Interview | Isabeau Courdurier : collective

Par Paul Humbert -

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Interview | Isabeau Courdurier : collective

Championne du Monde d’enduro en titre, la française Isabeau Courdurier vient d’annoncer son changement de vélo et la fusion de son équipe avec celle mise sur pied par Lapierre. La chef de file de ce qu’on appelle désormais le « Lapierre-Zipp Collective » s’est posée un instant en notre compagnie, le temps d’une interview. Elle y évoque sa saison à venir, ses ambitions, son titre de championne du monde, mais également ce qui fait son équilibre sur un vélo comme dans sa vie :

 

Commençons par cette toute récente présentation du « Lapierre-Zipp Collective » : quelle est la réflexion derrière ce changement ? 

Avec Kilian (Bron) en vidéo et moi en compétition, on a fait deux belles années avec « l’Intense-Mavic Collective » et on est vraiment satisfaits des résultats. Kilian avait son propre projet à partir de cette année et ça a été le moment pour Cédric (Carrez, team manager et compagnon d’Isabeau) et moi de nous poser la question de la suite : on travaille avec qui, on fait quoi ? Pour moi, c’était évident, je devais continuer à évoluer et je devais m’entourer des bonnes personnes. On a vite été en contact avec Lapierre, Adrien, Chloé, Nico. On était avant tout de bons amis. 

C’est devenu évident de vouloir me rapprocher d’eux, notamment pour leur précision et les réglages.J’avais envie d’évoluer et de progresser. Le gros plus, c’est Chloé dans l’équipe. C’est important de partager ça avec elle parce que c’est une super copine, on va pouvoir relâcher la pression ensemble. 

En gros, ce nouveau team, c’est une fusion où nous apportons l’expertise en termes d’image et de diffusion et Lapierre une vraie plus-value technique. Nico (Vouilloz) sera directeur technique, il s’occupe des testings avec Craig Miller, le mécano. Il chapeaute l’évolution des vélos et travaille sur les futurs VTT. Cédric de son côté va s’occuper du management de l’équipe. 

Vous avez déjà roulé tous ensemble ?

On a roulé ensemble pendant des testings et pour le shooting de la vidéo de lancement (ici). Ça a tout de suite bien collé et on s’est bien marré. C’est parti pour trois ans ! 

Adrien est super technique et il a une vision du terrain très aiguisée. Il peut voir des trajectoires où je ne verrais rien. Il a une vision qui fait partie des meilleurs et ça va vraiment m’apporter de reconnaître les tracés avec lui, il m’apportera une autre vision des spéciales. Il pourra également m’apporter tous ces petits gestes que je n’ai pas encore, ainsi qu’une précision et l’importance du détail sur la préparation des vélos. 

Ton vélo justement, quel sera-t-il ? 

C’est un Lapierre Spicy que je roulerai avec une roue de 29 devant, et une roue de 27,5 derrière. J’ai des jambes très courtes et je ne me sens parfois pas très bien avec un full 29. Dans ma configuration, je suis tout le temps en confiance. 

Quel sera ton programme de course ?

Je vais faire l’intégralité du circuit EWS. Et l’idée cette année, c’est de faire quelques courses de descente, sans prétention aucune. L’idée finale reste de m’améliorer en enduro. Il me manque de l’engagement dans les parties rapides et sur les sauts. La descente doit m’aider à travailler ça. Et tant qu’à faire, pourquoi ne pas découvrir cette discipline ? Si ça se trouve, ça va me plaire, ou pas ! J’adore les challenges et j’aime partir de zéro et avoir plein de choses à apprendre. 

En enduro, on est sur des changements infimes pour progresser, alors en descente je vais partir de loin. L’idée est d’y aller étape par étape. Je vais faire quelques régionales, des IXS, coupe de France, et on verra ensuite si je me sens capable d’aller plus loin : pourquoi pas sur une coupe du Monde ? Je ne me met pas la pression si je ne suis pas prête. Ça sera plaisir et découverte.

 

 

Avec quel vélo vas-tu rouler en descente ?

Avec l’évolution du dernier DH produit par Lapierre. On est en train de retravailler la plateforme pour l’améliorer et la rendre plus compétitive. J’ai déjà roulé avec une version proche de mon vélo de DH pour l’année. Je me suis sentie trop bien dessus, mieux qu’avec mon ancien Intense M16.

 

 

Comment s’est passée cette inter-saison en toute discrétion ? 

Ce n’était pas évident de garder le secret. J’ai du rester très discrète sur les réseaux sociaux, alors que j’adore partager mon quotidien et mes entraînements. Mais c’est pour la bonne cause, on avait une belle surprise avec la vidéo de lancement. À la place, je me suis concentrée sur l’entraînement pour me sentir bien sur le vélo. J’ai pu aller chez Lapierre pour rencontrer toute l’équipe. 

Côté entraînement, avec qui travailles-tu ? Et as-tu procédé à des changements cette année ? 

Il n’y a pas grand chose qui change depuis l’année dernière, mais on s’implique encore plus : j’ai un coach physique, un préparateur mental, un ostéo et un kiné. C’est mon environnement proche et on travaille ensemble pour que je m’en sorte du mieux possible. Je suis très très bien entourée. 

Je fais pas mal de vélo de route, du BMX et pas mal de muscu et de préparation physique générale. J’ajoute à ça la natation et le snowboard parce que j’adore ça ! Le BMX, c’est parfait pour travailler les sauts et l’engagement. Je retrouve la même chose avec le split-board parce que je me retrouve à sauter et je me sens de plus en plus à l’aise dans l’aérien, j’y prends même du plaisir. 

Je suis toujours dans l’optique d’être la plus performante, sans oublier de me faire plaisir non plus, parce que ça reste du VTT. Il faut être bien dans ses baskets et ne pas perdre de vue qu’on a la chance de voyager et de vivre de notre passion : il ne faut pas s’enfermer dans la performance. 

Cédric Carrez est ton team manager, mais également la personne avec qui tu vis. Est-il facile de trouver un équilibre dans cette double relation ? 

Ça a été la grande question quand on a lancé le team il y a 2 ans. On allait passer énormément de temps ensemble et les compétitions sont parfois des moments difficiles pour moi quand je finis la journée complètement fatiguée, à bout de nerfs, où je craque parfois… On s’est laissé une année de test et il s’est avéré que c’était quelque chose de très bénéfique sur les courses. Avec lui, je n’ai pas besoin de me cacher, de jouer un rôle. Je ne prends pas de pincette, je suis comme je suis : quand je craque, je craque, et il est là pour essayer de me remonter le moral ou de me donner le petit coup de pied au cul qui est nécessaire. On a pas besoin de se parler et tout coule de source. 

On passe beaucoup de temps sur le vélo ou à faire d’autres sports ensemble. On est un couple qui fonctionne bien comme ça. On ne se prend jamais la tête et je pense que je n’aurais jamais continué à ce niveau-là si je n’avais pas eu quelqu’un au quotidien avec moi pour les moments où c’est moins facile. On partage tout : le bien comme le moins bien. 

Qu’attends-tu avec impatience cette saison ? 

J’ai hâte de voir la progression du niveau chez les filles. Le niveau augmente et on va passer un cap, je suis heureuse de participer à ça, d’être là quand le sport évolue, se définit, et je suis pressée de voir où je vais me situer. 

Côté destination, je suis pressée de retourner en Colombie où l’état d’esprit est juste super. Ça me fascine de voir autant de gens passionnés. Et peu importe l’issue de la course, on sait qu’on va passer un bon moment.

 

 

Arrives-tu à garder un oeil sur les filles qui progressent dans la discipline ? Que penses-tu du cadre pour progresser ? 

Sur les EWS, les filles font exactement les mêmes parcours que les mecs, on a les mêmes prize-money. Même dans les contenus média produits par l’organisation, le niveau de mise en avant est également identique et c’est très bien. 

Ce que je vois, c’est que le niveau augmente considérablement au niveau mondial comme national ou régional. Je vois des petites jeunes qui roulent par chez moi, qui ont 16 ans et qui vont tout démonter. Par contre, il est vrai qu’on manque un peu de structure pour fédérer tout ça, même si il y a des clubs qui s’occupent de ces filles pour les former. Il y a pas mal d’évènements pour rassembler les filles à la cool, c’est génial et ça donne l’opportunité de rouler ensemble et de découvrir la discipline. Mais au niveau performance pure, il n’y a pas vraiment de structure ni d’évènement vraiment adapté. On va y venir, et c’est quelque chose qui m’intéresse vraiment. 

As-tu eu beaucoup de solicitations extra-vélo après ton titre de championne du Monde EWS ? 

J’ai eu des sollicitations de médias en dehors du vélo et faire connaître la discipline est une bonne chose. J’avais toujours eu ces sollicitations parce que j’aime mon sport et je passe pas mal de temps à essayer de développer ça. 

L’annonce du team « Zipp-Lapierre Collective » : www.vojomag.com/news/courdurier-rejoint-dailly-et-gallean-dans-un-nouveau-zipp-lapierre-collective

ParPaul Humbert