Visite | Rossignol : à l’aube d’une nouvelle ère

Par Léo Kervran -

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Visite | Rossignol : à l’aube d’une nouvelle ère

L’histoire entre Rossignol et le vélo est jeune mais déjà bien tumultueuse. En 2022, le groupe français, parmi les leaders mondiaux dans le secteur des sports d’hiver, ouvre cependant un nouveau chapitre : pour la première fois, Rossignol dispose d’une gamme complète accessible au grand public, gérée par une équipe dédiée. Nous leur avons rendu visite au siège de la marque, au pied des Alpes et à deux pas de Grenoble :

Avant de parler vélo, un peu de contexte : si le nom de Rossignol est bien connu en France, le terrain de jeu de la marque ne s’arrête pas aux skis. C’est d’un véritable groupe que l’on parle, un groupe qui figure parmi les plus importants de l’industrie des articles de sports d’hiver. En plus de Rossignol, on y trouve les skis Dynastar, les fixations Look (premières fixations de ski modernes, séparées des pédales depuis 1994), les chaussures Lange, les bâtons Kerma ou encore les patins à glace Risport.

Fondée en 1907 à Voiron par Abel Rossignol, la marque a connu ses premières heures de gloire dans les années 1930 avec les titres de champion du monde d’Emile Allais. Depuis, Rossignol a bien grandi et s’est déplacée de quelques kilomètres, mais elle n’a pas cessé de briller au plus haut niveau… Et ne manque pas de le rappeler, comme l’illustre l’armoire consacrée aux seuls titres de Martin Fourcade qui trône en face de l’entrée. « Et encore, il en manque une partie », nous glisse malicieusement Jean Meybeck, Brand Manager de Rossignol Bikes et notre guide pour la journée.

Plutôt que de nous montrer directement les nouveaux modèles de la marque, il commence par nous emmener pour une visite du siège de la marque. Plutôt récent (il date de 2008), le bâtiment abrite 350 personnes réparties entre les bureaux et une ligne de production.

Côté bureaux, c’est un joyeux bazar et les yeux ne savent pas où se poser tant il y a de prototypes, d’esquisses, de pièces de musées et d’objets insolites qui attirent l’attention à chaque mètre. Les couloirs sont étroits, sans guide on serait parfois bien en peine d’y voir la moindre once d’organisation, mais l’endroit respire la passion. On est à mille lieues des gigantesques open spaces très aérés, sans âme, et cela fait plaisir à voir !

Mention spéciale pour le bureau complètement déluré de l’équipe responsable des tests terrains.

De l’autre côté du grand couloir principal, qui fait également office de hall et de zone d’exposition, on entre dans la petite ligne de production encore présente sur place. Ici, on ne fait que les skis (et snowboards) dédiés aux compétiteurs équipés par la marque.

La plupart de ces modèles sont d’ailleurs introuvables dans le commerce et sont souvent adaptés exactement au style et aux caractéristiques de l’athlète à qui ils se destinent.

On passe devant des étagères de noyaux bois, le cœur de chaque ski, puis devant les moules qui permettent de donner la forme et la cambrure souhaitée. A côté, un opérateur enduit des carres de colle pour les préparer à la suite des opérations.

Un ski, c’est un sandwich : autour d’un noyau viennent s’empiler de multiples couches de matériaux pour donner au produit final les caractéristiques souhaitées en termes de rigidité, de rebond, d’absorption des vibrations, de précision…

Après les presses se trouve l’espace de travail des équipes de recherche et développement, où elles peuvent expérimenter, prototyper et analyser avant d’aller éventuellement tester leurs créations sur le terrain. Pas de photos !

Enfin, on revient un peu sur nos pas car Jean souhaite nous montrer la dernière addition à cet espace de production. Derrière une porte et dans un box séparé du reste, un petit atelier vélo s’est fait une place au milieu des skis et snowboards ! L’entrepôt et l’assemblage (pour l’Europe) se font à quelques kilomètres de là, à Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs, et cette zone, encore en cours d’aménagement, fera à terme à la fois office de showroom et d’espace de travail. Lors de notre visite, ce petit atelier abritait toutefois déjà une bonne partie de la nouvelle gamme Rossignol.

Mais avant de découvrir ces modèles en détails, on retourne dans le bureau Rossignol Bikes, le « couloir à vélos » comme l’appelle Jean, pour un peu d’explications sur le positionnement de la marque dans notre milieu, sa stratégie et son avenir.

Comme on l’évoquait en introduction, l’histoire de Rossignol Bikes n’est pas vieille mais déjà riche et bien agitée. Tout commence en 2016-2017, lorsque la marque décide de se diversifier et de ne plus se reposer uniquement sur le marché des sports d’hiver. Même s’il se porte encore bien et que les prévisions à court terme sont positives, ce n’est certainement pas un secteur d’avenir à moyen terme.

Propriétaire de Time (vélos et pédales) depuis février 2016, ainsi que des marques françaises Raidlight et Vertical (équipements de trail et de montagne) depuis août de la même année, le groupe rachète en février 2017 Felt. L’idée est alors d’équiper les pratiquants 365 jours par an : ski ou snowboard en hiver, vélo ou trail dès lors que la neige fond.

Avec ces acquisitions, l’objectif est de créer une véritable « division vélo » au sein du groupe, portée par Time et Felt mais qui doit permettre à Rossignol de se développer en tant que marque propre.

Pour rentrer plus facilement dans notre milieu, la marque décide de s’appuyer sur son énorme réseau de magasins hivernaux et de développer des produits conçus pour la location. Une stratégie intelligente pour se faire une place sans avoir à concurrencer frontalement les grandes marques bien établies… sur le papier. Dans les faits, cela va s’avérer plus compliqué.

Il n’y a alors pas de véritable service dédié au vélo chez Rossignol et la marque se « contente » de répondre aux demandes desdits loueurs, avec des produits développés pour l’occasion par les ingénieurs de Felt de l’autre côté de l’Atlantique. Forcément, sans équipe de spécialistes pour coordonner tout cela et ajuster le rôle de chaque marque dans le groupe, cela se passe moins bien que prévu.

Arrive en plus de cela l’année 2020 et la pandémie de Covid-19, qui plonge tout le secteur des sports d’hiver dans une crise historique avec les diverses restrictions sanitaires voire la fermeture pure et simple des stations, selon les régions et pays. Rossignol n’y échappe pas et le groupe change même de président à la fin de l’année, Bruno Cercley cédant sa place à Vincent Wauters.

Qui dit nouvelle direction dit nouvelle stratégie et désormais, le mot d’ordre est de faire plus petit, mais mieux et plus conforme aux attentes du marché. En 2021, le groupe se sépare de Time puis Felt et crée à la place son département vélo interne. Jean, présent depuis 2017 pour gérer le marketing de Rossignol Bikes, est rejoint par Albert Baques (ci-dessus, transfuge de Felt, passé également par Intense) puis par Esteban Deronzier, absent lors de notre visite mais lui aussi fin connaisseur du milieu puisqu’il a passé plusieurs années chez Mavic. L’équipe grandit vite puisqu’elle devrait bientôt passer à 4, puis 5 personnes d’ici quelques mois, alors qu’elle n’existait même pas il y a un an.

La nouvelle gamme illustre ce renouveau : pour la première fois dans l’histoire de Rossignol Bikes, elle sera ouverte au public, sur le modèle de la vente directe. Sur le plan technique, elle repose encore sur le travail réalisé par Felt en Californie mais à l’avenir, tous les vélos Rossignol seront bien dessinés ici en Isère. Avec ces 6 vélos (3 modèles adultes et 3 modèles enfants), la marque est à la recherche de crédibilité et quand on voit les produits, on est plutôt confiants.

L’Heretic est un enduro de 160 mm de débattement (avant comme arrière). La géométrie se veut simple à prendre en main, polyvalente et pas extrême, avec un reach de 450 mm en taille M ou 477 mm en taille L, un angle de direction à 64,5° et un angle de de tube de selle à 77°. Les tailles XS et S sont montées en 27,5″ et avec des bases de 435 mm tandis que les M, L et XL sont équipées de roues de 29″ et de bases de 445 mm. Il est proposé en version Deore 12 (2 799 €), SLX (3 599 €) ou XT, comme ci-dessus (4 699 €).

Son petit frère s’appelle le Mandate. Développant 140 mm de débattement, il vise une pratique trail / all-mountain et affiche de ce fait une géométrie un peu plus courte : même reach que sur l’Heretic mais angle de direction à 66°, angle de tube de selle à 77,5° et bases à 425 mm (XS et S, roues en 27,5″) ou 430 mm (M, L et XL, roues en 29″). Là aussi, trois versions : Deore 12 (2 399 €), SLX (3 399 €) ou XT (4 399 €).

Un VTTAE figure également au catalogue, le Mandate Shift. Destiné à une pratique polyvalente, il affiche 145 mm de débattement à l’arrière, 160 mm à l’avant, 65° d’angle de direction, 78° d’angle de tube de selle et un reach de 455 mm en taille M. L’assistance est fournie par Shimano, avec un ensemble moteur E7000 – batterie 500 Wh ou moteur EP8 – batterie 630 Wh selon le niveau de gamme. Il se décline en 3 versions, Deore 11 (4 399 €, E7000), Deore 12 (5 399 €, EP8) et XT (6 399 €, EP8).

Pour les plus jeunes, Rossignol propose le Mandate Junior, un tout-suspendu disponible en 20″ (80 mm de débattement, 1 399 €) et 24″ (120 mm de débattement, 1 499 €) ainsi qu’une draisienne 12″, la Mandate Uno (139 €). Tous ces vélos sont d’ores et déjà disponibles en France, et devraient l’être dans toute l’Europe à partir d’avril.

Comme vous l’aurez peut-être remarqué, il n’y a aucun modèle en carbone dans la gamme. Albert nous explique que c’est un choix volontaire et conscient : « Faire du carbone, ça aurait été possible, on a accès aux usines mais on a choisit de ne pas le faire et ce n’est pas quelque chose qu’on vise à l’avenir. L’aluminium correspond mieux à ce qu’on vise au niveau de l’accessibilité et du comportement de nos vélos, faciles et ludiques. »

Notons par ailleurs que Rossignol n’abandonne pas les magasins de location puisque des modèles spéciaux leurs sont réservés (non vendus au public), basés sur les mêmes cadres mais montés avec des composants plus simples (transmission en Shimano Deore 10 vitesses par exemple). Toutefois, ce point évoluera sûrement à l’avenir nous confient Jean et Albert : « Les magasins, c’est notre vitrine donc on veut aussi avoir du haut de gamme chez eux. Pour une marque en vente directe comme nous, c’est un réseau test unique. »

Enfin, l’équipe d’enduro est toujours d’actualité. Estelle Charles partie chez Specialized, le Rossignol Factory Team sera cette année composé de Clément Charles et Morgane Jonnier, recrutée après l’arrêt de l’équipe Peugeot. Au programme des deux pilotes, le circuit complet des EWS bien sûr, quelques EWS-E mais aussi de l’image et une implication dans le développement des futurs produits. En attendant l’ouverture du circuit à Tweed Valley (Ecosse) le 4 juin, on les découvre en vidéo :

 

Un géant de l’hiver qui se lance dans le vélo, c’est toujours intéressant à suivre. Les débuts de Rossignol dans le domaine n’ont pas été sans heurts mais grâce à cette visite, on comprend mieux d’où la marque vient et vers où elle se dirige, et on espère qu’il en est de même pour vous. On leur donne rendez-vous dans quelques années pour voir si le pari est réussi et en attendant, nous sommes retournés à la rédaction avec un Heretic XT dans nos bagages. Rendez-vous dans quelques semaines pour le test complet !

Plus d’informations : rossignol.com

ParLéo Kervran