Test | TopWheels Berd Spokes : 1135g de pur plaisir

Par Olivier Béart -

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Test | TopWheels Berd Spokes : 1135g de pur plaisir

S’il y a bien un domaine où l’acier reste hégémonique dans le vélo, c’est au niveau des rayons. Malgré quelques tentatives en alu et en carbone, ce bon vieil acier reste le plus courant, et de loin. Récemment, une nouvelle alternative est arrivée avec les rayons souples Berd, sorte de cordes tressées en polyéthylène. François Feyt, le monteur de roues français à l’origine de TopWheels, nous a proposé de tester des roues d’exception montées avec ces rayons, annoncées à 1135g. Verdict après près de 9 mois de mise à l’épreuve :

 

 

On a déjà vu des rayons en aluminium (chez Mavic notamment), du carbone aussi (pensons aux roues Syncros Silverton SL), mais quand on regarde l’ensemble des roues du marché, on se rend compte que l’acier reste le matériau de prédilection pour assurer cette liaison si importante entre les moyeux et les jantes des roues de nos machines. Mais, même si son rapport poids/prix/comportement semble imbattable à l’heure actuelle, des alternatives continuent de voir le jour. Comme avec l’arrivée récente de rayons composés de « cordes » en fibres polymères tressées, qui ont éveillé notre curiosité. Avant de rentrer dans le vif du sujet, un petit rappel s’impose pour bien planter le décor.

Rayons Dyneema, qu’est-ce que c’est ?

Le Dyneema a été inventé et est produit aux Pays-Bas par une entreprise nommée DSM. Il existe depuis 1990 et, avec le Spectra américain (arrivé en 1983), il fait partie des noms commerciaux désignant un polyéthylène de masse molaire très élevée (UHMPE). Ce matériau dérivé du pétrole offre pour principales caractéristiques d’être très résistant à l’abrasion, aux produits chimiques corrosifs, auto-lubrifiant et doté d’un faible coefficient de frottement, mais aussi plus léger et résistant à l’élongation que l’acier à diamètre égal (plus d’infos : https://fr.wikipedia.org/wiki/Polyéthylène_de_masse_molaire_très_élevée).

Au niveau des usages, il est présent depuis longtemps dans le domaine militaire (boucliers, casques, gilets pare-balles, etc), dans l’industrie (mise en place de câbles électriques sur des pylones, marine, arrimage de charges dans des avions, etc) ou d’autres sports que le vélo (pêche sportive, voile, parapente, camping, etc) où il fait merveille sous forme de cordages ou de fils aussi fins que résistants. Dans le vélo, outre les rayons, on en trouve aussi dans des vêtements et chaussures.

Dans le cas des roues de vélo, ce sont ses caractéristiques de résistance à la traction et son faible poids qui vont être intéressants. Sa densité est de 970kg/m3 (il flotte, donc) contre 7700 à 9000kg/m3 selon le type d’acier. On comprend vite qu’il est possible de gratter un peu de poids sur ce poste… ce que refuse toujours difficilement un cycliste, d’autant que même si on ne parle que de quelques grammes, ils peuvent ici être gagnés sur des masses en rotation. Dans le monde du vélo, c’est une petite entreprise américaine, Berd Spokes (le nom Berd venant de la contraction de Bike et… Nerd, ce qui montre un certain sens de l’humour) qui a fait les adaptations nécessaires pour permettre l’usage de cordages en Dyneema sur des jantes et moyeux (presque) conventionnels.

Sur une paire de roues, on peut gagner près de 150g, tout en procurant une résistance à la traction similaire voire supérieure à celle des meilleurs rayons en acier.

 

 

En effet, pour pouvoir placer et mettre en tension les rayons Dyneema, il faut que ceux-ci soient dotés d’extrémités compatibles avec les trous des moyeux et des jantes. Le travail de Berd consiste donc à faire un petit nœud du côté moyeu, et de fixer par collage un fin morceau de rayon acier classique doté d’un filetage à l’autre extrémité, pour accueillir un écrou et se fixer à la jante comme n’importe quel autre rayon. Au centre, leur diamètre est plus faible et fait 1,8mm. Les rayons Berd Spokes Dyneema sont annoncés à 2,2g l’unité, contre environ 4,4g pour des rayons plats haut de gamme comme les Sapim CX Ray ou les DT Aerolite. Sur 64 rayons, et donc sur une paire de roues, on peut du coup gagner près de 150g, tout en procurant une résistance à la traction similaire voire supérieure à celle des meilleurs rayons en acier. Outre le poids, l’intérêt annoncé de ces rayons en Dyneema est aussi au niveau de la dissipation des vibrations, annoncée comme meilleure qu’avec des rayons classiques. Ce que nous vérifierons sur le terrain.

A noter enfin qu’une autre marque, allemande cette fois, propose également des rayons en fibres. Il s’agit de Pi Rope, dont le produit diffère à plusieurs niveaux : tout d’abord il s’agit de Vectran et pas de polyéthylène, et ensuite ce système requiert des moyeux spécifiques et des jantes présentant également certains ajustements. Nous aurons l’occasion de vous en reparler prochainement.

Quel usage VTT ?

Nous avions déjà eu l’occasion de tester une première fois des rayons de ce type sur des roues CEC, en 2018. Mais le système n’en était encore qu’à ses balbutiements et surtout, nous n’avions pas pu faire un test longue durée. Avec l’évolution des moyeux et aussi des largeurs de jantes, nous avons eu envie de retenter l’expérience. Et si possible sur plusieurs mois. C’est François Feyt, monteur de roues Français à l’origine de TopWheels, qui nous a donné l’opportunité de tester à nouveau ce genre de rayonnage qu’il propose en option sur certains montages. Mais pas tous.

François nous explique à quel type de client il conseille ce produit, qui reste tout de même pointu : « J’ai commencé à m’intéresser aux rayons Berd en 2019. J’en monte donc depuis 4 ans et je commence à avoir pas mal de recul. C’est clairement un produit exceptionnel à de nombreux égards, mais qui nécessite d’importantes précautions de montage et qui n’est pas nécessairement adapté à tous les usages. Pour ma part, je le conseille pour des usages gravel, XC/marathon et all-mountain. On peut aussi les utiliser en e-bike, notamment en e-bike light où ils peuvent avoir du sens, mais en DH et Enduro, ils présentent moins de valeur ajoutée. »

Dans tous les cas, on se positionne sur des montages haut de gamme, car ces rayons ont un coût : « On parle d’un supplément de 200€ par roue – 400€ la paire – pour les rayons mais aussi et surtout pour la main d’œuvre car leur usage complexifie fortement le travail du monteur. Le gros souci est que ces rayons ont un diamètre plus important que des rayons en acier. Sur des moyeux pour rayons coudés en J, il faut agrandir les trous et on perd la garantie. Je ne le fais donc que sur des moyeux ayant déjà servi et je privilégie l’usage de moyeux « straight pull », pour rayons droits. Là, il ne faut pas modifier les trous de rayons, mais il faut pousser les cordes avec un outil spécial et cela prend énormément de temps. La mise en tension est aussi beaucoup plus délicate, il faut laisser reposer la roue, la retravailler. Au total, cela représente 10 à 12h de travail pour une paire de roues. C’est énorme et tous les monteurs ne sont pas prêts à le faire. »

Heureusement, de ce côté, des solutions sont en train d’être développées, avec des moyeux spécifiques dotés non pas de trous, mais de « crochets » dans lesquels la boucle se trouvant à une des extrémités du rayon vient directement s’insérer.

« Le gain de temps est énorme avec ce nouveau type de design des flasques du moyeu. Le temps de mise en place des rayons est similaire, voire inférieur à celui de rayons classiques en acier. On va donc pouvoir diminuer fortement le surcoût de ce type de rayons. Berd propose déjà ce genre de moyeux depuis peu, mais le choix était réduit. Heureusement, d’autres modèles arrivent, notamment chez les belges d’Erase. Je leur en ai parlé il y a quelques mois, ils ont vu qu’il y avait de la demande et ils ont été réactifs. J’ai reçu les premiers protos, et cela va arriver en production d’ici très peu de temps. »

Avant de voir si le jeu en vaut réellement la chandelle sur le terrain, il est important aussi de parler des autres composants qui ont été choisis par François Feyt pour constituer la paire de roues d’exception qui a servi de base à ce test.

Moyeux et jantes, une question d’alchimie

Pour le montage de cette paire de roues de test, François Feyt a opté pour des jantes Duke Lucky jack SLS3 (les SLS4 ont fait leur apparition depuis, mais elles sont à peine plus légères) vu le programme XC/marathon prévu. Leur largeur est différenciée (30,5mm à l’avant et 28mm à l’arrière) pour offrir le meilleur grip devant et gratter quelques grammes derrière. Le poids est annoncé à 310g pour l’avant et 300g pour l’arrière.

« Ce sont des jantes que j’aime beaucoup pour leur rapport poids/solidité. Elles sont aussi très au point au niveau de la forme et du comportement avec en prime une excellente tenue du pneu même à basse pression. Elles offrent une vraie capacité d’absorption des vibrations avec leur faible hauteur et vu les fibres utilisées, tout en restant assez rigides. Elles se marient donc bien avec les rayons Berd, que je n’utiliserais pas avec des jantes alu par exemple. Elles vont moins bien résister à la fatigue liée à l’usage de rayons plus « souples » et le comportement de l’ensemble sera moins harmonieux, » ajoute François Feyt. Qui propose également des jantes Light Bicycle provenant directement de Chine pour des montages à prix contenu. « Ce n’est pas aussi poussé que les Duke en conception, mais c’est une belle alternative plus accessible tout en restant fiable et très correctement réalisée. » 

Pour ce qui est des moyeux, notre monteur a proposé de se tourner vers le petit fabricant italien Carbon Ti. « Pour moi, c’est un très bon produit au niveau du rapport poids/fiabilité. On est sur quelque chose de très léger et de pointu, plus exotique que du DT Swiss pour se marier à la philosophie exclusive d’une paire de roues en rayons Berd, mais on reste sur quelque chose de solide et durable, pas comme d’autres marques qui vont trop loin. Par exemple, on a une roue-libre de type « ratchet » en titane très bien réalisée. »

La seule éventuelle petite faiblesse de ces moyeux pourrait venir de leurs roulements, pensés plus pour offrir le moins de frottements possible que pour viser la meilleure étanchéité. Mais tout l’intérêt de travailler avec un monteur de roues réside dans le dialogue que vous allez avoir avec lui au moment de la commande. Ce qui va lui permettre, au-delà de l’assemblage des roues en lui-même, de vous conseiller aussi sur d’autres aspects. C’est ainsi que François nous a proposé de remplacer les roulements d’origine par des SKF MTRX qui ont la particularité d’être remplis d’un polymère imbibé de lubrifiant qui ne laisse aucune place à l’eau et aux saletés pour s’infiltrer entre les billes. « Il y a un léger frottement à l’amorce de la rotation, quand on met la roue en mouvement, mais ensuite les tests démontrent qu’il n’y a plus de différence en frottement quand on roule et que la roue tourne. Ce sont des roulements très haut de gamme, que je conseille souvent à mes clients belges, bretons et du Nord en général, là où il y a pas mal de boue. »

Au final, notre paire de roues revient à 2345 € tout compris. Un tarif très élevé justifié par le côté exclusif de chaque composant sélectionné, qui permet d’obtenir au final une paire de roues très cohérente et parfaitement roulable au poids de… 1135g ! Un score qui était à peine imaginable il y a quelques années encore, mais qui est aujourd’hui une réalité atteignable presque sans concession, si ce n’est au niveau du prix. Notez toutefois qu’avec les nouveaux moyeux Erase spécifiques pour rayons Berd, TopWheels propose désormais une paire de roues à rayons polymères et jantes carbone Light Bicycle XC930 (30mm de largeur, 290g) à partir de 1535€, ce qui est tout à fait comparable à d’autres modèles carbone beaucoup plus classiques.

 

TopWheels – Berd : le test terrain

Ces roues TopWheels Berd sont clairement un produit qui attire le regard. Sans être aussi démonstratives que des Syncros Silverton SL ou des Bike Ahead 100% carbone, elles affichent fièrement leur différence avec des rayons plus épais que la moyenne. Pour ceux qui veulent jouer la carte bling-bling, ils sont disponibles en blanc et dans plusieurs couleurs, mais nous avons apprécié ici d’avoir les modèles noirs, plus sobres et qui ne risquent pas de se salir et de perdre de leur éclat au fil du temps en usage VTT. La finition est parfaite, et on sent aussi d’emblée un montage de qualité avec des tensions de rayons à la fois élevées et homogènes. On sent que le monteur a passé le temps nécessaire pour obtenir un résultat parfait.

La première chose qui se ressent quand on les monte sur un vélo, c’est l’explosivité et le surcroît de dynamisme qu’elles apportent. Nous les avons montées sur plusieurs vélos XC haut de gamme, Spark RC, Specilized Epic Evo, Trek Supercaliber et Santa Cruz Blur et, à chaque fois, on a senti l’incroyable légèreté et le côté « arbalète » dans les relances que procurent les roues TopWheels. Pourtant, tous ces vélos étaient déjà équipés à la base de roues haut de gamme, voire très haut de gamme. C’est donc encore plus dur de faire la différence par rapport à des produits déjà très bons et très aboutis, mais ici le pari est gagné.

Là, on rentre clairement dans un autre univers, celui des roues d’exception. Bien sûr, ce n’est pas le jour et la nuit, mais on sent qu’on est allé chercher les derniers grammes, les derniers pourcents qui séparent un très bon produit d’un produit exceptionnel. Pour comparer avec la gastronomie, c’est comme passer d’un restaurant une ou deux étoiles à un trois étoiles. Même sans être dans une forme olympique, on sent que ces roues apportent un réel surcroît de répondant et de dynamisme au pédalage à toutes les machines sur lesquelles nous les avons montées. Nous avons déjà essayé un certain nombre de très bonnes roues carbone, mais ici ce sont clairement les plus performantes que nous ayons testées à ce jour !

Ce résultat au niveau des performances pures n’est pas à mettre uniquement à l’actif des rayons Berd. La qualité du montage et le choix des composants opéré par TopWheels sont remarquables, mais on sent en effet que les rayons apportent un petit plus, un côté « arbalète », un retour d’énergie, que nous n’avons jamais ressenti à ce point sur des roues équipées de rayons en acier.

L’autre point où les rayons Berd se distinguent, c’est au niveau du côté tolérant des roues, qu’on peut presque qualifier de confortables. Nous connaissons bien les jantes Duke, qui offrent déjà en elles-mêmes de bonnes facultés d’absorption des vibrations. Et, ici, les rayons viennent prolonger ce travail pour offrir des roues réellement faciles, venant apaiser, calmer les vélos les plus turbulents et les plus pensés pour la course (on pense au Trek Supercaliber) ou se mettre parfaitement au diapason de vélos déjà beaucoup plus stables en descente et dans les portions chaotiques comme le Scott Spark RC ou le Santa Cruz Blur.

Le gros avantage, c’est que cela ne se fait absolument pas du tout au détriment de la précision dans les appuis et dans les changements de direction. Les roues restent d’une précision diabolique et, combiné avec leur grande faculté à encaisser les impacts, elles permettent de garder des trajectoires taillées au cordeau, même sur les terrains les plus accidentés.

Reste la question de la fiabilité et de la solidité. Et, là non plus, ces roues TopWheels ne nous ont pas déçus. Nous les avons testées pendant près de 9 mois sur des terrains très variés, y compris sur des tracés XC très cassants et même sur les trail centers belges où les vélos de XC contemporains permettent de bien s’amuser. Et, au final, nos roues n’ont pas bougé d’un millimètre.

Les rayons plus spécifiquement, pouvaient poser question, mais ils se sont montrés d’une grande solidité. Pour l’anecdote, un pied photo s’est retrouvé coincé dans la roue arrière et emporté par les rayons lors d’une séance photo. La roue est intacte… mais on ne peut pas en dire autant du pied en alu qui a été complètement plié dans l’aventure ! Nous avons aussi été très attentif à tout éventuel effilochage des rayons, mais nous n’avons rien noté d’inquiétant à ce niveau. Bref, on est bien sur un produit exclusif, mais absolument pas sur des roues de salon fragiles et qu’on n’ose pas sortir. Ce qui participe aussi au plaisir d’avoir ces roues, puisqu’on peut les utiliser et en profiter tout le temps, sans la moindre arrière-pensée.

Verdict

Rayons Berd, moyeux Carbon Ti, jantes Duke : TopWheels nous a concocté un cocktail absolument enivrant pour cet essai. Difficile d’isoler un seul élément, mais clairement, les rayons Berd nous semblent faire la différence entre de très bonnes roues et des roues d’exception. Bien sûr, il faut qu’ils soient parfaitement mis en œuvre, ce qui est le cas ici. Comme toujours avec l’exception, c’est aller chercher les derniers petits pourcents qui permettent de se rapprocher de la perfection, ce qui demande du temps et ce qui a un coût. Mais ici, le résultat est à la hauteur des attentes et vient confirmer non seulement la qualité des composants sélectionnés, mais aussi le travail d’un monteur passionné et convaincu par ses produits comme TopWheels. Au final, il s’agit tout simplement à ce jour de la paire de roues la plus aboutie que nous ayons eu la chance de tester. On en oublierait presque le prix, mais on se réjouit déjà de l’arrivée de moyeux spécifiques qui vont considérablement faciliter le montage et faire baisser les coûts. 

Plus d’infos :
https://topwheels.fr/
https://berdspokes.com/

ParOlivier Béart