Découverte | Costa Daurada : cure de gravel pour fuir le tourisme de masse

Par Jeffry Goethals -

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Découverte | Costa Daurada : cure de gravel pour fuir le tourisme de masse

La Costa Daurada est principalement connue pour un tourisme de plage très classique à Cambrils et Salou qui sont de grosses stations balnéaires plutôt « industrielles ». Mais si vous vous enfoncez seulement de quelques kilomètres à l’intérieur des terres, vous vous retrouverez dans un véritable paradis du vélo. Sur bitume, bien sûr, avec de magnifiques routes sans trop de circulation, mais c’est aussi un paradis absolu du VTT et du gravel. Loin du trafic intense de la côte, c’est en gravel que nous avons choisi de vous faire découvrir cette région à la nature préservée et ses magnifiques chemins. Voici le récit de notre exploration qui, nous l’espérons, vous donnera envie d’aller sur place pour faire votre propre expérience !

Plantons le décor : Costa Daurada se traduit littéralement par « Côte d’Or » en français. C’est une zone située au sud-ouest de Barcelone, qui fait partie de la communauté autonome espagnole de Catalogne. Elle borde à l’ouest le Priorat, que nous avons déjà eu l’occasion d’explorer en VTT (lire : Découverte | Priorat : des crampons dans les vignes).

Les grandes villes à proximité sont Tarragone et Reus, même si ce sont probablement les noms des stations balnéaires de Cambrils et Salou qui résonneront le plus à vos oreilles. Mais rassurez-vous, nous n’allons pas vous parler de faire bronzette sur des plages bondées, ni des buffets à rallonge des hôtels all-inclusive. Justement, c’est tout ce que nous allons fuir pour partir découvrir les pépites de nature et de patrimoine qui se trouvent à quelques kilomètres à peine à l’intérieur des terres.

Pour le camp de base de notre petit voyage de trois jours en gravel, nous avons jeté notre dévolu sur Montbrió del Camp. C’est un village situé à quelques encablures de la côte, particulièrement bien situé pour ne pas devoir avaler chaque jour une dizaine de kilomètres de plat sans intérêt avant d’entamer les choses sérieuses. C’est aussi l’endroit où notre guide, Veerle Cleiren, tient le magasin de vélo Montbike. Veerle y vit depuis quelques années avec son mari et ses deux fils. Ils sont tous fous de cyclisme, qu’ils pratiquent sous toutes ses formes. Ainsi, Veerle est devenue championne de Belgique de XCO en Masters l’année dernière et son plus jeune fils Seff a remporté l’argent chez les U17 aux Championnats de Belgique à Houffalize cette année.

Le plan est d’explorer tranquillement les environs du magasin le premier jour, puis de nous diriger vers Falset le deuxième jour – quelqu’un a-t-il dit Vermouth ? – et parcourir le Priorat, puis de conclure le dernier jour en faisant une boucle solide où nous traverserons les montagnes de Prades et visiterons la ville historique de Montblanc.

Pour ce trip, Ridley nous a préparé deux vélos de gravel avec des caractères bien différents :

Le premier est, comme son nom « Kanzo Adventure » l’indique, un vélo gravel taillé pour exploration et qui ne fait pas hésiter lorsque la surface devient un peu plus brutale. La géométrie s’inspire du VTT, avec un angle de direction plus couché, un boîtier de pédalier plus bas, un empattement plus long et un angle de tube de selle plus droit. Il peut accueillir des pneus jusqu’à 2,1″ de large, mais il reste un vélo léger, sportif et rapide.

Le Grifn, quant à lui, se situe à la frontière entre le vélo de course et le vélo de gravel – Ridley l’appelle All-Road – et c’est une machine taillée pour la course sur des parcours roulants. Ce vélo est rapide, rigide et se pilote plus nerveusement. Il peut accueillir des pneus jusqu’à 40 mm seulement.

Notre guide nous a immédiatement indiqué que les chemins sur lesquels nous allons rouler sont jonchés de cailloux assez gros et que le Grifn sur les chemins de gravel catalans n’est pas un cadeau. Veerle et Olivier (avec son matériel photo), prennent le Kanzo Adventure, alors que Jeffry choisit le Grifn.

Jour 1 : « aperitivo »

Nous avions pris un vol le matin, Veerle était prête à venir nous chercher à l’aéroport de Reus et nous avons donc pu nous enregistrer à notre hôtel-boutique à Montbrió del Camp vers midi. Après un petit entrepà (mot catalan pour sandwich) sur une terrasse cosy, nous avons quitté le magasin de vélo pour la première boucle en direction du réservoir de Riudecanyes, puis avons grimpé via les villages pittoresques de Desaigües et L’Argentera jusqu’au Castillo d’Escornalbou.

Nous ne sommes partis que depuis quelques instants à peine et des graviers apparaissent déjà sous nos pneus. Nous sommes aussi subjugués par la palette de couleurs du paysage. Il avait beaucoup plu le matin et les nuages ​​de pluie trainent encore dans le ciel. Ici et là on voit déjà un peu de bleu. Globalement, les meilleures périodes pour se rendre dans la région sont l’automne, l’hiver et le printemps car c’est à ces périodes que les températures sont les plus agréables. On évitera par contre l’été avec ses températures torrides.

 

Nous arrivons à ce qui reste du réservoir de Riudecanyes. Son volume a énormément diminué ces dernières années en raison de la sécheresse persistante. Jusqu’à récemment, l’eau arrivait jusqu’à l’endroit où nous nous trouvons sur la photo et dans un passé un peu plus lointain, cette zone était également submergée. Nous y étions au printemps, donc le niveau de l’eau baisse encore plus en été. On craint même que le réservoir ne s’assèche complètement, avec de graves conséquences sur l’approvisionnement en eau de la population.

 

C’est avec le sentiment que nous ne devons pas considérer la beauté de la nature comme acquise, que nous nous dirigeons plus loin vers l’intérieur des terres et apercevons Desaigües. Nous mettons progressivement un peu plus de tension dans nos jambes et gagnons petit à petit de l »altitude. Jusqu’à présent, nous avons toujours emprunté des routes non pavées, mais la montée de L’Argentera au Castillo d’Escornalbou est asphaltée.

La montée fait plus de quatre kilomètres, mais n’affiche une pente moyenne que de 4%. L’asphalte est d’excellente qualité, il n’y a pas de circulation, le paysage est inspirant… Veerle nous raconte que de nombreux locaux viennent ici pour faire leur entraînement en bloc. On ne peut pas résister et sprinter sur la plaque avec notre Grifn !

Nous continuons ensuite à grimper tranquillement et attendons avec impatience la belle vue qui va s’offrir à nous au sommet. Nous sommes à seulement 500 mètres d’altitude, mais cela semble beaucoup plus quand on regarde les vallées en contrebas et la mer qui se devine encore au loin.

A ce stade, le plus dur est dernière nous. Rappelons que cette première journée est un apéritif et il n’en faut pas beaucoup plus après avoir voyagé le matin même.

Avec le château en arrière-plan, nous commençons la descente et Veerle nous propose d’aller jusqu’à la côte pour profiter un peu de l’air marin et de la terrasse d’un café de Cambrils. En été, nous aurions certainement refusé poliment vu l’affluence, mais hors saison, cette petite station balnéaire s’avère fort sympathique.

Puis, il y a aussi le plaisir de goûter à un grand ciel bleu parfaitement dégagé au-dessus de la Méditerranée, alors qu’il y avait encore quelques nuages à l’intérieur des terres.

Jour 2 : un poco de gravilla

Après notre petite sortie de décrassage de la veille, nous avions cette fois hâte d’attaquer les choses sérieuses. Au programme du jour : une vraie sortie gravel de 80km pour 1500m de dénivelé positif, avec une large majorité de off-road pour rallier Colldejou, sur la route du Priorat, avec un passage par Falset, ville bien connue pour son vermouth… dont notre photographe Olivier est un très grand fan. Si vous ne connaissez pas encore, nous vous invitons vraiment à découvrir ce vin aromatisé aux plantes ! Et surtout celui de Falset qui est tout bonnement exceptionnel.

Mais ce n’est pas encore l’heure de l’apéro ! Une fois de plus, à peine avons-nous quitté Montbrio, que nous sommes subjugués par la beauté des environs. La vue sur la Serra de Montsant, qui forme une barrière rocheuse naturelle entre le Priorat et la Costa Daurada, est assez incroyable et donne immédiatement un sentiment de dépaysement total.

Là où, le premier jour, nous avions fait pas mal de route et quelques gentils chemins en gravel, aujourd’hui, c’est nettement plus sérieux.

Ce n’est pas vraiment du VTT, car les chemins restent globalement assez larges et peu techniques, mais c’est plus cassant que la veille, et on a aussi droit à quelques portions plus étroites et très ludiques.

Côté vélos, le Kanzo Adventure de Veerle et Olivier est clairement plus adapté que le Grifn qui se montre fort rigide et dont les développements de vélo de route s’accordent assez mal avec les coups de cul très raides qui émaillent notre tracé. Vous voilà prévenus pour le choix de la machine : ici, mieux vaut un vrai gravel avec des développements pas trop longs, qu’un (quasi) vélo de route à pneus cramponnés.

Heureusement, ce n’est pas une course que nous faisons et, grâce à de nombreuses pauses tout au long de notre périple, le tracé reste gérable et très agréable même sans avoir de réel entraînement.

A propos d’arrêts, on peut bien sûr souffler un peu en pleine nature, mais notre tracé passe par de très nombreux petits villages dans lesquels il est fort plaisant de s’arrêter, comme Torre de Fontaubella (foto à gauche). Parfois, on ne fait que les frôler, mais on peut aussi prendre le temps d’y pénétrer pour mieux les découvrir, comme nous l’avons fait à Porrera (à droite) malgré ses nombreux escaliers raides pas très « vélo friendly ».

Environ à mi-parcours, Falset est en vue. Impossible d’ignorer que nous sommes dans une région viticole, tant les vignes sont nombreuses et nous entourent de plus en plus au fil de notre périple.

Après Falset, nous continuons à nous enfoncer dans le Priorat et ses vallées parfois abruptes. Il arrive qu’il n’y ait qu’un ou deux chemins assez raides et étroits pour en sortir, mais même si notre moyenne chute fameusement, on reste sur des choses tout à fait faisables en gravel.

Après 60km, les organismes sont bien vidés, mais heureusement le retour est nettement plus facile. D’une part parce qu’il est majoritairement descendant (un avantage quand on a son camp de base au niveau de la mer) et d’autre part parce que Veerle a eu la bonne idée d’y mettre une majorité d’asphalte, alors que nous avions jusque-là quasiment tout le temps roulé en tout-terrain.

Jour 3 : gravel hardcore

Pour ce troisième et dernier jour, on augmente encore le kilométrage, avec 90 km au programme ! Le but est d’aller cette fois un peu plus vers le nord-ouest, au départ du village d’Alcover et avec une première étape dans la ville fortifiée de Montblanc. Après l’invasion des Maures en 711, la région a connu un important développement agricole et commercial qui lui a apporté de grandes richesses, dont les témoignages sont encore bien visibles aujourd’hui au niveau de l’architecture.

Par la suite, l’influence catholique a pris le dessus et la région compte plusieurs monastères. Un des plus grands et des plus connus est sans conteste celui de Poblet, fondé en 1151 par des moines cisterciens venus de France. Au sommet de sa gloire, il abritait plus de 300 moines, qui dirigeaient plusieurs fermes agricoles et possédaient de nombreuses forêts dans les alentours. En cours de restauration, ce monastère de 12000 m2 se visite, mais cela demande un peu de temps. Nous nous contenterons donc d’un petit espresso dans la cour avant de reprendre notre route.

C’est qu’il nous reste de gros morceaux à avaler, avec notamment un passage à plus de 1000m d’altitude dans les montagnes de Prades. Quasiment sans aucune circulation, la route qui y mène est un véritable petit paradis, d’autant qu’elle se transforme par la suite en chemin de terre.

La sortie est aussi émaillée de quelques belles descentes rapides, absolument parfaites en gravel. Attention toutefois aux pneus : si Veerle et Olivier n’ont eu aucun souci, votre serviteur a par contre eu à composer avec un pneu déchiré suite à un optimisme un peu trop débordant. Rien de bien anormal, mais préférez tout de même des pneus renforcés en 40, voire 42 mm de section.

 

Pour cette journée, notre moyenne tourne autour de 20 km/h sans trop forcer, ce qui donne une sortie de 5h environ. Un tour copieux, donc, mais qui permet tout de même de faire plusieurs arrêts si on le souhaite.

En parcourant les derniers kilomètres, nous pouvons repenser à ces trois jours passés sur nos vélos. Et cela ne fait absolument aucun doute : l’intérieur des terres de la Costa Daurada est un paradis absolu pour le gravel. Le réseau de chemins y est absolument énorme et c’est surtout le choix qui sera compliqué tellement il y en a. Notre guide a réussi le tour de force de nous en servir une petite sélection qui nous a comblés. Puis, il y a cette sensation d’être souvent seul au monde, en pleine nature, déconnecté. Et quand on se reconnecte à la civilisation, c’est de manière très authentique dans de vieux villages où on découvre toujours bien un sympathique petit troquet pour boire un verre ou manger un petit morceau.

La Costa Daurada propose un dépaysement total, surtout quand on la découvre en gravel, qui est un merveilleux outil pour découvrir les trésors qu'elle cache à l'intérieur de ses terres

Rouler, respirer et regarder, voilà ce que nous avons fait durant ces trois jours et nous sommes tombés encore un peu plus amoureux de cette région, dont la réputation a été ternie par de nombreuses années de tourisme de masse. Mais rassurez-vous : on peut encore profiter de la côte au calme hors saison et surtout, l’intérieur des terres a gardé toute son authenticité.

Carnet pratique

  • Quand partir ? Evitez à tout prix l’été, car la température descend rarement sous les 30 degrés et parce qu’il y a beaucoup, beaucoup plus de monde (surtout sur la côte). La Costa Daurada est par contre idéale pour aller profiter de températures clémentes et d’un soleil réconfortant en automne, au cœur de l’hiver et même au début du printemps. Cerise sur le gâteau, il est possible de trouver des hébergements de qualité à de très bons prix à ces périodes.
  • Comment s’y rendre ? Montbrio n’est situé qu’à 3h de la frontière française et à 1h30 de Barcelone par la route. Ce n’est donc pas si loin. En avion, l’aéroport de Reus tout proche est très bien desservi en moyenne et haute saison par des vols réguliers ou charters, mais ils sont plus rares en automne/hiver. Cela dit, Barcelone n’est pas très loin et il y a aussi une gare TGV à Cambrils. Bref, l’accessibilité est très bonne et une fois sur place, il est possible de se passer de voiture quand on est en gravel.
  • Une fois sur place : si vous avez besoin de conseils pour bien planifier votre séjour vélo, si vous souhaitez être guidés, faire une halte pour faire réparer votre vélo ou simplement boire un verre dans un cadre amical, nous vous conseillons chaudement le magasin Montbike à Montbrio : http://www.montbike.cat/
  • Infos générales : https://costadaurada.info

ParJeffry Goethals