à une vitesse… Ça faisait des bordures dans la montée, c’était n’importe quoi, il y avait trois groupes de 30, c’était un délire. Après, les autres étapes, ça partait de plus en plus doucement, c’était marrant à voir d’ailleurs. Plus personne n’avait de velléités à vouloir essayer de jouer devant si ce n’était pas sa place.

En général t’as toujours un gros groupe de 30-40 pilotes qui partent puis, au fur et à mesure, ça fait des groupes. Groupe de tête de 10, puis un autre groupe de 10, etc. Tu roules rarement tout seul avec ton binôme, c’est souvent en groupe. Nous on avait des stratégies assez conservatrices, on partait assez doucement par rapport aux autres donc on ne roulait pas souvent en groupe, en fait, on les traversait au fur et à mesure de la course mais ça, c’était vraiment spécifique à notre gestion. Les autres roulent principalement en groupe.

C’est une gestion que j’ai toujours, que je fais très souvent. En plus faire le départ fort ça n’aurait pas été bon pour Lucas, son foie aurait vu des lactates et ça lui aurait retourné l’estomac. On a vraiment voulu partir doucement au départ et ça nous mettait aussi dans une spirale positive, c’était déjà assez compliqué comme ça alors remonter les autres mettait un peu de baume au cœur.

Photo by Wayne Reiche/ Cape Epic

Je crois que c’était vraiment une année ultra relevée. On a comparé par rapport à l’an passé, je pense que dans les équipes pros ou les très grosses équipes, il y avait peut-être 15 équipes de plus. On va dire que si on faisait 20e l’an passé, ça faisait au moins 30e cette année. Vraiment un gros niveau. J’ai adoré ça parce que toute la journée tu côtoyais des pros, on n’avait pas le niveau pour être avec eux tout le temps mais dès qu’il y en a qui avaient un petit pépin, un petit coup de moins bien une journée, quelqu’un malade ou quoi tu te retrouvais vite à rouler avec eux. Dans la semaine on a roulé un petit coup avec Nibali, un petit coup avec Frans Claes, un petit coup avec le champion de Suisse, un petit coup avec Niki Terpstra… Et sur la dernière étape pour le coup, on a vraiment pu rouler avec ces mecs-là une petite partie de l’étape donc c’était cool. »

Les conditions

Photo by Nick Muzik/Cape Epic

« Quand on est arrivé, il faisait grand beau et chaud, au prologue on a vraiment souffert de la chaleur. Ensuite on était content jusqu’au milieu de semaine parce qu’il ne faisait pas très chaud. On nous avait annoncé que sur la Cape il faisait parfois 35°C et ça on n’aurait vraiment pas aimé, que ce soit Lucas ou moi. En fin de semaine ça a complètement changé, il a plu toute la nuit avant l’étape reine le vendredi. Pendant une grosse heure on a pris vraiment des grosses averses et après pendant encore une heure on roulait dans des torrents, c’était l’enfer.

En montée ça allait encore mais en descente c’était vraiment perturbant parce qu’on ne savait pas où on mettait les roues et parfois c’était sur des chemins assez rapides. On se rappelle la chute de Speed Company Racing qui arrive dans une flaque et ils se retrouvent immergés totalement. Sur les 3 derniers jours, y avait des flaques comme ça, on arrivait dedans, on pouvait limite pas passer en vélo parce qu’on en avait quasiment jusqu’à la taille. La flaque où Speed Company Racing est tombé, ils sont passés sur le côté donc ça ne se voit pas trop mais au centre t’en avais vraiment jusqu’à la taille. Heureusement la fin de l’étape a été un peu plus cool au niveau météo.

Photo by Nick Muzik/Cape Epic

Le pire c’était le lendemain, le samedi. Pendant les 4h de course, on était sous la pluie et limite en hypothermie, on a eu très, très froid. La pluie, plus le vent, ça nous fouettait, ça faisait mal et il faisait très froid, c’était une étape compliquée. Et c’était vraiment très boueux, les vélos ont reçu. On a eu du boulot le soir en mécanique, tout était bloqué, le blocage de fourche ne fonctionnait plus… Une paire de plaquettes neuves le matin, le soir il faut la rechanger. Je me rappelle d’une équipe de mexicains, le soir il a démonté son vélo de A à Z, c’est-à-dire qu’il a tout refait : les câbles, les roulements du cadre…  Comme nous il était sous tente donc il a fait ça devant sa tente, dans l’herbe. C’est un peu ça la Cape Epic aussi. Mais en course ce n’est pas ce qui était le plus pénible, c’était surtout sur la vie du camp, que ça nous usait, à égoutter du matin au soir, les pieds mouillés, ta tente elle prend l’eau donc tu dors sous la tente de l’orga à 100 personnes entassées…

D’ailleurs je pensais qu’il n’y avait que les premières équipes qui ne dormaient pas sous tente et en fait, on s’est rendu compte que sur les 60 équipes UCI, on était 5 à dormir sous tente. Tous les autres étaient soit en camping-car, soit à l’hôtel ou en Airbnb. Et en fait c’est ça qui était dur sur cette course, la récupération. En plus le camp est tellement grand qu’on a tendance à passer l’après-midi à le traverser d’un bout à l’autre pour laver son vélo, pour aller donner les bidons à l’organisation, pour aller se brosser les dents, pour aller à la douche… A chaque fois on perd 1/4 d’heure et on ne se pose jamais.

En plus tu dors très mal, je pense qu’en moyenne sur la semaine on est à 4 heures de sommeil par nuit. On se lève vers 5h00 du matin, ça fait 4h00 heure française et il faut s’occuper de tout l’après-midi, il faut tout repréparer. Ce n’est pas comme les courses par étape dont on a l’habitude, où on a un staff et l’après-midi on met les jambes en l’air et on reste tranquille.

Photo by Nick Muzik/Cape Epic

On a même eu une tornade ! C’était drôle, autour de 15h une après-midi, j’étais sous la grande tente qu’on appelait la chill zone, l’énorme tente où tu te reposes. J’avais vue sur le camp avec les 500 tentes qui étaient devant nous et je vois des trucs qui volent un peu dans le camp, un tee-shirt et des trucs comme ça. Je me dis que quelqu’un est en train de jeter ses affaires et d’un coup, j’ai vu une tente s’envoler et monter à 50 m de haut. C’était 2 tentes à côté de la mienne, sur le camp de 500, c’était chaud. C’était la tente d’un de nos potes de la semaine, il avait son Garmin dans la tente, il avait plein d’affaires. C’était vraiment comme dans les films, une vraie tornade, la tente a fini écrasée sur un pick-up. Après pendant une demi-heure, la moitié du camp cherchait ses affaires, c’était drôle. »

Le matériel

« J’étais en semi-rigide mais ce n’était pas par choix, à choisir j’aurais pris le tout-suspendu. Bon dans ce cas-là je n’avais que le semi donc c’était comme ça, il n’y a pas eu de choix à faire mais c’est sûr que ce n’était pas optimal. Il aurait fallu un tout-suspendu, ce n’était pas forcément dans les descentes que je perdais du temps parce que je roulais peut-être un poil plus vite que Lucas donc ça ne me pénalisait pas, par contre c’est vraiment l’aspect confort. Typiquement, sur la Queen Stage, on a eu une montée de 45 min où il n’y avait que des grosses pierres. Pendant 1h tu te bats avec ton semi-rigide, tu mets un coup de pédale, tu t’arrêtes sur un caillou, tu mets un coup de pédale, tu t’arrêtes contre un caillou, etc, pendant 1h. Le terrain était tout le temps cassant, c’est ça qui est compliqué. Après j’ai l’habitude donc ça ne m’a pas pénalisé, ça ne m’a pas ralenti, d’autant que j’avais un peu de marge par rapport à Lucas.

Mais c’était aussi un avantage par moments, ça reste du marathon, il y a quand même des parties roulantes. Par exemple, sur la dernière étape, les 20 derniers kilomètres étaient tout plats dont la moitié sur la route. A refaire je prends le suspendu, c’est sûr, mais là ça s’est fait sans trop de soucis. Heureusement on a été assez propres sur les 7 ou 8 jours et on n’a eu qu’une journée avec des problèmes mécaniques. Pour le coup ça a été assez lourd, on a eu 3 crevaisons en l’espace d’une heure.

Photo by Dom Barnardt / Cape Epic

Tout était pour Lucas mais ça aurait pu m’arriver aussi, c’est les aléas de la course. En fait il a tapé dans une descente qui était très cassante, très rapide, ça aurait pu vraiment arriver à n’importe qui. On a mis des mèches, ça a bien marché, on est repartis assez vite, c’était cool. Ça a recrevé derrière une demi-heure plus tard et comme il ne nous restait qu’une cartouche on a décidé de mettre une chambre pour assurer. On l’a gonflée à bloc parce que c’était cassant et encore une demi-heure plus tard il a crevé, en tapant je pense. On a eu de la chance dans notre malheur parce qu’on n’avait plus de cartouche mais on était à moins d’un kilomètre de la zone technique. Là-bas, il y avait un service de l’orga qui nous a permis de reprendre un pneu et des cartouches, au final on a dû perdre maximum 5 minutes dans l’affaire.

Heureusement que c’était sur la Cape parce que tu n’as pas ça partout. Ce jour-là, on n’a pas été verni mais franchement, j’estime qu’on ne s’en sort pas si mal sur la semaine, 3 crevaisons sur une semaine de Cape Epic, on a vu pire. »

Tu y retournerais ?

Photo by Dom Barnardt / Cape Epic

« Alors on a dit une chose avec Lucas, c’est que sous tente plus jamais ! Pour le reste, si je suis invité, pourquoi pas mais je pense que de moi, sans opportunité, je n’y retournerai pas forcément. Il faut une vraie logistique, une vraie organisation, il y a un vrai budget à consacrer… Je pense que c’est bien de garder ça comme quelque chose de d’exceptionnel. C’est une très belle course mais je ne le vois pas non plus comme un incontournable de la saison. Mais ça reste incroyable, c’est des paysages somptueux, les tracés sont magnifiques, le niveau du pilotage en descente est vraiment cool…

Il y en a énormément où c’est vraiment shapé spécifique VTT et c’est billard, des beaux virages relevés, des doubles, des tables, du ludique en fait. Ce n’est pas cassant du tout mais c’est ultra ludique, c’est du pilotage plaisir, comme on le voit sur les vidéos. »

Retrouvez notre discussion avant leur départ ici : Cape Epic 2023 : un équipage Vojo au départ !

Et tous nos articles sur cette épreuve iconique : vojomag.com/?s=cape+epic

ParLéo Kervran