Worlds 2022 ⎜Les interviews de Pauline Ferrand-Prévot, Jolanda Neff et Loana Lecomte

Par Adrien Protano -

  • Sport

Worlds 2022 ⎜Les interviews de Pauline Ferrand-Prévot, Jolanda Neff et Loana Lecomte

A l’issue de la course Dames des championnats du monde 2022, nous avons eu l’occasion de recueillir les réactions de trois des principales animatrices de la course : la championne du monde Pauline Ferrand-Prévot, la médaillée d’argent Jolanda Neff, et enfin Loana Lecomte, 4e. Interviews :

Loana Lecomte, 4e

Ces championnats du monde à la maison ne garderont-ils pas un gout âmer pour toi ?

Loana : Je ne suis pas du tout déçue, j’ai fait avec les armes du jour et j’ai senti dès le départ que ça allait être compliqué. Je suis surtout fière de m’être battue jusqu’au bout car quand, dès le premier tour, on ne se sent pas bien, il y a une pensée vagabonde qui envahit la tête : elle me disait d’abandonner, j’avais envie de m’asseoir et juste de ne plus avoir mal aux jambes. Après, j’ai réussi à me re-mobiliser et ça s’est un peu débloqué dans la tête. Au final, je suis hyper contente que ce soit Pauline qui ramène le titre, la France est bien représentée !

Durant un moment, on t’a vu revenir sur Neff notamment, est-ce que tu as eu une lueur d’espoir de revenir sur le podium ?

Loana : J’avais des sensations bizarres et je ne savais pas si c’était moi qui revenait ou les autres qui ralentissaient un peu le rythme. J’ai réussi à me re-motiver dans les deux derniers tours pour essayer de remonter sur la Suissesse. Jolanda a eu, comme moi aujourd’hui, un coup de mou, mais elle s’est débloquée plus rapidement. C’était un championnat, il y en aura un l’année prochaine aussi. J’ai le temps de ramener un maillot arc-en-ciel, puis j’ai déjà un maillot de championne d’Europe, et Pauline un maillot de championne du monde. On ne sera pas en manque de maillots l’année prochaine, ça va !

Qu’as tu pensé des nombreux supporters au bord de la piste et de l’ambiance qui régnait aux Gets ce week-end ?

Loana : L’ambiance pour tous les pilotes français, ici aux Gets, était folle. S’il y a une petite déception, je pense que c’est pour ceux qui sont venus me supporter et qui imaginaient que j’allais ramener une médaille. Ça reste du vélo, c’est un sport physique pour lequel on se donne toute l’année. J’espère que ceux qui me soutiennent comprennent cela aussi.

Est-ce que le départ rapide de Pauline t’as surprise, toi qui as l’habitude de dérouler ta course sans te préoccuper des autres ?

Loana : Non pas du tout ! C’est vrai que c’est parti vachement vite, j’ai même un peu dérapé au départ. C’était la tactique : même s’il y a de grosses montées dans lesquelles on peut faire la différence, l’idéal est d’être en tête dans les descentes. Pauline a eu raison de faire ça !

Est-ce qu’il y a des signes avant-coureurs qui t’alertent avant un jour difficile comme aujourd’hui ? 

Loana : Ce n’est pas une excuse, mais cela fait 2-3 jours que je « surnage » un peu. Une course, c’est un tout et je vais prendre ça comme une leçon. Je n’ai aucun regret sur toute la préparation que j’ai effectuée durant l’année, j’avais des bonnes jambes mercredi ! On va prendre du recul pour l’année prochaine et les autres années.

Jolanda Neff, médaillée d’argent

Quel est ton ressenti après cette course et cette médaille d’argent ? 

Jolanda : Je suis tellement heureuse, c’était une course géniale pour moi, durant laquelle je me suis sentie super bien. Dans le premier tour, j’ai essayé de suivre Pauline parce que je ne voulais pas lui laisser ce titre sans me battre, mais elle était trop rapide pour moi, et j’en ai payé le prix : j’ai été loin dans mes retranchements.

Jolanda : Ensuite, j’ai réussi à trouver mon rythme et j’ai donné le maximum. Je me suis battue jusqu’à la ligne d’arrivée. J’ai rattrapé beaucoup de pilotes et je me sentais fantastique, j’avais tellement de plaisir sur le parcours, il était génial et le public était fantastique. Je suis réellement heureuse avec cette médaille d’argent ! Dans une course de VTT, il faut réussir à trouver son rythme et à ne pas aller trop vite, puis on ne sait jamais ce qui peut arriver : une crevaison, une chute, ça va tellement vite. Aujourd’hui j’ai réussi à trouver mon rythme à moi et je n’ai rien lâché jusque la ligne d’arrivée.

Pauline Ferrand-Prévot a pris sa revanche sur les JO et sur sa deuxième place à Munich le week-end dernier, tu en penses quoi ?

Jolanda : Elle n’a pas fait la tournée américaine donc la situation n’est pas la même que les autres pilotes : personnellement j’ai fait toutes les coupes du monde, j’ai fait le déplacement au Brésil, à Andorre, Leogang, aux USA… Aujourd’hui, j’ai fait une course parfaite, mais je sais qu’avec une préparation de deux mois en altitude, j’ai des chances différentes aussi. Mon but n’était pas de tout faire pour les Worlds ! J’adore les courses et mon but est de les faire toutes. Je crois aussi avoir une responsabilité envers mes sponsors, envers mon équipe, mais aussi envers le sport : si tout le monde décide de ne pas faire certaines courses, je ne pense pas que ce soit l’idéal pour le sport. Elle a choisi une route différente pour ces championnats du monde, et c’est clair qu’elle était plus rapide aujourd’hui. Je sais juste que, moi aussi avec une préparation comme cela, je suis plus rapide !

Pauline Ferrand-Prévot :

On t’a vue rouler sur un semi-rigide lors de la course XCO. Pourquoi ce choix Pauline ?

Pauline : Rouler en hardtail aujourd’hui pouvait jouer dans les bosses : c’était un choix risqué car je savais que si je pouvais monter plus vite, j’allais forcément perdre du temps en descente. Finalement, les bosses étaient tellement dures que dans les descentes, il fallait juste essayer d’être propre et de récupérer. Je pense que ce dangereux choix s’est finalement avéré être le bon !

Trouver son rythme avec tout ce public qui nous pousse, je dois avouer que ce n’était pas évident !

Ce choix m’obligeait aussi à prendre un bon départ et que j’impose mon rythme dès le début pour ne pas subir les autres. Je suis partie en troisième ligne et j’ai essayé de remonter. C’est parti assez vite donc je me suis mise à fond dès le début et après, j’ai tenté de gérer mon effort. Trouver son rythme avec tout ce public qui nous pousse, je dois avouer que ce n’était pas évident. Au bout d’un moment au deuxième tour, je me suis demandé si je n’étais pas partie un peu vite et que j’allais craquer avant la fin… Mais je me suis recentrée sur moi-même et j’ai estimé la vitesse à laquelle je pouvais encore tenir quatre tours : je me connais bien et j’étais à 80 % de ce que je peux faire durant quasi toute la course donc j’ai pu réussir à maintenir cet effort.

Un titre de championne du monde vendredi sur le XCC, cela met en confiance pour l’épreuve du dimanche ?

Pauline : Mon problème est que je suis une éternelle insatisfaite. Depuis vendredi soir, je n’ai qu’une idée en tête : même si la victoire de vendredi était super, je voulais gagner dimanche ! C’est vrai que ça a son côté positif, car je pense que j’en ai besoin pour rester motivée, mais c’est une pression supplémentaire à gérer.

Tu as un palmarès impressionnant ! Comment on gère ça dans la vie de tous les jours ?

Pauline : Sincèrement, le nombre de titres, c’est chouette quand on est vieux et qu’on le montre à ses petits-enfants. Moi, ce que je veux, c’est vivre le moment présent et profiter ! Je pense regretter un peu les années où j’ai dominé plusieurs disciplines et où je gagnais beaucoup en route/cyclo/VTT . Lors de mon opération de l’artère fémorale, je me suis demandée pourquoi je n’avais pas plus profité à cette époque et j’ai réalisé que ça n’arriverait peut-être plus jamais. Désormais, je me prépare pour un événement précis, je donne le meilleur de ce que je peux et puis surtout, je profite au maximum !

Tu estimes être dans la forme de ta vie aujourd’hui ?

Pauline : J’ai vécu une saison difficile, ça a été très compliqué avec l’équipe pour des raisons personnelles. Il a fallu que je me reconstruise, et que je crée ma bulle autour de moi : j’étais en marge de l’équipe et il a fallu que je fonctionne un peu différemment. C’est aussi une des raisons pour lesquelles j’ai favorisé les stages, où j’ai pu me préparer plus sereinement, plutôt que les courses. Je ne parle pas de revanche pour autant, je laisse ça aux gens aigris ! Aujourd’hui je suis contente d’avoir pu prouver que je peux être présente le jour J et que je suis toujours dans le coup, bien que j’ai 30 ans et qu’on me qualifie de vieille du peloton ! J’ai remporté deux titres de championne du monde en trois jours, c’est exceptionnel !

Petite pensée aux JO 2024 ?

Pauline : Comme j’ai dit : on va vivre le moment présent. Même si j’ai dominé aujourd’hui, c’est Loana qui a dominé la saison, elle reste la plus régulière. Contrairement à ce qu’on peut entendre dans certains médias, nous n’allons pas nous tirer dans les pattes, on va vraiment continuer à progresser ensemble et à se dire qu’on peut se préparer pour un événement particulier. À nous deux, on peut aller loin ! Maintenant que l’on sait que nous sommes capables d’être présentes en France, forcément les JO en France, ce sera l’objectif de ces prochaines années.

Pas de fatigue après l’argent à Munich et cette victoire en XCC ?

Pauline : En me levant ce matin, j’avais terriblement envie de rouler, mais je sentais que j’étais un peu sur le fil : je me sentais plus faible, j’avais un peu mal à la gorge. Il ne fallait pas qu’il y ait un ou deux jours de plus, je serais tombé malade dans les prochains jours ! Mais cela fait partie d’une carrière aussi, il faut accepter les hauts et les bas. Aujourd’hui, je profite juste de cette belle journée !

Retrouvez tous nos articles à propos des championnats du monde 2022 ici : vojomag.com/?s=worlds+2022

Et plus spécifiquement l’article sur la course femmes : Worlds 2022⎜XCO Femmes : Pauline Ferrand-Prévot, le doublé historique

ParAdrien Protano