Test | Trek Top Fuel 9.9 : un trailbike aux gènes de crosseur

Par Olivier Béart -

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Test | Trek Top Fuel 9.9 : un trailbike aux gènes de crosseur

Né comme une machine de XC compétition, le Trek Top Fuel voit aujourd’hui son positionnement redéfini par la marque. Le Supercaliber étant désormais chargé de truster les podiums en coupe du monde, le Top Fuel voit son débattement augmenter et sa géométrie se débrider pour aller chasser sur les terres du nouveau segment « down-country » en plein essor. Parvient-il toujours à séduire dans ses nouveaux habits de vélo de trail léger et vif qui ne renie pas ses gènes de pur-sang de cross-country ? Vojo l’a testé pour en avoir le cœur net !

Avec l’arrivée du Supercaliber pour le XC pur et dur en compétition, le Trek Top Fuel est chargé d’une nouvelle mission : élargir son champ d’action à un usage plus ludique et moins compétitif, tout en ne reniant pas ses origines. On ne retire pas aussi facilement du catalogue une légende comme le Top Fuel, et on ne change pas non plus complètement son ADN ! Premier tout-suspendu vainqueur d’une coupe du Monde de XC (en 2001 à Houffalize), il fait partie de ces vélos qui ont marqué l’histoire de Trek et de notre sport de manière générale.

Pour cette nouvelle version, présentée en mai dernier, Trek a décidé de mettre un peu moins le focus sur la performance pure et muscle son Top Fuel pour lui ouvrir de nouveaux horizons. Du débattement à la géométrie en passant par la taille des pneus, tout change et, pour bien marquer cette évolution, les lignes évoluent elles aussi.

Châssis

Là où l’ancien modèle cherchait les lignes les plus droites possible et donnait un peu l’impression d’un « petit » cadre posé sur de « grandes » roues, le nouveau laisse la place à quelques arrondis subtils, comme en bas du tube diagonal ou au niveau de la jonction tube supérieur – tube de selle.

On remarque aussi que la parallèle entre les haubans et le tube supérieur et plus marquée, ce qui donne une belle impression de continuité. Visuellement, ce nouveau Top Fuel ressemble désormais encore un peu plus au Fuel EX, qui ressemble lui-même beaucoup au Slash. Le cadre est entièrement en carbone à l’exception du basculeur, qui est en magnésium.

Suspensions

L’esthétique n’est d’ailleurs pas le seul élément que ce Top Fuel emprunte à ses grands frères. Comme eux, il abandonne la suspension Full Floater (amortisseur monté flottant entre les bases et la biellette) au profit d’un amortisseur fixé sur le tube diagonal, ce qui doit améliorer la rigidité. En revanche, le point de pivot concentrique à l’axe de roue arrière (système ABP) est conservé. L’amortisseur est maintenant monté tête en bas, ce qui permet d’avoir un bien meilleur trajet du câble de blocage par rapport à l’ancienne version.

Cette suspension, qui développe maintenant 115 mm de débattement, est couplée à une fourche en 120 mm, une Fox 34 Factory Stepcast sur notre Top Fuel 9.9. 15-20 mm de débattement en plus sur un petit vélo, ça ne paraît pas beaucoup, mais couplés à l’évolution de la géométrie, c’est comme si un nouveau monde s’offrait au Top Fuel.

Géométrie

En effet, avec le Mino-Link en position Low, l’angle de direction se couche considérablement : -2,5° ! Ce n’est d’ailleurs pas la seule cote qui change significativement : le reach gagne 13 mm sur toutes les tailles tandis que l’empattement s’allonge de 4 cm. Pour garder une bonne position au pédalage et recentrer les masses, le tube de selle se redresse de 1°. Le vélo devrait donc être radicalement différent de son prédécesseur et notamment plus sécurisant et stable en descente.

Au passage, le Mino-Link, cette petite pièce qui permet de faire varier la géométrie entre deux positions (High ou Low), change d’emplacement. Auparavant sur la jonction haubans-biellette, elle migre au niveau du point d’ancrage de l’amortisseur sur la biellette pour être plus facile à utiliser.

Equipements

Enfin, les équipements prennent eux aussi du muscle. On a déjà évoqué la fourche en 120 mm et on remarque que Trek a privilégié encore une fois le comportement au poids, avec une RockShox Pike ou une Fox 34 SC sur les modèles haut de gamme. Le Top Fuel est aussi doté d’une tige de selle télescopique Bontrager Line Elite, qui développe entre 100 et 170 mm de débattement selon la taille du vélo.

Côté train roulant, notre modèle est équipé de roues Bontrager Kovee Pro 30 en carbone en 29 mm de largeur interne. Elles sont chaussées de pneus Bontrager XR3 Team Issue en 2.4 de section. Oui, une section de 2.4 sur un vélo en 120 mm de débattement ! S’il y a quelques années ces largeurs étaient réservées à la DH et l’enduro, on les retrouve désormais aussi en XC et ce jusqu’au plus haut niveau. En 2019, on a ainsi pu voir plusieurs pilotes dont Nino Schurter tester des sections larges sur le circuit de coupe du Monde. En théorie, la résistance au roulement n’est pas moins bonne et si cela peut apporter un peu plus de confort et d’adhérence sans sacrifier la précision, alors pourquoi pas ?

Sur ce Top Fuel 9.9 (qui est tout de même affiché à 8 999 €, voire 9 599 € en couleur Viper Red), la transmission est une Sram XX1 Eagle avec un plateau en 32 dents, le standard pour la plupart des vélos. A ce niveau de prix, on n’attendait pas moins mais c’est toujours un plaisir de retrouver la version très haut de gamme du 12 V Sram qui est vrai modèle de rapidité et de douceur de fonctionnement. Les freins sont aussi fournis par l’équipementier américain, ce sont ici des Level Ultimate associés à un disque de 180 mm devant et 160 mm derrière.

Bien que les suspensions soit fournies par Fox sur notre Top Fuel 9.9, le blocage au guidon (qui gère l’avant et l’arrière en même temps) vient de chez RockShox avec ce modèle fortement issu des anciennes poignées tournantes. Le principe est très simple, on tourne la poignée vers le bas pour bloquer et on appuie sur un petit bouton pour débloquer. L’ergonomie ne plaira pas à tout le monde mais ce système a l’avantage de prendre peu de place sur le cintre et d’être très peu exposé en cas de chute, ce qui réduit les risques de casse.

Pour finir avec les petite astuces bien pensées, on retrouve le très pratique levier amovible Bontrager Switch. Il comprend une petite clé hexagonale de 6 mm qui permet de démonter l’axe de roue avant comme celui de la roue arrière et, lorsqu’on n’en a pas besoin, il se clipse sur l’axe de roue arrière qui ressemble alors à n’importe quel axe avec un levier.

Le jeu de direction est quant à lui doté du KnockBlock, ce système de butée qui empêche les commandes de venir heurter le tube supérieur et surtout le té de fourche de taper dans le tube diagonal, très droit et assez volumineux comme sur tous les Trek.

En revanche, pas d’IFS sur le Top Fuel. Présent sur le Fuel EX, cet espace de rangement intégré dans le cadre et accessible en retirant le porte-bidon en un tour de main a été jugé trop lourd par Trek pour être inclus sur le Top Fuel.

Versions et tarifs

Notre Top Fuel 9.9 couleur Trek Black to Teal Fade est affiché à 8 999 € mais la famille est grande : entre les versions en aluminium, celles en carbone et les kits cadre, on a le choix entre 9 modèles de Top Fuel !

La gamme de vélos complets commence avec le Top Fuel 8, à 2 999 € avec son cadre en aluminium (à gauche), et va jusqu’au Top Fuel 9.9 XX1 AXS, qui s’échange contre 9 999 € en taille S et 10 499 € pour les autres tailles (à droite).

C’est surtout entre ces deux extrêmes qu’on trouve les modèles les plus intéressants (mais qui n’étaient hélas pas encore disponible en test au moment où nous avons organisé cet essai). En effet, dès le 9.7 (gris), on dispose d’un cadre full carbone identique au haut de gamme. Le groupe NX peut sembler un peu bas de gamme, mais à 3999€ on dispose déjà de bonnes suspensions et de roues assez correctes sur le papier. Même si l’addition grimpe encore d’un cran, le 9.8, disponible soit en Sram GX/Descendant, soit en Shimano XT entre 5499€ et 6099€ (selon la couleur) apparaît comme le meilleur compromis de la gamme. Il dispose d’une Fox 34SC (avec cartouche Grip un peu plus lourde que la Fit4 mais efficace pour le programme) et déjà de roues carbone (Kovee Elite, un poil plus lourdes que le 9.9).

Trek Top Fuel 9.9 : le test terrain

Nous avions testé et beaucoup apprécié la précédente version du Trek Top Fuel, quand il était encore la machine de XC pur et dur de la gamme Trek. Dans sa version 9.8, il avait d’ailleurs remporté à l’époque notre grand comparatif de vélos de cross publié en 2017 en nous séduisant par son homogénéité, l’efficacité de sa suspension et l’équilibre de sa géométrie. Et c’était déjà, à l’époque, un crosseur non dénué d’une certaine polyvalence, qui pouvait aussi être exploité par certains randonneurs sportifs amateurs de beau matériel et n’ayant pas besoin de beaucoup de débattement pour trouver leur bonheur.

Avec 11,55kg sur notre balance, il est 700g plus lourd que le précédent Top Fuel 9.8 (moins haut de gamme, donc) que nous avions testé en 2017. Cela s’explique surtout par les équipements adaptés en conséquence du repositionnement de la machine, mais sur le terrain, nous avons retrouvé une nervosité et une réactivité dignes d’une excellente machine de XC. On ne sent vraiment pas l’embonpoint, il réagit très bien à l’accélération et aux changements de rythme, ce qui est une excellente nouvelle.

Avec un SAG de 25%, il ne pompe quasiment pas en position assise, de sorte que les longues ascensions passent sans encombre, comme les portions roulantes sur le plat. La position est aussi très agréable et trouve un bon compromis qui ravira tant ceux qui veulent attaquer à son guidon, que ceux qui envisagent un usage un peu plus paisible. Précisons que nous avons toujours roulé le Top Fuel avec le Mino Link en position basse, sans jamais éprouver le besoin de redresser les angles, y compris pour des sorties plus roulantes ou abordées dans un esprit de performance.

Dans les ascensions techniques, cette position équilibrée permet d’aborder ces passages avec sérénité et un poids bien réparti sur le vélo. On a un bon grip dans l’ensemble, mais la suspension a un peu tendance à buter sur les obstacles par moment. Il garde un caractère de XC à ce niveau, avec une certaine fermeté en début de course.

En danseuse, l’arrière pompe aussi très peu, voire pas du tout, et le double blocage de suspension sert surtout pour l’avant. Le blocage au guidon Twistlock de Sram, qui n’est autre qu’une adaptation du concept de poignée tournante de changement de vitesses qui a fait les beaux jours de la marque jusqu’il y a peu, est séduisant sur le papier car il permet d’utiliser une commande sous le cintre pour la tige de selle télescopique, mais il n’a pas réussi à nous convaincre au niveau du fonctionnement. Il se montre dur à manipuler même avec des câbles en bon état, et ces derniers ont tendance à s’encrasser vite car leur extrémité est laissée à l’air libre. Heureusement, le Trek Top Fuel est très agréable en mode « tout ouvert » et c’est ainsi que nous l’avons roulé la plupart du temps.

En descente, le comportement des suspensions est bluffant, surtout l’arrière. La Fox 34 SC est connue et efficace pour un usage sportif même si un peu plus de soutien à la mi-course serait appréciable, mais c’est surtout le travail de l’arrière qui est impressionnant. Il suit magnifiquement bien le terrain et ne dribble pas à haute vitesse ni au freinage. Plusieurs fois, nous sommes allés au fond en emmenant le vélo bien au-delà de son programme et jamais nous ne l’avons réellement senti. Ce n’est que par la suite, en voyant le petit joint indicateur de SAG qui était sorti au-delà du piston, que nous nous en sommes rendu compte.

Le cadre de ce nouveau Trek Top Fuel est bien rigide, mais pas trop. Les roues carbone le sont aussi, mais c’est une bonne surprise de voir qu’elles gardent une certaine tolérance. Bilan, le vélo tient bien dans les appuis, se montre précis, mais il n’a rien d’un marteau-piqueur quand ça tabasse. Ce côté tolérant est une nouveauté par rapport à la précédente génération qui était plus exigeante. Seul le cintre en 35mm n’est pas au diapason et se montre trop rigide à notre goût. Un 31,8mm serait clairement plus adapté.

Au niveau du reste des équipements, la tige de selle maison est agréable et efficace et les pneus sont une très bonne surprise. Malgré leurs petits crampons et leur rondeur, ils offrent une accroche souvent étonnante. Leur section de 2.4″ et leur souplesse bien dosée les aident à enrober les reliefs et il n’y a que dans la boue qu’ils rendent les armes. Gros carton rouge par contre pour les freins Sram Level Ultimate. S’ils n’ont jamais été très puissants, cette nouvelle version aux étriers revus nous semble encore avoir moins de poigne que la précédente. Sur un vélo avec de telles capacités en descente, on en voit trop vite les limites et on se fait peur. Des G2 à 4 pistons seraient bien plus cohérents.De par ses gènes de crosseur, ce n’est pas le vélo le plus joueur qui soit. Disons que contrairement à de pures machines de trail, il donne moins envie de rebondir partout et de sortir en manual de chaque virage, mais sa faible masse, sa géométrie qui fait merveille et ses suspensions vraiment efficaces font qu’il est facile de le placer où on veut, de jumper et, en un mot, de s’amuser en descente. En l’air aussi il est très stable et rassurant, tout en étant capable d’encaisser des réceptions assez violentes malgré son faible débattement.

Il est tellement capable qu’on est parti l’emmener sur des pistes d’enduro, juste pour voir. Là, on aurait apprécié un angle de direction encore un peu plus couché car on sent que le poids bascule vite sur l’avant, mais il s’en est sorti avec les honneurs. On l’imaginerait bien sur une Transvésubienne avec une fourche de 130mm et de plus gros freins. Tel quel, il sera parfait pour s’amuser en moyenne montagne et sur des courses par étapes avec fort dénivelé ainsi que des portions techniques.

Par rapport à la concurrence, le Top Fuel lorgne un tout petit peu plus du côté trail/AM que des vélos comme le Specialized Epic Evo, qui reste tout de même plus un pur XC avec juste une fourche en 120mm qu’un vrai « down country ». Il se rapproche assez fort dans son approche et dans les sensations de l’Orbea Oiz TR par exemple, mais ce dernier partageant aussi son châssis avec un 100mm de XC, cela ne se fait pas complètement oublier. Il nous a semblé aussi un peu plus accessible et homogène que le redoutable Yeti SB100. Une chose est sûre, le Top Fuel réussit une belle synthèse et le résultat s’avère très équilibré.

Verdict

Le repositionnement du Trek Top Fuel est une belle réussite. Les américains ont réussi à garder l’âme XC de la machine, tout en lui donnant un petit brin de folie et en augmentant de manière significative ses capacités de descendeur. Véritable arme pour les raids en montagne, il pourra séduire aussi les crosseurs qui aiment envoyer en descente et qui se sentent parfois limités au guidon d’un XC classique. On a hâte que cette catégorie de vélos se développe car on est ici en présence de machines bien plus polyvalents et exploitables par le commun des bikers que la plupart des vélos utilisés par les meilleurs pilotes mondiaux en cross (quoique, on assiste aussi à de gros changements à ce niveau). Avec la sensation de légèreté qu’il dégage, sa géométrie très réussie et les performances de ses suspensions, le Top Fuel pose en tout cas de fort beaux jalons dans ce nouveau segment « down-country ».

Trek Top Fuel 9.9 (2020)

8999€

11,55kg(sans pédales)

  • Suspension arrière bluffante
  • Crosseur dans l'âme, mais débridé en descente
  • Rigidité du cadre et des roues bien dosée
  • Tarifs (très) élevés
  • Poste de pilotage trop rigide (35mm de diamètre)
  • Blocage de suspensions Twislock peu convainquant
  • Freins totalement inadaptés au vélo

Évaluation des testeurs

  • Prix d'excellence
  • Coup de coeur
  • Rapport qualité / prix

ParOlivier Béart