WC DH | Hannah, Cabirou & Widmann : interview croisée du top 3 féminin

Par Christophe Bortels -

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WC DH | Hannah, Cabirou & Widmann : interview croisée du top 3 féminin

Tracey Hannah, Marine Cabirou et Veronika Widmann : voici, dans l’ordre, le top 3 du classement final féminin de la coupe du monde de descente 2019. Il se fait qu’elles sont aussi toutes trois sponsorisées par le même équipementier, Bluegrass. La marque italienne a donc réuni le trio pour une interview croisée, dont voici les réponses en exclusivité francophone :

Nul doute que le classement final de cette saison n’aurait pas été le même sans les forfaits successifs de Myriam Nicole, Tahnée Seagrave puis Rachel Atherton. Mais voilà, les blessures font partie du sport et, pour celles qui y échappent, des opportunités se présentent. Encore faut-il savoir les saisir. C’est ce que sont parvenues à faire Tracey Hannah (2 victoires au compteur), Marine Cabirou (qui s’est imposée sur les 3 dernières manches) et Veronika Widmann (plusieurs podiums à son actif). Elles reviennent pour nous sur cette saison particulière, leur approche de la course, la gestion de la pression, les risques, le matériel, etc.

Décrivez-nous votre saison en un mot…

Tracey Hannah : Intense.

Marine Cabirou : Formidable.

Veronika Widmann : Montagnes russes.

Vos résultats de cette année ont-ils répondu à vos objectifs ?

Tracey : Mon objectif était d’être compétitive aux Championnats du Monde et de courir pour la victoire en Coupe du Monde. Je dirais que ma saison a dépassé mes espérances.

Marine : J’avais pour but cette année d’être toujours dans le top 5, et autant que possible dans le top 3 et de décrocher au moins une victoire. Je pense que j’ai progressé cette saison, ce qui m’a permis de réaliser tous mes objectifs.

Veronika : C’est tellement fou ! J’ai eu seulement un top 5 l’année dernière et mon but était de reproduire cette performance. Je n’aurais jamais rêvé de finir la saison comme ça. Je sais qu’il y a beaucoup de pilotes blessées cette saison mais les temps sont proches, particulièrement sur la dernière course à Snowshoe qui m’a permis de montrer ce dont j’étais capable, et que je devais me fixer des objectifs plus élevés.

Est-ce qu’il y a une chose dont vous ne pouvez pas vous passer pour courir ?

Tracey : Mon mécanicien Jamie.

Marine : Mon casque Bluegrass bien sûr, car on fait un sport extrême qui comporte beaucoup de risques, qu’on ne peut pas toujours contrôler. C’est la chose la plus importante qui peut sauver nos vies.

Veronika : La musique que j’écoute avant ma descente en course.

Quelle a été la plus grande difficulté que vous avez dû surmonter cette saison et quelle a été votre plus grande force ?

Tracey : Le challenge mental qui vient avec la position de leader de la Coupe du Monde tout au long de l’année, mais je dirais qu’à la fin c’est aussi devenu ma plus grande force.

Marine : Ma plus grande difficulté était probablement la pression pour les Championnats du Monde parce que j’avais gagné les deux Coupe du Monde précédentes et tout le monde parlait de moi et tout ça… Ma plus grande force était probablement ma bonne humeur parce que je pense que je suis tellement chanceuse d’être ici et de vivre ça. J’ai apprécié chaque moment de cette saison.

Veronika : La plus grande difficulté pour moi cette saison était de continuer de croire et de garder confiance en moi. J’ai eu quelques bons résultats mais aussi de nombreuses chutes en course, ce qui m’a fait douter vraiment beaucoup. En tant que top 5 Elite Fille j’étais dans le groupe A aux entrainements pour la plupart de la saison, ce qui fut parfois bien, mais d’autres fois je ne me sentais pas à ma place et je ne pouvais pas m’entraîner en confiance. Je pense que ma plus grande force a été de continuer de pousser, de surmonter les obstacles, de me relever après mes chutes et d’essayer encore. A la fin, pour la dernière course, tout s’est mis en place et je suis tellement heureuse.

Quelle a été votre piste favorite et celle qui vous a le moins plu ?

Tracey : J’adore Snowshoe, même si c’était particulièrement difficile, c’était assurément ma piste favorite. Val Di Sole est celle que j’aime le moins, tellement éloignée de mes habitudes et de mes points forts.

Marine : Val Di Sole fut bien sûr ma course préférée car c’est une vraie piste de descente comme je les aime : raide, technique et juste parfaite. Tout particulièrement parce que j’ai eu ma première victoire dessus ! La piste que j’aime le moins est peut-être Leogang parce que la piste était vraiment facile et ressemblait à une piste classique de Bike Park.

Veronika : Je dois dire que ma piste favorite est Val Di Sole, physiquement et techniquement c’est ce que je préfère. Je pense que chaque piste fut belle cette année, chacune différente et avec leur caractéristiques propres. Pour moi Les Gets fut la plus dure car je me sentais moins en confiance.

Il y avait beaucoup de créativité avec les lignes cette année, qu’est-ce qui vous a aidé à vous décider durant le track walk ?

Tracey : Je pense que c’est d’avoir un esprit ouvert, de l’expérience et une bonne idée de la vitesse que vous aurez quand vous roulerez la piste lors des entrainements.

Marine : Le choix des lignes n’est pas toujours facile mais durant le track walk je parle beaucoup avec mes coéquipiers et ils m’aident à décider quelle est la meilleure ligne.

Veronika : Faire autant de courses aide beaucoup à être capable de choisir les bonnes lignes tout de suite. Cela vient juste naturellement. Pour moi c’est important de faire le track walk avec mon équipe pour échanger nos opinions. Tout particulièrement avec Harry (Molloy), il a un très bon oeil pour choisir les bonnes lignes, et savoir déjà pendant le track walk où vous devez aller c’est très important.

Est-ce que vous changez beaucoup les réglages du vélo entre les premiers entraînements et le jour de course ?

Tracey : Oui, tous les week-ends je change des tas de choses : la pression des pneus, les suspensions, etc… Chaque piste est tellement différence et on se battait pour quelques millièmes de seconde cette année.

Marine : Oui, tout particulièrement mes réglages de suspension avec Jordi de chez Fox, pour chaque course et peut-être aussi chaque jour des entraînements jusqu’à la course. Je change aussi ma position sur le vélo avec mon mécanicien dés le premier jour des entraînements, suivant la piste.

Veronika : Pour ce week-end, j’ai retiré quelques psi de ma fourche car les premiers jours étaient humides et tellement glissants. Mais après je l’ai laissée comme ça, et ça marchait bien. Normalement nous faisons seulement de petits ajustements les week-ends de course.

Comment apprenez-vous à cerner vos limites en course, particulièrement concernant les chutes ?

Tracey : Je pense que vous apprenez en faisant, en tombant et malheureusement les blessures sont celles qui vous apprennent le plus où sont vos limites.

Marine : Ce n’est pas toujours facile de trouver les limites car dans notre sport, une petite erreur de ligne, un freinage trop tardif ou un truc du genre peut vous pousser à faire une erreur. Par exemple, j’ai eu une chute durant ma course à Leogang, je suis arrivée dans une partie technique avec plus de vitesse que d’habitude et je n’ai pas pu prendre ma propre ligne, j’étais un peu trop à l’intérieur du virage et mes deux roues ont glissé. J’apprends à chaque fois où sont mes limites, course après course.

Veronika : J’ai en quelque sorte dû comprendre ça cette saison. Il y avait quelques courses où j’ai fait des erreurs stupides et je suis tombée. Parfois ça arrive juste comme ça, mais je trouve que dans la plupart des cas c’est dû au fait que je n’ai pas assez fait de descentes d’entraînement, et quand j’arrive beaucoup plus vite en course je n’ai pas l’habitude d’une telle vitesse et je fais des erreurs. C’est clairement quelque chose que je dois travailler.

A quoi ressemble votre inter-saison et quels sont vos plans d’entraînement ?

Tracey : Je suis maintenant en vacances donc tout va bien. Je pense que je vais entrer dans la période hors saison vraiment motivée et excitée de travailler dans la même direction que ce que j’ai fait cette saison. S’entrainer dur, rêver grand, rouler vite…

Marine : Durant la période hors saison, je profite pour passer du temps avec ma famille et mes amis, voyager un peu… Je fais aussi beaucoup d’autres sports comme de la moto, de l’escalade, du squash… et bien sûr beaucoup de tests avec mon équipe et mes sponsors. Concernant mon plan d’entrainement, je parle beaucoup avec mon coach Nicolas Filippi et nous décidons ensemble ce qui est le mieux pour moi et ce que je veux faire.

Veronika : Pour l’instant je vais clairement avoir une petite pause, me relaxer avant de penser à l’année prochaine, mais je suis déjà motivée pour la prochaine saison car je sais qu’il y a tellement de choses sur lesquelles je dois travailler. L’année dernière, ma préparation hivernale n’était pas si bonne et je veux clairement changer ça et travailler dessus.

Photos par Ross Bell, Boris Beyer et Sven Martin.

ParChristophe Bortels