Trans-Cascadia | Romain Paulhan & Débi Motsch : récits à la sortie des bois

Par Paul Humbert -

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Trans-Cascadia | Romain Paulhan & Débi Motsch : récits à la sortie des bois

En fin d’année dernière, nous vous parlions de la Trans-Cascadia, cette course d’enduro organisée au Nord-Ouest des Etats-Unis qui a pour but de créer un réseau durable de sentiers VTT. Romain Paulhan et Déborah Motsch étaient sur place pour vivre une belle aventure au coeur du Pacific North West, le temps d’une course unique. Ils nous racontent :

 

 

Retrouvez le premier article de Débi et Romain, en préparation pour la Trans-Cascadia : www.vojomag.com/column/trans-cascadia-romain-paulhan-debi-motsch-deux-frenchies-aux-usa

Romain Paulhan. Trans-Cascadia Part.2 

C’est après deux belles journées ensoleillées à découvrir les trails bucoliques (mais plats) de Bend, dans l’Oregon, que nous nous retrouvons non loin de Portland pour le début des hostilités et cette fameuse Trans-Cascadia. Le rendez vous est fixé dans la pampa à côté d’un grand champ de « weed ». Oui, oui, « WEED », le décor est planté, l’aventure peut commencer ! 

J’ai beaucoup entendu dire, « tu vas voir Paulhette, ils sont complètement fous les cowboys de la Trans-cascadia, l’ambiance est vraiment cool et les champignons y sont bons ! » En effet, tout le monde est « tran tran » dans ce champ, les véhicules de chacun resteront ici le temps d’une petite semaine de folie loin de rien mais au plus proche de tout. 

Nous sommes accueillis comme des rois : petit bar, wraps et première bière d’accueil pour ré-hydrater les papilles avant le grand départ. Chacun passe pointer entre deux discussions histoire de vérifier qu’il figure parmi les heureux inscrits de cette édition 2019.  

C’est à ce moment-là que la reine du Sundgau débarque, Débi Motsch ! Mademoiselle tousse déjà suite à un voyage trop climatisé, mais comme toute alsacienne, elle est robuste ! Après seulement six semaines de convalescence, quelques heures sur le VTT, son sourire est toujours là, deux trois coups de clé pour remonter son Maverick tout juste sorti du carton, et c’est parti !

Vélos, valises, nous voilà dans des mini bus version « US », 14 personnes assises, vélos sur le toit et un rack 6 vélos sur la boule d’attelage à l’arrière. On fait connaissance avec les voisins, ça papote, chacun se présente et l’excitation est palpable. Certains locaux nous présentent les petites merveilles en bord de route, le spectacle est grandiose. 

Quelques heures plus tard, nous voilà au coeur de la région baptisée « Cascadia », en référence à sa chaîne de cascades. Le camp est planté au beau milieu de gigantesques sapins de cinquante mètres de haut, le Mt Adams (3743m) se reflète dans le lac, c’est juste sublime. Nous découvrons nos demeures pour les cinq prochaines nuits : matelas auto-gonflant 7 cm, toile 2 mm, kit d’accueil avec veste « Gore-Tex », un mug pour éviter de consommer des gobelets en plastique avec un pétard de « weed » à l’intérieur, le ton est donné !

Histoire d’animer ce « DAY 0 » des ateliers nous sont proposés: confection de t-shirt « Tie & die » aux couleurs de la course, freesbie to beer, planté de clou, pyramide de bois, bar à cocktails et bière à volonté autour du feu. Ça va pas trop mal !

Après un excellent repas du chef, une première nuit plutôt courte due à une excitation bien trop importante, nous voilà dans la première montée pour la SP1. Il pleut, une belle terre noire bien grasse nous attend, le brouillard pénètre au milieu des sapins, c’est mystique ! 

Masque nettoyé, suspensions déverrouillées, gants presque pas mouillés, on y est ! J’ai du mal à y croire, je peine à réveiller mon corps, et me répète « appuie bordel ! ».  Ça glisse vraiment, le trail typé moto me donne direct la banane, les virages légèrement relevés s’enchainent, le rythme est vraiment fou, les whoops creusés par les accélérations forment des doubles, triples tout du long, c’est tellement bon !

En bas, les sourires et cris de joie nous font oublier que nous sommes déjà trempés. Un petit feu confectionné spécialement pour ce premier ravitaillement nous fait oublier l’humidité ! 

À présent, je me dis que je vais radoter pour le reste de ce récit, mais sincèrement toutes les spéciales étaient incroyables. Certaines ont duré plus de 10 minutes et tu ne les voyais même pas passer ! Mes préférées étaient la 4, la 6, la 7 et la 10, Strawberry south : ouais ça vous fait une belle jambe de savoir ça, mais je tenais à le souligner pour ceux qui y étaient ! Ainsi, je ne peux qu’insister sur le fait que la qualité et la fluidité des trails était folle et qu’après seulement la deuxième journée je réalisais que c’était mon meilleur riding depuis mes débuts en VTT !

Sincèrement le travail réalisé par Nick Gibson et toute son équipe est remarquable, je tiens vraiment à les remercier pour leur passion et leur engagement, sincèrement chapeau bas les gars.

Je pense que comme beaucoup, on aurait aimé avoir du soleil et un peu plus de chaleur pour cette édition 2019, mais je suis content d’avoir réussi l’aventure avec Débi, qui a su serrer les dents tout à gardant le sourire, car ce n’était pas facile. Je l’entendais tousser dès 7h du mat dans sa tente : ça c’est une Alsacienne, une vraie. Bravo Débi ! 

Cette belle aventure restera gravée à jamais dans ma mémoire, j’ai déjà hâte de retourner au fond des bois de cette magnifique « Gifford Pinchot National Forest » avec ces gens si sympas. Et puis comme on dit, les aventures les plus folles sont celles dont on se souvient le plus. Au fond de moi, je suis content d’avoir vécu cette Transcascadia, la plus froide et chaotique de l’histoire. Un certain « Zoé » disait : « Paulhette, il aime bien quand c’est la merde », tu voyais juste frère. 

Ah oui, les résultats. Pour être honnête j’ai regardé les temps le dernier soir. Je savais que j’étais en tête avec une trentaine de secondes mais je ne connaissais pas les écarts et les chronos sur l’ensemble des spéciales. C’était tellement cool que j’avais juste envie d’apprécier à mon rythme sans forcément me dire qu’il fallait pousser plus. Finalement ça a plutôt bien fonctionné. 

Dimanche, le dernier jour, je me souviens d’une petite vidéo que j’ai faite dans la tente ce matin là. Il pleuvait encore et j’entendais ma pauvre alsacienne tousser comme un pompier à la sortie du feu ! 

Le pantalon réchauffé après 10’ dans le duvet, on se retrouve tous pour le dernier petit déjeuner, les regards et les corps sont fatigués par le froid. Les quelques éclaircies nous laissent entrevoir les hauteurs bien enneigées, c’est là que nous apprenons que cette dernière journée est annulée. Je réalise donc que je remporte cette Trans-Cascadia 2019 ! Je suis ravi sur le moment, mais également un peu frustré de ne pas terminer mon cornet avec la pointe de chocolat comme fin. 

Le soulagement se fait ressentir au camp, car une grosse journée sans navette ni ravitaillement nous attendait et les 10 cm de neige au sommet du premier départ nous auraient bien corsé le programme. Sage décision de l’organisation. 

Vous pensez bien que les cowboys n’allaient pas nous laisser au coin du feu toute la journée : en attendant la soirée des awards, c’est un ride improvisé qui s’organise. Tout le monde charge quelques bûches de bois sur le sac, des bières dans les poches et nous voilà partis pour un sommet tous ensemble, histoire de clôturer cette édition 2019. 

La montée est cool puis se corse par un sentier qui grimpe tout au long de ses 700m de dénivelé. Il fallait bien se réchauffer, mais on est bien. Nous arrivons tous au sommet, la vue est incroyable et l’hiver est bel et bien là. Le feu s’éveille et nous trinquons à cette fabuleuse aventure humaine sur ce sommet tout blanc, nous sommes heureux et apprécions l’instant. 

Quelques bières englouties, nous voilà repartis en énorme « tchou, tchou », dans la neige. À la moitié de la descente, deux possibilités s’offrent à nous : soit on rentre pour midi au camp, soit on va visiter « GOAT MOUNTAIN ». Trois heures et huit cents mètres de dénivelé en plus, avec Nick l’organisateur comme guide. Il me reste une barre de céréales, un bidon: ça va le faire, on tapera dans le gras ! Nous sommes donc douze inconscients à prendre part à cette deuxième excursion improvisée.

Une crête s’ouvre à nous, le trail est splendide face aux montagnes enneigées avec des forêts à perte de vue. La descente pointe le bout de son nez et un autre joli train démarre, j’adore ça ! Je vais me répéter, mais le trail est complètement irréel, tendre, ses virages sont fluides avec de la mousse en extérieur et du cacao à l’intérieur, c’est ultime ! 

Je vous laisse apprécier les images ! Ah oui, j’oubliais : la soirée, ou les soirées. C’était à la cool au coin du feu, sans GSM, sans Instagram, sans parasite. Sincèrement, cinq jours sans téléphone ça fait un bien fou et je crois bien que je vais me faire plus de Trans-Cascadia à la casa ! 

Allez, Arvi la Vojo family & merci.

Paulhette

Déborah Motsch. Trans-Cascadia Part.2 

Depuis que je suis rentrée de la Trans-Cascadia, j’ai des étoiles plein les yeux ! Cette expérience m’a séduite par la qualité de ses sentiers, ses paysages grandioses et surtout, pour la communauté et l’esprit qui règne autour de cet événement. 

Dès notre arrivée au camp, je retrouve Paulhette et on comprend vite que ce ne sera pas une course comme les autres. On était très loin dans la forêt, au milieu des sapins immenses, à 2h de la civilisation et sans réseau, au Takhlakh Lake face au Mont Adams. Toute la course s’est déroulée au cœur du Gifford Pinchot National Forest à l’Est de Portland. Mon esprit est entièrement happé par cette atmosphère sauvage et concentré sur le moment présent.  On récupère notre « Welcome Pack », bien garni et plutôt original puisqu’à l’intérieur on y trouve un joint roulé ! Autour de la centaine de tentes, il y a le chapiteau pour manger, quelques tentes des partenaires de l’événement, un grand feu de camp, un open bar où « Funky Abides » préparait le ou les cocktails de nos souhaits (il était présent tous les soirs !), quelques jeux, dont créer soit même son T-Shirt « Tie & Die » (les T-shirt type hippies de toutes les couleurs). Avec Paulhette on se donne à cœur joie pour laisser parler notre imagination. Chaque soir, l’organisation nous montrait les photos et vidéos de la journée, et tout le monde discutait au coin du feu, et profitait plus ou moins de l’open bar. Un soir c’est le feu qui a servi d’obstacle pour faire un saut en VTT. Devinez qui était en l’air : Paulhette !

L’ambiance et l’esprit sont vraiment « à la cool ». Tout le monde échange en permanence.  Chaque matin, je partais avec Paulhette, Max, Karen et Alex. Lors des spéciales, on peut partir comme on le souhaite. Les fameux « train party » allaient jusqu’à 9 personnes ! Pour ma part, je roulais en duo avec Karen, une rideuse allemande avec qui j’ai sympathisé dès le début et avec laquelle je roulais tous les jours. Le but était bien sûr de m’amuser au maximum sans me préoccuper du chrono. J’étais juste trop heureuse d’être sur mon VTT 6 semaines après ma blessure. Un soir j’ai été bien malade (pas vraiment remise du vol ni du froid), je n’avais plus de voix et le nez complètement bouché. Ce sont les médecins du camp qui m’ont donné des médicaments histoire de pouvoir profiter les deux prochains jours. Le lendemain, je toussais beaucoup dans les liaisons, jusqu’à ce que Matt Hunter me dépasse et me dise « you should smoke a joint », décidément c’est une institution ici ! Il n’est pas rare de sentir une odeur de fumette en bas des spéciales ou d’entendre des bières s’ouvrir dans les navettes.

A cela s’ajoute des trails de folie dans des espaces gigantesques éclatants de couleurs d’automne. Comment ont-ils eu l’idée de venir tracer des trails, ou même de trouver des trails si loin dans la forêt ?! On a vraiment la sensation d’être dans les entrailles de la montagne. Lors des journées de vélo, la notion d’espace temps n’est pas la même, le cerveau est sur « off » et on profite simplement de l’instant. En terme d’effort, disons que le froid et la pluie anesthésient les muscles… Nous avons eu plusieurs spéciales entre 700 et 900m de dénivelé, toutes tapissées d’une terre incroyable avec un grip de folie. Il n’y avait qu’à laisser le vélo s’amuser d’un bout à l’autre de la descente.

Les liaisons étaient aussi très agréables à rouler : 100% des itinéraires sont sur des sentiers. Et dès que le soleil sortait (oui, c’est arrivé), les montagnes et les forêts s’étendaient à perte de vue, avec de temps à autre de jolies falaises ou bouts de roche qui paraissaient sortir de nulle part. On a même eu droit a de la brume au milieu des grands sapins, certainement mon ambiance préférée en VTT. Tout paraissait irréel. C’est seulement le soir que nous savions à quelle sauce nous allions être mangés le lendemain. Les profils de courses étaient en « miles » et en « feet », alors pour savoir à quoi m’attendre, je passais un quart d’heure chaque soir à tout convertir en kilomètres et mètres sous les moqueries de Paulhette. 

Quant à la météo… Disons que nous n’avons pas vraiment eu de chance entre pluie, froid et neige. La température n’a pas dépassé les 5 degrés pendant les quatre jours. Autant vous dire qu’être très bien équipé avait toute son importance. Juste avant d’arriver au camp, avec Alex Pavon, on s’est arrêté dans un magasin de sport pour s’acheter des bottes de pluie : mon meilleur achat de la semaine !! Je ne sais pas comment Paulhette a fait pour survivre avec ses Vans en tissus… Il est arrivé plusieurs fois que nous fassions la queue sous la pluie pour laver les vélos, prendre notre douche, manger… Un soir je me suis même retrouvée face à un sacré dilemme : « Tu préfères être sous la pluie et proche du feu, ou sous un chapiteau et avoir froid ? » Mmmmmh… j’ai préféré l’option 1. Toute la journée était un processus interminable de « j’ai froid / je me réchauffe ». L’organisation a fait son maximum pour que nous puissions nous réchauffer : feu de camp à chaque départ et fin de spéciale, des repas délicieux cuisinés par des chefs étoilés, Whisky au ravito, Hot Toddy le soir… On retrouvait aussi des douches chaudes, un chapiteau pour faire sécher nos affaires, des tentes waterproof et une super ambiance au feu de camp chaque soir (personne n’avait les téléphones et ça c’était vraiment chouette). Une nuit, il a fait si froid qu’en se réveillant les freins, tige de selle et pédalier avaient gelé. On a donc mis nos vélos au coin du feu pour qu’eux aussi se réchauffent et que tout fonctionne à nouveau. 

L’organisation a pris la décision d’annuler la dernière spéciale du Jour 3 à cause d’une tempête de neige, et d’annuler le Jour 4 car il y avait 15 cm de neige au sommet. À la place, ils nous ont proposé d’aller rouler tous ensemble. 90% des riders ont répondu présent à l’invitation. On a tous pris des bouts de bois, des bières et une fois arrivés en haut, c’était magique avec le feu de camp, la neige, un rider qui jouait de la flute avant la belle descente qui nous tendait les bras. 

J’ai vraiment aimé cette expérience (je trouve que « course » n’est pas le mot approprié pour la Trans-Cascadia), car c’est complètement différent de tout ce que l’on peut trouver chez nous, tant en terme d’organisation, de mentalité que de paysages. Je le conseillerais à tout ceux qui rêvent des grands espaces et de profiter sans se prendre la tête ! Depuis mon retour, j’ai un peu de mal à me motiver pour aller rouler, mais je n’ai aucun doute que ça va vite revenir !

Débi

Photos : Max Schumann

Notre premier article dédié à la Trans-Cascadia et aux préparatifs de Débi et Romain : www.vojomag.com/column/trans-cascadia-romain-paulhan-debi-motsch-deux-frenchies-aux-usa

ParPaul Humbert