Test | Superior XP 979 : quand l’habit fait le moine

Par Léo Kervran -

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Test | Superior XP 979 : quand l’habit fait le moine

Superior, vous connaissez ? Fondée en 1993 dans la toute jeune République Tchèque, cette marque spécialiste du XC fête cette année ses 30 ans. En Europe, elle fut l’une des premières à se lancer dans l’aventure du 29″ en sortant un modèle dans cette taille de roue dès 2004. Peu présente dans nos contrées au départ, elle s’y développe de plus en plus depuis quelques années et à cette occasion nous avons pu tester le XP 979, son semi-rigide carbone milieu de gamme :

La marque de fabrique de Superior, c’est la compétition. Malgré sa taille modeste face aux mastodontes du segment, la firme tchèque a toujours été présente sur les lignes de départ autour du monde, allant jusqu’à prendre part à trois olympiades (Rio en 2016 pour la dernière en date). En France, elle est présente sur le circuit national depuis plusieurs saisons tandis qu’en coupe du monde, elle a équipé l’équipe de Bart Brentjens au milieu des années 2010 et est désormais représentée par le jb Brunex Superior Factory Racing de Ramona Forchini, 3e à Vallnord et 10e à Val di Sole en 2022.

Ça, c’est pour le décor. Si elle est encore peu connue chez nous, la marque devrait donc savoir de quoi elle parle en XC. Comme tout bon fabriquant de vélo moderne, Superior propose un tout-suspendu et un semi-rigide pour la discipline, et bien que le premier coche toutes les cases du vélo de XC contemporain (tige de selle télescopique, fourche en 110 mm, angle de direction à 68°…), c’est le deuxième qui nous intéresse aujourd’hui.

Si le tout-suspendu est maintenant presque indétrônable à partir d’un certain niveau (bon, quelques pilotes trouveront toujours le moyen de nous faire mentir à l’image de Pauline Ferrand-Prévot lors des derniers championnats du monde), le semi-rigide reste un incontournable pour beaucoup, en compétition et ailleurs. Budget plus réduit ou terrain de jeu très roulant, le petit vélo léger sans suspension arrière a encore quelques arguments à faire valoir. Et pour être cohérent, ce n’est pas le modèle le plus exclusif que la marque a mis à notre disposition mais un montage de milieu de gamme, équipé de composants déjà performants et reconnus mais encore loin de ce qui se fait de mieux afin de contrôler un minimum son tarif.

Châssis

Côté cadre, le XP 979 est très classique. Superior évoque un carbone « Mid Modulus » par opposition au « High Modulus » utilisé sur le modèle le plus haut de gamme, sans donner plus de précision. On imagine qu’il s’agit des différences habituelles qu’on retrouve dans la fabrication des feuilles de carbone, avec plus ou moins de résine et des fibres plus ou moins haut de gamme pour offrir différents niveaux de performance… et de prix. Le carbone utilisé sur nos vélos n’est pas un matériau en tant que tel, il s’agit toujours d’un « sandwich » avec de la résine pour faire tenir les fibres entre elles et suivant ce qu’on met dans ce sandwich ainsi que la forme qu’on lui donne, les caractéristiques physiques et le comportement sur le terrain peuvent changer du tout au tout.

Les formes sont simples mais agréables, les lignes tendues renvoient une impression de sportivité en accord avec le programme sans en faire trop. Comme de coutume, les haubans sont fins et aplatis (c’est également le cas pour les bases) et on note que Superior n’a pas suivi la tendance des haubans abaissés comme on peut les voir chez Cannondale ou Scott. Le tube supérieur s’affine également en se rapprochant du tube de selle, une solution bien connue pour essayer d’apporter un peu de confort sur ce genre de cadre.

Les gaines et Durits passent bien sûr en interne, via la douille de direction plutôt que par le jeu de direction, ce qu’on apprécie. Fourni par Acros, ce jeu de direction est en revanche équipé du système de butées Blocklock qui permet d’éviter que les commandes aillent heurter le tube supérieur en cas de chute. Il offre 150° de liberté, soit plus que nécessaire pour jouer sur des petits obstacles trialisants et aller négocier jusqu’aux épingles les plus serrées.

Enfin, on retiendra que le boîtier de pédalier est au format pressfit (PF92) et que l’étrier de frein arrière n’est pas en Posmount mais en Flatmount, ce standard né sur les cadres de route et qui permet de se passer d’inserts filetés dans le cadre (les vis pincent le cadre et le filetage est directement dans l’étrier).

Géométrie

69° d’angle de direction, 428 mm de reach en taille M et des bases de 432 mm : comme pour la construction du cadre, le Superior XP 979 est très classique dans sa géométrie. Trop ? Sur le papier on aurait en effet aimé avoir au moins un angle de direction un peu plus couché (l’essentiel de la concurrence se situe maintenant vers 68° voire en dessous pour certains). Les géométries ont beaucoup évolué dans le XC ces dernières années pour rendre ces vélos plus à l’aise dans le technique et si des cotes comme celles du XP 979 restent tout à fait roulables, on trouve un peu dommage que la marque n’ait pas osé pousser les choses plus loin.

A noter également, un écart important entre la taille M et la taille L : le reach augmente de 40 mm et la potence s’allonge de 20 mm dans le même temps alors qu’on a déjà une tige de selle à déport. Si vous êtes entre ces deux tailles comme c’était notre cas, on vous conseille plutôt de partir sur un L car le M est assez court, mais il faudra prévoir quelques changements de composants d’entrée pour adapter la position.

Equipements

On parlait plus haut de milieu de gamme pour décrire le positionnement du XP 979, et si c’est effectivement là où le place son tarif de 3199 €, la fiche technique laisse apparaître quelques surprises quand on s’y intéresse de plus près. Le montage oscille entre des composants excellents à certains postes et d’autres plus décevants ailleurs (au vu du prix demandé bien sûr), et il peut apparaître assez déséquilibré à certains égards. Notez que nous avons essayé le modèle 2023, dont l’équipement diffère légèrement du 2022 encore présenté sur le site de la marque.

Ainsi, c’est DT Swiss qui s’occupe de la partie suspension du vélo avec sa fourche F232 One, un modèle qui n’a rien à envier aux RockShox SID Ultimate et Fox 32 SC/34 SC Factory. Elle est ici en version 100 mm de débattement (elle existe aussi en 110 et 120 mm) avec blocage 3 positions au guidon et son comportement nous a séduits en tous points, avec une très belle onctuosité sur les premiers centimètres qui ne se fait pas au détriment de la fin de course.

Toujours dans la catégorie des postes bien pourvus, on a droit à une paire de freins Shimano Deore XT. Certes, les disques (180/160 mm) sont des SLX mais on a déjà vu des marques faire la même chose sur des modèles deux fois plus cher donc à ce niveau, c’est un peu moins dérangeant.

En transmission, c’est toujours Shimano mais il y a de tout : le pédalier 34 dents et le dérailleur sont de la gamme Deore XT, la commande et la cassette (10-51) sont des SLX et la chaîne est une Deore. D’un point de vue performance pure, une commande Deore XT et un dérailleur SLX seraient plus intéressants à nos yeux mais on n’est pas surpris pour autant de ce montage, un dérailleur haut de gamme est plus visible et flatteur qu’une commande.

Le train roulant est sûrement le poste le plus décevant du vélo : une paire de roues DT Swiss X1900 (1864 g d’après la marque) et des pneus Schwalbe Racing Ralph/Racing Ray Performance, au dessin identique aux modèles de la gamme Evolution mais avec une gomme et une carcasse un ton en dessous. Des roues fiables mais lourdes, des pneus rudimentaires, c’est dommage à ce tarif, qui plus est pour du XC. Économiser un peu plus sur la fourche et les freins (avec du SLX par exemple) pour renforcer le train roulant aurait peut-être été plus intéressant.

Enfin, la plupart des périphériques sont siglés One1 : une tige de selle en carbone avec déport de 20 mm, un cintre de 760 mm, une potence -7° et des poignées lock-on, sûrement un peu lourdes pour celles et ceux qui chassent le moindre gramme mais de belle facture et très confortables.

En parlant de poids, nous avons pesé notre modèle en taille L à 11 kg tout juste sans pédales ni porte-bidon. Il y a clairement de la place pour améliorer ce score et les postes à revoir sont facilement identifiables mais c’est au niveau de ce que propose les grandes marques dans cette zone de prix, ni mieux ni moins bien.

Versions et tarifs

A 3199 €, ce XP 979 représente le sommet de la gamme « Race » qui compte 6 modèles en tout, en aluminium ou en carbone selon le tarif (à partir de 1299 € pou le XP 909). Au-delà de cette famille, Superior compte deux autres modèles de semi-rigide dans son catalogue : l’accessible XC en gamme « Sport » (699 – 1099 €) et le haut de gamme Team 29 Elite en gamme « Team » (3599 €).

Le Superior XP 979 sur le terrain

Très honnêtement, on a dû se creuser un peu la tête pour trouver des choses à dire sur ce XP 979. Si on le compare aux derniers semi-rigides passés entre nos mains, il n’est pas comme le Rockrider 740, une belle surprise compte tenu de son tarif mais bridé par ses composants. Il n’est pas non plus comme le Scott Scale RC SL, une machine extrêmement exclusive mais malgré cela pas sans défauts.

Non, ce Superior XP 979 c’est la définition même du premier semi-rigide de compétition tel qu’on l’imagine, un vélo très neutre et simple qui ne réserve aucune surprise. Au pédalage, les relances sont convenables. Le vélo accompagne bien le pilote sans être un poids mort mais il ne brille pas non plus par son dynamisme, il faudra aller regarder du côté du Team 29 Elite ou au moins changer les roues pour ça.

Cette inertie du train roulant a tout de même un avantage, celui de rendre le vélo très agréable sur terrain plus ou moins plat et très roulant. Dans cette configuration le XP 979 avale les kilomètres sans effort, comme un véritable rouleur au long cours. L’adhérence dans les passages techniques et le confort sont ceux d’un semi-rigide moyen de gamme en carbone, il existe plus abouti dans ces deux domaines mais on est tout de même bien mieux que sur un modèle équivalent en aluminium. Il est aussi possible d’améliorer cela en montant des jantes un peu plus larges (les DT Swiss X1900 sont en 25 mm) et des pneus plus haut de gamme, avec une carcasse souple et un gros volume (2,3″ voire 2,4″ au lieu du 2,25″ d’origine).

En descente, le train arrière reste relativement sage mais l’angle de direction droit pour les standards actuels et l’absence de tige de selle télescopique obligent à faire preuve d’un peu de retenue. Sur le Scott Scale RC nous regrettions l’absence de tige de selle télescopique car sa géométrie est très joueuse et invite à rouler toujours plus fort, ici ce serait plus un élément de sécurité pour ne pas avoir peur de partir en soleil sur certains gros franchissements abordés à pleine vitesse. Dommage, car la fourche DT Swiss offre des performances de premier plan tant en termes de châssis que d’amortissement et on pourrait la pousser plus loin sans mal.

Dans les virages, le choix de pneus d’entrée de gamme se fait aussi sentir. En montée comme en descente on a parfois du mal à tenir une ligne, alors que ce combo Racing Ralph / Racing Ray nous plaît habituellement beaucoup et nous a déjà surpris par sa polyvalence. Les versions plus haut de gamme avec d’autres gommes et carcasses n’étant pas plus lourdes, il y avait certainement mieux à faire. Comme la fourche, les freins sont heureusement au rendez-vous et permettent de rattraper les choses rapidement si nécessaire.

Verdict

On l’évoquait un peu plus haut, ce Superior XP 979 est la quintessence du semi-rigide milieu de gamme en carbone. Un vélo simple, sans surprise, qui se fait oublier, et s’il ne brille pas dans un domaine en particulier il ne fait rien de vraiment mal non plus. On peut trouver à redire sur certains choix d’équipement ou des équilibrages un peu étranges sur le papier mais le train roulant est très souvent le parent pauvre sur ce genre de vélo toutes marques confondues et ce n’est donc guère une surprise. Reste que dans cette tranche de tarif la concurrence est rude et ce Superior XP 979 manque d’un argument qui le distinguerait réellement des autres.

Plus d’informations : superiorbikes.com

ParLéo Kervran