Visite | Mondraker : quand la valeur n’attend pas le nombre des années
Par Olivier Béart -

On a l’impression qu’elle fait partie du monde du VTT depuis toujours, et pourtant, Mondraker est une marque jeune, née en 2001. Avec 40 000 vélos par an et une distribution dans plus de 20 pays à travers le monde, l’enseigne espagnole compte aujourd’hui parmi les acteurs de poids du secteur. Sans pour autant avoir perdu ses racines et le caractère de ses vélos. Vojo s’est rendu à Elche (Alicante), au siège de la marque. Visite :
Quand on regarde l’histoire récente du VTT, on se rend compte que l’Espagne a pris une place de choix sur la carte mondiale de notre sport. Grâce notamment à des marques comme Mondraker, qui ont une identité forte et qui ont su se développer sans la renier.
Nous avons profité d’une visite des responsables des Portes du Soleil et de la Pass’Portes, destination et événement dont Mondraker est devenue cette année partenaire, accompagnés de Marc Lancelot (monsieur Mondraker France), pour nous rendre à Elche, à deux pas d’Alicante, et découvrir le QG très design de la marque, inauguré en 2021.
« Ce partenariat avec les Portes du Soleil, c’est une manière de renforcer notre image et notre ancrage en France, qui est le 2e marché de Mondraker derrière l’Allemagne, explique Marc Lancelot, mais c’est aussi un moyen de rayonner bien au-delà car les Portes du Soleil accueillent des touristes de toute l’Europe, voire même du monde, et beaucoup d’anglo-saxons. Cela va bien au-delà de la seule association de noms car les possibilités de test de nos vélos seront étendues dans le domaine, et aussi durant la Pass’Portes. »
From zero to hero
Quand on pousse la porte du siège ultra-moderne de la marque, les références à son passé sont nombreuses. On parie que bien peu d’entre vous le savent mais Mondraker est une marque jeune. Très jeune même, puisque le premier vélo de la marque date de 2001 et sa première gamme complète de 2002 ! Pourtant, elle a déjà une histoire riche et dense, tant en compétition que du côté des innovations techniques.
Si les premiers modèles étaient assez classiques, on se rend compte que la marque a très rapidement cherché à se démarquer. Elle a notamment compris assez vite l’intérêt de vélos polyvalents avec un débattement important pour l’époque, en participant à la naissance de catégories enduro et all-mountain avec des vélos comme le Curve ou le premier Foxy en 140 mm de débattement, sorti en 2003.
En 2008, c’est un véritable tournant qui s’amorce : Mondraker lance sa propre suspension à point de pivot virtuel, baptisée « Zero ». Pourquoi ce nom ? Simplement parce qu’elle permet d’avoir zéro perte de puissance au pédalage, zéro pedal kickback et zéro influence sur le freinage. Bref, d’être efficace tout simplement.
Israel Romero est une des figures de la marque. Cet ancien journaliste, Product Marketing Manager, mais aussi pilote essayeur, a suivi la marque depuis ses début, avant même d’en rejoindre les équipes. Il se souvient :
« Dans ces années là, le freeride était très populaire et c’était le début de ce qu’on allait appeler après l’enduro, avec des marques comme Santa Cruz, Iron Horse, etc. Mondraker a compris qu’il était important de concevoir son propre système de suspension VPP. Je connaissais bien Cesar Rojo (qui a depuis créé la marque Unno) et nous avons commencé à travailler ensemble. Cesar est aujourd’hui bien connu, mais à l’époque pas. Il avait fait son travail de fin d’études sur une suspension particulière, qui pouvait être une bonne base de travail. J’ai présenté Cesar à Miguel, qui ont commencé à travailler sur cette suspension spécifique, qui pouvait fonctionner sur n’importe quelle plateforme. En 2006. Cesar, Miguel et moi-même avons bossé sur ce qui est devenu la suspension Zero dans son design originel, sorti sur le premier Dune présenté à l’été 2008 pour le millésime 2009. Et c’est toujours ce même concept qu’on retrouve aujourd’hui sur nos vélos, avec un amortisseur qui bouge entre deux biellettes. Cela donne une suspension très sensible, très douce, avec beaucoup de traction. Et surtout, cette suspension a créé un vrai ADN pour la marque. »
Si elle a été affinée au fil du temps, cette suspension existe toujours aujourd’hui… et plutôt deux fois qu’une, puisqu’elle est présente sur l’ensemble des vélos tout-suspendus de la marque. Oui, oui, depuis le XC jusqu’à la descente en passant par toute la gamme e-bike. Ce qui est une belle prouesse !
Une autre innovation notoire est arrivée en 2012, et elle a marqué l’ensemble de l’industrie du vélo. Mieux, elle a même dessiné les contours de tous les vélos contemporains. Il s’agit de la Forward Geometry, qui se caractérise par un reach important, un avant du vélo long, couplé à une potence courte. Ce sont les Mondraker Factor XR, Foxy XR et Dune XR qui ont inauguré ce concept, depuis repris et réinterprété par l’ensemble du monde du vélo.
La compétition a toujours été un moteur dans le développement de la marque. En 2003, Tomi Misser remporte le premier titre national de Mondraker en devenant champion d’Espagne. Puis, Mondraker passe un cap en recrutant Fabien Barel, qui gagnera la première manche de coupe du monde sur un vélo de la marque à Maribor en 2009 et dont on voit ici un vélo d’époque. Israel se souvient aussi de l’implication de Fabien Barel dans le développement de la géométrie Forward : « Fabien a apporté beaucoup à la marque à cette époque. Il avait beaucoup d’idées et il rebondissait aussi très vite sur ce que la marque pouvait proposer. Avec, bien sûr, la validation en compétition, sa pointe de vitesse et sa crédibilité qui ont été très précieuses. »
Par la suite, la marque n’a jamais cessé d’être présente en compétition, surtout en descente. Parmi les nombreux podiums et les victoires, un moment reste particulièrement marquant : Val di Sole 2016. Sur ce championnat du monde, les trois pilotes d’usine Danny Hart, Laurie Greenland et Florent Payet ont tout simplement trusté les trois marches du podium au guidon de leur Summum Carbon, dont les trois exemplaires trônent désormais fièrement dans le hall d’entrée du siège de Mondraker.
En XC aussi, Mondraker a écrit quelques belles pages de son histoire, même si son implication est plus récente qu’en DH. En 2019, l’Australienne Rebecca McConnell a offert son premier podium à la marque, et elle a par la suite signé une série inédite de trois victoires consécutives.
Plus près de nous, l’année 2024 a été marquée par la double victoire de Ronan Dunne sur les très sélectives courses de descente Hardline de Red Bull, en s’imposant sur les deux manches en Ecosse et en Tasmanie.
L’amour de la compétition de Mondraker se marque aussi par sa collaboration avec des figures connues. Ainsi, les frères Alex et Marc Marquez, pilotes de MotoGP, roulent en Mondraker et ont droit à des vélos à leurs couleurs.
La marque aime aussi faire de beaux clins d’œil à la compétition automobile, avec plusieurs séries spéciales rappelant cet univers, et des collaborations avec Gulf et ses couleurs emblématiques qui ont marqué des générations d’amateurs de sport auto notamment pour les livrées orange et bleu de voitures ayant brillé aux 24h de Mans (Porsche, McLaren,…)
Aujourd’hui, l’e-bike a aussi pris une part importante dans les ventes de Mondraker. Un juste retour des choses pour la marque qui a été parmi les premières à faire de vrais e-MTB en 2015 puis à intégrer les batteries dans le cadre. Aujourd’hui, le modèle le plus vendu de la marque est d’ailleurs le Crafty équipé en moteur Bosch. Et si la marque ne fait toujours pas de vélos de route et ne compte pas en faire, le gravel est aussi en train de prendre une part importante avec les Dusty et Arid.
Un assemblage made in Elche
En descendant au rez-de-chaussée de l’imposant quartier général circulaire de Mondraker, on accède à un espace habituellement interdit au public : les chaînes de montage. La marque en est pourtant très fière, mais ici, ça bosse et il faut être accompagné pour y déambuler.
La croissance de Mondraker a été assez fulgurante : de 7 modèles en 2002, on est passé à pas moins de… 87 modèles en 2025.
Et, si les cadres sont fabriqués en Asie, ils sont entièrement conçus et assemblés à Elche, dans ce bâtiment qui n’abrite pas seulement des bureaux et des espaces d’exposition, mais aussi plusieurs lignes de montage.
Ici, une grosse centaine de personnes travaillent au montage des vélos, sur les 270 que Mondraker emploie de par le monde.
Par an, ils assemblent pas moins de 40 000 vélos !
Réception des cadres et contrôle qualité, préparation des composants et enfin montage et emballage : la recette est connue et pas vraiment spécifique à Mondraker, mais on a noté un contraste entre l’atmosphère quasiment clinique des lieux et l’ambiance plutôt détendue sur les chaînes de montage.
D’ailleurs, parler de « chaîne de montage » est un peu abusif, car si plusieurs personnes interviennent sur un vélo entre son entrée et sa sortie de l’usine, le montage d’un vélo en lui-même est réalisé par une seule personne. Par contre, les vélos montés changent régulièrement afin que chacun garde une certaine polyvalence et afin de faire preuve de flexibilité par rapport aux besoins du marché.
Chaque poste dispose d’un écran permettant un suivi complet et un accompagnement du monteur dans ses différentes tâches. Ce qui assure aussi la traçabilité du vélo, de ses composants et de son assemblage, jusqu’au contrôle de qualité final.
Tout au bout de la chaine, on se souvient que Mondraker a été une des premières marques à bannir le plastique au niveau de l’emballage il y a plusieurs années déjà, grâce à une caisse et à un système de calage interne du vélo entièrement en carton.
Quant aux vélos « spéciaux », les prototypes de test pour les équipes R&D, les vélos historiques que la marque conserve, ou encore ceux destinés aux ambassadeurs ainsi que le parc de vélos de test, ils sont assemblés et maintenus dans un espace dédié, situé quant à lui au dernier étage du bâtiment. Les protos qui préfigurent de futurs modèles avaient été (plus ou moins) cachés pour notre venue, mais rien que pouvoir voir les prototypes de vélos déjà sortis, c’était comme une sorte de visite de la caverne d’Ali Baba !
Israël Romero est notamment très fier de sortir des cartons ce prototype en aluminium usiné du dernier Crafty.
« Cette « mule » est faite de deux coques d’aluminium rivetées l’une à l’autre, avec énormément de choses qui sont adaptables. Bien sûr, ce châssis est plus lourd qu’un cadre de série, mais il roule et cela nous permet de tester différents réglages de suspension, la géométrie (reach, angle de direction, longueur de bases,…) et aussi de nouveaux moteurs quand il s’agit d’e-bikes. »
Il poursuit : « Le test terrain est vraiment important pour nous. Bien sûr, nos vélos sont développés d’abord sur ordinateur et en maquettes 3D, mais nous essayons toujours d’aller le plus vite possible sur le terrain. De rouler, encore et encore. Nous, dans l’équipe et sur le magnifique terrain de jeu que nous avons juste à la sortie de l’usine, mais aussi nos athlètes que nous mettons régulièrement à contribution. C’est aussi cela qui fait l’ADN Mondraker. »
Le laboratoire de la créativité
Pour terminer notre visite, nous nous rendons dans un deuxième bâtiment, situé à quelques centaines de mètres du premier. Plus discret, il abrite toute la partie design et création de la marque, mais aussi une cabine de peinture et un atelier de réparation et prototypage. C’est le « Blue Lab ».
Sur place, Ricardo Leme, le maître des lieux, nous accueille. Il a longtemps travaillé pour Trek, avant de rejoindre Mondraker, où il occupe le poste de CTG Design Manager & Product.
« Nous avons voulu cet endroit comme un lieu mixte, au service de la créativité. Il y a tout d’abord les bureaux de l’équipe et notre espace de recherche et de créativité. Nous travaillons sur les tendances, nous examinons ce qui se fait ailleurs, dans l’automobile, les autres sports, et nous traçons aussi notre propre voie. C’est ici qu’on essaie de se projeter, de voir dans une sorte de boule de cristal ce que sera le marché dans quelques années… et de faire les bons choix pour faire en sorte que Mondraker reste leader de tendances et pas un suiveur. »
« Ce qui est très important dans ce lieu, c’est que nous avons juste à côté la cabine de peinture. C’est là que sont peints les vélos des teams, et aussi certaines séries limitées aux couleurs très particulières. Mais elle nous donne aussi énormément de flexibilité dans nos recherches. »
« Cela nous permet de faire peindre très rapidement des prototypes dans les couleurs que nous avons pré-sélectionnées, de tester des choses en taille réelle. C’est un atout énorme, et je pense que cela joue beaucoup dans l’image forte qu’ont les vélos Mondraker. Parce que, oui, le mountaibike est né aux USA et c’est longtemps là qu’on trouvait les marques les plus mythiques. Mais aujourd’hui, l’Europe compte énormément et l’Espagne en particulier. Je pense que Mondraker y a contribué, et c’est ce que nous voulons perpétrer aujourd’hui. Renforcer même ! »
Outre le design des vélos, on étudie aussi d’autres choses ici, en rapport avec les équipes produit. « C’est un travail commun qui a permis l’arrivée dans les gammes d’une nouvelle taille M/L qui a permis de repositionner les géométries de nos vélos. Il y a eu un vrai dialogue entre ce que nous avons capté des tendances, des retours de terrain, et des équipes produit qui ont concrétisé cela avec nous. »
Le Dusty de gravel est aussi un bon exemple de la rencontre entre technique et design : « Il y avait une volonté technique d’apporter du confort, qui est un élément hyper important de la performance en gravel. Mais nous avons voulu le faire avec style, et c’est ce qui a donné cette connexion unique entre les haubans et le tube de selle du vélo. »
Enfin, notre guide n’est pas peu fier de terminer sa visite en nous montrant un nouveau département de réparation des cadres. « Nous avons plus de 20 ans, et nous pensons que cela fait partie de notre ADN et de la maturité d’une marque de pouvoir offrir un service sur le long terme à ses clients. Nous avons donc lancé un service de réparation officiel pour nos cadres carbone, qui pourrait aussi évoluer vers de la restauration de nos vélos plus anciens, notamment en pouvant proposer de refaire une peinture ou de restaurer entièrement des cadres. Nos clients sont des passionnés, nous aussi. Nous savons qu’ils tiennent à leurs vélos et que beaucoup les conservent même s’ils en achètent de nouveaux. C’est quelque chose qu’on voit dans l’automobile et qui va, je pense, arriver dans le vélo aussi. »
Il est maintenant temps de dire au revoir au soleil espagnol et de se donner rendez-vous dans les Portes du Soleil, et notamment pendant la Pass’Portes fin juin 2025 si vous voulez enfourcher un Mondraker pour un galop d’essai.
Plus d’infos : https://mondraker.com/fr/fr