Traversée du Lac Saint-Jean : le blizzard se lève !

Par Olivier Béart -

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Traversée du Lac Saint-Jean : le blizzard se lève !

L’an dernier, Vojo était parti à la découverte de cette aventure unique qu’est la Traversée du Lac Saint-Jean au Québec, ainsi que de la pratique du fatbike au Canada, où les vélos à gros pneus connaissent un succès bien compréhensible. Notre confrère Patrick Lamarre, du team Endurace.com – withspirit.fr, nous avait accompagnés et il a eu la chance de refaire le voyage cette année. Pour Vojo, il nous raconte ses aventures sur cette Traversée du Lac Saint-Jean, 3ème du nom, qui s’est déroulée dans des conditions extrêmes avec un violent blizzard, -34°C de température ressentie, et moins d’un quart de finishers à l’arrivée…

Canada_Lac_StJean_Vêtements_Kite-82Un peu plus tard, sur le site de Roberval (lieu d’arrivée), j’effectuerai les premiers tours de roues avec mon Fatboy SL. Je suis en terrain connu, puisque c’est avec le même vélo que j’avais couru en 2015. Par contre, la météo est bien différente et les craintes de l’organisateur se confirment : il sera difficile de rouler sur cette neige, quasi impossible à tasser. La course sera difficile et le vent prévu rajoutera à la difficulté.

Canada_Lac_St_Jean_Course-33J’essaie, avec ma faible expérience, d’ajuster la pression de mes pneus en 4.6. Comme disent nos cousins québécois, il faut rouler les « pneus par terre » pour pouvoir diriger le vélo et adhérer dans ces conditions. Pour avoir lu sur les forums fat bike quelques sujets sur les pressions des pneus, je saisi là toute l’importance de ce facteur et je tente l’expérience de rouler  » à plat  » en prévision de ce qui s’annonce le lendemain ! J’en profite aussi pour tester mes vêtements Vaude et la protection faciale, composée d’une cagoule et d’un casque Giro Air Shield Attack (voir image en fin d’article). Prévu à la base pour la route et le triathlon, ses ouvertures ne sont pas trop proéminentes et il intègre des lunettes bien protectrices. L’usage détourné que j’en ai fait en aura intéressé plus d’un sur la Traversée !

Traversee_Lac_St_Jean_Martin_Gaudreault_Vojo-1Au matin de la course, la température est de – 20° C et – 34 ressentie avec le facteur vent ! Première source de réjouissance, le ciel est bleu et le vent souffle raisonnablement, même s’il suffit à congeler les morceaux de peau non recouverts. Mais nous savons tous que, sur le lac, tout peut changer très vite. Et que ses 32 « petits » kilomètres de diamètre peuvent vite se transformer en une aventure périlleuse.

On annonce de bonnes conditions jusqu’au neuvième kilomètre puis, ensuite, une dégradation de la piste et des conditions…

120 fat bikes tournicotent pour se chauffer un peu avant de descendre sur le lac et de s’aligner sur la piste, pour un départ vers le grand blanc. Le niveau cette année est un peu plus relevé qu’en 2015, avec la présence des champions Canadiens et Québécois de fatbike, d’un coureur professionnel ayant couru le Tour de France et, bien sûr, de nombreux amateurs éclairés.

6-Traversee_Lac_St_Jean_Martin_Gaudreault_Vojo-1On remarque aussi la présence du Belge Thomas De Dorlodot, athlète Red Bull et star du parapente qui, en grand aventurier qu’il est, voulait découvrir de nouveaux horizons. David Lecointre nous a annoncé de bonnes conditions jusqu’au neuvième kilomètre puis, ensuite, une dégradation de la piste et des conditions…

1-Traversee_Lac_St_Jean_Martin_Gaudreault_Vojo-1Au top départ, comme sur une course de xc, ça part très vite, j’essaie de suivre quelques centaines de mètres avant de relâcher un peu, mon échauffement incomplet et mon demi-siècle me rappellent à la raison.

2-Traversee_Lac_St_Jean_Martin_Gaudreault_Vojo-1Julien Foucart, le monégasque du team Endurace, part très bien mais devra s’arrêter un peu plus loin pour dégonfler ses pneus. Ayant reçu son fatbike assez tard la veille, il n’aura pas pu rouler suffisamment pour trouver le bon compromis pour ces pneus en 4.0, sans doute un peu étroits pour cette épreuve. Les chutes sont nombreuses, difficile de rester dans la trace. Pourtant, la piste avait été annoncée comme « bonne » sur les 9 premiers kilomètres. Pour la suite, je m’attends au pire…

Traversee_Lac_St_Jean_Martin_Gaudreault_Vojo-4Au bout de 3 kilomètres, nous sortons de la baie de Péribonka et nous retrouvons le vent de face. Bien qu’entièrement recouvert, j’entends le vent glacial siffler et glisser contre moi. La lutte s’annonce sévère et je grignote quelques places, désignant chaque compétiteur devant moi comme prochain objectif. A la première cabane de sécurité, je bois quelques gorgées au gobelet tendu par les bénévoles avant de reprendre la trace. Le vent forcit, la trace est peu visible. Avec des conditions de « jour blanc », la course se durcit.

Traversee_Lac_St_Jean_Martin_Gaudreault_Vojo-5La vitesse est lente, le vent souffle maintenant plus fort, avec de bonne rafales. Il m’arrive fréquemment de sortir de la trace, parfois de chuter. La moyenne horaire est très faible. Je distingue devant moi quelques coureurs mais le vent soulève de la neige qui court sur la glace comme une fumée épaisse filant à 30 cm du sol. Sous les rafales toujours plus fortes, il m’arrive de rouler quelques secondes à l’aveugle ! Au loin, le ciel n’augure rien de bon. Le doute commence à s’installer. Peut être devrais-je lever le pied ? La course va durer plus longtemps que prévu et il faut garder quelques réserves.

Traversee_Lac_St_Jean_Martin_Gaudreault_Vojo-9Au milieu du lac, je dois tenir la seconde place, que je garderai jusqu’au vingtième kilomètre avant de me faire déboiter par de fougueux locaux que j’essaie de suivre en vain, éreinté par les nombreuses chutes. Les dix derniers kilomètres sont un vrai calvaire, le blizzard se lève, on devine à peine les piquets servant de repère pour la trace, le vent forcit encore, je ne vois plus personne devant ni derrière, parfois une ombre apparait quelques dizaines de mètres en avant puis, plus rien…

Traversee_Lac_St_Jean_Martin_Gaudreault_Vojo-17Ce fameux blizzard, David Lecointre, l’organisateur, m’en avait parlé. Il le craignait, le voilà. J’en avais rêvé de ces conditions Arctiques sur ce lac gelé, histoire de rendre la course encore plus givrée. C’est dur, mais c’est juste cool, juste fresh, irréel. De quoi congeler à vie des souvenirs tenaces !

Traversee_Lac_St_Jean_Martin_Gaudreault_Vojo-16Heureusement, les dévoués bénévoles de l’organisation patrouillent en motoneige et s’assurent de notre état. Je commence à voir un concurrent, puis 2, puis d’autres me doubler… mais sur des motoneiges. La course fait des dégâts derrière et l’organisation fait évacuer les derniers pour éviter d’être pris dans le blizzard.

Traversee_Lac_St_Jean_Martin_Gaudreault_Vojo-11Mon rythme diminue mais je ne lâche rien, les derniers kilomètres sont interminables et je me demande si je n’irais pas plus vite en courant à côté du vélo. J’essaie quelques mètres mais courir dans cette neige, contre ce vent qui emporte tout à 70 km/h, c’est encore plus difficile.

Au final seuls 24 participants sur 120 partants finiront la course !

Puis je devine les cabanes du village sur glace de Roberval, l’arche d’arrivée n’est pas en place, le vent ne le permet pas. J’entends ensuite les clameurs du public, toujours plus fort. Je prends une dernière gamelle à 400 mètres de l’arrivée, avant d’enfin terminer avec un temps 2 fois supérieur à l’édition 2015 ! Les vainqueurs de l’année passée, qui avaient annoncé une traversée en 1H45, mettrons 2 heures de plus sur cette édition. Au final seuls 24 participants sur 120 partants finiront la course. Après que le dernier vététiste soit arrivé, le lac s’opacifie encore, au point de devenir dangereux pour les derniers motoneigistes présents sur le trajet. De quoi occasionner quelques sueurs froides pour le directeur de course, qui a pu souffler uniquement lorsque le dernier bénévole a regagné la base.

5-Traversee_Lac_St_Jean_Martin_Gaudreault_Vojo-1C’est avec une grande émotion que je franchis l’arrivée à la sixième place en 3H54. Je mesure combien c’était difficile et éprouvant. Les conditions polaires sur le lac St Jean m’ont permis de découvrir des sensations fabuleuses, presque irréelles, mais aussi de constater combien l’organisation était efficace. En effet, avec une météo devenant dangereuse, elle a su évacuer en un temps record tous les riders en difficulté ou ceux qui auraient pu se retrouver dans ce cas. Cette logistique, qui peut paraître lourde à nos yeux (il y a un bénévole par participant), est d’une efficacité redoutable.

3-Traversee_Lac_St_Jean_Martin_Gaudreault_Vojo-1Nous pouvons sans hésiter affirmer que 2016 a été un grand cru. La Traversée du Lac Saint-Jean aura acquis ses lettres de noblesse et gagné sa place parmi les courses extrêmes. Tous les ingrédients étaient présents pour que cette édition soit exceptionnelle. Si vous avez la chance de vous aligner sur les prochaines compétitions, je vous souhaite de connaître les mêmes frissons car comme disent les locaux: « Ca, c‘est le vrrrai lac Saint-Jean ! »

Plus d’infos : velosurlac.com
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Photos : Martin Gaudreault – Traversée du Lac Saint-Jean

ParOlivier Béart