Test | Yeti SB115 : plus de débattement pour viser juste

Par Olivier Béart -

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Test | Yeti SB115 : plus de débattement pour viser juste

Lors de notre test du SB100, son prédécesseur, nous avions été déstabilisés par les énormes capacités du vélo… qui faisaient paraître son débattement de 100/120mm bien faible malgré l’efficacité de la suspension. Aujourd’hui, voici qu’arrive le Yeti SB115, qui reprend les mêmes ingrédients mais avec un peu plus de débattement, une géométrie revue et quelques modifications qui devraient lui permettre de viser encore plus juste que son attachant mais turbulent prédécesseur. Vérification sur le terrain avec notre essai !

Comme nous l’avons expliqué dans l’introduction, l’essai de son prédécesseur, le SB100, nous avait laissé sur des sentiments partagés. D’une part, nous avons le souvenir d’un vélo très attachant, passionnant à piloter et très efficace en descente… mais qui nous a parfois fait peur. En effet, à son guidon nous avons atteint des vitesses et eu envie de rouler dans des endroits où on ne va normalement pas avec un vélo de 100/120mm de débattement. Et il nous est arrivé de nous faire un peu peur, car même avec d’excellentes suspensions, avec un débattement aussi réduit on n’a pas vraiment droit à l’erreur et on n’a pas ces petits centimètres en plus pour aider à se rattraper, comme sur un all-mountain de 130/140mm ou un enduro au débattement encore plus généreux.

A la sortie du SB115, nous avons donc été très intéressés de voir ce que le passage à 115mm de débattement à l’arrière et 130mm devant pouvait apporter et si le vélo parvenait à se montrer un peu plus docile sans pour autant perdre les caractéristiques qui rendaient le SB100 aussi exceptionnel.

Châssis

D’apparence, le nouveau Yeti SB115 est très proche de son prédécesseur. Mais ne vous y trompez pas, même si les développeurs sont bien entendus partis de la base du SB100 pour mettre au point son successeur, le châssis est bien différent et les 15mm de débattement supplémentaires n’ont pas juste été obtenus en augmentant la course de l’amortisseur.

Nous en reparlerons plus en détails au chapitre consacré à la géométrie, mais le triangle avant est plus long et la partie arrière a été renforcée au niveau des haubans pour offrir un peu plus de rigidité sans verser dans l’excès. Un bon point, puisque nous avions pointé une certaine souplesse du SB100 dans notre essai ; agréable dans certaines circonstances mais que nous avions parfois ressentie comme un peu trop importante.

Le tube de selle a aussi été revu pour permettre une plus grande insertion de la tige de selle et accueillir des modèles à grand débattement, comme la Fox Transfer 175mm montée sur notre modèle d’essai. Voilà qui annonce la couleur, et comme nous le verrons dans la partie test terrain, ces quelques centimètres de plus en débattement sur le dropper post deviennent vite addictifs !

Pour le reste, le cadre garde les grandes caractéristiques des fulls de la marque, avec notamment un passage intégré des gaines, qui rentrent dans le cadre par un orifice façon prise d’air sur un avion de chasse, ou encore un boîtier de pédalier Pressfit BB92. Sans oublier les lignes inimitables qui permettent de reconnaître un Yeti actuel au premier coup d’œil, et une finition de très haut vol, tout en sobriété.

Il est disponible en deux niveaux de fibres, C en « entrée de gamme » et TURQ pour le haut de gamme. Le comportement et les caractéristiques mécaniques sont extrêmement proches, mais il y a une différence d’environ 200g au niveau du poids. Trois couleurs sont au programme : gris comme l’exemplaire testé ici, blanc et le mythique turquoise.

Suspensions

Dans le prolongement des modifications apportées au cadre, il y a des changements encore plus importants au niveau des suspensions.On retrouve toujours la fameuse cinématique Switch Infinity propre à Yeti, sur laquelle le point de pivot principal est « flottant » et coulisse le long de deux petits tubes. Ce système, toujours fabriqué en collaboration avec Fox, est caché à l’arrière du boîtier de pédalier et bien protégé dans une petite « boîte », dont la position a été un peu modifiée par rapport au SB100.

Outre l’augmentation du débattement de 15mm, la biellette supérieure a été rigidifiée et des roulements de diamètre plus important son adoptés sur tous les points de pivot. Le point de fixation de l’amortisseur est modifié, ce qui fait légèrement évoluer la courbe en vue d’obtenir plus de maintien au pédalage et d’augmenter la progressivité en fin de course. Le but étant d’obtenir une suspension qui va donner l’impression de délivrer 120/130mm, plutôt que seulement 115mm.

A l’avant, exit la fourche Fox F34 Step Cast au châssis allégé et au débattement de 120mm, on passe sur la F34 classique, plus rigide et dont le débattement est désormais de 130mm. On reste par contre sur une cartouche Fit4 et non sur la Grip2, apparue sur la F36 et désormais disponible aussi sur la F34. Disons que ce n’est pas indispensable ; la Fit4 restant cohérente sur ce type de vélo même si elle a des racines plus XC, mais on se dit que la Grip2 aurait bien collé aussi sur ce genre de machine. A l’arrière, on reste sur un « petit » mais très performant amortisseur Fox Float DPS. Tous deux sont issus de la série Factory, le haut de gamme de chez Fox, reconnaissable au traitement Kashima des plongeurs.

Géométrie

La géométrie reste très proche de celle du SB100, ce qui est plutôt une bonne nouvelle. L’avant est un poil plus long, mais l’évolution des chiffres est principalement à mettre sur le compte de l’augmentation du débattement et de la hauteur de fourche. Nous l’avons testé en taille L et son reach de 450 mm ne joue pas du tout dans la catégorie des vélos les plus extrêmes du moment. Mais on sait qu’en la matière, plus ne veut pas toujours dire mieux. L’angle de direction à 67,6° pour 130 mm de débattement n’a rien d’extrême non plus. A titre de comparaison, on se souviendra que le nouveau Specialized Epic est à 445 mm de reach en taille… M et 67,5° pour 100 mm), mais Yeti affirme que son vélo affiche des côtes « appropriées » pour conserver un comportement vif et agile jusque sur les sentiers les plus étroits. Nous verrons si cela se vérifie sur le terrain.

Equipements

Au catalogue, on trouve pas moins de 16 montages, avec des tarifs allant de 5119 à 9539€. Mais quand on y regarde de plus près, la gamme est assez facilement lisible car on choisit d’abord son cadre (C ou TURQ plus léger), puis son niveau de montage (1 en Shimano SLX (C) ou XT (T), 2 en Sram XO1 et 3 en XX1) et enfin quelques options (Sram AXS sans fil, roues carbone,…). Notre modèle d’essai est le « premier prix » avec le cadre haut de gamme TURQ, qui est affiché à 6849€. Eh oui, chez Yeti, on ne fait que dans l’exclusif et le haut de gamme.

Sur le Yeti SB115 T1 testé ici, pas vraiment de fioritures (mis à part les suspensions Fox en version Factory Kashima) mais tout de même tout ce qu’il faut en principe pour exploiter les performances du vélo. Cela commence par une transmission Shimano XT 12 vitesses au grand complet, avec un petit plateau de 30 dents au niveau du pédalier, qui montre que Yeti envisage plus son SB115 pour grimper aux arbres et avaler du dénivelé que pour battre des records en vitesse de pointe sur le plat. Ce qui n’est pas vraiment une surprise.

Les freins viennent aussi de chez Shimano, avec les excellents XT 4 pistons qui avaient remporté notre grand comparatif il y a peu. Cela donne aussi une petite indication de l’évolution par rapport au SB100, qui était monté en XT 2 pistons. Les disques sont en 180mm. Dommage qu’on n’ait pas droit à la version ICE Tech à étoile alu et à couche de freinage acier/alu censée favoriser le refroidissement. Nous disons cela car ces disques sont surtout plus jolis et valorisants, parce que au niveau fonctionnement, ces disques acier classiques donnent déjà pleine satisfaction.

Du côté des roues, Yeti joue aussi la carte d’une valeur sûre, avec les DT X1700 en 30mm de largeur de jante. Ce ne sont pas les plus légères, ni les plus haut de gamme du catalogue de la marque suisse, mais ce sont de belles roues, fiables et au comportement homogène, même s’il sera possible de grappiller facilement quelques centaines de grammes et de gagner en dynamisme en les changeant dans le cadre d’un upgrade. Le tout est monté avec des Maxxis EXO,  un Agressor 2.35 à l’arrière et un Minion DHF 2.5 WT à l’avant. Là aussi, on voit qu’on s’éloigne du XC et qu’on lorgne clairement vers des profils enduro, tout en conservant une carcasse plus souple et légère.

Enfin, les périphériques proviennent du catalogue Fox/Race Face avec la tige de selle Transfer en 175mm de débattement dont nous avons déjà parlé, montée avec une commande Race Face très agréable à utiliser. La potence est aussi une Race Face (Turbine), alors que le cintre carbone en 35mm est siglé Yeti. Nous avons aussi apprécié les poignées ODI, un petit détail mais qui rend la prise en main du vélo vraiment précise et confortable sur la durée.

Yeti SB115 : le test terrain

Le Yeti SB100 ne nous avait pas laissés indifférents et il fait clairement partie des vélos qui nous ont marqués ces dernières années, justement pour son caractère bien trempé… et aussi parce qu’on se souvient s’être fait peur quelques fois à son guidon, en raison des vitesses atteintes, plus élevées qu’avec n’importe quel autre vélo à petit débattement. Nous étions donc impatients de monter sur ce SB115 qui en est l’évolution et qui, sur papier, dispose de modifications qui devraient permettre, espérons-le, de prendre autant de plaisir, mais dans sur une monture un peu moins pointue et plus rassurante.

Assez vite, nous nous sommes rendu compte qu’on n’a rien perdu au niveau rendement avec cette augmentation de débattement sur le SB115. Le poids est un peu plus élevé (12,95kg contre 12,23kg pour le SB100) mais cela ne se ressent pas vraiment. On sent clairement qu’on n’est pas du tout sur un vélo de XC léger, ni même sur un de ces nouveaux « down country » qui titillent la barre des 10/11kg avec 120mm de débattement, mais ça pédale plutôt bien et on peut sans sourciller faire de très longues sorties à son guidon.

Il aime les relances et se montre même selon nous plus nerveux que son prédécesseur, sans doute grâce à son cadre à la rigidité augmentée et mieux dosée. Sa suspension reste très neutre mais surtout on sent que ce que le vélo aime, c’est le technique. Oubliez la moyenne sur les portions roulantes, ce n’est vraiment pas son truc. Par contre, en franchissements, en côte parsemée d’embuches, vous pourrez compter sur un grip de fou et un vélo qui a une capacité assez incroyable à enrouler les obstacles pour « claquer des temps » là où bon nombre de bikers posent habituellement pied à terre.

Comme son prédécesseur, le Yeti SB115 est aussi et surtout une véritable arme en descente. Bien plus léger et facile à manier qu’un bike d’enduro et même que beaucoup de machines all-mountain, il procure beaucoup de plaisir par la facilité qu’on a à le placer où on veut dans les trails étroits et sinueux. Et ce, même sans avoir un niveau technique de fou. Puis, surtout, ce qu’on entrevoyait sur le papier s’est confirmé : dans cette nouvelle version légèrement revue et avec un chouïa plus de débattement, on se fait encore un plus plaisir à son guidon… et surtout, on ne se fait plus peur !

On atteint toujours des vitesses très élevées, mais on garde la sensation de rester maître à bord et plus d’être systématiquement sur le fil du rasoir. La suspension arrière est d’une efficacité redoutable et ne donne jamais l’impression de montrer ses limites. Nous ne l’avons pas testé à la montagne sur des descentes de plusieurs dizaines de minutes, mais sur de petits dénivelés bien techniques, il est impérial. La fourche F34 « classique » en 130mm colle aussi bien mieux à ce châssis et se montre parfaitement cohérente avec le comportement de l’ensemble. C’est fou comme de petits détails peuvent changer un vélo ! Ici, on se rapproche très fort d’un SB130 en descente, avec un package qui garde un peu plus de « pep’s » dans les relances et plus de rendement global.

Reste à savoir comment classer ce vélo. Clairement, c’est difficile. Ce n’est en aucun cas un XC orienté compétition, car il pousse à adopter un rythme certes rapide mais cool sur les portions roulantes. Il va aussi bien plus loin que cette génération de 120mm légers, qui gardent des racines XC très prononcées. Et il n’a pas le débattement d’un enduro… même s’il permet de rouler à beaucoup d’endroits où normalement on prendrait ce type de gros vélo. Au final, il crée sa propre voie et il pourra séduire les crosseurs qui ont petit à petit laissé de côté la performance pure au profit du plaisir de pilotage et de la recherche du plaisir dans les portions techniques, ou encore des amateurs de sorties bien velues mais qui habitent dans des zones peu cassantes qui ne nécessitent pas forcément beaucoup de débattement mais surtout une bonne géométrie et un châssis maniable.

Verdict

Mission accomplie ! Avec ces petites modifications bien senties et un poil plus de débattement, ce nouveau Yeti SB115 vise juste. Il se donne les moyens de ses ambitions et devient moins délicat à piloter à la limite sans rien perdre de son agilité et de son côté fun qui le rendent si attachant. Ajoutez à cela un look à tomber, une finition magique, et on en oublierait presque son prix très exclusif qui le réservera hélas à une élite. Mais pour qui en a les moyens et qui cherche un bike tant pour faire de longs raids bien techniques que pour s’amuser en descente, ce SB115 mérite une place tout en haut de la liste. Il s’agit en tout cas d’un des vélos les plus intéressants et marquants que nous ayons testé récemment.

Yeti SB 115

6849€

12,950kg

  • Fun et passionnant à piloter
  • Suspensions hyper efficaces et au "juste" débattement pour le programme
  • Lignes et finition magnifiques
  • Tarifs élitistes
  • RAS

Évaluation des testeurs

  • Prix d'excellence
  • Coup de coeur
  • Rapport qualité / prix

Plus d’infos : https://yeticycles.com/bikes/sb115 et dans le catalogue Tribe Sport Group qui importe la marque en France

ParOlivier Béart