Inside : Cécile Ravanel raconte sa première DH en coupe du monde

Par Elodie Lantelme -

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Inside : Cécile Ravanel raconte sa première DH en coupe du monde

Fin août, Cécile Ravanel a décidé de s’aligner à Val di Sole, en Italie, au départ de sa première coupe du monde de DH. Le résultat d’un coup de tête autant que d’un concours de circonstances que la double vainqueur des Enduro World Series, amoureuse des challenges – surtout quand ils sont relevés -, ne comptait pas laisser passer ! Jour par jour, ou presque, elle nous fait partager son carnet de bord.

Dimanche, 13 août au soir, à Whistler (Canada)

Trop heureuse ! Je viens de gagner l’Enduro World Series de Whistler, et cette victoire m’assure de remporter le classement général des EWS 2017. Un grand soulagement ! Je peux enfin penser aux vacances (les billets pour la Corse sont d’ailleurs déjà réservés, on doit partir dès notre retour en France avec mon mari, Cédric) !

La soirée d’après-course commence par un repas avec la famille Commençal et là, pas le temps de trinquer que ça attaque de suite : « C’est bon, maintenant tu peux faire Val di Sole ! » lance Max Commençal ! J’essaie tant bien que mal de trouver des excuses pour ne pas y aller et balance : « Je n’ai jamais vraiment roulé avec un vélo de DH », « mon vélo n’est pas monté », « je ne rentre en France qu’une semaine avant la course », « c’est trop tard pour m’inscrire, je n’ai même pas de points UCI », « je ne pourrai pas être performante » ou encore « j’ai aqua-poney »… Bref les arguments ne manquaient pas ! Tout ça pour ne pas dire que j’avais peur car ma seule expérience en vélo de DH n’avait duré que 1min30 et s’était finie avec l’option ambulance…

Lundi 14 août, lendemain de soirée

Impossible de me sortir Val di Sole de la tête ! Je prends mon courage à deux mains et j’envoie un SMS à Manu Hubert (le sélectionneur français) : « Si je veux courir à VDS, est-ce encore possible de m’inscrire ? » La réponse est immédiate… et positive ! C’est à partir de là que le stress va monter !

Il faut que Cédric trouve rapidement un logement sur place et qu’il fasse le point (à distance) sur le matériel qui manque pour monter mon DH ! La liste est longue : récupérer des pièces chez Sram/RockShox, faire envoyer des roues de DH, demander au team DH Commençal des pneus Hutchinson DH (car nous avons le même sponsor et qu’il prévoit accessoirement des pièces de rechange…)…

Samedi 19 août, retour en France

Je n’ai pas le temps de défaire nos sacs ! Je prends une douche, un sandwich, et Ced s’attaque au montage du bike.

Dimanche 20 août

Fin du montage, je fais juste un petit tour pour valider la position et les premiers réglages…

Lundi 21 août

Direction San Romolo (Italie), sur la piste de DH. J’y ai déjà pas mal de repères, car j’y roule régulièrement avec mon vélo d’enduro. Même si je me sens de suite bien à l’aise, très vite, je me rends compte que ça n’a rien à voir avec ce que j’ai l’habitude de rouler ! J’ai la sensation de rouler moins vite qu’avec mon enduro, et le chrono le confirme… Bras en compote, plus le temps de rouler, il faut déjà préparer les affaires pour partir !

Mardi 22 août 

Direction Val di Sole, au programme : 6h30 de route depuis la maison. C’est un peu la journée installation et « récupération ». Le soir, Commencal annonce ma participation, je prends un petit coup de pression supplémentaire, je ne le cache pas !

Mercredi 23 août

Nous entrons dans la course, inscriptions, ‘track walk’, tout est rythmé par l’UCI avec un groupe A pour les top pilotes; et un groupe B pour ceux qui ne sont pas dans les points.

Le track walk 

Facile pour une enduriste de retenir une piste de 4 min 30 ! Oui mais… Impossible de me projeter sur les lignes, vu que je ne connais pas le vélo ! Est-ce que je vais passer en ‘bunny-up’ ce rocher ? Est-ce que je vais arriver à tourner court ? Est-ce que je vais faire ce saut… ?

Autant de questions auxquelles je ne peux pas répondre avant le premier essai ! Je commence à cogiter, mais je finis par me persuader que toutes les lignes que j’imagine passeront «facilement». Fin d’après-midi, Cédric finit la préparation du vélo (changements de pneus, dernières vérifications…).

On fait un point sur les suspensions avec Mat Gallean, technicien chez RockShox. Ses conseils sont précieux vu mon expérience en DH proche du néant ! Changement de settings pour les adapter à la piste, etc, me voilà « prête » pour mon premier jour !

Jeudi 24 août, premier jour des entraînements

Réveil à 6h, motivée comme une cadette, je suis la première au départ ! Cédric et Mathieu Ruffray (notre cameraman et pilote d’enduro) m’accompagnent. Ils descendent à pied le long de la piste pour regarder les lignes des autres pilotes et me faire des retours entre chaque run d’entraînement.
Je suis sur le point de m’élancer sur ma première DH et je rencontre un premier contre-temps : je n’ai pas l’autorisation de rouler avec la GoPro et dois aller signer une décharge. Je négocie pour partir GoPro éteinte et j’enchaîne mon run sans pause, la piste a été toute refaite, un régal à rouler !

Je passe toutes les lignes choisies à pied sans trop de problème, soulagée ! J’enchaîne les runs en ajustant mes réglages jusqu’à ne plus avoir d’avant-bras, je n’ai jamais eu cette sensation en enduro ! C’est le moment du bilan de ces premiers trainings : les sauts et passages techniques sont validés, mais la vitesse me manque. Je dois encore changer quelques réglages de suspensions. Mon créneau d’entraînement durait 3h30 le matin et je roulais avec les filles, les juniors et les pilotes hors des premiers 80 au classement général. Le groupe A roule après nous sur un créneau de 3h30 et enchaîne encore 1h30 avec le top 15 filles, top 10 juniors et le top 3 juniors filles.

« Je trouve une DH totalement différente et détruite ! »

En fin d’après-midi, sur les conseils de pas mal de riders et de mon amie Sabrina Jonnier, je vais marcher la piste avec Gaëtan Vigé, pilote que j’entraîne depuis 4 ans maintenant. Là, je trouve une DH totalement différente et détruite ! C’était comme si des motos (c’est quasi le cas) avaient roulé dessus ! Du coup, je modifie quelques lignes, histoire d’éviter un peu les gros trous et les racines qui sont ressorties.

Pendant ce temps, Ced me prépare le vélo chez SRAM/RockShox. Ils en profitent pour équiper mon vélo d’un QUARQ afin de collecter des données sur le freinage. Entre nous, je suis certainement la meilleure cobaye du weekend vu que je n’arrive pas à lâcher les freins (ahahah !). Kellen, de CrankBrothers, passe pour changer mes pédales Mallet Enduro contre des versions DH, je suis vraiment chouchoutée !

Vendredi 25 août, jour de qualif’

Mon objectif du matin était de valider mes nouvelles lignes en seulement deux runs. Au premier run, je segmente la piste en trois parties, histoire de bien les regarder. Au deuxième, je teste avec de la vitesse mais rapidement, je me sors, je tords l’antidérailleur, qui se bloque dans ma roue arrière et m’empêche de rouler… Obligée de descendre à pied le long de la piste, ce qui me vaut quelques remarques des marshals du style: « C’est pas de l’enduro, tu n’as pas d’outils sur toi là ! » Bref, 30 minutes de marche… Arrivée en bas, réparation de fortune, histoire que je puisse vite repartir pour un dernier run avant que mon créneau ne soit terminé. C’est tendu, mais ça le fait !

La qualif’

Je dois rouler avec le maillot de l’équipe de France car je n’ai pas de points UCI. Je prépare mes affaires pour monter au départ mais je me heurte à un problème tout bête : comment mettre le dossard sur ma protection pare-pierres ? Je sors alors un rouleau de scotch américain pour un collage à l’arrache et là, Todd de chez SRAM/RockShox me voit faire et me dit « Tu ne peux pas faire ça ! Laisse-moi, je vais te faire ça bien .» Quelques minutes après, me voilà partie avec un dossard bien collé au double face ! Merci Todd !

J’ai l’envie de bien me qualifier, mais je n’ai aucune idée de mon niveau. D’un côté, il faut que «j’assure » pour ne pas me sortir et être sûre de me qualifier; et d’un autre côté, je ne sais pas si en assurant, je vais passer ! Là, grosse pression au départ, je ne suis pas dans mes lignes sur les premiers mètres ! J’arrive à me reprendre à mi-descente mais je sens que la vitesse n’est toujours pas là. Sur le bas, je rattrape une fille, je perds un peu de temps pour la doubler mais au final, je prends une satisfaisante neuvième place !

À l’arrivée, j’ai encore les avant-bras en feu, je ne suis vraiment pas habituée à cette position ! Cédric récupère mon bike pour le préparer pour la course chez RockShox. En même temps, Mat Gallean me fait une préparation course sur la fourche. De mon côté, j’essaie de récupérer en allant me tremper dans la rivière. C’est un peu la récompense !

Samedi 26 août, jour de course

Le matin, j’ai un créneau d’entraînement d’une heure afin de voir l’état de la piste, c’est le temps pour moi de faire deux runs. Le terrain a encore évolué, ça s’est pas mal creusé et ça devient super physique. Il faut jongler entre les trous, racines, pierres et poudreuse de poussière, ce qui rend certaines parties plus lentes. Je décide encore de changer quelques lignes car il n’y a plus besoin d’ouvrir certains passages, vu qu’ils sont devenus plus lents.

Je commence à mieux me sentir sur le vélo, la fourche est vraiment bien réglée, je suis sûre de mes lignes mais j’ai toujours cette sensation de manquer de vitesse, ce qui me frustre un peu…

Retour au camion pour un peu de récup. Ced s’occupe de mon bike puis comme j’avais mis ma plaque de cadre à l’arrache, elle s’est cassée ! Je vais pour en récupérer une autre, elle n’est plus rose (couleur attitrée aux féminines par l’UCI) mais toute blanche ! Ça tombe bien, je n’aimais pas cette couleur !. En me voyant galérer à la fixer, Mat Gallean me dit: « Laisse, je le fais ! J’ai l’habitude !» Effectivement, mon vélo a de suite plus d’allure !

“Finalement, j’ai failli oublier pourquoi j’étais là : pour le défi et prendre du bon temps !”

L’heure de course approche mais je suis toujours insatisfaite de ma vitesse et de la manière dont je roule ! Là, je réalise que ces derniers jours, j’ai passé beaucoup de temps à chercher mes réglages, mes lignes et que finalement, j’ai failli oublier pourquoi j’étais là : pour le défi et prendre du bon temps ! Heureusement que mes proches me l’ont rappelé avant mon départ !

H-1

Il va falloir penser à monter au start ! Je prépare mes affaires et je vérifie trois fois si je n’ai rien oublié. Direction la télécabine accompagnée de Cédric, Mathieu et Gatien Pernet, un autre pilote membre de Pulse Session, notre société d’entraînement avec Ced.

Changement de décor en arrivant ! Un monde fou attend pour monter, et une fois dedans, j’aperçois que les spectateurs sont venus en masse; ça m’impressionne !

Une fois en haut, il y a déjà pas mal de filles sur home-trainer pour l’échauffement. La tension est palpable et je ressens une grosse différence par rapport à l’enduro. Je me pose un moment dans l’herbe avec les gars, et j’en profite pour observer un peu les rituels de chacune.

« Nous avons un rituel avec les filles en enduro : c’est de checker avant le départ en se disant un petit mot perso. »

J’ai décidé de ne pas monter sur un home-trainer pour m’échauffer car ça fait plus de cinq ans que je n’en ai pas fait ! Cela ne serait pas bénéfique, et surtout, je n’en avais pas envie. Je fais un petit tour avec le vélo d’enduro, je fais quelques wheelings, histoire de ne pas trop changer mes habitudes, et c’est bon, je suis prête !

En parlant d’habitude, en enduro, nous avons un rituel avec les filles : c’est de checker avant le départ en se disant un petit mot perso suivant l’état d’esprit de chacune. Sauf que là, je ne connais pas le rituel des descendeuses. Je me dis « Tant pis » et me décide à aller checker celles que je connais bien c’est à dire Myriam Nicole, Marine Cabirou et Emilie Siegenthaler juste avant mon start !

Mon run

Sans pression, sans objectif, j’ai quand même l’envie de bien faire et surtout de ne pas être ridicule, sachant qu’il y a le live sur RedBull TV et l’Équipe21 avec Sabrina Jonnier aux commentaires ! Objectif atteint, je passe la ligne d’arrivée en ayant suivi les lignes choisies. J’ai fait quelques erreurs, il y avait toujours ce manque de vitesse, mais je ne suis pas tombée, je m’en sors bien !

Ce que j’en retiens

C’était une sacrée expérience et un sacré défi ! Je remercie ceux qui m’ont donné le courage de m’inscrire, ceux qui m’ont soutenue et qui m’ont permis de le faire dans de bonnes conditions. Je tiens aussi à dire merci aux descendeurs pour l’accueil dans leur univers, c’était sympa de vivre ça de l’intérieur ! Bravo à tous ceux qui font ce sport à haut niveau, cela demande un engagement physique, mental et technique vraiment impressionnant ! Enfin big-up à mes mates Myriam Nicole et Amaury Pierron pour leurs superbes performances ce jour-là !

Je finirai par dire que mon caractère de compétitrice fait que je ne suis pas satisfaite de mon run ni de mon résultat (Cécile a terminé 10e), mais que je suis encore plus devenue accro à l’adrénaline…  Sauf que là, c’est un autre sujet !

Retrouvez Cécile à Val di Sole en vidéo :

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©Propos recueillis par Bérengère Boës. Photos : Keno Derleyn, Olivier Béart et Antonio Obregon Munoz

ParElodie Lantelme