Interview | Hugo Drechou : « commencer le marathon ne m’a pas inquiété »

Par Adrien Protano -

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Interview | Hugo Drechou : « commencer le marathon ne m’a pas inquiété »

Vainqueur du Roc Marathon 2022 au terme d’une saison couronnée de succès mais remplie de changements, Hugo Drechou nous a accordé quelques instants pour répondre à nos questions  Retour sur son arrivée chez Buff Megamo, son passage du XC au marathon ou encore son nouveau vélo : 

Le Roc Marathon s’était allongé de quelques kilomètres pour cette édition 2022, et Hugo Drechou en a partagé une bonne partie en compagnie de Andreas Seewald et Fabian Rabensteiner. Le suspense a été de mise jusqu’à la ligne d’arrivée puisque c’est au sprint que Rabensteiner et Drechou se sont disputé le victoire. Pour revivre la course du Français et découvrir ses impressions à chaud, c’est juste ici ! Nous l’avons retrouvé peu après son podium pour lui poser quelques questions :

Avec ta victoire sur le Roc Marathon, c’est la 2ème fois que tu gagnes au sprint récemment, comment tu l’expliques ?

Je suis un athlète qui est toujours dans la gestion, j’ai tendance à en garder sous la pédale. Je vais rarement tenter des attaques kamikazes ou partir seul de manière anticipée dans la course. Cela explique que je me retrouve souvent dans la situation de devoir finir la course au sprint.

Penses-tu que ton passé de pilote de XC olympique joue un rôle là-dedans ?

Je ne pense pas spécialement car cela remonte à plus loin encore. Quand j’étais plus jeune, j’étais très explosif : lorsque j’entamais un dernier demi-tour avec un adversaire, j’étais quasi sûr de m’imposer au sprint. Même si je suis un peu moins performant dans ce domaine maintenant, j’ai gardé cette habitude de pouvoir jouer cette carte. Il arrive que ce soit une erreur de me reposer dessus et que j’attende trop avant de tenter quelque chose en course, mais parfois cela porte ses fruits aussi. Un parcours avec une fin plutôt roulante comme le Roc Marathon était propice à une arrivée au sprint.

En parlant de ce Roc Marathon, l’organisation a effectué quelques changements sur le parcours, tu en as pensé quoi ?

Il s’agissait de mon premier départ sur le Roc Marathon, j’avais déjà pris part à plusieurs Roc d’Azur mais je n’étais pas venu ces 3 dernières années donc je ne saurais pas réellement répondre. Par contre, quand tu as participé à plusieurs éditions, tu finis par te souvenir des endroits clés : durant ce Roc Marathon, je me suis souvenu exactement d’un endroit où j’avais explosé une roue il y a 6 ans et cela m’a forcé à prendre des traces plus fluides en faisant attention à mes roues. A force de venir sur un parcours, il y a des automatismes qui se créent.

Il s’agissait de ta première saison avec le team Buff Megamo, comment s’est passé le changement ?

Même si je suis encore jeune (Hugo a 31 ans), je considère presque que Buff Megamo est une seconde jeunesse pour moi. Depuis 2016, j’ai toujours été à la recherche de sensations et être touché par la mononucléose puis la maladie de Lyme n’a pas aidé. Le constat en fin de saison dernière était clair : je prenais beaucoup moins de plaisir qu’avant ! Le rythme imposé dans les coupes de France et coupes du monde ne me plaisait plus du tout. Les créneaux de reconnaissances et les départs de course en après-midi font qu’il y a beaucoup d’attente durant le week-end. La coupe de France à Marseille, et son départ à 15h30, en est le parfait exemple… Cela ne me plaisait plus du tout, à tel point que je m’étais confié à mes proches sur mon envie d’arrêter.

Je prends énormément de plaisir dans ce format qui me correspond davantage

L’opportunité de rentrer chez Megamo est arrivée plutôt tard, lors d’une discussion par hasard avec Pau Zamoura, le manager de l’équipe, durant la Sea Otter à Gérone. C’était le premier et le seul contact que j’ai eu pour changer d’équipe l’année dernière, et je me suis dit pourquoi pas ! Même si je dois avouer qu’au début, cela a fait un peu bizarre, notamment quand le calendrier des manches de coupe du monde de XC est sorti et que je me suis rendu compte que je n’étais plus du tout concerné…

S’il y a quelque chose qui m’a vraiment plu dans mon passage au marathon et sur les courses à étapes, c’est le fait qu’on enchaine tous les jours sans avoir le temps de réfléchir. En plus de cela, on court tôt et cela me plait beaucoup. Avant le départ du Roc Marathon, j’ai envoyé un message à ma copine pour lui partager à quel point j’étais heureux de m’être levé à 5h15, de m’échauffer alors qu’il faisait encore nuit. Je prends énormément de plaisir dans ce format qui me correspond davantage.

Cela fait longtemps que l’on te voit sur des épreuves marathon, cela ne t’avait jamais traversé l’esprit de quitter le XCO pour te lancer en marathon ? Cette saison a-t-elle été un déclic ?

J’ai effectivement déjà participé à des épreuves marathon mais comme tous les pilotes je pense. Je me souviens même qu’en 2015, on s’était classé 1er et 2ème avec Maxime Marotte sur les championnats de France de marathon. Le marathon est un peu un retour aux sources, au véritable VTT avec des parcours naturels. Ce sont de jolies épreuves et tout le monde adore y participer, même les pilotes qui font du XC à 100%.

Lorsque je voulais arrêter en fin de saison dernière, j’avoue ne pas avoir réfléchi à un passage au marathon. Il ne s’agit pas réellement d’un déclic mais plutôt d’une opportunité, celle de rentrer dans un team qui est focalisé sur le marathon et les courses à étapes, voilà le créneau du team Buff Megamo !

Puisque tu es désormais un coureur de marathon, comment vois-tu l’évolution complète du circuit de coupe du monde l’année prochaine ?

A vrai dire, j’ai lu les informations qui sont sorties sans trop me projeter et réfléchir à tout cela.
Au contraire d’autres teams qui se basent sur le calendrier des manches de l’UCI Marathon Series, nous n’en avons faites aucune cette saison et nous construisons notre calendrier sur base des plus belles courses par étapes de l’année. Je pense donc que cela n’impactera pas vraiment l’équipe et moi-même. C’est également un des gros points forts des courses par étapes ainsi que du marathon, nous sommes moins dépendant des manches de coupes du monde au vu des épreuves qui existent à coté.

Je dois aussi avouer que le marathon m’a emmené dans une multitude de destinations cette saison, et que cela m’a beaucoup plu. Je n’ai pas forcément envie de retourner sur les sites de coupe du monde que je connais déjà trop bien.

Tu fais référence aux plus belles courses de la saison, est-ce qu’il y en a une qui te fait particulièrement rêver ?

Pour une première année, je suis totalement comblé. Au final, j’ai l’impression d’avoir fait toutes les courses par étapes les plus connues de la saison. Forcément on retrouve la mythique Cape Epic, mais s’il y en une seule que je dois garder dans le calendrier et pour laquelle j’ai hâte, c’est l’Andalousia Bike Race. Il s’agit là d’une vraie course par étapes qui dure tout de même 7 jours. Les étapes sont relativement courtes, souvent aux environs de 3 heures mais toujours très technique avec beaucoup de singletracks.

Comment s’est passé ton intégration dans cette toute nouvelle équipe pour toi ? Ce fut un changement conséquent non ?

C’était totalement un saut dans l’inconnu car je ne connaissais personne, or j’avais l’habitude d’être dans des teams de clubs où tout le monde se connaissait, avec beaucoup de jeunes. Buff Megamo est ma première équipe composée uniquement d’adultes, avec un staff 100% professionnel qui a des attentes envers toi.

J’ai la chance de comprendre parfaitement le catalan et l’espagnol, et le staff est entièrement catalan, donc cela leurs plait de pouvoir me parler en catalan. Cela a aidé à m’intégrer je pense. Puis on reste tous des passionnés de vélo, on fait partie de la même famille au final.

Bon, je dois avouer que j’étais tendu la première fois qu’on s’est retrouvés à Gérone. Je me rendais compte que mon espagnol était loin d’être parfait, mon anglais n’en parlons pas… Je me souviens être dans la voiture avant d’arriver et me dire « let’s go« .

Au-delà de changer d’équipe, c’est un changement complet de pratique que tu as effectué, comment as-tu géré cela ? As-tu eu des doutes après avoir accepté de rejoindre Megamo ?

Je n’ai pas eu de doute sur mon choix d’équipe ou sur le changement de pratique. C’est plutôt que j’ai perdu tout mes repères, j’ai arrêté ce que je faisais depuis toujours. Cela m’a occupé l’esprit durant la coupure mais dès le retour de l’entraînement, je me suis projeté et c’était bon. Commencer le marathon ne m’a pas inquiété, c’est plutôt arrêter le XC et perdre tous mes repères qui m’a fait bizarre.

Au niveau de l’entraînement, comment fonctionnes-tu ? Tu es accompagné par un entraineur ou tu gères cela par toi-même ?

J’ai travaillé pendant de nombreuses années, 9 je pense, avec Mickael Bouget. Mais durant la fin de saison 2020, j’ai senti que j’avais plutôt envie de m’entrainer seul. Cela n’a pas été probant l’année dernière, mais la satisfaction d’avoir des bons résultats est démultiplié quand tu t’entraines seul.

Ce qui change également, c’est lors des mauvais résultats. Je n’ai plus à appeler l’entraineur pour lui expliquer le comment du pourquoi de la mauvaise performance, et cela est un soulagement. Même s’il y a plus de doutes en étant seul, c’est plus facile et plus modulable. Je peux gérer mon plan d’entraînement librement et c’est vraiment un confort supplémentaire.

Niveau planning, as-tu encore prévu de courir cette année ?

Oui, j’ai prévu la célèbre Tramun dans le coin de Gérone, avec toute l’équipe. C’est une course en ligne très technique qui se déroule sur une journée, et où le point de départ est plus haut que le point d’arrivée, à l’image d’une Forestière (qu’il a remportée cette année).
Cerise sur le gâteau, la team part au Brésil pour la Brazil Ride ! Cela risque d’être relativement dur et long car la course dure 7 jours mais j’ai trop hâte de changer de continent et de météo !

En plus cette Brazil Ride permet de me rattraper de Petròpolis, pour une fois qu’il y avait une nouvelle destination sur le circuit mondial de XC, je n’y étais pas… J’ai pu voir les stories des athlètes sur place qui découvraient la magnifique région les jours précédant la course. Finalement je vais quand même pouvoir la découvrir moi aussi.

Côté matos, tu roules désormais sur un Megamo, marque qui est peu connue en France, tu peux nous en dire plus ?

Je cours souvent en Espagne, notamment avec Jofre Cullell qui a toujours couru sur un Megamo, donc je connaissais la marque et le vélo. Je dois avouer que j’étais enchanté avec Scott et que j’avais un peu peur du passage au Megamo.

Mais quand Megamo a sorti le nouveau modèle et que j’ai découvert la géométrie, j’étais agréablement surpris : l’angle de direction est plus ouvert à 0,1° que le Scott Spark RC, et on retrouve des bases environ 2mm plus courtes. Le nouveau modèle a donc une géométrie très agressive au final, et dès mes premiers tours de roues je me suis bien senti sur le vélo.

C’est aussi la première fois que je passais sur un vélo avec une plateforme de 120/120 mm de débattement avant/arrière donc cela a joué dans le confort et l’engagement du vélo. Aujourd’hui, je suis pleinement satisfait.

Nous discutions avec Fulcrum, ton partenaire concernant les roues, et la marque nous disait que vous travailliez ensemble au développement des produits. Est-ce que c’est quelque chose qui t’intéresse, le développement du matériel ? 

J’ai toujours été assez pointu sur le matériel, pourtant cette année je suis un peu plus détendu. Je reste pointilleux et je continue à aller embêter mon mécano régulièrement mais dans une moindre mesure que les autres saisons. C’est la même chose pour le poids, où j’ai tenté de sortir de ma bulle d’extrémiste et de découvrir le vélo comme il était.

En XC, on adapte continuellement le vélo au circuit en peaufinant les réglages. Pourtant lors de ma manche de coupe du monde XC à Vallnord qui était très physique et demandant pour le vélo, j’ai eu un très bon feeling sur le vélo et je me suis rendu compte que je n’avais pas non plus perdu la sur-vitesse caractéristique de la pratique. Cela a conforté mes réglages et mes choix sur le vélo.

Cette décision d’être plus ouvert et conciliant sur le matériel se retrouve aussi dans mon approche de la saison. Je mets tout mon coeur dans mon métier et je le fais du mieux que je peux mais cette saison, j’ai décidé de lâcher un peu du leste en dehors de la compétition : je me suis fixé comme ligne de conduite de ne jamais être déçu après une course, qu’importe le résultat. Par exemple après le mondial qui ne s’est pas super bien déroulé pour moi, j’ai tenu à profiter de là où j’étais et avec les gens qui m’accompagnaient.

En parlant de sur-vitesse, le passage au marathon a apporté des changements au niveau du mental et du pilotage ?

Ma course du jour illustre parfaitement ces changements : j’ai effectué toutes les descentes du parcours à environ 80% de mes peines capacités. J’ai senti que j’avais des super jambes dès le départ, et donc la stratégie a été de gérer mon hydratation/nutrition et de ne commettre aucune erreur technique en étant bien placé. J’ai mis un point d’honneur à être fluide dans les descentes pour économiser mon corps et la matériel sur ces longues distances. Et c’est effectivement un changement dans mon pilotage que j’ai effectué depuis le début de la saison.

Je pense que cela a son intérêt sur des épreuves de ce type : sur le Roc Marathon de ce matin, Filippo Colombo nous mettait des dizaines de secondes dans les descentes car il roulait comme en XC, avec des lignes directes et sans perdre de temps. Mais il était par contre forcé d’attendre le groupe car c’est impossible de partir seul.

Dans la dernière montée du jour, j’étais un peu derrière mais j’ai lâché les freins dans la descente qui suivait et j’ai recollé le leader. Mon passé dans le circuit XC me permet d’avoir cet atout de pouvoir aller dans cette zone de sur-vitesse et combler un retard ou creuser un trou quand c’est nécessaire ! Cela m’a souvent aidé cette saison, il n’y a pas de doute.

ParAdrien Protano