Trail Tales | Episode 3 : From Oak to Anchor

Par Paul Humbert -

  • Nature

Trail Tales | Episode 3 : From Oak to Anchor

Limiter le vélo aux machines et à leur mécanique, c’est occulter une grande partie de ce qui fait le sport. Voilà tout l’objectif de Trail Tales : raconter les histoires qui font la culture et l’histoire du VTT. À l’initiative d’Orbea, Trail Tales se déclinera en plusieurs épisodes mettant à l’honneur celles et ceux qui font des morceaux de notre sport. Pour ce nouvel épisode, on part sur les terres d’Orbea, sur la côte basque, et on longe les sentiers où les bâtisseurs de navires sont venus chercher leurs matières premières. 

 

 

Au fil des sentiers on plonge sous le niveau de la mer, au pied de l’épave du San Juan, un trois-mats de 16 mètres de long retrouvé intact dans la boue du Canada après son départ il y a quatre siècles depuis le Pays basque.

 

 

Reconstruit méticuleusement depuis des années par des historiens et des bâtisseurs, il permet de remonter le temps et d’apprendre de ses ancêtres, tout en empruntant les mêmes sentiers qu’eux pour aller s’approvisionner. Ces sentiers qu’on parcourt aujourd’hui à vélo et qui nous transportent, eux aussi.

« L’histoire du Pays basque trouve ses racines dans les brumes d’antan, et personne ne sait réellement où elle a commencé. Nous savons que la langue, l’euskera, est l’une des rares langues uniques au monde, qu’elle a survécu à de nombreux défis et qu’elle est encore largement parlée aujourd’hui. Nous savons également que les Basques étaient autant des baleiniers et des marins intrépides que des bergers et des agriculteurs. Nous ne savons pas quand ils ont commencé à chasser la baleine, mais nous savons qu’ils ont dominé le commerce maritime à la fin du Moyen Âge. Au XVe siècle, environ 80 % des bateaux qui accostaient à Bristol, au Royaume-Uni, étaient basques et chargés de minerai de fer, d’huile de baleine, de laine de Castille et de vin de Bordeaux.

Les Basques nécessitaient des bateaux résistants pour affronter les mers sauvages du Golfe de Gascogne, et la terre leur fournissait les matières premières idéales. Les montagnes basques regorgeaient de gisements de minerai de fer et de forêts pour le charbon nécessaire à son raffinage, alors que les abondants bois de chênes et de hêtres fournissaient un matériau de construction solide pour les embarcations. Le hasard joua également un rôle, puisqu’aux alentours du IXe siècle, une rencontre avec les Vikings enseigna aux Basques une meilleure façon de construire des bateaux robustes et rapides. En exploitant pleinement leurs ressources naturelles et leurs connaissances, ils développèrent leurs technologies de construction navale au fil des ans, jusqu’à dominer l’industrie mondiale de construction navale.

 

 

Une telle histoire industrielle laisse bien sûr des traces sur la terre, et les anciens sentiers qui reliaient les montagnes à la côte s’empruntent encore aujourd’hui. Étroits et sinueux, les tracés qui servaient à descendre le charbon de bois de la montagnes sont facilement reconnaissables par les ponctuations régulières de terre carbonisée, où le bois fut transformé en charbon au fil des siècles. Les pistes dédiées au fer sont plus larges, avec des virages moins abruptes, et empruntent souvent des tunnels creusés dans les flancs de la montagne. Le minerai de fer était extrait le long de ces sentiers et transporté dans les vallées par des charrettes tirées par des chevaux, et plus tard par de petits trains. »

Ces sentiers sont toujours utilisés et entretenus par la communauté locale de cyclistes, offrant des aventures fantastiques au cœur des montagnes basques. Des trails creusés par l’érosion du temps, offrant aux cyclistes des descentes verdoyantes vers la côte à travers des forêts de chênes et de hêtres magnifiquement préservés. L’usage historique de ces sentiers leur confère des personnalités distinctes et, s’il est vrai que de nombreux cyclistes se préoccupent plus de l’adrénaline que de l’histoire, ces différents caractères nous entrouvrent les portes du passé.

Les sentiers du fer et du charbon se rejoignent sur la côte, où le minerai de fer était à l’époque transformé en fer et en acier grâce à la chaleur du charbon. Mais ils ne s’arrêtent pas là, se dispersant à travers l’étendue infinie de l’océan pour suivre les baleines et les routes commerciales. Ici, les traces sont certes plus difficiles à suivre, mais pas introuvables. À l’aide de vieux registres et des vestiges de leur langue laissés aux peuples de pays lointains, les historiens ont pu retrouver la trace des navires basques. Nous savons ainsi que les Basques se sont aventurés en Norvège très tôt dans leur histoire, puis en Islande. Au XVIe siècle, ces intrépides marins traversaient régulièrement l’Atlantique pour faire commerce avec le Canada. À la fin du XVIe siècle, on estime que cinq mille Basques traversaient l’Atlantique chaque année, sans cartes, et entretenaient des relations commerciales pacifiques avec les indigènes américains. Étonnamment, les Basques n’ont pas souffert du scorbut au cours de ces voyages, une maladie qui tuait encore les marins britanniques et français près de 200 ans plus tard. Cette rudesse a été attribuée à leur consommation généreuse de cidre pendant leurs traversées, une tradition qui se retrouve encore aujourd’hui dans n’importe quel bar à travers le Pays basque.

Les sentiers partaient donc des pentes des montagnes basques, descendaient jusqu’à la côte puis s’étendaient à travers l’océan Atlantique jusqu’au Canada. Et c’est l’une de ces voies que nous suivons aujourd’hui : la voie du navire « San Juan ». Cette voie a probablement été ouverte au milieu des années 1500, lorsqu’un arbre fut abattu et transformé en planches. À la même époque, l’on extrayait le minerai de fer du sol et fabriquait le charbon de bois en haut de la montagne. Ces trois composants suivirent nos sentiers jusqu’à la côte, en passant par des tunnels, des ponts, des forêts. Arrivés en bord de mer, ils furent travaillés par des artisans parmi les plus habiles du monde, et lentement mais sûrement, le San Juan vit le jour. Le navire faisait 16 mètres de long, pesait 240 tonnes, possédait trois mâts et emportait un équipage de 60 courageux marins basques. Il prit la mer en 1565 à la poursuite de la furtive baleine franche, affrontant l’impitoyable océan Atlantique jusqu’en Terre-Neuve. En y débarquant, les marins négocièrent avec les indigènes américains, leur apprirent l’euskara et transformèrent la graisse de baleine en huile. Mais le destin frappa, et une violente tempête vint briser la chaîne de l’ancre et coula le San Juan dans les eaux froides de Red Bay, en Terre-Neuve. C’est là qu’il reposa pendant plus de quatre siècles, jusqu’à sa découverte en 1978. Grâce à la fraîcheur de l’eau et à une couverture de vase, le bateau était parfaitement préservé et, au cours des 30 années qui suivirent, une équipe de scientifiques travailla sans relâche pour relever soigneusement des parties du bateau, les modéliser et les replacer dans leur tombeau sous-marin.

 

 

Fait intéressant, les marins ont tous survécu et sont rentrés au Pays basque où ils ont déposé la première demande d’assurance maritime enregistrée. Celle-ci fut acceptée et ils furent tous payés pour leur aventure.

Albaola est la fondation basque créée pour reconstruire le San Juan, en utilisant des méthodes traditionnelles et des matériaux locaux. Les travaux ont commencé en 2013 avec la sélection et l’abattage d’arbres de la région et la transformation de fer local en clous. Des artisans basques ont démarré le processus minutieux de reconstruction du San Juan en utilisant des techniques anciennes qui ont été presque, mais pas totalement, oubliées. Une fois terminé, le bateau suivra à nouveau les anciennes voies des mers, en quête de l’autre côté de l’Atlantique dans une reconstitution du voyage fatidique de 1565. En attendant, les cyclistes locaux continueront à emprunter les sentiers qui serpentent depuis les sommets des montagnes basques jusqu’à la côte, où les traces se prolongent par-dessus les vagues jusqu’aux contrées lointaines, mais que nous ne pouvons pas suivre. »

Plus d’infos sur le site de Trail Tales : https://experience.orbea.com/fr/trail-tales-episodes
Les prochains épisodes seront accessibles en avant-première pour les personnes qui s’enregistreront sur le site.

ParPaul Humbert